Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 15 juin 2017, 16-16.906, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 8 février 2016), que, le 25 février 2011, M. et Mme X... ont conclu avec la société Almudever fabrique d'architecture (la société Almudever) un contrat de maîtrise d'oeuvre stipulant que la résiliation à l'initiative de l'architecte ne pouvait intervenir que pour des motifs justes et raisonnables, tels que la perte de confiance manifestée par le maître de l'ouvrage et la violation par ce dernier d'une ou plusieurs clauses du contrat, et prévoyant, en cas de résiliation à l'initiative de l'architecte, que celui-ci aurait droit au paiement des honoraires et intérêts moratoires liquidés au jour de cette résiliation et que, lorsque la résiliation serait justifiée par le comportement fautif du maître de l'ouvrage, il aurait en outre droit au paiement d'une indemnité égale à 20 % de la partie des honoraires qui lui auraient été versés si sa mission n'avait pas été prématurément interrompue ; que, par lettre du 18 avril 2011, la société Almudever a informé M. et Mme X... de son intention de résilier le contrat d'architecture au double motif qu'elle n'était plus assurée de leur confiance et qu'ils n'avaient pas réglé la facture d'honoraires n° 3 établie plusieurs mois auparavant ; que la société Almudever a assigné M. et Mme X... en paiement de prestations et de dommages intérêts ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation ;

Attendu que, pour condamner M. et Mme X... à payer certaines sommes à la société Almuveder, l'arrêt retient que le règlement de la facture n° 3, émise le 13 janvier 2011, n'était pas exigible avant la signature du contrat de maîtrise d'oeuvre en date du 25 février 2011 qui en constituait la cause et que, dans ces conditions, l'assignation du 6 février 2013 est intervenue dans le délai de deux ans, en sorte que la prescription invoquée n'est pas acquise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en paiement avait été introduite plus de deux ans après l'établissement de la facture, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu que, pour condamner M. et Mme X... à payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que M. et Mme X... se sont reconnus redevables de la facture d'honoraires impayés n° 4 et ont succombé en leur demande reconventionnelle ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas caractériser la faute de M. et Mme X... de nature à faire dégénérer en abus leur droit d'ester en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 février 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Almuveder aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. Gonzague X..., Mme Sophie X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné M. et Mme X... au paiement à la SARL Almudever des sommes de 35. 657, 20 euros en raison des conditions de résiliation du contrat d'architecture, assortie des intérêts au taux légal majoré (selon les stipulations contractuelles) à compter de la date de la présente décision jusqu'à règlement effectif ;

Aux motifs que « l'article L. 137-2 du code de la consommation, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, dispose que « l'action des professionnels, pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans » ; que le point de départ du délai de prescription se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée ; que le contrat de maîtrise d'oeuvre porte la signature des époux X..., qui ont également contracté en leurs noms personnels des emprunts destinés au financement de l'acquisition et de la rénovation des locaux concernés, et que rien ne révèle qu'ils auraient alors agi en qualité de professionnels non visés par les dispositions du texte précité ; que la circonstance que le contrat prévoyait la possibilité de créer dans ces locaux un bureau permettant à la SARL X... DÉVELOPPEMENT, agence immobilière, d'avoir un établissement secondaire à Toulouse n'est pas en elle-même de nature à conférer aux époux X... la qualité de professionnels les excluant du champ d'application de ce texte ; qu'en conséquence, la facture n° 3 dont la SARL Almudever FABRIQUE réclame le paiement est soumise à prescription biennale édictée par l'article L. 137-2 du code de la consommation ; que cependant, le règlement de cette facture émise le 13 janvier 2011 n'était pas exigible avant la signature du contrat de maîtrise d'oeuvre en date du 25 février 2011 qui en constituait la cause ; que, dans ces conditions, l'assignation du 6 février 2013 est bien intervenue dans le délai de deux ans en sorte que la prescription invoquée n'est pas acquise » (arrêt p. 3-4) ;

1°) Alors que le point de départ du délai de prescription biennale de l'action en paiement d'une facture adressée par un professionnel pour les biens et services qu'il fournit à un consommateur se situe au jour de l'établissement de la facture ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la facture n° 3, dont la SARL Almudever demandait paiement aux époux X... avait été émise le 13 janvier 2011 et que la SARL Almudever avait introduit son action en paiement par assignation du 6 février2013 ; qu'en retenant que la prescription biennale n'était pas acquise, cependant qu'il ressortait de ses constatations que l'action en paiement introduite par la SARL Almudever l'avait été plus de deux ans après l'établissement de la facture litigieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 137-2 du code de la consommation ;

2°) Alors que l'écrit n'est pas une condition de validité du contrat d'architecte ; qu'ainsi, dès lors qu'il réalise des prestations avec l'accord préalable du maître de l'ouvrage, l'architecte en réclame le paiement, quand bien même les relations contractuelles n'auraient pas encore été formalisées par écrit ; qu'en l'espèce, il était constant que la facture n° 3 en date du 13 janvier 2011 portait sur des prestations effectuées par la SARL Almudever avec l'accord préalable des époux X... ; qu'en retenant néanmoins, pour différer le point de départ du délai de prescription, que cette facture n'aurait pas été exigible avant la signature du contrat de maîtrise d'oeuvre, la cour d'appel, qui a subordonné le droit de l'architecte au paiement de ses prestations à la signature d'un contrat écrit, a violé les articles 1101 et 1134 du code civil, ensemble l'article L. 137-2 du code de la consommation ;

3°) Alors que la cause de l'obligation d'une partie à un contrat réside dans l'objet de l'obligation de l'autre ; qu'en l'espèce, il était constant que la facture n° 3 en date du 13 janvier 2011 portait sur des prestations qui avaient été réalisées par la SARL Almudever ; que pour considérer que le délai de prescription de l'action tendant au paiement de cette facture n'avait commencé à courir que le 25 février 2011, date de la signature du contrat de maîtrise d'oeuvre, la cour d'appel a retenu que ce contrat écrit « en constituait la cause » ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que la cause de l'obligation des époux X... de s'acquitter du règlement de cette facture ne résidait pas dans la signature du contrat mais dans les prestations sur lesquelles portait cette facture, dont il n'était pas discuté qu'elles avaient été effectuées, la cour d'appel a violé les articles 1108, 1131, et 1134 du code civil, ensemble l'article L. 137-2 du code de la consommation.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les époux X... à verser à la SARL Almudever une somme de 2. 000 € à titre de dommages-intérêts ;

Aux motifs que « les époux X... s'étant reconnus redevables de la facture d'honoraires impayées n° 4, et ayant succombé en leur demande reconventionnelle, la SARL Almudever FABRIQUE est fondée à réclamer des dommages et intérêts pour résistance abusive que la cour fixera à la somme de 2. 000 euros (arrêt p. 5) ;

Alors que la résistance abusive suppose la caractérisation d'une faute de nature à faire dégénérer en abus le droit de se défendre en justice ; qu'en l'espèce, les exposants, qui ne contestaient pas être débiteurs envers la SARL Almudever de la facture n° 4, avaient formé une demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour manquement de l'architecte à ses obligations contractuelles au titre du dépassement de l'enveloppe globale prévisionnelle et avaient demandé que soit prononcée la compensation judiciaire entre les créances des parties ; que pour condamner les exposants au paiement de la somme de 2. 000 euros pour résistance abusive, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'ils s'étaient reconnus redevables de la facture n° 4 et avaient succombé dans leur demande reconventionnelle ; qu'en se déterminant ainsi, sans relever aucune circonstance de nature à rendre abusive la demande reconventionnelle formée par les exposants, dont le résultat, si elle aboutissait, visait à opposer compensation à la demande en paiement de la société, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à caractériser un abus des exposants dans l'exercice de leur droit de se défendre en justice, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2017:C300700
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