Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2017, 16-10.156, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu l'article L. 1226-2 du code du travail, en sa rédaction alors applicable, et l'article L. 1232-6 du même code ;

Attendu que ne constitue pas l'énoncé d'un motif précis de licenciement l'inaptitude physique du salarié, sans mention de l'impossibilité de reclassement ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Les Serres du Galion (la société) en qualité d'ouvrier spécialisé chef d'équipe ; qu'à l'issue de deux examens médicaux des 2 et 20 octobre 2009, elle a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail ; qu'elle a été licenciée le 18 novembre 2009 ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes d'indemnités et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que la mention de l'inaptitude au poste, dans la lettre de licenciement, constitue un motif suffisamment clair et précis pouvant justifier le licenciement, que la société est une entreprise agricole, que compte tenu de la spécificité des fonctions de la salariée qui occupe un poste d'ouvrier agricole chef d'équipe, et de la taille de l'entreprise, l'employeur est fondé à soutenir que le reclassement de l'intéressée au sein de l'entreprise est impossible, aucune activité de production agricole ne lui étant accessible en raison de son état de santé ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement ne visait que l'inaptitude de la salariée sans mention de l'impossibilité de reclassement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation prononcée du chef de dispositif déboutant la salariée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entraîne par voie de dépendance la cassation du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il ordonne la remise d'une attestation Pôle emploi régulière, l'arrêt rendu le 9 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne la société Les Serres du Galion aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de cette société et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme X... de ses demandes dirigées contre la société Les Serres du Galion ;

Aux motifs que « contrairement à ce que soutient Mme X..., la mention de l'inaptitude au poste, dans la lettre de licenciement, constitue un motif suffisamment clair et précis pouvant justifier le licenciement ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société Les Serres du Galion est une entreprise agricole de production de laitues, concombres et tomates, cette activité exigeant des stations debout et accroupi pour l'entretien et la récupération de la production ; que compte tenu de l'activité de l'entreprise, de la spécificité des fonctions de Mme X... qui occupe un poste d'" ouvrier agricole chef d'équipe ", et de la taille de l'entreprise, l'employeur est fondé à soutenir que le reclassement de l'intéressée au sein de l'entreprise est impossible, aucune activité de production agricole ne lui étant accessible en raison de son état de santé ; qu'en conséquence il y a lieu de considérer que son licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'elle sera déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive et d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

Alors 1°) que la lettre de licenciement doit mentionner son motif précis et matériellement vérifiable ; que la lettre de licenciement qui vise l'inaptitude physique du salarié sans mention de l'impossibilité de reclassement ne constitue pas l'énoncé d'un motif suffisant ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1226-1 du code du travail ;

Alors 2°) que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ; que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; que l'obligation de reclassement s'impose à toute entreprise dont le licenciement du salarié déclaré définitivement inapte à son poste de travail est envisagé, quelle que soit sa taille et la nature de son activité ou la spécificité de l'emploi du salarié concerné ; qu'en jugeant que la société Les Serres du Galion aurait été dans l'impossibilité de reclasser Mme X... en se fondant sur les circonstances inopérantes relatives à la taille, à la nature de l'activité de l'entreprise et à la spécificité de l'emploi de la salariée, sans avoir recherché si l'employeur avait, par des mesures concrètes et précises, après avoir sollicité l'avis du médecin du travail, recherché toutes les possibilités de reclassement de la salariée inapte à son poste, au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-2 du code du travail ;

Alors 3°) que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l'employeur de son obligation de reclassement ; qu'en l'absence de recours, exercé devant l'inspecteur du travail, contre les avis du médecin du travail, ceux-ci s'imposent au juge ; qu'en affirmant que tous les emplois dans l'entreprise de production agricole Les Serres du Galion auraient nécessairement impliqué des stations debout et accroupies qui auraient été incompatibles avec l'état de santé de Mme X..., quand le médecin du travail, dans son avis du 20 février 2009, l'avait déclarée définitivement inapte uniquement à son poste de travail mais pas à d'autres postes disponibles dans l'entreprise, la cour d'appel, qui a substitué son appréciation de l'état de santé de Mme X... à celle du médecin du travail, a violé l'article L. 4624-1 du code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2017:SO00904
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