Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 mai 2017, 16-10.045, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 novembre 2015), que Mme X..., qui avait été engagée le 12 mars 1990 par la société Walon France en qualité de secrétaire sténo-dactylo bilingue et exerçait en dernier lieu les fonctions d'assistante commerciale, a été licenciée pour motif économique le 14 juin 2012 après avoir adhéré le 31 mai 2012 à un contrat de sécurisation professionnelle ; que le 20 juillet 2012, elle a saisi la juridiction prud'homale en contestant ce licenciement ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de constater l'absence de motif économique de la rupture du contrat de travail le liant à la salariée, de dire sans cause le contrat de sécurisation professionnelle formalisé le 31 mai 2012, de dire que la rupture du contrat de travail de la salariée s'analyse en un licenciement nul et de le condamner à lui verser diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de la répartition des tâches accomplies par le salarié licencié entre les salariés demeurés dans l'entreprise constitue une suppression d'emploi ; qu'en l'espèce, la société Walon France offrait de justifier de la suppression du poste occupé par Mme X... en produisant les contrats de travail de salariés présents dans l'entreprise avant le licenciement de cette dernière ; qu'après avoir relevé que les difficultés économiques de l'entreprise étaient établies, la cour d'appel a jugé que la rupture du contrat de travail de Mme X... ne reposait pas sur motif économique du seul fait que le personnel de la société Walon France « s'est vu charger d'une part importante des attributions de Mme Nadine X... telles qu'elles résultent de sa fiche de poste » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que les tâches avaient été intégrées aux emplois occupés par des salariés demeurés dans l'entreprise, ce dont elle aurait dû déduire que celui de Mme X... avait été supprimé, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail par fausse application ;

2°/ qu'en application de l'article L. 1233-3 du code du travail, la suppression d'un emploi s'entend soit par suite d'une destruction pure et simple, soit par suite d'une dénaturation équivalant à une disparition ; en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le poste d'assistante commerciale de l'établissement de Meux occupé par Mme X... « ne figure plus à l'organigramme et n'a pas fait l'objet d'un recrutement » ; que pour juger néanmoins que la suppression du poste de Mme X... n'avait pas été réelle, la cour d'appel a relevé que des salariés occupant des postes d'« employé administratif polyvalent » et un salarié recruté en qualité de « dispacher » avaient été chargés « d'une part importante des attributions de Mme Nadine X... » ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'emploi d'assistante commerciale de l'établissement de Meux occupé par Mme X... avait disparu, la cour d'appel a de plus fort violé l'article L. 1233-3 du code du travail par fausse application ;

3°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour juger que la suppression de l'emploi de Mme X... n'avait pas été réelle, la cour d'appel a retenu que M. Y..., embauché par la société Walon France le 18 juin 2012 en qualité de « dispacher » (assistant gestionnaire exploitation transport), « s'est vu charger », avec d'autres salariés de l'entreprise, « d'une part importante des attributions de Mme Nadine X... telles qu'elles résultent de sa fiche de poste » ; qu'en l'espèce, Mme X... ne se prévalait nullement de ce recrutement dans ses écritures, dont la cour d'appel a constaté qu'elles avaient été reprises oralement à l'audience ; qu'en se fondant sur l'emploi de « dispacher » occupé par M. Y..., sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;

4°/ qu'il n'était pas contesté que le poste de « dispacher » occupé par M. Y... était précisément celui qui avait antérieurement été proposé à Mme X... à titre de reclassement et qu'elle avait refusé ; qu'il en résultait nécessairement que l'emploi supprimé de Mme X... et l'emploi sur lequel a été recruté M. Y... étaient distincts ; qu'en se fondant sur l'emploi de « dispacher » occupé par M. Y..., sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a de plus fort violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;

5°/ que l'absence de suppression de poste exigée par l'article L. 1233-3 du code du travail, si elle prive de cause réelle et sérieuse le licenciement en application de l'article L. 1233-2 du même code, ne saurait caractériser à elle seule l'existence une discrimination illicite ; que pour solliciter l'annulation de son licenciement en raison d'une discrimination fondée sur sa situation de famille, Mme X... se bornait à relever une proximité temporelle entre son licenciement et une procédure judiciaire relative à un litige commercial opposant son conjoint à la société Walon France ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé la réalité des difficultés économiques de l'entreprise ayant donné lieu à l'adoption d'un plan de sauvegarde de l'emploi le 12 avril 2012 prévoyant la suppression de cinquante-quatre postes, dont celui de Mme X... ; qu'il était constant aux débats que l'employeur avait préalablement proposé à la salariée deux postes correspondant à sa qualification, l'un en application des critères d'ordres établis par le plan de sauvegarde, l'autre à titre de reclassement, que la salariée a tous deux refusés ; que pour prononcer la nullité du licenciement de Mme X..., la cour d'appel s'est bornée à déduire de l'absence de motif économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail l'existence d'une discrimination du fait de sa situation familiale ; qu'en statuant par ces motifs insuffisants à caractériser une discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2, L. 1233-3, L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que des personnels, recrutés juste avant ou juste après le licenciement de la salariée, s'étaient vus charger d'une part importante des attributions de celle-ci, la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite d'un motif surabondant, que la réalité de la suppression de son poste, et en conséquence le motif économique de la rupture de son contrat de travail, n'étaient pas établis ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas déduit la discrimination qu'elle a retenue de l'absence de motif économique de la rupture ;

D'où il suit que le moyen, qui, en sa dernière branche, manque en fait, et en ses troisième et quatrième branches, critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen ci-après annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Walon France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Walon France à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Walon France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'absence de motif économique de la rupture du contrat de travail liant Madame Nadine X... et la société Walon France, d'AVOIR dit sans cause le contrat de sécurisation professionnelle formalisé le 31 mai 2012, dit que la rupture du contrat de travail de Madame X... s'analysait en un licenciement nul et d'AVOIR condamné la société Walon France à lui verser le solde restant dû sur les somme de 8 142, 52 euros correspondant au montant de l'indemnité compensatrice de préavis et de 814, 25 euros correspondant au montant des congés payés y afférents, après déduction des sommes déjà perçues à ce titre en vertu du contrat de sécurisation professionnelle, et une somme de 80 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

AUX MOTIFS QUE : « sur la rupture du contrat de travail Le juge est tenu de rechercher la véritable cause de la rupture du contrat de travail. En l'espèce, Mme Nadine X... soutient que le licenciement n'est pas fondé sur un motif économique réel qui n'a été invoqué que pour permettre à l'employeur de se séparer d'elle et qu'il est en réalité la double conséquence du témoignage de la salariée au soutien d'une collègue victime de harcèlement moral et de la discrimination à son égard en raison d'un conflit commercial opposant la société WALON FRANCE et le conjoint de Mme Nadine X.... La lettre de licenciement est libellée comme suit : Comme indiqué dans notre précédent courrier daté du 18 avril 2012, nous avons été contraints d'envisager votre licenciement en raison de la suppression de votre poste pour les raisons économiques suivantes : Le secteur du transport et logistique automobile est profondément affecté par le contexte économique actuel, en ce qu'il est totalement dépendant de l'activité automobile, qui se trouve particulièrement fragilisée par la crise économique que nous traversons. La situation économique sur le marché de l'automobile le 30 tant français qu'européen est pour le moins alarmante. Pour preuve, le marché anglais connaît d'importantes difficultés puisque 2011 s'est soldée par une nouvelle baisse de 4, 42 %. La chute cumulée depuis 2007est de l'ordre 19, 25 %. Le marché espagnol, quant à lui, est simplement catastrophique, étant précisé que l'année 2011 s'est soldée par une nouvelle baisse de 17, 72 %, soit une chute de 50 % depuis 2007. Or, l'activité de la société Walon France consiste précisément à exercer des prestations pour le compte de constructeurs principalement implantés sur les marchés français, anglais et espagnol. La perte de vitesse des marchés européens a nécessairement affecté de façon négative la société Walon France. En France, le secteur du transport et logistique automobile a bénéficié en 2009 et en 2010 des bienfaits des effets de la prime à la casse. Néanmoins, à ce jour, le marché subit les effets néfastes de l'arrêt de ce dispositif. En effet, même si les premiers mois de l'année 2011 ont laissé penser que le marché était stabilisé, force est de constater qu'il n'en est rien et que la situation s'est, au contraire, dégradée. D'ailleurs, nos principaux clients sur le marché français subissent à peu près tous une baisse des immatriculations. À titre d'exemple, Renault entre 2011 et janvier 2012 enregistre une baisse des immatriculations de voitures particulières de 37 % et BMW entre 2011 et janvier 2012 enregistre une baisse des immatriculations de voitures particulières de 19, 5 %. Au total en France, les immatriculations de voitures particulières ont baissé de 20, 7 % entre janvier 2011 et janvier 2012. Dans ce contexte économique morose, la société Walon France accuse des pertes considérables de l'ordre de 2 943 000 € au 31 décembre 2011, lesquelles résultent d'une baisse drastique de chiffre d'affaires de 7 614 000 € par rapport à l'année 2010. Cette baisse s'enlise depuis plusieurs années sans que la société Walon France (ne) parvienne à inverser cette tendance. En 2005, le chiffre d'affaires était de 128 171 000 €, en 2006 il passait à 119 892 000 €, et en 2007 à 115 061 000 €. Le chiffre d'affaires de la société Walon France a constamment chuté pour atteindre péniblement 88 252 000 € en 2011. Cette dégradation drastique du chiffre d'affaires provient essentiellement de nos principaux clients qui doivent faire face à une baisse de leurs ventes, et donc à un contrôle plus accru de leur coût. Les baisses d'immatriculation sur les marchés français et européen pour l'année 2011 impliquent un changement radical de politique d'achat de nos clients et provoque une libération de capacités transport (en particulier sur les territoires espagnols, italiens, anglais et pays de l'Est), se traduisant par des baisses de prix au profit des constructeurs. Impactés par la crise, nos principaux clients revoient leur stratégie et limitent considérablement le recours à nos services. Entre 2008 et 2011, le volume d'activité Walon France pour Hyundai enregistre une baisse de 94 %. Sur cette même période, le volume d'activité pour Gefco, client le plus important, connaît une baisse de 41 %. Cette baisse s'explique également par la chute vertigineuse des volumes de certaines agences (Calais, Lieu Saint-Amand, Lauterbourg et Montauban de Bretagne), liée notamment à la perte de clients importants. La situation de l'agence de Calais est emblématique des difficultés rencontrées à ce jour par la société Walon France. En 2011, les prévisions de volume à Calais étaient de 124 000 véhicules, mais la réalité du marché a fait que l'agence a terminé l'année avec un volume traité de 95 000 véhicules. Ce résultat médiocre par rapport aux attentes s'explique notamment par un effondrement du marché anglais. L'année s'est clôturée par un résultat déficitaire de 696 000 €. Le contexte économique particulièrement difficile contraint la société Walon France à repenser son organisation afin de faire face à une baisse récurrente de son chiffre d'affaires depuis plusieurs années ainsi que, de manière plus récente, à des résultats en perte du fait d'une baisse d'activité. Afin de réajuster ses effectifs en fonction des baisses de volumes et dans une logique de sauvegarde de sa compétitivité, la société Walon France n'a d'autre choix que de réorganiser les agences en difficulté ainsi que les services centraux, et dès lors de modifier le volume et la structure de leurs effectifs. Ainsi, cette réorganisation rendue nécessaire et urgente a impliqué, par voie de conséquence, la suppression de postes, dont votre poste d'assistante commerciale, que vous occupiez au sein du service direction commerciale du siège social du Meux (services centraux). Vous avez refusé d'occuper le poste d'assistante commerciale au sein de l'agence de Lauterbourg dont le titulaire aurait été licencié en cas d'acceptation de votre part, et ce en application des critères d'ordre mis en place conformément aux dispositions des articles L. 1233-5 et suivants du code du travail. Aussi, nous avons été contraints à regret et envisagés votre licenciement pour motif économique. Vous n'avez pas répondu favorablement à la proposition de reclassement sur le poste d'assistante gestionnaire exploitation transport au sein de l'agence du Meux qui vous a été faite par courrier en date du 23 mai 2012. Pour votre parfaite information, nous avons procédé à la recherche de postes correspondant à la même catégorie que celui que vous occupez un emploi équivalent en vue de votre reclassement. Nous avons également recherché tout emploi disponible de catégorie inférieure. Le 23 mai 2012, nous vous avons remis un courrier aux termes duquel nous vous avons informé (e) que conformément aux dispositions de l'article L. 1233-65 du code du travail, vous êtes éligible au contrat de sécurisation professionnelle (ci-après dénommée CSP), dont un exemplaire vous a alors été communiqué. Vous nous avez retourné le 31 mai 2012, et ce dans le délai imparti, le bulletin d'acceptation du CSP nous indiquant expressément que vous souhaitiez adhérer à ce dispositif. Ainsi, votre contrat de travail sera rompu d'un commun accord à la date du 14 juin 2012. Tel qu'il se trouve défini aux articles L. 1233-3, L. 1233-1, L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique, qui par définition ne doit pas être inhérent à la personne du salarié, suppose une cause économique (difficultés économiques, mutations technologiques, causes économiques auxquelles il convient d'ajouter entre autres la réorganisation de l'entreprise, la cessation non fautive d'activité de l'entreprise...). Cette cause économique doit par ailleurs avoir une incidence sur l'emploi (suppression ou transformation) ou le contrat de travail (modification substantielle) du salarié concerné. Il convient enfin que le salarié ait bénéficié des actions de formation et d'adaptation nécessaires et que son reclassement sur un emploi de même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut, et sous réserve de l'accord exprès de l'intéressé, sur un emploi de catégorie inférieure, ne puisse être réalisé au sein de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Les offres de reclassement proposées doivent enfin être écrites et précises. Si en cas d'adhésion du salarié à la convention de reclassement personnalisé ou au contrat de sécurisation professionnelle prévu aux articles L. 1233-65 et suivants du code du travail, le contrat de travail est réputé rompu d'un commun accord des parties, il n'en demeure pas moins que cette rupture, qui découle d'une décision de licenciement prise par l'employeur, doit être justifiée par une cause économique que le salarié est en droit de contester devant les juridictions du travail. La salariée ne remet pas en cause la réalité des difficultés économiques de l'entreprise, ayant donné lieu à l'adoption d'un plan de sauvegarde de l'emploi en date du 12 avril 2012 et par ailleurs justifiées par les pièces versées aux débats par l'employeur qui établissent une chute continue des résultats et du chiffre d'affaires des agences, mais fait valoir que son poste en particulier n'a pas été supprimé en ce que, postérieurement à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, une employée administrative est passée à temps plein et qu'un autre employé administratif polyvalent et une assistante ont été recrutés pour exercer ses fonctions. Elle ajoute que la suppression de son poste à la direction commerciale et la direction des transports n'a pas été discutée lors des réunions du comité d'entreprise. Pour fonder son licenciement pour motif économique, la suppression du poste d'un salarié doit être en lien avec les difficultés alléguées, en l'espèce la réorganisation de l'entreprise, et être effective. Il résulte de l'avenant du 15 septembre 2004 au contrat de travail de Mme Nadine X... qu'elle occupe les fonctions d'assistante commerciale, statut agent de maîtrise, à la direction commerciale de la société WALON FRANCE et d'un descriptif de poste signé de la salariée en date du 30 juillet 2007 qu'elle occupe les fonctions d'assistante des directions transport et commerce. Ce descriptif est conforme à sa qualification d'assistante commerciale qui résulte de l'avenant du 15 septembre 2004 et qui est mentionnée comme telle sur ses bulletins de paie. Il ressort encore des procès-verbaux des réunions du comité d'entreprise de la société WALON FRANCE que la suppression du poste de l'assistante commerciale de l'établissement du Meux faisait partie de la réorganisation envisagée au niveau du siège social qui prévoyait la suppression de 8 postes sur les 54 envisagées pour l'ensemble de la société, et ce dès le 17 novembre 2011. La qualification de Mme Nadine X... correspond en conséquence au poste qui a été déclaré supprimé dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi. En revanche, la description de ses missions qui doit être retenue est celle de la fiche de poste, en l'absence de tout document différent établi entre les parties postérieurement. L'employeur verse aux débats 4 contrats de travail à durée indéterminée dont ceux des deux employés administratifs polyvalents et de l'assistante, dont Mme Nadine X... invoque qu'ils l'ont en réalité remplacée. Si le poste d'assistante commerciale du siège de la société WALON FRANCE ne figure plus à l'organigramme et n'a pas fait l'objet d'un recrutement, il résulte des contrats de travail susvisés de Mr Z...et de Mme A..., qu'ils ont été salariés par la société WALON FRANCE par le transfert de leur contrat de travail de la société LAUTONOR en avril 2012, M. Z...étant en outre passé d'un temps partiel à un temps plein en mars 2012. La société WALON FRANCE produit encore le contrat de travail de M. Y..., embauché en qualité de dispacher (employé) à la direction transport le 18 juin 2012. Enfin, Mme B..., qui bénéficiait d'un contrat à durée déterminée, a formalisé avec la société WALON FRANCE un contrat à durée indéterminée comme employée administrative polyvalente le 16 juin 2012. Ce personnel s'est vu charger d'une part importante des attributions de Mme Nadine X... telles qu'elles résultent de sa fiche de poste et notamment à la direction transport en termes de gestion administrative, gestion du personnel, suivi de l'activité commerciale et de la clientèle. Il résulte de ce qui précède que la réalité de la suppression du contenu du poste de Mme Nadine X... et en conséquence le motif économique de la rupture de son contrat de travail ne sont pas établis. La constatation de l'absence de motif économique de la rupture prive de cause le contrat de sécurisation professionnelle et la rupture consécutive à l'acceptation de ce contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire en un licenciement nul s'il existe par ailleurs une cause de nullité. Il ressort des pièces versées aux débats et n'est pas contesté par la société WALON FRANCE que Mme Nadine X... a établi un témoignage sur le harcèlement moral subi par une autre salariée en date du 28 novembre 2011 et qu'un conflit commercial a opposé l'employeur et le conjoint de la salariée, ayant donné lieu notamment à un jugement du tribunal de commerce de COMPIEGNE en date du 18 septembre 2011. Il résulte de l'article L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf circonstance de mauvaise foi. Aux termes de l'article 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut par ailleurs faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de sa situation de famille. Selon l'article L. 1134-1 du même code, le salarié a la charge d'établir des faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les difficultés économiques à l'origine de l'établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi organisant le licenciement de 54 personnes au siège et dans les agences de la société WALON FRANCE sont ci-dessus établies par l'employeur, qui n'a visé que ces dernières dans sa proposition de modification du contrat de travail de Mme Nadine X... du 18 avril 2012 et conteste tout autre motif de licenciement. Il ne ressort pas des pièces produites par la salariée que la décision de supprimer son poste d'assistante commerciale du Meux a eu pour origine son témoignage sur un harcèlement moral, face aux pièces non utilement contestées de la société WALON FRANCE et notamment les documents d'information du comité d'entreprise en vue de sa consultation en réunion extraordinaire du 30 novembre 2011, faisant état de cette suppression antérieurement à l'établissement de l'attestation de Mme Nadine X.... En revanche, la suppression annoncée du poste de Mme Nadine X..., qui n'a pas été réelle, dans un temps concomitant à un litige judiciaire opposant la société WALON FRANCE au conjoint de la salariée, constitue des faits de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte en raison de sa situation de famille. Il ne résulte pas des pièces de la société WALON FRANCE la justification de ce que sa décision de licenciement est fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le motif économique qu'elle invoque n'ayant pas été retenu. Par application de l'article L. 1132-4 du code du travail, le licenciement de Mme Nadine X... sera déclaré nul comme discriminatoire. La nullité du licenciement étant prononcée, Mme Nadine X..., qui ne demande pas sa réintégration, peut par conséquent prétendre, non seulement aux indemnités de rupture, mais également à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant de la nullité du licenciement, au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail. A raison de l'absence de cause du contrat de sécurisation professionnelle, elle-même consécutive à l'absence de cause économique du licenciement, l'employeur est redevable de l'indemnité de préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà perçues à ce titre, en vertu du contrat de sécurisation professionnelle, par application des dispositions des articles L. 1233-67 et L. 1233-69 du code du travail. Au vu des bulletins de paie et de l'attestation Pôle Emploi versés aux débats par la salariée, l'indemnité compensatrice de préavis sera fixée en son principe à la somme de 8 142, 52 €, outre les congés payés y afférents ainsi que le demande la société WALON FRANCE. Le présent arrêt, qui infirme partiellement la décision de première instance, ouvre droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société WALON FRANCE en restitution des sommes payées au salarié en application de l'exécution provisoire du jugement de première instance. En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui est due à Mme Nadine X... au titre du licenciement nul à la somme qui sera indiquée au dispositif de l'arrêt » ;

ALORS, DE PREMIÈRE PART, QU'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de la répartition des tâches accomplies par le salarié licencié entre les salariés demeurés dans l'entreprise constitue une suppression d'emploi ; qu'en l'espèce, la société Walon France offrait de justifier de la suppression du poste occupé par Madame X... en produisant les contrats de travail de salariés présents dans l'entreprise avant le licenciement de cette dernière ; qu'après avoir relevé que les difficultés économiques de l'entreprise étaient établies (arrêt, p. 6, al. 3), la cour d'appel a jugé que la rupture du contrat de travail de Madame X... ne reposait pas sur motif économique du seul fait que le personnel de la société Walon France « s'est vu charger d'une part importante des attributions de Mme Nadine X... telles qu'elles résultent de sa fiche de poste » (arrêt, p. 7, al. 8) ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations que les tâches avaient été intégrées aux emplois occupés par des salariés demeurés dans l'entreprise, ce dont elle aurait dû déduire que celui de Madame X... avait été supprimé, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail par fausse application ;

ALORS, DE DEUXIÈME PART, QU'en application de l'article L. 1233-3 du code du travail, la suppression d'un emploi s'entend soit par suite d'une destruction pure et simple, soit par suite d'une dénaturation équivalant à une disparition ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le poste d'assistante commerciale de l'établissement de Meux occupé par Madame X... « ne figure plus à l'organigramme et n'a pas fait l'objet d'un recrutement » (arrêt, p. 7, al. 6) ; que pour juger néanmoins que la suppression du poste de Madame X... n'avait pas été réelle, la cour d'appel a relevé que des salariés occupant des postes d'« employé administratif polyvalent » et un salarié recruté en qualité de « dispacher » (arrêt, p. 7, al. 6-8) avaient été chargés « d'une part importante des attributions de Mme Nadine X... » (arrêt, p. 7, al. 8) ; qu'en statuant de la sorte, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que l'emploi d'assistante commerciale de l'établissement de Meux occupé par Madame X... avait disparu, la cour d'appel a de plus fort violé l'article L. 1233-3 du code du travail par fausse application ;

ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour juger que la suppression de l'emploi de Madame X... n'avait pas été réelle, la cour d'appel a retenu que Monsieur Y..., embauché par la société Walon France le 18 juin 2012 en qualité de « dispacher » (assistant gestionnaire exploitation transport), « s'est vu charger », avec d'autres salariés de l'entreprise, « d'une part importante des attributions de Mme Nadine X... telles qu'elles résultent de sa fiche de poste » (arrêt, p. 7, al. 8) ; qu'en l'espèce, Madame X... ne se prévalait nullement de ce recrutement dans ses écritures, dont la cour d'appel a constaté qu'elles avaient été reprises oralement à l'audience (arrêt, p. 3, al. 1) ; qu'en se fondant sur l'emploi de « dispacher » occupé par Monsieur Y..., sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QU'il n'était pas contesté que le poste de « dispacher » occupé par Monsieur Y... était précisément celui qui avait antérieurement été proposé à Madame X... à titre de reclassement et qu'elle avait refusé ; qu'il en résultait nécessairement que l'emploi supprimé de Madame X... et l'emploi sur lequel a été recruté Monsieur Y... étaient distincts ; qu'en se fondant sur l'emploi de « dispacher » occupé par Monsieur Y..., sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la cour d'appel a de plus fort violé les articles 7 et 16 du code de procédure civile ;

ALORS, DE CINQUIÈME PART, ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l'absence de suppression de poste exigée par l'article L. 1233-3 du code du travail, si elle prive de cause réelle et sérieuse le licenciement en application de l'article L. 1233-2 du même code, ne saurait caractériser à elle seule l'existence une discrimination illicite ; que, pour solliciter l'annulation de son licenciement en raison d'une discrimination fondée sur sa situation de famille, Madame X... se bornait à relever une proximité temporelle entre son licenciement et une procédure judiciaire relative à un litige commercial opposant son conjoint à la société Walon France ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé la réalité des difficultés économiques de l'entreprise ayant donné lieu à l'adoption d'un plan de sauvegarde de l'emploi le 12 avril 2012 prévoyant la suppression de cinquante-quatre postes, dont celui de Madame X... (arrêt, p. 6, al. 3 et p. 8, al. 6) ; qu'il était constant aux débats que l'employeur avait préalablement proposé à la salariée deux postes correspondant à sa qualification, l'un en application des critères d'ordres établis par le plan de sauvegarde, l'autre à titre de reclassement, que la salariée a tous deux refusés (concl. p. 1, 8 et 24 ; concl. adv. p. 6 ; arrêt, p. 8, al. 6) ; que pour prononcer la nullité du licenciement de Madame X..., la cour d'appel s'est bornée à déduire de l'absence de motif économique au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail l'existence d'une discrimination du fait de sa situation familiale (arrêt, p. 8, al. 8-9) ; qu'en statuant par ces motifs insuffisants à caractériser une discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-2, L. 1233-3, L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION
(Subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'absence de motif économique de la rupture du contrat de travail liant Madame Nadine X... et la société Walon France, et d'AVOIR condamné la société Walon France à verser à Madame X... une somme de 80 000 euros, nette de cotisations sociales, CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

AUX MOTIFS QUE « En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui est due à Mme Nadine X... au titre du licenciement nul à la somme qui sera indiquée au dispositif de l'arrêt » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, la société exposante contestait l'existence du préjudice invoqué par Madame X... au titre de la perte de son emploi en justifiant d'une part, que celle-ci avait refusé deux postes de travail équivalents préalablement à son licenciement, préférant adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle le 31 mai 2012 au titre duquel elle avait déjà perçu une somme globale de 33 033 euros et, d'autre part, qu'elle avait retrouvé un emploi dès le 28 août 2012 ; que la cour d'appel s'est bornée à énoncer « qu'en considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour d'appel dispose des éléments nécessaires pour évaluer la réparation qui est due à Mme Nadine X... au titre du licenciement nul » (arrêt, p. 9, al. 6) à une somme de 80 000 euros nette de cotisations sociales, de CSG et de CRDS, soit une somme correspondant à près de vingt mois de salaire ; qu'en statuant par voie de simple affirmation, sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait ni procéder à une analyse au moins sommaire de ces éléments, cependant que la société Walon France contestait l'existence du préjudice prétendument subi par la salariée, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE, comme le faisait précisément valoir la société exposante (concl., p. 26, al. 2-3), il résultait des pièces produites par Madame X... elle-même que celle-ci avait retrouvé un emploi dès le 28 août 2012, soit moins de trois mois après la rupture du contrat de travail intervenue le 14 juin 2012 ; qu'en se bornant à faire référence à « ses capacités à retrouver un nouvel emploi » (arrêt, p. 9, al. 7) pour allouer à Madame X... une somme de 80 000 euros en réparation du préjudice résultant d'une nullité du licenciement, sans répondre au moyen déterminant exposé par la société Walon France selon lequel Madame X... avait très rapidement retrouvé un emploi, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2017:SO00877
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