Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 18 mai 2017, 16-17.528, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 janvier 2016), que M. X... a souscrit en 1983 auprès de la société Défense civile, aux droits de laquelle vient la société Juridica (l'assureur), un contrat d'assurance de protection juridique ; que, lui reprochant une prise en charge insuffisante des honoraires d'avocat dans plusieurs litiges, M. et Mme X... ont assigné l'assureur en remboursement d'honoraires d'avocat et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que, dans leurs conclusions d'appel, ils avaient soutenu que la clause limitant la garantie de prise en charge des honoraires de l'avocat choisi par le client par l'application d'un barème ne tenant pas compte de la complexité des affaires susceptibles de faire supporter à l'assuré des honoraires d'avocat très élevés, dépassant très largement le barème d'indemnisation, était de nature à priver celui-ci de la liberté de choix de son avocat dans la mesure où, ne pouvant assumer le paiement de l'intégralité des honoraires d'un avocat, il devrait nécessairement s'en remettre à son assureur pour le choix de l'avocat ; qu'en s'abstenant de rechercher si le barème des frais et honoraires d'avocat établi par l'assureur était suffisant pour garantir la liberté de choix de l'avocat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 127-3 du code des assurances issu de la loi du 19 février 2007 ;

2°/ qu'il résulte de l'article L. 127-3 du code des assurances issu de la loi du 19 février 2007 qu'aucune clause du contrat ne doit porter atteinte, dans les limites de la garantie, à la liberté ouverte à l'assuré de choisir un avocat ou à toute autre personne qualifiée par la législation ou la réglementation en vigueur pour défendre, représenter ou servir ses intérêts ; qu'il résulte de cette disposition que, si l'assureur de la protection juridique peut limiter l'étendue de la couverture des frais et honoraires liés à l'intervention d'un avocat, c'est à la condition que l'indemnisation effectivement payée par lui soit suffisante pour ne pas vider de sa substance la liberté du choix par l'assuré, de la personne mandatée pour le représenter ; que dans leurs conclusions d'appel, ils avaient soutenu que la clause limitant la garantie de prise en charge des honoraires de l'avocat choisi par le client par l'application d'un barème ne tenant pas compte de la complexité des affaires susceptibles de faire supporter à l'assuré des honoraires d'avocat très élevés, dépassant très largement le barème d'indemnisation, était de nature à les priver de la liberté de choix de leur avocat dans la mesure où, ne pouvant assumer le paiement de l'intégralité des honoraires d'un avocat, ils devraient nécessairement s'en remettre à son assureur pour le choix de l'avocat ; qu'en s'abstenant de rechercher si le barème des frais et honoraires d'avocat établi par l'assureur était suffisante pour ne pas vider de sa substance la liberté du choix, par l'assuré, de son avocat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 127-3 du code des assurances interprété à la lumière de la directive 87/ 344/ CEE du Conseil, du 22 juin 1987, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance-protection juridique ;

3°/ qu'il résulte de l'article L. 127-3 du code des assurances que la complexité de l'affaire constitue un critère d'appréciation du respect par l'assureur du principe du libre choix de l'avocat par l'assuré ; qu'en déclarant que le critère de complexité de l'affaire qu'ils invoquaient est éminemment subjectif pour constituer un critère d'application du barème de remboursement des frais et honoraires de l'avocat mandaté par l'assuré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 127-3 du code des assurances interprété à la lumière de la directive 87/ 344/ CEE du Conseil, du 22 juin 1987, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance-protection juridique ;

Mais attendu que, dans leurs conclusions d'appel, pour prétendre que le barème contractuel de rémunération de l'avocat choisi par le client était de nature à les priver de leur liberté de choix, M. et Mme X... se bornaient à invoquer le fait que ce barème ne tenait pas compte de la complexité de l'affaire ; que dès lors, en relevant, par motifs propres et adoptés, qu'ils ajoutaient un critère éminemment subjectif au contrat et que celui-ci prévoyait que, lorsque l'avocat est choisi par l'assuré, la prise en charge de sa rémunération est plafonnée à des montants différents selon les juridictions saisies qui sont proportionnels à l'importance de celles-ci, pour en déduire que cela n'interdisait pas à l'assuré, informé que les honoraires dépassant ce montant seront à sa charge, de choisir librement son conseil, la cour d'appel a procédé aux recherches qui lui étaient demandées et a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. et Mme X... font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que, dans leurs conclusions d'appel, ils ont soutenu avoir, par lettre du 31 décembre 2012, mis en demeure l'assureur de leur désigner un nouvel avocat ; que dans cette lettre ils ont écrit qu'à cause du litige qui les oppose à l'assureur, deux avocats – partenaires de celui-ci – M. Marin Y...et la SCP Dellavalade-leur avaient fait part de leur refus d'assurer leur défense ; qu'en déclarant qu'il résulte de cette pièce que l'assureur avait désigné un avocat, conseil que les époux avaient décidé de révoquer ce qui était parfaitement leur droit, mais n'imposait pas à l'assureur l'obligation d'en désigner un nouveau, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre et a violé l'article 1134 du code civil, ensemble le principe selon lequel il est interdit au juge du fond de dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que le mandant est libre de révoquer à tout moment son mandat, sauf à ne pas commettre un abus de droit ; qu'il en résulte que l'exercice par l'assuré de son droit de révocation du mandat de l'avocat désigné par l'assureur en raison de désaccords sur la conduite de la procédure ne constitue pas une faute justifiant le refus par l'assureur de pourvoir au remplacement de l'avocat révoqué qu'il avait désigné conformément à l'accord conclu entre les deux parties ; qu'en décidant, après avoir retenu qu'ils étaient parfaitement dans leur droit de révoquer l'avocat désigné par l'assureur, que cette révocation n'imposait pas à l'assureur l'obligation d'en désigner un nouveau, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2004 du code civil, ensemble l'article L. 127-3, alinéa 4, du code des assurances ;

3°/ que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que l'exercice par l'assuré de son droit de révocation du mandat de l'avocat désigné par l'assureur en raison de désaccords sur la conduite de la procédure ne constitue pas en soi une faute justifiant le refus par l'assureur de pourvoir au remplacement de l'avocat révoqué qu'il avait désigné conformément à l'accord conclu entre les deux parties ; qu'en décidant, après avoir retenu qu'ils étaient parfaitement dans leur droit de révoquer l'avocat désigné par l'assureur, que cette révocation n'imposait pas à l'assureur l'obligation d'en désigner un nouveau, la cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 3, du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que le droit pour M. et Mme X... de révoquer le mandat de l'avocat qui leur avait été proposé par l'assureur n'imposait pas à ce dernier de leur en désigner un autre ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation et sur le quatrième moyen annexé qui est irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société Juridica la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mai deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame X... de leur demande en remboursement d'honoraires d'avocat et en paiement de dommages et intérêts ;

Aux motifs propres que sur le fond, le débat est au premier chef celui de la prise en charge par la compagnie d'assurance des factures d'honoraires d'avocat des époux X... dans un litige ayant donné lieu à plusieurs procédures à propos d'un chemin ; que pour conclure à l'infirmation du jugement, les époux X... invoquent plusieurs moyens qu'il convient d'apprécier successivement ; ils considèrent en premier lieu que la clause du contrat prévoyant une application éventuelle du barème doit être interprétée dans le sens qu'elle ne serait pas appliquée en cas de procédure complexe ; la clause est ainsi rédigée « la garantie n'est limitée ni par sinistre ni par année si ce n'est pas l'application éventuelle du barème mod. 70077 joint concernant les honoraires des avocats » ; ce critère de complexité invoqué par les appelants, lequel est éminemment subjectif, n'apparaît dans aucune des stipulations contractuelles et ne relèverait pas d'une interprétation du contrat ; qu'en revanche, par application des dispositions de l'article 1161 du code civil les clauses des conventions doivent s'interpréter les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier. Or, la clause du contrat au titre du choix de l'avocat est ainsi rédigée « l'assuré peut, soit choisir lui-même l'avocat chargé de ses intérêts, soit s'en remettre à nous pour cette désignation. Dans un cas comme dans l'autre nous saisissons nous même l'avocat et assumons avec lui la direction de la procédure. Lorsque l'assuré use de la faculté de choisir son avocat, nous nous réservons de ne prendre en charge les honoraires de ce dernier que dans la limite d'un barème indiqué aux conventions spéciales ou aux conditions particulières » ; qu'il se déduit de la confrontation de ces deux clauses que l'application éventuelle du barème dépendait non de la complexité, critère qui n'apparaît nulle part dans le contrat et dont les époux X... ne précisent pas qui aurait décidé de ce qui relevait d'une procédure complexe ou d'une procédure simple, mais de cette question du choix de l'avocat ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges, qu'il convient de rappeler que M. X... a souscrit le 30 mars 1983 une police d'assurance protection juridique auprès de la compagnie DÉFENSE CIVILE aux droits de laquelle vient la société JURIDICA. Aux termes de ce contrat, il était indiqué dans l'article 2 des Conditions Générales sur les garanties :- que l'assureur s'engageait à assumer pour le compte de l'assuré, tant en défense qu'en action et en recours :- une transaction amiable ;- une procédure judiciaire dans le cas où la transaction amiable s'avère impossible ou n'aboutit pas et pour ce faire, l'assureur prend en charge le paiement des honoraires d'avocat dans les limites définies aux Conventions Particulières, des honoraires d'huissier, d'expert ou d'autres mandataires éventuelles, des frais de procès ;- que la garantie s'applique aux risques définis aux Conventions Spéciales ou à défaut, aux Conventions Particulières, sous réserve des exclusions mentionnées au chapitre suivant et dans la limite par sinistre des sommes et éventuellement franchise fixées aux dites Conventions Spéciales ou Conditions Particulières. L'article 6 des Conditions Générales prévoit en ce qui concerne le choix de l'avocat et la direction du procès que l'assuré peut choisir lui-même l'avocat chargé de ses intérêts, soit s'en remettre à l'assureur pour cette désignation. Dans un cas comme dans l'autre, l'assureur saisira lui-même l'avocat désigné et assumera avec lui la direction de la procédure. Lorsque l'assuré use de la faculté de choisir son avocat, l'assureur se réserve de ne prendre en charge les honoraires de ce dernier que dans la limite d'un barème indiqué aux Conventions Spéciales ou aux Conditions Particulières. Les Conventions Spéciales en ce qui concerne le montant de la garantie indiquent que la garantie n'est limitée ni par sinistre ni par année si ce n'est par application du barème mod. 700 77 joint concernant les honoraires des avocats, étant précisé qu'est joint ce barème modèle 700 77. Il est aussi précisé que les cotisations et garanties sont indexées sur l'indice de base des fonctionnaires de l'État mentionné à l'article 2 de l'arrêté du 20 février 1958 relatif à la rémunération des fonctionnaires communaux ; qu'en premier lieu, il convient de relever que les dispositions de l'article 6 des Conditions Générales relatives aux choix de l'avocat et à la direction du procès rappellent la liberté de choix de l'avocat en indiquant que l'assuré peut choisir l'avocat lui-même ou s'en remettre à l'assureur mais que lorsque l'assuré use de cette faculté de choisir son avocat, l'assureur se réserve de ne prendre en charge les honoraires de ce dernier que dans la limite d'un barème indiqué aux Conventions Spéciales ; que les Conventions Spéciales précisent que la garantie n'est limitée ni par sinistre ni par année ce qui signifie que l'assuré peut demander la garantie pour autant de sinistre qu'il en survient en cours d'année et ce, pendant toutes les années de la vie du contrat, la seule limitation étant l'application éventuelle du barème, le mot « éventuelle » recouvrant l'hypothèse où l'assuré ferait le choix de choisir son avocat et non de s'en remettre à l'assureur pour cette désignation. Les mêmes Conventions Spéciales indiquent que dans ce cas-là, l'assureur prendra en charge les honoraires dans la limite du plafond détaillé dans le modèle 700 77 annexé aux Conventions Spéciales, barème qui prend en compte la nature de la juridiction saisie et la nature de l'acte accompli, étant rappelé que ce barème est indexé selon un indice précis et au contrat. Force est de constater que ces dispositions sont conformes aux dispositions législatives intervenues avec la loi n° 89-1014 du 31 décembre 89, la liberté de choix de l'avocat étant préservée et l'assuré étant parfaitement avisé de la garantie plafonnée en considération de la juridiction saisie. Ainsi, ce barème tient compte des spécificités des procédures puisqu'il fixe des montants d'honoraires différents devant les différentes juridictions y compris la Cour de Cassation, montants qui sont proportionnels à l'importance de la juridiction. Cependant il convient de constater que les époux X... en invoquant un critère subjectif, celui de la complexité de l'affaire pour l'application du barème ajoutent un critère qui n'existe nullement dans les dispositions contractuelles relatives à l'application du barème qui sont claires, précises et non susceptibles d'interprétation, et qui sont basées sur le fait que l'avocat est choisi ou non par les parties, étant rappelé que cette limitation contractuelle du montant de la garantie n'interdit pas à l'assuré de choisir librement son conseil, sachant que les honoraires dépassant ce montant seront à sa charge ;

Alors que, d'une part, dans leurs conclusions d'appel, Monsieur et Madame X... avaient soutenu que la clause limitant la garantie de prise en charge des honoraires de l'avocat choisi par le client par l'application d'un barème ne tenant pas compte de la complexité des affaires susceptibles de faire supporter à l'assuré des honoraires d'avocat très élevés, dépassant très largement le barème d'indemnisation, était de nature à priver celui-ci de la liberté de choix de son avocat dans la mesure où, ne pouvant assumer le paiement de l'intégralité des honoraires d'un avocat, il devrait nécessairement s'en remettre à son assureur pour le choix de l'avocat ; qu'en s'abstenant de rechercher si le barème des frais et honoraires d'avocat établi par la Société Juridica était suffisante pour garantir la liberté de choix de l'avocat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 127-3 du Code des assurances issu de la loi du 19 février 2007 ;

Alors que, d'autre part, qu'il résulte de l'article L. 127-3 du Code des assurances issu de la loi du 19 février 2007 qu'aucune clause du contrat ne doit porter atteinte, dans les limites de la garantie, à la liberté ouverte à l'assuré de choisir un avocat ou à toute autre personne qualifiée par la législation ou la réglementation en vigueur pour défendre, représenter ou servir ses intérêts ; qu'il résulte de cette disposition que, si l'assureur de la protection juridique peut limiter l'étendue de la couverture des frais et honoraires liés à l'intervention d'un avocat, c'est à la condition que l'indemnisation effectivement payée par lui soit suffisante pour ne pas vider de sa substance la liberté du choix par l'assuré, de la personne mandatée pour le représenter ; que dans leurs conclusions d'appel, Monsieur et Madame X... avaient soutenu que la clause limitant la garantie de prise en charge des honoraires de l'avocat choisi par le client par l'application d'un barème ne tenant pas compte de la complexité des affaires susceptibles de faire supporter à l'assuré des honoraires d'avocat très élevés, dépassant très largement le barème d'indemnisation, était de nature à les priver de la liberté de choix de leur avocat dans la mesure où, ne pouvant assumer le paiement de l'intégralité des honoraires d'un avocat, ils devraient nécessairement s'en remettre à son assureur pour le choix de l'avocat ; qu'en s'abstenant de rechercher si le barème des frais et honoraires d'avocat établi par la Société Juridica était suffisante pour ne pas vider de sa substance la liberté du choix, par l'assuré, de son avocat, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 127-3 du Code des assurances interprété à la lumière de la directive 87/ 344/ CEE du Conseil, du 22 juin 1987, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance-protection juridique ;

Alors que, de troisième part, il résulte de l'article L. 127-3 du Code des assurances que la complexité de l'affaire constitue un critère d'appréciation du respect par l'assureur du principe du libre choix de l'avocat par l'assuré ; qu'en déclarant que le critère de complexité de l'affaire invoqué par Monsieur et Madame X... est éminemment subjectif pour constituer un critère d'application du barème de remboursement des frais et honoraires de l'avocat mandaté par l'assuré, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 127-3 du Code des assurances interprété à la lumière de la directive 87/ 344/ CEE du Conseil, du 22 juin 1987, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance-protection juridique.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame X... de leur demande en remboursement d'honoraires d'avocat et en paiement de dommages et intérêts ;

Aux motifs propres, que les époux X... estiment que la clause prévoyant l'application du barème est purement potestative. Tout d'abord, il apparaît que cette clause est de nature à préserver l'indispensable liberté de choix de l'avocat. Les époux X... considèrent que s'il n'y est pas associé pour l'assureur une obligation de procéder à la désignation d'un avocat il s'en déduit un caractère potestatif. Tel n'est pas le cas puisque même à les suivre dans leur analyse ils resteraient libres de choisir un avocat tout en lui présentant le barème de l'assureur. Mais en réalité le débat n'est pas là puisque l'assureur a bien désigné un avocat. C'est au moment des changements d'avocat que s'est posé le problème et les appelants considèrent que l'assureur a refusé en ces occasions de leur désigner un avocat partenaire. Il existe cependant un véritable problème de preuve. En effet, les époux X... n'apportent que bien peu d'éléments quant à ce refus de désignation d'un avocat. Ils considèrent qu'il existe un aveu judiciaire pour l'absence de désignation d'un avocat en 2007 dans les conclusions de première instance de leur adversaire. Cependant, un tel aveu ne peut être divisé par application des dispositions de l'article 1356 du code civil. Or, si la compagnie d'assurance a effectivement indiqué qu'elle n'avait pas été en mesure de désigner un avocat c'est en précisant que les époux X..., qui souhaitaient changer d'avocat, avaient sollicité la désignation d'un avocat spécialiste en droit rural alors qu'elle ne disposait pas d'un avocat partenaire en cette spécialité. Dans le cadre de la présente instance les époux X... soutiennent qu'ils n'ont jamais exigé d'avocat spécialiste en droit rural et le point ne peut être considéré comme établi. Cependant, on ne saurait davantage retenir que l'assureur admet ne pas avoir désigné d'avocat puisqu'il a uniquement admis qu'il n'avait pu en désigner un spécialiste en droit rural ce qui est différent. Il ne s'agit pas là de renverser la charge de la preuve. Les époux X... affirment en effet que leur assureur n'a pas désigné d'avocat sans produire d'éléments mais en invoquant l'aveu de leur adversaire ce qui suppose de ne pas le diviser comme ils le font. Les époux X... soutiennent également que l'assureur a refusé de leur désigner un avocat en 2012 et produisent à ce titre trois pièces (38, 39 et 58). Les deux premières sont inopérantes puisqu'il s'agit de courriers officiels entre les avocats saisis de la présente instance et qu'il est manifeste que l'avocat de Juridica dans le cadre de ce litige n'avait pas mission d'exécuter le contrat d'assurance. Quant à la troisième pièce, il apparaît en toute hypothèse que Juridica avait désigné un avocat, conseil que les époux X... avaient décidé de révoquer ce qui était parfaitement leur droit, mais n'imposait pas à l'assureur l'obligation d'en désigner un nouveau. La clause ne revêtait donc pas de caractère potestatif. Au surplus l'analyse des époux X... conduirait à dire que l'assureur devrait être obligé de régler des notes d'honoraires quel que soit leur montant sans avoir pu auparavant donner son agrément ou même analyser l'étendue du risque. Juridica est donc bien fondée à opposer que le contrat d'assurance prévoyait deux possibilités au choix de l'assuré, soit le recours à un avocat partenaire avec lequel elle avait des conventions d'honoraires négociés, soit le choix d'un avocat personnel sous réserve d'un barème plafonnant les honoraires ;

Alors, que d'une part, dans leurs conclusions d'appel, Monsieur et Madame X... ont soutenu avoir, par lettre du 31 décembre 2012, mis en demeure la Société Juridica de leur désigner un nouvel avocat ; que dans cette lettre ils ont écrit qu'à cause du litige qui les oppose à l'assureur, deux avocats – partenaires de celui-ci – Me Marin Y...et la SCP DELLAVALADE-leur avaient fait part de leur refus d'assurer leur défense (Pièce n° 58 : Lettre du 31 décembre 2012, p. 3) ; qu'en déclarant qu'il résulte de cette pièce que Juridica avait désigné un avocat, conseil que les époux avaient décidé de révoquer ce qui était parfaitement leur droit, mais n'imposait pas à l'assureur l'obligation d'en désigner un nouveau, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette lettre et a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble le principe selon lequel il est interdit au juge du fond de dénaturer les documents de la cause ;

Alors que, de deuxième part, que le mandant est libre de révoquer à tout moment son mandat, sauf à ne pas commettre un abus de droit ; qu'il en résulte que l'exercice par l'assuré de son droit de révocation du mandat de l'avocat désigné par l'assureur en raison de désaccords sur la conduite de la procédure ne constitue pas une faute justifiant le refus par l'assureur de pourvoir au remplacement de l'avocat révoqué qu'il avait désigné conformément à l'accord conclu entre les deux parties ; qu'en décidant, après avoir retenu que les époux X... étaient parfaitement dans leur droit de révoquer l'avocat désigné par l'assureur, que cette révocation n'imposait pas à l'assureur l'obligation d'en désigner un nouveau, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 2004 du Code civil, ensemble l'article L. 127-3, alinéa 4 du Code des assurances ;

Alors que, de troisième part, que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que l'exercice par l'assuré de son droit de révocation du mandat de l'avocat désigné par l'assureur en raison de désaccords sur la conduite de la procédure ne constitue pas en soi une faute justifiant le refus par l'assureur de pourvoir au remplacement de l'avocat révoqué qu'il avait désigné conformément à l'accord conclu entre les deux parties ; qu'en décidant, après avoir retenu que les époux X... étaient parfaitement dans leur droit de révoquer l'avocat désigné par l'assureur, que cette révocation n'imposait pas à l'assureur l'obligation d'en désigner un nouveau, la Cour d'appel a violé l'article 1134, alinéa 3 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame X... de leur demande en paiement de la somme de 15. 000 € à titre de dommages et intérêts ;

Aux motifs propres qu'il ne se déduit pas davantage de la chronologie invoquée par les époux X... une mauvaise foi de l'assureur. En effet, celle-ci ne se présume pas et doit être prouvée. Or, toute l'argumentation des appelants repose sur cette notion de refus de désignation d'avocat, sans tenir compte des désignations initiales de conseils que les époux X... avaient souhaité révoquer, ce qui est légitime, mais ne peut conduire à retenir que la mauvaise foi de l'assureur serait établie et ce d'autant plus que les factures réglées épuisaient déjà le barème ;

Et aux motifs propres, que quant aux dommages et intérêts sollicités, il convient en premier lieu d'observer que le refus de l'assureur de prendre en charge les honoraires demandés était justifié. Les époux X... invoquent également des manquements de l'assureur à ses obligations au titre de la direction du procès faisant valoir, en substance, que l'assureur a participé à la complexité du litige en étant insuffisamment diligent Toutefois, là encore la preuve de cette carence de l'assureur n'est pas rapportée. En effet, les époux X... procèdent essentiellement par affirmation alors que de son côté, l'assureur qui ne supporte pas la charge de la preuve, justifie qu'un certain nombre de ses demandes de renseignement faisaient l'objet de réponses à tout le moins tardives ; que la faute de l'assureur n'est donc pas établie et il n'y a pas lieu à dommages et intérêts ; qu'il ne saurait donc y avoir lieu à publication de l'arrêt ;

Et aux motifs adoptés des premiers juges, qu'il convient pour le déterminer de revenir sur les relations entre les parties au vu des pièces produites. M. X... a déclaré un sinistre le 9 juillet 1991 en indiquant que M. Z...avait installé un portail sur un chemin lui appartenant, sur lequel avait été concédé un droit de passage à pied et à cheval et qu'ainsi le passage de véhicule était source de dégradation et de nuisances sur sa propriété. Il précisait avoir fait délivrer en vain une sommation à M. Z...par Me A..., huissier de justice d'avoir à retirer le portail. Le 23 juillet 1991, l'assureur accusait réception de cette déclaration de litiges et demandait à M. X... communication du titre de propriété ainsi que copie de tous documents mentionnant l'existence de la servitude de passage au profit de M. Z.... Dans le cadre d'un rapprochement amiable, l'assureur apprenait par l'avocat de M. Z...que ce dernier contestait que Mme X... soit propriétaire du chemin litigieux dans la mesure où il s'agissait d'un chemin rural. Il faisait état du plan cadastral de la commune de LISTRAC MÉDOC et surtout d'un jugement du 29 juin 1982 déboutant Mme X... de sa demande tendant à voir constater son droit de propriété sur ce chemin et d'un arrêt de la Cour d'Appel de Bordeaux en date du 19 janvier 1984 confirmant le jugement de première instance. C'est dans ces conditions que l'assureur revenait vers M. X... pour lui indiquer qu'il n'apparaissait pas fondé à dire que son voisin ne pouvait emprunter le chemin mais faisait état des dispositions de l'article 92 du code rural, demandant à M. X... ses observations pour réintervenir auprès du conseil de M. Z.... Sur ce point, il convient de relever que les époux X... reprochent à l'assureur de n'avoir pas saisi immédiatement un avocat dans la mesure où M. Z...avait lui-même un conseil mais il convient d'observer que les dispositions du code des assurances selon lesquelles l'intervention d'un avocat est obligatoire dès que l'assureur ou l'assuré est informé de ce que la partie adverse est défendue dans les mêmes conditions, est une disposition créée par la loi n° 2007-210 du 19 février 2007. Il n'y avait donc pas de comportement fautif de la part de l'assureur de ne pas avoir désigné à ce moment-là un avocat et d'avoir, conformément aux dispositions contractuelles, rechercher une transaction amiable, et ce d'autant que la situation juridique n'était pas celle qui avait été indiquée par M. X... dans sa déclaration de sinistre. Dès le 4 octobre 1991, l'assureur entrait en contact avec le maire de la commune de LISTRAC MÉDOC l'informant du fait qu'il avait été saisi par les époux X... du différend les opposant à M. Z...et lui demandant de l'informer des suites de cette affaire puis que le conseil municipal avait désigné un géomètre expert M. B.... Contrairement à ce qu'indiquent les consorts X..., l'assureur ne restait pas inactif jusqu'en 1998 puisque suite à un entretien téléphonique du 22 avril 1993, il les avisait par courrier du 26 avril 1993 qu'il transmettait leur dossier à Me Jean-Jacques C...pour voir engager la procédure devant le Tribunal Administratif afin d'obtenir l'annulation de la décision du conseil municipal décidant l'aliénation du chemin litigieux au profit de chaque propriétaire aboutissant avec droit de passage de chacun. De même, les époux X... n'hésitent pas à soutenir que la société JURIDICA est responsable de l'ensemble des procédures actuellement pendantes portant sur des prescriptions acquisitives trentenaires qui leur seraient aujourd'hui opposées du fait des transformations des immeubles effectuées à l'époque par M. Z...et que les nouveaux propriétaires ne pourraient opposer au concluant si une action avait été engagée dès 1991. II convient cependant de rappeler que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver en application de l'article 1315 du Code civil ; or les époux X... ne produisent aucune pièce sur une quelconque procédure actuellement pendante, ni conclusions montrant qu'il se verrait opposé des prescriptions acquisitives trentenaires. S'il résulte d'un courrier du 9 juin 1997 que la société JURIDICA a apporté du retard dans une réponse, il apparaît que des faits nouveaux portant sur la transformation de chai en garage sans permis de construire par M. Z..., de problèmes de canalisations, de faits nouveaux concernant M. D...avaient été dénoncés par les époux X... dans un courrier du 23 octobre 1996 qu'ils ne produisent pas mais auquel ils se réfèrent dans un courrier du 4 mars 1998 (pièce 6 des époux X...). Il convient aussi de relever que dans ce courrier du 4 mars 1998, les époux X... reconnaissent l'intervention de Me C...auprès de la mairie de Listrac et qu'ils indiquent que le portail mis en place par M. Z...a été enlevé en janvier 1998 lors de la vente de sa maison ; que suite à des courriers de mise en demeure adressés à M. D...et à M. Z..., la société JURIDICA a demandé aux consorts X... des pièces et informations sur les procédures en cours relatives au permis de construire ; qu'un jugement intervenu le 5 juin 2000 a reconnu Mme X... pleine propriétaire du chemin desservant la parcelle cadastrée section n° D 392 ; que par courrier du 17 janvier 2001, Me F...a avisé mais Madame X... que M. Z...avait vendu sa parcelle numéro 396 et qu'il fallait se désister de la demande à son encontre et mettre en cause les nouveaux propriétaires ;

Alors que, d'une part, la cassation à intervenir sur les deux premiers moyens de cassation entraînera, par voie de conséquence, la cassation de ce chef de l'arrêt ;

Alors que, d'autre part, il appartient au défendeur de rapporter la preuve des faits qu'il invoque à titre d'exception ; que dans leurs conclusions d'appel, Monsieur et Madame X... ont reproché à l'assureur auquel ils avaient fait parvenir une déclaration de sinistres courant mars 1991, d'avoir attendu neuf ans pour saisir un avocat de leur demande aux fins de condamnation de leur voisin, Monsieur Z...à réparer les préjudices qu'il leur a causé pendant de nombreuses années par l'utilisation abusive du chemin desservant leur propriété ; qu'ils ont ajouté que la Société Juridica a prétendu qu'ils auraient fait deux prétendues déclarations de sinistre qui auraient été enregistrées en 1991 et en 1998 mais a été dans l'incapacité de produire la seconde déclaration de sinistre ; qu'en déclarant, après avoir constaté par motifs adoptés des premiers juges que Monsieur et Madame X... avaient effectué une déclaration de sinistre en 1991 (Jugement entrepris, p. 3, § 2), que la carence de l'assureur n'est pas rapportée et que Monsieur et Madame X... procèdent par affirmation sans rechercher si l'assureur avait produit la seconde déclaration de sinistre dont il a fait état pour contester la tardiveté dans la mise en oeuvre d'une action justice à l'encontre de Monsieur Z..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, alinéa 2 du Code civil ;

Alors, enfin, que dans leurs conclusions d'appel, Monsieur et Madame X..., critiquant les motifs du jugement qui leur avait reproché de n'avoir produit aucune pièce sur une quelconque procédure actuellement pendante, ni des conclusions montrant qu'ils se verraient opposé des prescriptions acquisitives trentenaires, avaient produit des décisions de justice confirmant que leurs griefs ; qu'en confirmant le jugement par motifs adoptés sans s'expliquer sur ce moyen, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Monsieur et Madame X... de leur demande en remboursement d'honoraires d'avocat et en paiement de dommages et intérêts ;

Aux motifs propres, que quant aux demandes formées par madame X... le litige est plus circonscrit. Elle invoque un litige de nature successorale et soutient qu'alors que la garantie est normalement acquise, l'assureur a refusé de régler les honoraires au titre de l'obtention du procès-verbal de carence notarié ; Sur ce point, il apparaît que les démarches amiables ne sont pas garanties par le contrat. Si madame X... invoque le caractère obligatoire de cette démarche, elle n'en admet pas moins qu'il s'agit d'une démarche pré contentieuse, ce qui ne peut correspondre à l'objet du contrat ;

Alors que la notion de « procédure administrative » visée à l'article L. 127-1 du Code des assurances auquel renvoie l'article L. 127-3 du même Code comprend une procédure précontentieuse obligatoire préalable à la saisine du juge ; qu'en décidant que les démarches amiables ne sont pas garanties par le contrat d'assurance, la Cour d'appel a violé l'article L. 127-3 du même Code des assurances interprété à la lumière de la directive 87/ 344/ CEE du Conseil, du 22 juin 1987, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance-protection juridique.ECLI:FR:CCASS:2017:C200692
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