Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 17 mai 2017, 15-21.837, Inédit
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 17 mai 2017, 15-21.837, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 15-21.837
- ECLI:FR:CCASS:2017:CO00765
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mercredi 17 mai 2017
Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, du 21 mai 2015- Président
- M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 mai 2015), que, le 6 juillet 1999, la société Brasserie et développement patrimoine, devenue la société Foncière des arts patrimoine (le bailleur), a donné à bail commercial un immeuble à M. et Mme X... pour exploiter un débit de boissons ; qu'une clause du bail prévoyait l'engagement du preneur, en cas de résiliation du bail de son fait, de transférer au bailleur la propriété de la licence IV, à titre de dommages-intérêts ; que, le 19 septembre 2002, Mme X... a été mise en redressement judiciaire avant de bénéficier d'un plan de redressement par voie de continuation le 26 novembre 2003 ; que, le 24 novembre 2009, le tribunal a résolu ce plan et prononcé sa liquidation judiciaire ; qu'à la suite de la résiliation de plein droit du bail intervenue en vertu d'une décision de référé du 13 octobre 2009, les lieux loués ont été restitués par le liquidateur à la société bailleresse le 21 décembre 2009 qui a déclaré une créance de 23 592, 81 euros à titre privilégié ; que le bailleur a assigné ce dernier aux fins de le voir condamner à lui transférer la propriété de la licence IV en application des stipulations du bail ;
Attendu que le bailleur fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à la procédure collective la clause du bail prévoyant le transfert de propriété de la licence IV et de rejeter, en conséquence, sa demande visant à obtenir le transfert de propriété de celle-ci alors, selon le moyen, que le principe d'égalité des créanciers ne s'oppose à la validité, au regard des procédures collectives, d'une clause pénale convenue entre un créancier et le débiteur antérieurement à la procédure collective, que lorsqu'il résulte de cette clause une majoration des obligations du débiteur envers le créancier en cas de prononcé de son redressement ou de sa liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la clause litigieuse prévoyait que « le preneur déclare affecter expressément la licence de IVème catégorie dont il est titulaire à l'exploitation d'un débit de boissons dans les lieux loués. (…) Au cas de résiliation de bail du fait du preneur, quelle qu'en soit la cause, il s'engage à en transférer la propriété au bailleur ou à toute autre personne désignée par lui, sans pouvoir prétendre à aucune sorte d'indemnité et ce, à titre de dommages-intérêts ce qui est expressément accepté par le preneur. Il s'agit là d'une condition essentielle sans laquelle le présent bail n'aurait pas été consenti » ; que cette clause n'était pas contraire au principe d'égalité des créanciers, puisqu'il n'en résultait pas une majoration des obligations du débiteur en cas d'ouverture d'une procédure collective ; que par conséquent, cette clause devait recevoir application, sans que puisse être opposé au bailleur le gage général des créanciers ; qu'en considérant pourtant que la clause pénale était inopposable à la procédure collective, après avoir elle-même estimé que le liquidateur ne pouvait utilement demander que la clause soit considérée comme nulle ou non écrite, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1226 du code civil, ainsi que le principe de l'égalité entre les créanciers d'un débiteur en redressement ou liquidation judiciaire ;
Mais attendu, que la demande du bailleur, qui tendait à l'exécution en nature d'une obligation de faire stipulée à titre de clause pénale, équivalait à une demande en paiement d'une somme d'argent laquelle, portant sur une créance qui ne satisfaisait pas aux exigences de l'article L. 622-17 du code de commerce pour être née de la résiliation du bail intervenue avant le jugement prononçant la liquidation judiciaire du preneur, devait être déclarée au passif de la procédure ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Foncière des arts patrimoine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Foncière des arts patrimoine.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré inopposable à la procédure collective la clause du bail prévoyant le transfert de propriété de la licence IV et rejeté en conséquence la demande de la société Foncière des Arts Patrimoine visant à obtenir le transfert de propriété de cette licence ;
AUX MOTIFS QUE, comme le soutient en dernier lieu le liquidateur, la clause, indépendamment de sa validité, ne saurait avoir d'effet lorsque le preneur est en procédure collective ; qu'en effet, l'attribution d'un élément de l'actif du preneur en état de liquidation judiciaire par le jeu d'une clause contractuelle antérieure aboutit à conférer au bailleur un privilège dépourvu de fondement légal et à contourner les dispositions d'ordre public du code de commerce régissant les modalités de réalisation de l'actif sous la conduite du liquidateur et le contrôle du tribunal de commerce ; que le liquidateur est donc fondé à soutenir que la clause est inopposable à la procédure collective ; qu'en conséquence, la demande de la société Foncière des arts visant au transfert de la licence à son profit doit être rejetée ; que le jugement sera ainsi infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande ;
ALORS QUE le principe d'égalité des créanciers ne s'oppose à la validité, au regard des procédures collectives, d'une clause pénale convenue entre un créancier et le débiteur antérieurement à la procédure collective, que lorsqu'il résulte de cette clause une majoration des obligations du débiteur envers le créancier en cas de prononcé de son redressement ou de sa liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la clause litigieuse prévoyait que « le preneur déclare affecter expressément la licence de IVème catégorie dont il est titulaire à l'exploitation d'un débit de boissons dans les lieux loués. (…)
Au cas de résiliation de bail du fait du preneur, quelle qu'en soit la cause, il s'engage à en transférer la propriété au bailleur ou à toute autre personne désignée par lui, sans pouvoir prétendre à aucune sorte d'indemnité et ce, à titre de dommages & intérêts ce qui est expressément accepté par le preneur. Il s'agit là d'une condition essentielle sans laquelle le présent bail n'aurait pas été consenti » ; que cette clause n'était pas contraire au principe d'égalité des créanciers, puisqu'il n'en résultait pas une majoration des obligations du débiteur en cas d'ouverture d'une procédure collective ; que par conséquent, cette clause devait recevoir application, sans que puisse être opposé au bailleur le gage général des créanciers ; qu'en considérant pourtant que la clause pénale était inopposable à la procédure collective, après avoir elle-même estimé que le liquidateur ne pouvait utilement demander que la clause soit considérée comme nulle ou non écrite, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1226 du code civil, ainsi que le principe de l'égalité entre les créanciers d'un débiteur en redressement ou liquidation judiciaire.ECLI:FR:CCASS:2017:CO00765
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 mai 2015), que, le 6 juillet 1999, la société Brasserie et développement patrimoine, devenue la société Foncière des arts patrimoine (le bailleur), a donné à bail commercial un immeuble à M. et Mme X... pour exploiter un débit de boissons ; qu'une clause du bail prévoyait l'engagement du preneur, en cas de résiliation du bail de son fait, de transférer au bailleur la propriété de la licence IV, à titre de dommages-intérêts ; que, le 19 septembre 2002, Mme X... a été mise en redressement judiciaire avant de bénéficier d'un plan de redressement par voie de continuation le 26 novembre 2003 ; que, le 24 novembre 2009, le tribunal a résolu ce plan et prononcé sa liquidation judiciaire ; qu'à la suite de la résiliation de plein droit du bail intervenue en vertu d'une décision de référé du 13 octobre 2009, les lieux loués ont été restitués par le liquidateur à la société bailleresse le 21 décembre 2009 qui a déclaré une créance de 23 592, 81 euros à titre privilégié ; que le bailleur a assigné ce dernier aux fins de le voir condamner à lui transférer la propriété de la licence IV en application des stipulations du bail ;
Attendu que le bailleur fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à la procédure collective la clause du bail prévoyant le transfert de propriété de la licence IV et de rejeter, en conséquence, sa demande visant à obtenir le transfert de propriété de celle-ci alors, selon le moyen, que le principe d'égalité des créanciers ne s'oppose à la validité, au regard des procédures collectives, d'une clause pénale convenue entre un créancier et le débiteur antérieurement à la procédure collective, que lorsqu'il résulte de cette clause une majoration des obligations du débiteur envers le créancier en cas de prononcé de son redressement ou de sa liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la clause litigieuse prévoyait que « le preneur déclare affecter expressément la licence de IVème catégorie dont il est titulaire à l'exploitation d'un débit de boissons dans les lieux loués. (…) Au cas de résiliation de bail du fait du preneur, quelle qu'en soit la cause, il s'engage à en transférer la propriété au bailleur ou à toute autre personne désignée par lui, sans pouvoir prétendre à aucune sorte d'indemnité et ce, à titre de dommages-intérêts ce qui est expressément accepté par le preneur. Il s'agit là d'une condition essentielle sans laquelle le présent bail n'aurait pas été consenti » ; que cette clause n'était pas contraire au principe d'égalité des créanciers, puisqu'il n'en résultait pas une majoration des obligations du débiteur en cas d'ouverture d'une procédure collective ; que par conséquent, cette clause devait recevoir application, sans que puisse être opposé au bailleur le gage général des créanciers ; qu'en considérant pourtant que la clause pénale était inopposable à la procédure collective, après avoir elle-même estimé que le liquidateur ne pouvait utilement demander que la clause soit considérée comme nulle ou non écrite, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1226 du code civil, ainsi que le principe de l'égalité entre les créanciers d'un débiteur en redressement ou liquidation judiciaire ;
Mais attendu, que la demande du bailleur, qui tendait à l'exécution en nature d'une obligation de faire stipulée à titre de clause pénale, équivalait à une demande en paiement d'une somme d'argent laquelle, portant sur une créance qui ne satisfaisait pas aux exigences de l'article L. 622-17 du code de commerce pour être née de la résiliation du bail intervenue avant le jugement prononçant la liquidation judiciaire du preneur, devait être déclarée au passif de la procédure ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués, la décision se trouve justifiée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Foncière des arts patrimoine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Foncière des arts patrimoine.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré inopposable à la procédure collective la clause du bail prévoyant le transfert de propriété de la licence IV et rejeté en conséquence la demande de la société Foncière des Arts Patrimoine visant à obtenir le transfert de propriété de cette licence ;
AUX MOTIFS QUE, comme le soutient en dernier lieu le liquidateur, la clause, indépendamment de sa validité, ne saurait avoir d'effet lorsque le preneur est en procédure collective ; qu'en effet, l'attribution d'un élément de l'actif du preneur en état de liquidation judiciaire par le jeu d'une clause contractuelle antérieure aboutit à conférer au bailleur un privilège dépourvu de fondement légal et à contourner les dispositions d'ordre public du code de commerce régissant les modalités de réalisation de l'actif sous la conduite du liquidateur et le contrôle du tribunal de commerce ; que le liquidateur est donc fondé à soutenir que la clause est inopposable à la procédure collective ; qu'en conséquence, la demande de la société Foncière des arts visant au transfert de la licence à son profit doit être rejetée ; que le jugement sera ainsi infirmé en ce qu'il a fait droit à la demande ;
ALORS QUE le principe d'égalité des créanciers ne s'oppose à la validité, au regard des procédures collectives, d'une clause pénale convenue entre un créancier et le débiteur antérieurement à la procédure collective, que lorsqu'il résulte de cette clause une majoration des obligations du débiteur envers le créancier en cas de prononcé de son redressement ou de sa liquidation judiciaire ; qu'en l'espèce, la clause litigieuse prévoyait que « le preneur déclare affecter expressément la licence de IVème catégorie dont il est titulaire à l'exploitation d'un débit de boissons dans les lieux loués. (…)
Au cas de résiliation de bail du fait du preneur, quelle qu'en soit la cause, il s'engage à en transférer la propriété au bailleur ou à toute autre personne désignée par lui, sans pouvoir prétendre à aucune sorte d'indemnité et ce, à titre de dommages & intérêts ce qui est expressément accepté par le preneur. Il s'agit là d'une condition essentielle sans laquelle le présent bail n'aurait pas été consenti » ; que cette clause n'était pas contraire au principe d'égalité des créanciers, puisqu'il n'en résultait pas une majoration des obligations du débiteur en cas d'ouverture d'une procédure collective ; que par conséquent, cette clause devait recevoir application, sans que puisse être opposé au bailleur le gage général des créanciers ; qu'en considérant pourtant que la clause pénale était inopposable à la procédure collective, après avoir elle-même estimé que le liquidateur ne pouvait utilement demander que la clause soit considérée comme nulle ou non écrite, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1226 du code civil, ainsi que le principe de l'égalité entre les créanciers d'un débiteur en redressement ou liquidation judiciaire.