Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 17 mai 2017, 15-22.762, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 13 mai 2015), que suivant contrat prenant effet le 9 juillet 2012, la société Axa France (la société Axa) a assuré la société Bretagne gâteaux (la société BG), qui avait une activité de biscuiterie industrielle ; que la société BG a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, Mme X..., étant désignée liquidateur ; que le 16 janvier 2013, la société BG a été victime d'un incendie qui a endommagé une ligne de fabrication de gâteaux ; qu'afin d'évaluer les préjudices indemnisables, la société Axa a désigné le cabinet Texa en qualité d'expert tandis que la société BG faisait appel au cabinet Collomé, conformément aux clauses contractuelles ; que les parties n'ont pas trouvé d'accord sur l'indemnisation de la perte d'exploitation ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de condamner la société Axa à lui payer la somme de 25 252,80 euros en réparation de la perte d'exploitation subie par la société BG alors, selon le moyen, que s'il est interdit au juge de fonder sa décision uniquement sur un rapport d'expertise établi de manière non contradictoire, ce rapport constitue néanmoins un élément de preuve soumis à la libre discussion des parties ; que le juge ne peut l'écarter purement et simplement de la discussion, au seul motif qu'il n'avait pas de caractère contradictoire ; qu'en écartant, pour cette raison, le
rapport établi par le cabinet CGB, qui n'était que l'un des éléments versés aux débats par Mme X... (celle-ci ayant également versé aux débats le rapport Collomé et toute une série de documents comptables et justificatifs

dûment visés dans ses conclusions d'appel), la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les parties avaient prévu qu'en cas de désaccord entre les experts qu'elles auraient respectivement désignés, il leur appartiendrait d'en choisir un troisième d'un commun accord ou de le faire nommer par décision de justice, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la société BG ne pouvait se fonder sur le rapport d'un expert qu'elle avait elle-même désigné, sans respecter les modalités de preuve que les parties avaient définies contractuellement ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X..., en qualité de liquidateur de la société Bretagne gâteaux, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-sept. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour Mme X..., ès qualités, et la société Bretagne gâteaux

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société Axa France à payer à Maître X..., prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Bretagne Gâteaux une somme limitée à 22 252,80 euros en réparation de sa perte d'exploitation, après déduction des provisions versées

AUX MOTIFS QUE l'assurée était contractuellement tenue de prendre toutes mesures pour faire cesser le sinistre et en limiter les conséquences et adresser à l'assureur tous documents utiles dans les meilleurs délais ; qu'en n'utilisant pas les fonds versés par l'assureur conformément à leur destination, soit l'achat du matériel permettant d'évaluer sa perte d'exploitation, la SARL Bretagne Gâteaux avait aggravé cette dernière ; qu'il en serait tenu compte dans le calcul de l'indemnité au titre de la perte d'exploitation ; que selon le chapitre V des conventions spéciales du contrat souscrit, l'indemnité correspondait à la perte d'exploitation résultant de la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité de l'entreprise et de l'engagement de frais supplémentaires directement liés aux dommages matériels causés par le sinistre garanti ; que la baisse du chiffre d'affaires consistait en la perte de marge brute, calculée au prorata de la différence entre le chiffre d'affaires qui aurait pu être réalisé et celui effectivement réalisé ; que les opérations sous-traitées à des tiers faisaient partie intégrante du chiffre d'affaires ; que les frais supplémentaires consistaient dans tous les frais exposés pour éviter ou limiter la réduction du chiffre d'affaires ; que devaient être déduits tous montants de charges que l'entreprise cesserait de supporter du fait du sinistre ; que la période d'indemnisation devait être d'un an au maximum ; que le contrat d'assurance prévoyait qu'en cas de désaccord entre les deux experts choisis par chacune des parties, un troisième expert pouvait être désigné par le président du Tribunal de grande instance ou du tribunal de commerce, à défaut d'accord amiable entre les parties ; que la SARL Bretagne Gâteaux n'avait pas respecté cette procédure qui s'imposait à elle ; qu'ayant été débouté de sa demande d'expertise judiciaire faute d'avoir respecté le préalable de la désignation amiable d'un troisième expert, elle avait désigné, à sa seule initiative, le cabinet CGB, dont les conclusions non contradictoires tendant à la fixation de la perte d'exploitation à la somme de 957 620 euros n'étaient pas opposables à la société d'assurance ; que le cabinet Collomé avait fixé la perte d'exploitation à 350 292, 01 euros ; que le cabinet Texa avait proposé une indemnité de 195 000 euros ; que l'indemnité due serait fixée au regard des propositions respectives des experts choisis amiablement et contradictoirement par les parties ; que la perte d'exploitation devait être fixée à la somme totale de 281 759 euros, dont il convenait de déduire les provisions versées pour un montant total de 256 506, 20 euros, soit un solde de 25 252, 80 euros ;

ALORS QUE s'il est interdit au juge de fonder sa décision uniquement sur un rapport d'expertise établi de manière non contradictoire, ce rapport constitue néanmoins un élément de preuve soumis à la libre discussion des parties ; que le juge ne peut l'écarter purement et simplement de la discussion, au seul motif qu'il n'avait pas de caractère contradictoire ; qu'en écartant, pour cette raison, le rapport établi par la cabinet CGB, qui n'était que l'un des éléments versés aux débats par Maître X... (celle-ci ayant également versé aux débats le rapport Collomé et toute une série de documents comptables et justificatifs dûment visés dans ses conclusions d'appel), la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 16 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:CO00719
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