Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 11 mai 2017, 16-13.859, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, suivant offre préalable du 23 avril 2010, assortie d'une proposition d'assurance, la Société européenne de développement du financement (la banque) a consenti un prêt personnel à Mme X... ; que cette dernière a formé opposition à une ordonnance lui faisant injonction de payer une certaine somme au titre du prêt ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu les articles L. 311-12 et L. 311-33 du code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ;

Attendu que, pour rejeter la demande tendant à la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, faute de remise de la notice prévue en cas de proposition d'assurance assortissant l'offre préalable, l'arrêt retient que Mme X... a contracté l'offre de crédit et adhéré à l'assurance facultative en mentionnant avoir pris connaissance de la notice comportant les extraits des conditions générales de l'assurance ; qu'il en déduit que, sauf preuve contraire que pourrait apporter Mme X..., qui n'a jamais soutenu ne pas avoir reçu les informations prévues par la loi, la banque lui a bien remis une telle notice ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater les éléments de nature à établir la remise par la banque à l'emprunteur de la notice comportant les extraits des conditions générales de l'assurance dont une proposition assortissait l'offre préalable de prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels, l'arrêt rendu le 18 août 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la Société européenne de développement du financement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait déchu la société SEDEF de son droit aux intérêts;

AUX MOTIFS QUE le texte de la consommation concernant l'assurance accompagnant le crédit, tel qu'il était applicable lors de la conclusion du contrat en avril 2010, soit l'article L311-12, prévoyait que « lorsque l'offre préalable est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, notamment les noms et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus. Si l'assurance est obligatoire pour obtenir le financement, l'offre préalable rappelle que l'emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l'assureur de son choix. Si l'assurance est facultative, l'offre préalable rappelle les modalités suivant lesquelles l'emprunteur ne peut pas y adhérer ». L'article L.311-3 applicable à la même époque prévoyait que « le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles 311- 8 à L.311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu. Les sommes perçus au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, seront restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû ». Il apparaît que Madame X... a contracté l'offre de crédit et a adhéré à l'assurance facultative qui lui était proposée en reconnaissant avoir pris connaissance de la notice comportant les extraits des conditions générales de l'assurance ». Il en résulte que, sauf preuve contraire que pourrait apporter Madame X... et alors surtout qu'elle n'a jamais prétendu ne pas avoir reçu les informations prévues par la loi, la société SEDEF lui a bien remis la notice comportant les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a déchu la société SEDEF de son droit aux intérêts.

ALORS PREMIEREMENT QUE dans ses conclusions d'appel, Madame X... invoquait la méconnaissance par la banque de ses obligations relatives à la remise à l'emprunteur de la notice d'assurance et sollicitait en conséquence dans le dispositif de ses conclusions d'appel que soit « confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déchu la société SEP SEDEF de son droit aux intérêts » ; que la cour d'appel pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formulée par Madame X..., a énoncé que cette dernière "n'a jamais prétendu ne pas avoir reçu les informations prévues par la loi" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisie ;

ALORS DEUXIEMEMENT QUE dans ses conclusions d'appel, Madame X... faisait valoir la méconnaissance par la banque de ses obligations relatives à la remise à l'emprunteur de la notice d'assurance et sollicitait en conséquence dans le dispositif de ses conclusions d'appel que soit « confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déchu la société SEP SEDEF de son droit aux intérêts » ; que la cour d'appel pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formulée par Madame X..., la cour d'appel a énoncé que cette dernière "n'a jamais prétendu ne pas avoir reçu les informations prévues par la loi" ; qu'en statuant ainsi, à supposer qu'il n'y ait pas dénaturation des écritures, la cour d'appel a tout le moins méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS TROISIEMEMENT QUE celui qui est légalement tenu d'une obligation particulière d'information, doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu' il incombe au prêteur d'établir qu'il a remis au débiteur une notice d'information conforme à l'article L.311-12 du code de la consommation ; qu'en retenant, pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts de la banque formulée par Madame X..., que « sauf preuve contraire que pourrait apporter Mme X... et alors surtout qu'elle n'a jamais prétendu ne pas avoir reçu les informations prévues par la loi, la société SEDEF lui a bien remis la notice comportant les extraits des conditions générales de l'assurance », quant il appartenait au contraire à la banque, la société SEDEF, de prouver qu'elle avait bien remis à l'emprunteur les informations prévues par la loi et plus particulièrement la notice d'assurance, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ensemble l'article L.311-12 ancien du code de la consommation;

ALORS QUATRIEMEMENT QUE lorsque l'offre préalable de prêt est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise par le prêteur à l'emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant ; qu'en retenant que la société SEDEF avait bien remis à Madame X... la notice comportant les extraits des conditions générales de l'assurance la concernant au motif que cette dernière avait reconnu avoir pris connaissance de la notice, la cour d'appel qui n'a pas constaté la remise effective par la banque de la notice d'assurance a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 311-12 et L.311-33 du code de la consommation alors applicables.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Madame X... de sa demande fondée sur le manquement de la société SEP SEDEF à son devoir de mise en garde et a rejeté ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE Il apparaît qu'en l'espèce Mme X... n'était pas un emprunteur averti. Le tribunal a examiné ses capacités financières à l'époque de l'octroi du prêt, en avril 2010. Il apparaissait que l'emprunteuse disposait de revenus nets de 1.289,18 euros, les mensualités, au nombre de 53, étaient de 335,06 euros, assurance comprise. Par ailleurs, Mme X... demeurait chez sa mère qui disposait de faibles revenus ; elle reproche à la banque de ne pas avoir pris en compte l'aide financière qu'elle devait et doit apporter à sa mère. Il ressort de ces éléments que la société SEDEF a procédé à des vérifications sur les revenus propres de Mme X... et sur ses charges puisque Mme X... demeurait à l'époque chez sa mère et ne supportait pas de charge de logement. Il n'appartenait pas au prêteur de procéder à d'autres investigations concernant en définitive la situation de la mère de sa cliente, dès lors que Mme X... n'avait pas attiré l'attention de la société SEDEF sur une situation particulière. Le crédit accordé à Mme X... n'apparaissant pas inadapté à ses capacités financières, la société n'avait donc pas à la mettre en garde et à attirer son attention sur ses possibilités d'impayés et ses risques d'endettement en cas de dépassement de ses capacités de financement. La société SEDEF n'a donc pas manqué à un devoir de mise en garde. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages intérêts présentée par Mme X... ;

ALORS QUE l'obligation de mis en garde suppose que l'établissement de crédit vérifie les capacités financières de l'emprunteur non averti et les risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; que Madame X... faisait valoir qu'elle avait attiré l'attention de la banque sur le fait qu'elle vivait chez sa mère aux revenus modestes qu'elle était obligée d'aider financièrement ce dont il résultait qu'elle supportait des charges fixes importantes non prises en compte par la banque lors de l'octroi de crédit ; qu'en retenant, pour écarter sa demande que la banque avait procédé aux vérifications sur les charges de Madame X... puisque cette dernière demeurait à l'époque chez sa mère et ne supportait pas de charge de logement et qu'il ne lui appartenait pas de procéder à d'autres investigations quant Madame X... soutenait au contraire avoir attiré l'attention de la banque sur des charges fixes indépendantes du loyer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2017:C100596
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