Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 avril 2017, 16-81.793, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° M 16-81.793 F-P+B

N° 859

FAR
25 AVRIL 2017


REJET


M. GUÉRIN président,





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________





LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET des pourvois formés par M. [F] [Q], Mme [B] [N], épouse [Q], contre l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 18 février 2016, qui, pour travail dissimulé et obstacle à l'exercice des fonctions d'un inspecteur ou contrôleur du travail, a condamné, le premier, à 2 000 euros d'amende, la seconde, à 1 500 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 mars 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Ricard, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller RICARD, les observations de la société civile professionnelle MARLANGE et DE LA BURGADE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des procès-verbaux de l'inspection du travail, base de la poursuite, que M. [F] [Q] et Mme [B] [N], épouse [Q], ont été poursuivis des chefs de travail dissimulé et d'obstacle à l'exercice des fonctions d'un inspecteur ou contrôleur du travail pour avoir, d'une part, mentionné sur les bulletins de paie de salariés de la société Amarys, à l'enseigne "[Établissement 1]", exerçant une activité de restauration à [Localité 1] et dont ils ont assuré la gestion, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli du 1er au 31 juillet 2013, d'autre part, pour avoir adressé à ces agents de contrôle du 2 août 2012 au 11 janvier 2013, des décomptes de la durée du travail des salariés ne correspondant pas à la réalité des heures effectuées ; que le tribunal a relaxé les prévenus ; que le ministère public a relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 398-3, 453, 486, 512, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué que :

"composition de la cour, lors des débats :
- présidente : Mme Claire Quintallet ;
- conseillers : Mme Rita Marquis, M. Bertrand Mitsounda ;
la présidente et les conseillers sus-désignés en ayant délibéré conformément à la loi ;
- ministère public : M. Thierry Phelippeau,
- greffier : Mme Stéphanie Manequin, l'arrêt a été lu à l'audience par Mme Claire Quintallet" ;

"et que :

"à l'audience publique du 14 janvier 2016 :
- Mme le conseiller Claire Quintallet a vérifié l'identité des prévenus, les a informés de leur droit au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui leur sont posées ou de se taire, et a fait le rapport de l'affaire ;
- les prévenus ont été interrogés ;
- la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail, de l'emploi, en la personne de M. [P] [F], a été entendue ;
- le ministère public a été entendu en ses réquisitions ;
- Me Brossy Patrice a déposé et développé oralement des conclusions en faveur des prévenus ;
- les prévenus ont eu la parole en dernier ;
- puis l'affaire a été mise en délibéré au 18 février 2016, les parties ayant été averties par la présidente de ce renvoi" ;

"alors que le greffier et le ministère public faisant partie intégrante de la juridiction, l'arrêt attaqué doit expressément constater leur présence à toutes les audiences, y compris celle où est prononcé la décision, sous peine de nullité ; qu'il ne ressort pas de l'arrêt attaqué la preuve de la présence du greffier et du ministère public à l'audience où a été prononcé la décision ; que dès lors, la procédure est entachée de nullité" ;

Attendu que l'arrêt attaqué constate la présence du représentant du ministère public et celle du greffier, ainsi que l'audition du premier, à l'audience des débats, sans préciser que ceux-ci assistaient également à sa lecture ;

Qu'en cet état, le grief allégué n'est pas fondé ;

Qu'en effet, d'une part, si les articles 32, 486 et 510 du code de procédure pénale exigent que le ministère public, partie nécessaire au procès pénal, soit présent à chaque audience des juridictions de jugement, il résulte de l'article 592 du même code qu'à l'instar des magistrats composant la juridiction, il est présumé avoir assisté à toutes les audiences de la cause, dès lors qu'il a été entendu en ses réquisitions à celle des débats, et que la nullité de la décision n'est encourue qu'à défaut de cette audition selon l'alinéa 2 de ce texte, l'absence de mention de la présence du ministère public au prononcé à la minute de l'arrêt n'important pas ;

Que, d'autre part, il se déduit des mentions de l'arrêt attaqué que le greffier ayant assisté les magistrats de la cour d'appel au cours de l'audience était également présent lors du prononcé de la décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 8112-1, L. 8112-2, L. 8112-3, L. 8113-1, L. 8113-3, L. 8113-5 et L. 8114-1, du code du travail, l'article préliminaire, les articles 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. [Q] et Mme [B] [N], épouse [Q], coupable d'obstacle à l'exercice des fonctions d'un inspecteur ou contrôleur du travail et en répression les a respectivement condamné à une amende de 2 000 euros et 1 500 euros ;

"aux motifs que ce délit est constitué, dès lors que les renseignements donnés lors d'un contrôle à l'inspecteur du travail sur le personnel de l'entreprise comportent volontairement des inexactitudes, ou étant incomplets les renseignements donnés ne permettent pas à l'inspecteur ou au contrôleur du travail de vérifier si les heures effectivement travaillées sont conformes aux heures mentionnées sur le bulletin de paie ; qu'à la suite du contrôle effectué le 2 août 2012, les plannings communiqués par l'employeur n'ont pas permis aux contrôleurs du travail de noter la réalité des heures supplémentaires réalisées par chacun des salariés à temps complet ni les heures complémentaires effectivement réalisées pour les salariés à temps partiel, les planning n'étant que la reproduction des horaires mentionnés au contrat de travail ; que les explications de M. [Q] données à l'inspectrice du travail selon lesquelles "ces heures étaient récupérées dans la même semaine et que donc elles n'avaient pas à figurer sur les plannings" ne sont pas recevables, cette situation étant invérifiable lors d'un contrôle et de surcroît mathématiquement impossible pour les salariés recrutés avec un nombre d'heures réduit ; que, s'agissant par exemple de la situation de Mme [D] [D] contrôlée alors qu'elle effectuait le nettoyage des machines à glaces italiennes, son contrat prévoyait une durée hebdomadaire de 4 heures de travail et cette salariée a elle-même indiqué à l'inspectrice qu'elle travaillait entre 2 et 3 heures par jour, soit a minima 10 heures de travail sur une semaine et non 4 et donc un quota de 6 heures complémentaires lesquelles ne peuvent être récupérées et doivent être rémunérées ; qu'en toutes hypothèses, il lui serait mathématiquement impossible de récupérer chaque fin de semaine un nombre d'heures de travail qui dépasse la durée prévue au contrat ; que M. [F] [V] en contrat à durée déterminée de 6 heures par mois, a précisé qu'il effectuait le nettoyage de la terrasse deux heures par semaine, ce qui dépasse là encore la durée du travail prévu au contrat et ce d'autant que sa collègue a précisé qu'il était le veilleur de nuit ; que les époux [Q] soutiennent que l'infraction de base, à savoir la méconnaissance des règles relatives au décompte de la durée du travail n'a jamais été poursuivie et qu'elle est désormais prescrite et que le procès-verbal de l'inspection du travail ne comprend pas en annexe les pièces communiquées par leur soin le 31 août 2012 de sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier les affirmations de l'inspection du travail ; que toutefois, il résulte suffisamment de mentions figurant au procès-verbal de l'inspection du travail qui fait foi jusqu'à preuve contraire qu'aucune information sur les horaires effectivement réalisés par les salariés n'a été communiquée à l'inspection du travail malgré ses demandes entre le contrôle effectué le 2 août 2012 et la rédaction du procès-verbal le 11 janvier 2013 ; que le délit d'obstacle aux fonctions doit en conséquence être retenu sur cette période de prévention, à l'encontre de M. [Q] et de Mme [N] en leur qualité d'employeurs, les agents chargés du contrôle de l'établissement n'ayant pas été en mesure, au vu des informations partielles transmises de vérifier l'existence d'heures supplémentaires et la véracité de la prise des repos obligatoires de l'ensemble des salariés travaillant pour l'entreprise au jour du contrôle ; que les époux [Q] ne peuvent prétendre que l'inspection du travail ayant omis de faire figurer en annexe de leur procès-verbal les documents par eux communiqués (bulletins de salaire et décomptes), la cour ne serait pas en mesure de vérifier la véracité des affirmations mentionnées alors qu'il n'appartient pas à la cour d'effectuer ce travail de comparaison, les mentions figurant sur le procès-verbal faisant foi jusqu'à ce que la preuve contraire soit rapportée et eux-mêmes ne communiquant au soutien de leur défense aucune pièce de nature à remettre en cause les mentions y figurant ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a relaxé les prévenus de ce délit qui était sans rapport avec les faits constatés en août 2013 contrairement à l'analyse effectuée par le tribunal correctionnel, et, Mme [N] et M. [Q] seront déclarés coupables de ce chef de prévention, le délit d'obstacle aux fonctions des inspecteurs et contrôleurs du travail étant caractérisé dès que des informations sont dissimulées ou sont volontairement incomplètes à la suite d'un contrôle même en l'absence de toute infraction constatée, la dissimulation d'informations par l'employeur ayant précisément pour effet d'en empêcher le constat ;

"1°) alors que le délit d'obstacle à l'exercice des fonctions d'un inspecteur ou contrôleur du travail est caractérisé en cas de refus de communiquer, malgré les demandes réitérées de l'inspecteur ou du contrôleur du travail, des documents qui doivent être tenus à leur disposition ; qu'en l'espèce, les prévenus ont fourni aux agents en charge du contrôle les bulletins de salaire et les planning des employés ; qu'en les déclarant néanmoins coupables du délit d'obstacle à l'exercice des fonctions d'un inspecteur ou contrôleur du travail, en relevant que les plannings communiqués par l'employeur n'ont pas permis aux contrôleurs du travail de noter la réalité des heures supplémentaires réalisées par chacun des salariés à temps complet ni les heures complémentaires effectivement réalisées pour les salariés à temps partiel ou encore que les explications données à l'inspectrice du travail ne sont pas recevables, mais sans constater l'absence de communication délibérée des documents qui doivent être tenus à la disposition des agents de contrôle, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés ;

"2°) alors que tout prévenu bénéficie des droits consacrés par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, notamment le droit au silence et celui de ne pas s'auto-incriminer ; que ces droits excluent la possibilité pour les inspecteurs ou contrôleurs du travail d'obtenir des éléments de preuve par la contrainte ou les pressions au mépris de la volonté de la personne contrôlée ; qu'en l'espèce, en déclarant les prévenus coupables du délit d'obstacle à l'exercice des fonctions d'un inspecteur ou contrôleur du travail pour n'avoir pas fourni les éléments ayant permis de les poursuivre du chef de travail dissimulé, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du délit d'obstacle aux fonctions de contrôleur du travail, l'arrêt retient que les documents communiqués à la suite du contrôle effectué le 2 août 2012 par l'inspecteur du travail n'ont permis à ce dernier de connaître la réalité, ni des heures supplémentaires réalisées par chacun des salariés à temps complet, ni des heures complémentaires effectuées par les salariés employés à temps partiel ; que les juges ajoutent que les explications fournies par les prévenus, excipant d'une récupération, dans la semaine, des heures supplémentaires ou complémentaires accomplies, ne sont pas recevables, à défaut de vérification possible de cette situation lors d'un contrôle et de compatibilité avec l'activité des salariés n'effectuant qu'un horaire de travail réduit ; que la cour d'appel énonce qu'aucune information sur les horaires effectivement réalisés par les salariés n'a été communiquée à l'inspection du travail malgré ses demandes entre le contrôle précité et le 11 janvier 2013, date du procès-verbal relevant cette infraction ; qu'elle en déduit que des informations ont été dissimulées ou ont volontairement été fournies de manière incomplète à la suite d'un contrôle de l'inspection du travail, même en l'absence de toute infraction constatée, la dissimulation d'informations par l'employeur ayant précisément pour effet d'en empêcher le constat ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a fait l'exacte application des dispositions de l'article L. 8114-1 du code du travail réprimant le délit d'obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un contrôleur du travail, ainsi que des textes légaux et conventionnel visés au moyen ;

Qu'en effet, constituent un obstacle à l'exercice des fonctions de l'inspecteur du travail, sans porter atteinte au droit à ne pas s'auto-incriminer de l'employeur, d'une part, le défaut, par ce dernier, de représentation des documents permettant de vérifier le temps de travail effectif des salariés au sein de l'entreprise, dont la tenue, prévue par la loi, répond à l'objectif d'intérêt général de protection des salariés, d'autre part, en cas de mentions insuffisantes ou irrégulières dans les documents présentés, son abstention de fournir les informations qui lui sont demandées ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8221-1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5, L. 8221-6, L. 8224-1, L. 8224-3 et L. 8224-4 du code du travail, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. [Q] et Mme [N], épouse [Q], coupable du délit de travail dissimulé et en répression les a respectivement condamné à une amende de 2 000 euros et 1 500 euros ;

"aux motifs qu'il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1 - soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2 - soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3 - soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ; à la suite d'un contrôle inopiné réalisé le 24 juillet 2013, l'inspection du travail a constaté que toutes les heures travaillées figurant sur un décompte affiché derrière le bar et recopié par l'inspectrice du travail le 24 juillet 2013 concernant 17 des salariés de l'entreprise n'avaient pas été reprises sur les feuilles des décomptes journaliers présentées comme le décompte officiel de l'entreprise ; que la différence entre ces deux documents était de 503h35 sur la période comprise entre le 1er et le 23 juillet 2013, et ces heures de travail ne figuraient pas non plus sur les bulletins de paie communiqués après le contrôle ; qu'en application de la législation du travail, les heures de travail doivent être décomptées à la semaine civile ; que les heures dépassant la durée prévue au contrat de travail en fin de semaine sont soit des heures complémentaires, (pour les salariés dont le contrat est à temps partiel, soit d'une durée inférieure à 35h par semaine ou 151,67h par mois) soit des heures supplémentaires (pour les salariés à temps complet) ; que le code du travail prévoit que les heures complémentaires doivent obligatoirement être rémunérées puisqu'elles ne peuvent pas être récupérées ; que les heures supplémentaires peuvent être rémunérées ou récupérées ; que les heures complémentaires et les heures complémentaires effectivement accomplies doivent figurer sur les décomptes de la durée du travail ; qu'il a été soutenu par les prévenus tant devant le tribunal correctionnel que devant la cour que le décompte du 24 juillet 2013 utilisé par l'inspection du travail pour effectuer le comparatif était un document officieux établi par le barman, lequel ne pouvait être pris en compte par l'inspection du travail, puisque notamment il ne prenait pas en compte les pauses repas et les repos, mais se contentait de mentionner les heures d'arrivée et de départ des salariés ; que les prévenus ont également soutenu que ce document n'avait pas été conservé par leurs soins, eux-mêmes n'ayant été entendus par l'inspection du travail qu'au cours du mois de septembre 2013 et qu'ils n'étaient donc pas en mesure de s'expliquer sur ce document ; que des pièces produites en annexe du procès-verbal de l'inspection du travail, il résulte que M. [Q] a été convoqué par lettre recommandée datée du 5 août 2013 et reçue le 8 août 2013, pour le 3 septembre 2013 afin de répondre des deux contrôles réalisés les 24 juillet et 1er août 2013 ; qu'il lui était donc parfaitement possible de conserver ce décompte, communiqué à l'inspectrice du travail par un salarié, recopié par celle-ci le jour du contrôle et laissé à la disposition de l'employeur, et ce d'autant que son comptable pouvait en avoir besoin en cas de contestation éventuelle sur le paiement des heures complémentaires ou des heures supplémentaires ; que les mentions du procès-verbal de l'inspection du travail font foi jusqu'à preuve contraire ; qu'il est mentionné que le décompte accroché derrière le bar et faisant office de planning pour une partie seulement des salariés a été remis à l'inspectrice par M. [Q] [A], le responsable cuisine comme étant le seul décompte existant au jour du contrôle ; que ce document présenté à l'inspectrice du travail a été recopié par ses soins et laissé à la disposition de l'entreprise, de sorte que M. [Q] ne peut sérieusement prétendre ne pas pouvoir le comparer avec les différents décomptes signés par les salariés qu'il a lui-même produits ultérieurement et qui ne sont que la reproduction des heures figurant aux contrats de travail, comme lors du contrôle réalisé en août 2012, et ce malgré les rappels de la législation sur l'obligation de tenir des décomptes conformes au travail effectif réalisé ; ce décompte reste, en toutes hypothèses, partiel puisqu'il ne concerne que 17 des 37 salariés de l'entreprise alors qu'il résulte des dispositions des articles L. 3171-1 et L. 3171-2 du code du travail que l'employeur doit afficher les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi d'ailleurs que les heures et la durée du repos, lorsque les horaires ne sont pas les mêmes pour tous les salariés ; que l'employeur doit en outre établir pour chacun des salariés les documents nécessaires au décompte de la durée du travail des repos compensateurs acquis et de leur prise effective ; ainsi M. [Q] et Mme [N], son épouse, en leur qualité d'employeurs étaient tenus de décompter la durée du travail de leurs salariés en notant ou en leur faisant noter sur des feuilles prévues à cet effet, chaque jour, les heures de début et de fin de la période de travail, y compris précisant les heures supplémentaires ou complémentaires pour les salariés à temps partiel ; que M. [Q] a soutenu que les planning étaient affichés au mur dans les vestiaires et qu'il y avait de feuilles vierges à destination des salariés pour qu'ils remplissent eux-mêmes leurs horaires ; que concernant les feuilles d'heures affichées derrière le bar, il a précisé que ces feuilles étaient remplies par le barman uniquement pour contrôler les feuilles remplies par les salariés ; que toutefois, il n'apporte pas la preuve, ni par témoins, ni par écrit, ou par tout autre moyen de ce que le décompte communiqué par son responsable de cuisine le jour du contrôle serait un document erroné et ce d'autant qu'il ne conteste pas que le décompte figurant derrière le bar avait bien pour objectif de contrôler les horaires de ses salariés, et notamment de vérifier leurs horaires d'arrivée et de départ ; que, du tableau récapitulatif établi par l'inspection du travail il résulte que les pauses figuraient également sur ce décompte contrairement à ce qui est soutenu en défense, et les repos se déduisent de l'absence de mentions d'horaires d'arrivée et de départ à une date donnée pour un salarié donné ; que, contrairement à ce que soutient M. [Q], aucun des salariés présents le jour des deux contrôles n'a mentionné que les décomptes étaient dans les vestiaires alors que chaque salarié est tenu de le remplir chaque jour travaillé ; qu'il résulte en outre du procès-verbal que ce sont les salariés présents dans l'établissement qui ont remis à l'inspection du travail les documents tenus derrière le bar, lorsque les décomptes horaires ont été demandés, ce qui signifie que pour eux aussi le document accroché derrière le bar avait valeur de décompte officiel ; que l'inspection du travail mentionne en outre avoir rencontré plusieurs salariés fin octobre 2013 lesquels ont confirmé, sous couvert d'anonymat que toutes les heures de travail ne figuraient pas sur le bulletin de paie et que les horaires mentionnés sur le planning recopié par l'inspection du travail correspondaient à la réalité du travail effectué ; que, si effectivement les salariés n'ont pas été entendus nominativement dans la procédure et que les déclarations sous couvert d'anonymat ne sont pas, à elles seules probantes, il y a lieu de constater que là encore le procès-verbal fait foi jusqu'à preuve contraire, et que les époux [Q] ne communiquent eux-mêmes aucun témoignage de salariés ou aucun document de nature à écarter purement et simplement les informations communiquées par une administration publique ; qu'ainsi, le jugement qui a relaxé les prévenus doit être infirmé et M. [F] [Q] et Mme [B] [N] déclarés coupables du délit de travail dissimulé, puisqu'il apparaît qu'en moins d'un mois ce sont plus de 500 heures de travail qui n'ont pas été déclarées et rémunérées concernant 17 salariés de l'entreprise, certains salariés pouvant travailler jusqu'à 20 heures par semaine alors que leurs contrats ne prévoyaient que 4 heures hebdomadaires ;

"1°) alors que pour déclarer les prévenus coupables de travail dissimulé, la cour d'appel s'est uniquement fondée sur un document informel tenu par un des salariés et des témoignages anonymes ; qu'en se fondant sur ces seuls éléments pour en déduire que les heures de travail inscrites sur les bulletins de salaires de plusieurs salariés ne correspondraient pas aux heures réellement effectuées, malgré le démenti des prévenus et l'absence de confirmation par des témoignages non anonymes, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"2°) alors que l'infraction de travail dissimulé prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail n'est constituée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'en déclarant M. [Q] et Mme [N], épouse [Q], co-gérants de la brasserie "[Établissement 1]" coupables du délit de dissimulation d'emploi salarié, sans constater l'élément intentionnel de l'infraction pour chacun des prévenus, la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables du délit de travail dissimulé par la mention sur les bulletins de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, l'arrêt énonce qu'à la suite d'un contrôle réalisé le 24 juillet 2013, l'inspection du travail a constaté, sur la base d'un document remis par un salarié, que les heures travaillées par dix-sept des trente-sept employés de l'entreprise n'avaient pas été reprises sur les documents présentés par les prévenus comme décomptant les heures de travail effectuées, de sorte qu'un nombre d'heures travaillées supérieur à cinq cents heures n'avait pas été enregistré ; que les juges ajoutent que les prévenus étaient tenus de décompter la durée du travail de leurs salariés en notant ou en leur faisant noter les heures de début et de fin de période de travail, y compris en précisant les heures supplémentaires ou complémentaires ; qu'ils relèvent qu'aux termes du procès-verbal de l'inspection du travail, faisant foi jusqu'à preuve contraire, plusieurs salariés ont confirmé, sous couvert d'anonymat, que les heures de travail accomplies ne figuraient pas sur leur bulletin de paie et que les horaires mentionnés sur le document remis lors du contrôle correspondaient à la réalité du travail effectué ; que la cour d'appel en déduit que les éléments constitutifs du délit de travail dissimulé ont été caractérisés dès lors qu'en une période inférieure à un mois plus de cinq cents heures de travail n'ont pas été déclarées, précisant que certains salariés ont travaillé jusqu'à vingt heures par semaine, alors que leurs contrats n'avaient prévu que quatre heures de travail hebdomadaires ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les prévenus dans le détail de leur argumentation, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, et caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit de travail dissimulé par minoration du nombre d'heures de travail réellement accomplies ;

D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq avril deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2017:CR00859
Retourner en haut de la page