Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 avril 2017, 16-15.214, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 5 novembre 2015), que [U] [U], décédé le [Date décès 1] 1986, a laissé pour lui succéder son épouse, Mme [L], usufruitière de l'universalité de la succession, et leurs deux enfants, [H] et [S] ; que des difficultés se sont élevées lors des opérations de liquidation et partage de la succession ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :

Attendu que M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes concernant la mission de l'expert commis ;

Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles 232 et 238 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, le pouvoir souverain des juges du fond qui, sans le déléguer, ont estimé que ce technicien devait appliquer un procédé uniforme d'évaluation de la nue-propriété des biens successoraux ; qu'il ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, ci-après annexé :

Attendu que M. [U] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'attribution préférentielle en nue-propriété des terres du domaine agricole de « [Localité 1] » ;

Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles 831 et 832-2 du code civil et de manque de base légale au regard du premier de ces textes, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont estimé que M. [U] n'établissait pas sa participation effective à l'exploitation du domaine litigieux ; qu'il ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen du même pourvoi, ci-après annexé :

Attendu que M. [U] fait grief à l'arrêt de dire que certains biens litigieux seront estimés en valeur de terrains libres ;

Attendu, qu'après avoir relevé que ces biens, qu'elle a attribués préférentiellement à M. [U], étaient exploités par une société dont il était le seul associé connu et qu'il serait tenu compte du fermage versé par lui à sa mère pour l'évaluation de l'usufruit, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, par motifs adoptés, retenu que ces biens devaient être évalués en terrains libres ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille dix-sept.MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. [U]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande formée par M. [U] aux fins de voir impartir à l'expert commis par le premier juge une méthode d'évaluation des droits réels de nue propriété au regard de la nature de chaque bien sur lesquels ils portent et d'avoir dit que l'expert aura pour mission de proposer aux parties une méthode d'évaluation de la nue-propriété de ces biens, à défaut d'accord, procéder ainsi qu'il est dit pour l'évaluation en pleine propriété, certains domaines étant évalués en valeur de terrain occupé et en déduire par soustraction la valeur de la nue-propriété ;

AUX MOTIFS QUE le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la nue propriété des biens dépendant de la succession de [U] [U] à l'exception des mobiliers meublants et usuels ; qu'il le sera tout autant en ce qu'il a, pour parvenir aux dites opérations, commis [Y] [B] en qualité d'expert avec la mission confiée à ce dernier ; qu'à cet égard, l'appelant ne saurait être suivi dans sa demande tendant à voir impartir à l'expert une méthodologie qu'il détermine pour l'évaluation de chaque bien en cause ; que de même, si [S] [U] stigmatise les demandes de son frère à cet égard, elle n'en procède pas moins comme lui, en ce qui concerne les bois en indivision en [Localité 2], en demandant que la méthodologie suivie pour leur évaluation soit celle proposée par [K] [P] ; qu'il ne saurait davantage être fait droit à cette demande ; qu'il sera loisible aux parties dans le cadre de l'expertise de formuler tout dire qu'elles jugeront utile et à l'expert d'y répondre, le rapport dressé par ce dernier faisant ultérieurement l'objet d'un débat devant la juridiction saisie du fond du litige ; que [S] [U] ne saurait pas plus voir prospérer sa demande tendant à ce qu'il soit fait injonction de communiquer à l'expert tous éléments relatifs au peuplement et à l'abattage des biens situés dans l'[Localité 2], ce dernier ayant reçu dans le cadre de sa mission la faculté de se faire remettre tous documents jugés utiles à l'accomplissement de celle-ci, ce qui pourra le cas échéant donner lieu à un incident dans le cadre du suivi des opérations d'expertise ;

ALORS QUE le juge peut commettre toute personne pour l'éclairer par ces constatations par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien. qu'en l'espèce, la cour d'appel, confirmant le jugement entrepris, a conféré à l'expert pour mission, à défaut d'accord entre les parties, de procéder à l'évaluation, en pleine propriété, des biens à partager, et de la valeur de l'usufruit pour chacun d'eux en tenant compte de l'âge de l'usufruitière et de la rentabilité des biens et d'en déduire par soustraction la valeur de la nue propriété ; qu'en rejetant la demande formée par M. [U] aux fins de qualification préalable, par elle, des droits réels de nue propriété sur chaque type de bien à partager, ceux-ci différant selon la nature du bien sur lesquels ils portent, la cour d'appel qui a délégué à l'expert partie de son pouvoir juridictionnel a violé les articles 232 et 238 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [U] de sa demande aux fins d'attribution en nue propriété des terres constituant le domaine agricole de « Pommerieux », sis communes de Contigné, Brissarthe, et de Chateauneuf sur Sarthe (Maine et Loire),

AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est par de justes motifs que la cour d'appel fait siens (page 10 du jugement) que les premiers juges ont dit qu'[H] [U] ne remplissait pas les conditions pour se voir attribuer préférentiellement le domaine de « Pommerieux », le déboutant de sa demande à ce titre, tout en disant que le bien en cause serait évalué non pas comme terrains libres mais comme un bien occupé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE ce domaine est situé dans le Maine et [Localité 3], de sorte qu'il paraît peu crédible que M. [H] [U] exploite personnellement ce domaine, alors qu'il a déjà une activité importante dans le département de l'[Localité 2] ; que le fait qu'il soit associé de l'Earl de Pommerieux n'établit pas pour autant sa participation effective à l'exploitation du domaine ; que l'attestation de son associé, M. [X], ne peut prétendre à l'objectivité et n'a pas de caractère suffisamment probant d'autant que son contenu est particulièrement succinct ; qu'en outre, il peut être noté que selon les statuts de l'Earl, les bénéfices sont attribués en quasi totalité à M. [X], ce qui apparaît comme la contrepartie du fait que ce dernier assume seul l'exploitation du domaine de [Localité 1] ; qu'il ne peut être considéré dans ces conditions que M. [H] [U] exploite le domaine au sens de l'article 831 du code civil, de sorte qu'il ne peut être fait droit à sa demande d'attribution préférentielle ; qu'en contrepartie, ce domaine sera évalué non pas comme terrain libre mais comme un bien occupé ; qu'il ne peut y avoir abus de droit à constituer une société pour l'exploitation d'un domaine agricole ;

1) ALORS QUE tout héritier peut demander l'attribution préférentielle d'un bien agricole à l'exploitation duquel il participe ou a participé effectivement, peu important les conditions juridiques de cette exploitation ; que, dans ses conclusions (page 32 et s.) , M. [U] faisait valoir qu'il bénéficiait d'un bail rural, consenti par sa mère, usufruitière, sur le domaine de [Localité 1], constitué de parcelles en nature de terres et de prés, d'une contenance de 42,06 hectares, bail mis à la disposition de l'Earl de [Localité 1] constituée avec M. [X] ainsi que 37,5 des droits normaux à paiement unique « DPU » et 4,5 des droits jachères à paiement unique, mise à disposition que seuls des associés exploitants agricoles peuvent opérer au profit d'une société agricole, conformément à l'article L. 411-37 du code rural ; que dès lors, la condition légale de la participation effective de M. [U] devait être appréciée au regard de l'activité de la société qu'il avait constituée, dont il détient, plus de 75 % des parts, et dans laquelle il a la qualité d'associé exploitant agricole et de cogérant ; qu'en retenant, pour rejeter la demande d'attribution préférentielle formée par M. [U] du domaine de Pommerieux que sa qualité d'associé de l'Earl exploitant le domaine n'établissait pas sa participation effective à son exploitation, la cour d'appel a violé l'article 831 du code civil ;

2) ALORS QUE subsidiairement, dans ses conclusions, M. [U] faisait valoir que l'exploitation du domaine de [Localité 1], composée de quatre parcelles de cultures, n'imposait pas une présence quotidienne sur les lieux, mais seulement, comme l'expert l'avait constaté, une dizaine de jours de travail par an, (p .32 et s.) ce qui lui permettait d'assurer le temps de présence nécessaire pour participer, de manière effective, à l'exploitation du domaine, conformément aux dispositions de l'article 831 du code civil ; qu'en relevant que M. [U] exerçait une activité dans un autre département, pourtant voisin, et que les statuts de la société attribuaient la quasi totalité des bénéfices de la société à son associé, la cour d'appel qui s'est déterminée au regard d'un élément inopérant, soit le partage des bénéfices sociaux, et qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si la nature du domaine et son mode d'exploitation ne permettaient pas à M. [U] de participer, de manière effective et autant que nécessaire, à l'exploitation du bien, privé sa décision de base légale au regard de l'article 831 du code civil ;

3) ALORS QUE M. [U] demandait l'attribution préférentielle du domaine de Pommerieux en observant que cette exploitation est « en effet indispensable à la diversification de son activité de base d'élevage bovin » (cf. conclusions p. 31) de sorte qu'en refusant l'attribution préférentielle de ce domaine tandis qu'elle ordonnait celle de l'ensemble des autres parcelles, la cour d'appel qui n'a pas pris en considération la nécessité de maintenir l'activité économique de l'exploitation a violé l'article 831 du code civil, ensemble l'article 832-2 du même code ;

4°) ALORS QUE subsidiairement la cour d'appel ne pouvait légalement attribuer préférentiellement à M. [U] les domaines de Bruère, du Bourg, de [Adresse 4], [Adresse 5] quand elle lui refusait l'attribution du domaine de Pommerieux, une telle décision portant atteinte au maintien de l'activité économique de l'exploitation en violation des dispositions susvisées.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [U] de sa demande de voir dire que l'article 8 des statuts du groupement forestier de Xefosse est inapplicable dans le cas du partage en nue-propriété et dans tous les cas lui est inopposable.

AUX MOTIFS QU' en ce qui concerne le groupement forestier de Xéfosse, [S] [U] fait justement valoir qu'en application de l'article 1165 et s. du code civil, selon lesquelles les conventions font la loi des parties, la valeur des parts du groupement forestier en cause sera fixée conformément à l'article 8 des statuts,

ALORS QUE dans ses conclusions (page 18 et s.), M. [U] avait exposé que l'article 8 des statuts ne vise que les cessions entre vifs des parts d'intérêt par un associé sortant au groupement, et non pas les cessions à cause de mort, prévues par l'article 9, et n'est en conséquence pas applicable en la cause, faute de pouvoir régir l'évaluation du bien dans le cadre des opérations de partage ; qu'en outre, il faisait valoir que le prix résultant du calcul prévu n'était ni déterminé ni déterminable, pour fixer la valeur « en capitalisant à trois pour cent le revenu annuel brut de la forêt diminué de vingt cinq pour cent pour frais », et le « revenu annuel résultant du prix des m3 de bois dont l'abattage serait possible », aucune formule de calcul ne pouvant transposer ces modalités contractuelles en une valeur ou un prix ; qu'en retenant néanmoins comme base de calcul des parts du groupement forestier les modalités de l'article 8 des statuts, sans répondre aux conclusions dont elle était saisie, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, statuant sur les évaluations, dit que [Adresse 6], [Adresse 7], [Adresse 5] dans l'Indre et les parcelles de [Adresse 4] dans le Maine et Loire seront évalués en valeur de terrains libres,

AUX MOTIFS QUE les premiers juges ont justement considéré que les biens attribués préférentiellement à [H] [U] devaient être évalués comme biens libres dès lors qu'il est titulaire d'un bail sur ceux-ci, alors que par ailleurs, pour l'évaluation de la nue propriété des biens en cause, il sera tenu compte du fermage qu'il verse à sa mère, celui-ci étant pris en considération pour l'évaluation de son usufruit ;

1) ALORS QUE M. [U] avait fait valoir ses conclusions (pages 28 et s.) que s'agissant des biens agricoles qui lui avaient été donnés à bail, la demande de partage anticipé formée ne portait que sur la nue propriété des terres affermées et qu'elle n'entraînerait pas de confusion, sur sa tête, des qualités de propriétaire et de bailleur, l'usufruitier restant bailleur, ce qui excluait de tenir les domaines [Localité 4]et de [Localité 1] comme libres à la date du partage ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen tout en décidant que les biens attribués préférentiellement à M. [U] et dont il était preneur devaient être évalués libres, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

2) ALORS QUE la cour d'appel qui n'a pas pris en considération l'usufruit dû par M. [U] sur les biens évalués comme libres, a violé par fausse application l'article 832-4 du code civil.Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils pour Mme [D]

Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté Mme [D] de sa demande tendant à voir déclarer M. [H] [U] irrecevable en sa demande aux fins d'être désigné dépositaire des souvenirs de famille et dit que M. [H] [U] sera dépositaire des souvenirs de famille [U] de Saint-George,

AUX MOTIFS QUE « - Sur le dépositaire des souvenirs de famille :

Attendu que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a dit qu'[H] [U] sera dépositaire des souvenirs de famille actuellement détenus par [V] [L] en sa qualité d'usufruitière (page 11 du jugement), cette dernière rappelant que depuis des générations c'est le fils aîné de la famille [U] qui est dépositaire de biens constitués de souvenirs ayant essentiellement une valeur morale qui n'ont jamais été partagés par les générations précédentes»,

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « - sur les souvenirs de famille

Madame [V] veuve [U] est actuellement dépositaire des souvenirs de famille en sa qualité d'usufruitière.

A ce titre, il doit être tenu compte de son avis, tendant à ce que son fils [H] ait vocation à être dépositaire des souvenirs de famille en qualité d'aîné, conformément à la tradition familiale.

Il peut être fait droit à la demande de Monsieur [H] [U] sur ce point »,

ALORS QUE la recevabilité de l'action en justice est subordonnée à l'existence d'un intérêt né et actuel ; que l'existence de cet intérêt s'apprécie au jour de l'introduction de l'instance ; qu'un héritier ne peut dès lors agir pour être désigné comme le futur dépositaire des souvenirs de famille avant le décès de l'actuel dépositaire desdits biens, n'ayant pas d'intérêt né et actuel avant cette date ; qu'en jugeant recevable la demande de M. [U] tendant à être désigné comme le futur dépositaire des souvenirs de famille alors que Mme [V] [L], actuel dépositaire desdits biens, est encore en vie de sorte qu'à la date de l'introduction de l'action, M. [U] ne justifiait pas d'un intérêt né et actuel, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2017:C100456
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