Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 janvier 2017, 15-22.382, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1641 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Vision à Olivet (la société VAO) a vendu un fonds de commerce à la société T & M Optik (la société T & M), laquelle a financé cette acquisition par un prêt consenti par la société HSBC, garanti par le cautionnement solidaire de M. X... ; que se prévalant d'anomalies dans les comptes, la société T & M a assigné la société VAO en nullité de la cession pour dol et restitution du prix de vente, puis, après le rejet de cette demande, a réclamé, en cause d'appel, la réduction du prix pour vice caché affectant la vente ;

Attendu que pour faire droit à la demande de la société T & M, l'arrêt, après avoir relevé que les pratiques mises en oeuvre par le dirigeant de la société VAO, qui ont entraîné des poursuites pénales à son encontre, consistaient dans le fractionnement de factures, l'émission de factures fictives et l'établissement de fausses ordonnances médicales, ce qui permettait à cette société d'augmenter artificiellement son chiffre d'affaires, sans que la société T & M n'ait pu s'en rendre compte au vu des documents comptables en apparence sincères, retient que l'existence d'un chiffre d'affaires en partie fictif ou frauduleux constitue un vice caché ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'inexactitude du chiffre d'affaires mentionné dans l'acte de vente du fonds par la société VAO ne constituait pas un vice caché affectant l'usage du fonds, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société T & M Optik aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour la société VAO

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté que la vente du fonds de commerce d'optique en date du 10 juillet 2012 par la société Vision à Olivet à la société T & M Optik est affectée d'un vice cachée ;

AUX MOTIFS QUE « M. X..., gérant de la société T & M OPtik, ayant constaté une activité commerciale plus faible qu'annoncée par le vendeur, a fait procéder, le 10 octobre 2012 par M. Y..., expert-comptable, à une analyse qui a révélé l'existence de factures apparemment non causées et surévalués ; que les soupçons de fraude se trouvent confortés par les poursuites pénales engagées à l'encontre de M. Z..., gérant de la société Vision à Olivet, des chefs d'escroquerie, faux et usage de faux ; que l'instruction pénale a ainsi mis en évidence que M. Z...procédait notamment au fractionnement des factures pour contourner les plafonds de prise en charge imposés par les mutuelles, à l'émission de factures fictives ou à l'établissement de fausses ordonnances médicales ; que ces pratiques frauduleuses apparaissent avoir eu une certaine ampleur et, commises au préjudice des organismes sociaux, elles permettaient à la société Vision à Olivet d'augmenter artificiellement son chiffre d'affaires, tout en s'attachant la fidélité des clients bénéficiaires de ces agissements ; qu'il est manifeste que la société T & M Optik n'a pas pu se rendre compte de l'existence de ces pratiques au vu des documents comptables, en apparence sincères, qui lui ont été fournis par la société Vision à Olivet, et qu'elles ne lui ont été révélées que lorsque des clients nombreux ont exigé la poursuite de ces arrangements et qu'elle s'y est refusée ; que l'existence d'un chiffre d'affaires en partie fictif ou frauduleux constitue un vice caché qui justifie la demande en réduction de prix qui est présentée » ;

ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE la simple inexactitude du chiffre d'affaires annoncé par le cédant d'un fonds de commerce ne constitue pas un vice caché affectant l'usage de ce fonds ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil par fausse application ;

Et subsidiairement,

ALORS, DE DEUXIÈME PART, QU'en se fondant exclusivement sur le rapport d'un expert-comptable, établi non contradictoirement à la demande de la société T & M Optik, pour retenir l'existence d'un chiffre d'affaires trompeur, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, DE TROISIÈME PART, QU'en considérant qu'il ressort de l'instruction pénale dirigée à l'encontre de M. Z...que les pratiques frauduleuses ont permis à la société VAO d'augmenter artificiellement son chiffre d'affaires tout en s'attachant la fidélité des clients bénéficiaires de ces agissements, quand il ressortait du jugement du tribunal correctionnel de Blois que les poursuites concernait un autre fonds de commerce que celui exploité par la société VAO, la cour d'appel en a dénaturé les termes, malgré l'interdiction de principe faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

ALORS, DE QUATRIÈME PART, QU'en retenant que l'analyse comptable a révélé l'existence de factures « apparemment » non causées et surévaluées et qu'il existe des « soupçons de fraude » qui auraient permis à la société VAO « d'augmenter artificiellement son chiffre d'affaires tout en s'attachant la fidélité des clients bénéficiaires de ces agissements », la cour d'appel a statué par des motifs purement hypothétiques qui ne satisfont pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, DE CINQUIÈME PART, QU'en se bornant à affirmer, de manière péremptoire, qu'il est manifeste que la société T & M n'a pas pu se rendre compte de l'existence des pratiques frauduleuses de la société VAO et que celles-ci ne lui ont été révélées que lorsque plusieurs clients ont exigé la poursuite de ces arrangements, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, DE SIXIÈME PART, QU'en ne répondant pas aux conclusions de la société VAO faisant valoir que la société T & M Optik disposait, en tant qu'acheteur professionnel, de l'ensemble des informations nécessaires à l'examen de la comptabilité de la société VAO, de sorte que le vice allégué ne pouvait être considéré comme caché, la cour d'appel a, une nouvelle fois, méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, DE SEPTIÈME ET DERNIÈRE PART, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE l'action en réduction du prix suppose que le vice caché rende la chose vendue impropre à sa destination ou en modifie l'usage à un point tel que le vendeur ne l'aurait pas acquise, ou à un prix moindre, s'il l'avait connu ; qu'en ne précisant pas en quoi l'existence d'un chiffre d'affaires inexact a rendu le fonds de commerce d'optique impropre à sa destination ou en a modifié l'usage d'une manière que la société T & M Optik ne l'aurait pas acquis ou à un prix moindre, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt au regard de l'article 1641 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2017:CO00027
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