Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 29 mars 2017, 16-10.016, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon les arrêts attaqués (Montpellier, 25 novembre 2014 et 3 novembre 2015), que la société par actions simplifiées La Compagnie du vent (la société LCV) est détenue à 41 % par la Société de participation dans les énergies renouvelables (la Soper) et à 59 % par la société Castelnou Energia, filiale de la société Engie, anciennement dénommée GDF-Suez ; que les relations entre les deux actionnaires sont régies par un pacte établi le 29 novembre 2007 ; que M. [R], président de la société LCV, a soumis au vote de l'assemblée générale de celle-ci un projet d'accord de collaboration entre la société LCV et la société GDF-Suez, prévoyant notamment le transfert, contre rémunération, des études préalables afférentes à un projet d'implantation d'éoliennes ; que cet accord de collaboration a été voté lors d'une assemblée générale de la société LCV du 22 juillet 2011 ; qu'exerçant l'action sociale en responsabilité au profit de la société LCV, la Soper a assigné M. [R] et la société GDF-Suez en paiement de dommages-intérêts pour fautes de gestion, l'un en sa qualité de dirigeant de droit de la société LCV, l'autre en sa qualité de dirigeant de fait ;

Sur le pourvoi, en ce qu'il attaque l'arrêt du 25 novembre 2014 :

Attendu qu'aucun grief n'étant formulé contre cet arrêt, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi ;

Sur le pourvoi, en ce qu'il attaque l'arrêt du 3 novembre 2015 :

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatrième à huitième branches :

Attendu que la Soper fait grief à l'arrêt de dire irrecevable l'action sociale en responsabilité engagée par elle contre la société Gdf-Suez alors, selon le moyen :

1°/ que tout préjudice fautivement causé à une personne morale, notamment par un dirigeant de fait, fait naître au profit de celle-ci un droit à réparation et, à tout le moins, une espérance légitime de voir constater judiciairement sa créance indemnitaire, laquelle s'analyse dès lors en une valeur patrimoniale assimilable à un bien ; qu'en retenant au contraire que la « prétendue créance indemnitaire d'une personne morale contre un dirigeant » ne serait pas assimilable à un bien, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en l'absence d'exercice de l'action sociale par le représentant légal de la personne morale lésée, la fermeture de l'action sociale ut singuli contre le dirigeant de fait est une atteinte au droit de propriété de ladite personne morale sur sa créance indemnitaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que la qualité de dirigeant de fait n'est pas une condition de recevabilité de l'action en responsabilité civile engagée par un associé minoritaire à l'encontre d'un associé majoritaire, mais une condition de son bien-fondé ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité civile engagée par Soper, associée minoritaire de LCV, à l'encontre de Gdf-Suez, associée majoritaire, que Soper n'apportait pas la démonstration de la qualité de dirigeant de fait de Gdf-Suez, quant cette preuve n'était pas une condition de recevabilité de ladite action, la cour d'appel a violé les articles 30, 31 et 32 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en se bornant à affirmer que les pièces versées aux débats ne permettaient pas de prouver que Gdf-Suez avait eu la qualité de dirigeant de fait de LCV, sans aucunement expliciter son éventuelle analyse desdites pièces et, en particulier, sans rechercher, comme l'y avait invitée Soper, si Gdf-Suez ne s'était pas fortement immiscée dans la gestion de LCV en intervenant, non seulement par l'intermédiaire de son préposé, mais également de manière directe, dans l'élaboration de business plans, dans la détermination des honoraires du mandataire chargé en 2011 de représenter Soper lors de l'assemblée générale devant se prononcer sur l'accord de collaboration de LCV et de Gdf-Suez et, via son comité des engagements de la branche Energie France, dans le choix des projets de LCV, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle de qualification, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252 et L. 227-8 du code de commerce et des articles 1382 et 1383 du code civil ;

5°/ qu'en retenant que la qualité de dirigeant de fait de Gdf-Suez ne pouvait être déduite de la circonstance que M. [R], nouveau président de LCV, était salarié d'une filiale de Gdf-Suez, la cour d'appel a statué par un motif d'ordre général et privé de plus fort sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252 et L. 227-8 du code de commerce et des articles 1382 et 1383 du code civil ;

Mais attendu que si l'action sociale en responsabilité ne peut être exercée que contre les dirigeants de droit d'une société par actions simplifiée, celle-ci peut agir en responsabilité contre son gérant de fait, soit directement par ses représentants légaux, soit par l'intermédiaire d'un mandataire ad hoc dont la désignation peut être demandée en justice par un actionnaire ; que c'est donc sans méconnaître les dispositions de l'article 1er du protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel a retenu que le refus d'application de l'action sociale ut singuli aux dirigeants de fait ne conduit pas à priver la personne morale de son droit d'agir en justice en vue de faire constater sa créance indemnitaire à raison des fautes de gestion et n'a donc pas pour objet ni pour effet d'entraîner la privation de son droit de propriété ; que le moyen, inopérant en ses quatrième, sixième, septième et huitième branches qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche :

Attendu que la Soper fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive à M. [R] alors, selon le moyen, que ne procède pas d'une attitude malveillante et ne correspond pas à une entreprise de dénigrement systématique l'exercice, par un justiciable, de toutes les voies de droit mises à sa disposition pour obtenir, sur un point de droit précis, une évolution jurisprudentielle pouvant se recommander d'arguments sérieux et, en particulier, recommandée par la doctrine ; qu'en affirmant que les moyens soutenus et les procédures engagées par Soper, dont une question prioritaire de constitutionnalité, procédaient d'une attitude malveillante à l'égard de M. [R], dirigeant de droit de Lcv, en ce qu'ils auraient en réalité tenté d'atteindre Gdf-Suez et auraient correspondu à une entreprise de dénigrement systématique, cependant que ces actions s'inscrivaient dans une démarche procédurale cohérente, visant à obtenir une évolution de la jurisprudence en vue de la recevabilité de l'action sociale exercée ut singuli par un associé en vue de la condamnation in solidum du dirigeant de droit et du dirigeant de fait à réparer le préjudice social, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, que l'action lancée contre M. [R] vise en réalité la société GDF-Suez, ainsi que l'attestent les prétendus griefs invoqués contre le dirigeant de la société LCV, mais qui concernent essentiellement l'actionnaire GDF-Suez, et les divers moyens et procédures vainement soutenus et initiés par la Soper pour tenter d'atteindre la société GDF-Suez ; qu'il retient, ensuite, que cette multiplicité de procédures et de moyens procède d'une attitude malveillante de la part de la Soper qui, à travers la mise en cause de M. [R], poursuit les nombreux contentieux l'opposant à l'actionnaire majoritaire ; qu'il retient, encore, que cette attitude était systématiquement critique envers M. [R], qui a été instrumentalisé dans le cadre d'une instance judiciaire qui ne le concernait pas et qui s'inscrivait dans une entreprise de dénigrement systématique du dirigeant de la société LCV par la Soper ayant pour conséquence de le décrédibiliser ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que le caractère malveillant de l'action poursuivie contre M. [R] justifiait l'octroi de dommages-intérêts ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier moyen, deuxième moyen, pris en ses trois premières branches, et troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

CONSTATE LA DECHEANCE du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 25 novembre 2014 ;

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 3 novembre 2015 ;

Condamne la Société de participation dans les énergies renouvelables aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. [R] et la même somme à la société Engie ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la Société de participations dans les énergies renouvelables.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt rendu le 3 novembre 2015 par la cour d'appel de Montpellier, confirmatif de ces chefs, D'AVOIR dit que monsieur [R], dont la responsabilité civile était recherchée par la société Soper, associée de la société La Compagnie du Vent exerçant l'action sociale, n'avait pas commis de faute de gestion dans le cadre de ses fonctions de président de cette société, D'AVOIR dit qu'il n'y avait pas lieu à désignation d'un expert judiciaire et D'AVOIR débouté la société Soper de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE l'alinéa 2 de l'article 954 du code de procédure civile dispose que les prétentions des parties sont récapitulées dans leurs conclusions sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; que dans le dispositif de ses conclusions, Soper demande à la cour de « dire et juger que monsieur [R] a commis des fautes de gestion et a engagé sa responsabilité civile pour ne pas avoir respecté les dispositions statutaires de la société LCV, ayant causé à cette société, dont il est le président, un préjudice d'un montant de 4.800.000 euros » ; que cette somme de 4.800.00 euros correspond, selon [Soper], à la perte immédiate subie, au 31 décembre 2011, par la société Lcv « du seul fait des modalités du transfert de ses études, transfert décidé par monsieur [R] » (p. 53 des conclusions de Soper) ; qu'ainsi, la seule faute reprochée au dirigeant de droit de Lcv par Soper, actionnaire, dans l'exercice de son action sociale ut singuli, consiste dans le non-respect des « dispositions statutaires » de cette société ayant conduit ce dirigeant à faire subir à celle-ci un préjudice de 4.800.000 euros lors des opérations de transfert des études préalables réalisées au titre du projet de parc éolien en mer du site des Deux Côtes ; que l'accord de collaboration entre Lcv et Gdf-Suez que Soper reproche à monsieur [R] d'avoir signé le 12 septembre 2011 n'est que la suite de la décision prise par les associés de Lcv lors de l'assemblée générale du 22 juillet 2011 ayant « conféré à monsieur [R] tous pouvoirs, en sa qualité de président, pour, au nom et pour le compte de la société, finaliser et signer ledit accord » ; que cet accord de collaboration prévoyait, entre autre, la mise à disposition des études précédemment réalisées dans le cadre du développement du parc éolien offshore des Deux Côtes (art. 4) moyennant une rémunération à ce titre de Lcv, qui devait recevoir la somme fixe de 10 millions d'euros et « un success fee de 110 000 euros par MW installé dans le cadre du projet moins la rémunération fixe, soit un maximum de 72,5 millions d'euros. Le paiement du success fee intervenant lors de la clôture financière » (art. 7) ; que le paiement de la somme fixe de 10 millions d'euros est intervenu le 22 décembre 2001 après la mise à disposition, à compter de la mi-novembre 2011, des études qu'avait réalisées LCV ; qu'ainsi, et contrairement aux affirmations de la société appelante, monsieur [R], loin d'avoir agi de sa propre initiative, a exactement respecté le mandat que lui avait confié l'assemblée générale des actionnaires de Lcv, étant au demeurant observé que la rémunération prévue ne concernait pas la cession mais la seule mise à disposition des études réalisées par Lcv, que son montant, composé d'une partie fixe et d'une partie variable au cas de réalisation du projet si l'offre était retenue, est d'importance et qu'enfin, Soper n'établit pas que le versement de la partie fixe de la rémunération a été retardé par rapport à la mise à disposition convenue de « l'ensemble des études » ; que les autres griefs qui lui sont faits tout au long des écritures de la société appelante, outre qu'ils ne sont pas repris précisément dans leur dispositif, visent en réalité essentiellement la société Gdf-Suez et reposent tous sur l'affirmation (sans autre démonstration puisqu'il est sollicité in fine une mesure d'instruction dont les termes mêmes de la mission devant être impartie à l'expert montrent qu'elle est manifestement destinée à suppléer la carence de la société appelante dans l'administration de la preuve) selon laquelle monsieur [R], « salarié à la solde » de Gdf-Suez, n'a eu d'autre but que de permettre à cette dernière de poursuivre une stratégie d'appropriation du projet éolien des Deux Côtes, ce qui est contredit par le fait qu'aux termes du pacte d'actionnaires du 29 novembre 2007 (art. 2.1 a et 2.1 b), la société Lcv devait être dirigée, à compter du 29 novembre 2001, par un président désigné par Gdf-Suez, de sorte que la révocation de monsieur [X] le 27 mai 2011 n'a fait qu'anticiper ce qui avait été convenu et accepté par Soper, et par l'expansion continue de la société Lcv (cf. bilan et compte de résultat au 31 décembre 2014 et rapport des commissaires aux comptes du 12 février 2015), qui a d'ailleurs signé, le 26 juillet 2013, un nouvel accord de collaboration avec la société Gdf-Suez (qu'a agréé Soper le 29 juillet 2013) en vue de répondre à un nouvel appel d'offres notamment sur la zone du projet des Deux Côtes, lequel lui d'ailleurs a été attribué, le 7 mai 2014, dans le cadre d'un consortium avec les sociétés Areva, Neon Marine et ADP Renewables ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de toute faute de monsieur [R] dans ses fonctions de dirigeant de la société Lcv, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de la société Soper (arrêt, pp. 12 et 13); qu'il ne peut être reproché une faute de gestion à monsieur [V] [R] au titre de l'article 8.2 du pacte des associés ; qu'il ne peut être reproché à monsieur [V] [R], la signature de l'accord de collaboration, alors même que l'assemblée générale lui enjoignait de le finaliser et de le signer ; que la mise à disposition des études réalisées par la Sas La Compagnie du Vent pour le projet des « Deux côtes » résulte d'une décision de l'assemblée générale du 22 janvier 2011 ; que les pièces versées au débat ne permettent pas de retenir une faite de gestion contre monsieur [V] [R] au titre de la convention de prestation de service, les taux de refacturation ne présentant pas une sous-estimation ; que le tribunal ne retiendra pas de faite de gestion à l'encontre de monsieur [R] ; qu'ainsi la désignation d'un expert judiciaire n'a pas lieu d'être (jugement, p. 6)

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE les prétentions des parties formulées dans les conclusions d'appel sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ; qu'en retenant que la seule faute reprochée à Monsieur [R] par Soper consistait dans le non-respect des « dispositions statutaires », cependant qu'elle avait elle-même constaté que dans le dispositif de ses conclusions, Soper avait fait valoir qu'outre la violation des statuts, monsieur [R] avait « commis des fautes de gestion », ce qui devait être regardé comme la récapitulation des fautes commises par monsieur [R] dont l'existence était démontrée dans le corps des mêmes conclusions, fautes tenant à l'absence de diligences et au non respect de l'intérêt social au profit de l'intérêt de l'associé majoritaire (conclusions de Soper, pp. 15 à 19 et pp. 38 à 53) ; qu'en refusant d'apprécier ces manquements, par la considération qu'ils n'auraient pas été repris au dispositif des conclusions de Soper, cependant que ces manquements, constitutifs d'autant de fautes commises par le dirigeant de droit dans la gestion de la société, étaient expressément visés par ledit dispositif sous la qualification de fautes de gestion, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'en se bornant à affirmer, pour écarter tout manquement commis monsieur [R] par la signature de l'accord de collaboration entre Lcv et Gdf-Suez, que cet accord n'était que la suite de la décision prise par les associés de Lcv lors de l'assemblée générale du 22 juillet 2001 et que monsieur [R], loin d'avoir agi de sa propre initiative, avait exactement respecté le mandat que lui avait confié l'assemblée générale des associés de la société Lcv, sans rechercher, comme elle y avait pourtant été invitée par Soper dans ses écritures (pp. 21 et 22, pp. 40 à 45, spéc. pp. 41 et 42 in limine), si monsieur [R] n'avait pas, en amont de cette assemblée générale, fait preuve d'une passivité fautive en ne réunissant pas les informations nécessaires à une appréciation précise et éclairée de la conformité de l'opération à l'intérêt social de Lcv et à la prise, par les associés de cette société, d'une décision garantissant la préservation de cet intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-251 et L. 227-8 du code de commerce ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE commet une faute de gestion le dirigeant de droit qui laisse agir fautivement un associé majoritaire se comportant en dirigeant de fait ; qu'en refusant de retenir les manquements commis par monsieur [R] par la considération qu'ils auraient « en réalité essentiellement [concerné] la société Gdf-Suez », associée majoritaire, sans rechercher, comme l'y avait invitée Soper (conclusions, pp. 40 à 45), si monsieur [R] n'avait pas personnellement commis une faute en se bornant à mettre à exécution les décisions fautives imposées par cet associé majoritaire, lequel se comportait comme un dirigeant de fait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-251 et L. 227-8 du code de commerce ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QU'en retenant, pour exclure l'existence de toute stratégie d'appropriation du projet éolien des Deux Côtes par Gdf-Suez, et donc toute faute de gestion de monsieur [R], que la révocation du précédent dirigeant de Lcv au profit de ce dernier avait eu lieu en application d'un pacte d'actionnaires du 29 novembre 2007, cependant que la question des conditions dans lesquelles un nouveau dirigeant social est désigné est étrangère à celle des fautes de gestion que ce dirigeant peut commettre après sa nomination, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QU'en affirmant, pour écarter tout manquement commis par monsieur [R] et ayant permis l'appropriation de Lcv par Gdf-Suez, que devait être prise en compte « l'expansion continue de Lcv », sans vérifier si cette expansion n'aurait pas été plus importante en l'absence des fautes de gestion commises par monsieur [R] et rappelées par Soper dans ses écritures, tenant au transfert à Gdf-Suez d'études réalisées par Lcv pour un prix inférieur à leur coût de revient (pp. 40 à 45), à des différés de paiement injustifiés et à la prise en charge de frais de justice injustifiés (pp. 45 à 47), ainsi qu'à l'acceptation que les salariés de Lcv travaillent pour le compte de Gdf-Suez sans juste contrepartie pour Lcv (p. 45 à 50), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt rendu le 3 novembre 2015 par la cour d'appel de Montpellier, confirmatif de ce chef, D'AVOIR dit irrecevable l'action sociale en responsabilité civile engagée par la société Soper, associée de la société La Compagnie du Vent, à l'encontre de la société Gdf-Suez, associée de ladite société, irrecevable ;

AUX MOTIFS PROPRES ET ADOPTES QUE les dispositions de l'article L. 225-252 du code de commerce, auxquelles renvoient celles de l'article L. 227-8 du même code, n'autorisent les actionnaires à exercer l'action sociale en responsabilité qu'à l'encontre du président et des dirigeants de la société par actions simplifiée ; que pour tenter de contourner cette règle, Soper, après avoir vainement soutenu son inconstitutionnalité (arrêt rendu le 25 novembre 2014 par la cour de ce siège dans la procédure nº 14/05814 du répertoire général de la cour), prétend à présent qu'elle serait contraire aux droits fondamentaux garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et du protocole additionnel à cette Convention : droit à un tribunal, droit de propriété et principe de non-discrimination ; que toutefois, s'agissant du droit d'accès au juge (article 6 de la Convention), les dirigeants de droit de la société peuvent agir en réparation du préjudice social contre les tiers, dont les dirigeants de fait, et en cas d'inaction de leur part, ils sont susceptibles d'être assignés en responsabilité par les actionnaires ou les associés sur le fondement du droit commun des articles 1382 et 1383 du code civil ; que, concernant le droit de propriété (article 1er du protocole additionnel à la Convention), outre qu'il est inexact d'assimiler une prétendue créance indemnitaire d'une personne morale contre un dirigeant à des biens au sens du protocole invoqué, le refus d'application de l'action sociale ut singuli aux dirigeants de fait ne conduit pas à priver la personne morale de son droit d'agir en justice en vue de faire constater sa créance indemnitaire à raison des fautes de gestion et n'a donc pas pour objet ni pour effet d'entraîner la privation de son droit de propriété ; enfin, que s'agissant du principe de non-discrimination (art. 14 de la Convention), dès lors que les actionnaires sont tous dans une situation identique leur permettant d'exercer l'action sociale ut singuli contre les dirigeants de droit soit individuellement, soit en formant une association, soit en se groupant, et que les dirigeants de droit et de fait sont également dans une même situation, les premiers pouvant être attraits en justice par le biais de l'action ut singuli, les seconds pouvant l'être à l'initiative du représentant de la personne morale exerçant l'action ut universi, il n'existe aucune méconnaissance du principe de non-discrimination susvisé ; ainsi, que les dispositions des articles L. 225-252 du code de commerce ne sont pas contraires aux droits fondamentaux garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et le protocole additionnel à cette Convention ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable l'action de la société Soper contre la société Gdf-Suez (arrêt, pp. 5 et 6) ; que les pièces versées au débat ne permettent pas de prouver la qualité de dirigeant de fait de la Sa Gdf-Suez, et que le fait pour monsieur [V] [R], président de la Sas La Compagnie du Vent, d'être salarié d'une filiale de la Sa Gdf-Suez n'est pas de nature à caractériser la qualité de dirigeant de fait de la Sas Gdf-Suez (jugement, p. 6) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE les dispositions des articles L.225-252 et L.227-8 du code de commerce, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, en ce qu'elles interdisent à l'associé d'une société par actions simplifiée d'intenter l'action sociale en responsabilité contre un dirigeant de fait de ladite société, portent atteinte au principe de responsabilité et de réparation, garanti par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, au droit de propriété, garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, à la garantie des droits, assurée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du août 1789 et au principe d'égalité devant la loi, garanti notamment par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; qu'en l'état de la question prioritaire de constitutionnalité posée à cet égard par écrit distinct dans la présente instance en cassation, les dispositions législatives en cause, qui sont applicables au litige, encourent une abrogation, dont il résultera que l'arrêt attaqué devra être annulé pour perte de fondement juridique ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE si un associé peut rechercher la responsabilité d'un dirigeant de fait sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de droit commun, cette action ne peut tendre qu'à la réparation d'un préjudice personnel au demandeur et distinct du préjudice subi par la société elle-même ; qu'en retenant au contraire qu'en cas d'inaction du dirigeant de droit, l'action en responsabilité de droit commun ouverte à tout associé pouvait tendre à la réparation du préjudice subi par la société, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du code civil, par fausse application ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU'en se fondant sur une telle considération inexacte pour déclarer irrecevable l'action en réparation d'un préjudice social exercée ut singuli par Soper, associée minoritaire de Lcv, contre Gdf-Suez, associée majoritaire à qui il était reproché de s'être fautivement comportée en dirigeant de fait, en raison de l'inaction du dirigeant de droit, la cour d'appel a porté atteinte, en sa substance même, au droit à un tribunal de Lcv, personne morale lésée, et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE tout préjudice fautivement causé à une personne morale, notamment par un dirigeant de fait, fait naître au profit de celle-ci un droit à réparation et, à tout le moins, une espérance légitime de voir constater judiciairement sa créance indemnitaire, laquelle s'analyse dès lors en une valeur patrimoniale assimilable à un bien ; qu'en retenant au contraire que la « prétendue créance indemnitaire d'une personne morale contre un dirigeant » ne serait pas assimilable à un bien, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QU'en l'absence d'exercice de l'action sociale par le représentant légal de la personne morale lésée, la fermeture de l'action sociale ut singuli contre le dirigeant de fait est une atteinte au droit de propriété de ladite personne morale sur sa créance indemnitaire ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

ALORS, EN SIXIEME LIEU, QUE la qualité de dirigeant de fait n'est pas une condition de recevabilité de l'action en responsabilité civile engagée par un associé minoritaire à l'encontre d'un associé majoritaire, mais une condition de son bien-fondé ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable l'action en responsabilité civile engagée par Soper, associée minoritaire de Lcv, à l'encontre de Gdf-Suez, associée majoritaire, que Soper n'apportait pas la démonstration de la qualité de dirigeant de fait de Gdf-Suez, quant cette preuve n'était pas une condition de recevabilité de ladite action, la cour d'appel a violé les articles 30, 31 et 32 du code de procédure civile ;

ALORS, EN SEPTIEME LIEU, QU'en se bornant à affirmer que les pièces versées aux débats ne permettaient pas de prouver que Gdf-Suez avait eu la qualité de dirigeant de fait de Lcv, sans aucunement expliciter son éventuelle analyse desdites pièces et, en particulier, sans rechercher, comme l'y avait invitée Soper (conclusions d'appel, pp. 62 à 66 et, spécialement, pp. 64 à 66), si Gdf-Suez ne s'était pas fortement immiscée dans la gestion de Lcv en intervenant, non seulement par l'intermédiaire de son préposé, mais également de manière directe, dans l'élaboration de business plans, dans la détermination des honoraires du mandataire chargé en 2011 de représenter Soper lors de l'assemblée générale devant se prononcer sur l'accord de collaboration de Lcv et de Gdf-Suez et, via son comité des engagements de la branche Energie France, dans le choix des projets de Lcv, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle de qualification, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252 et L. 227-8 du code de commerce et des articles 1382 et 1383 du code civil ;

ALORS, EN HUITIEME LIEU, QU'en retenant que la qualité de dirigeant de fait de Gdf-Suez ne pouvait être déduite de la circonstance que monsieur [R], nouveau président de Lcv, était salarié d'une filiale de Gdf-Suez, la cour d'appel a statué par un motif d'ordre général et privé de plus fort sa décision de base légale au regard des articles L. 225-252 et L. 227-8 du code de commerce et des articles 1382 et 1383 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt rendu le 3 novembre 2015 par la cour d'appel de Montpellier, infirmatif de ce chef, D'AVOIR condamné la société Soper à payer à monsieur [R] la somme de 7.500 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

AUX MOTIFS QUE l'action lancée contre monsieur [R] vise en réalité la société Gdf-Suez, ainsi que l'attestent, d'abord les prétendus griefs invoqués à l'encontre du dirigeant de la société Lcv mais qui concernent essentiellement l'actionnaire Gdf-Suez, ensuite les divers moyens (Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 et du protocole additionnel à cette Convention) et procédures (question prioritaire de constitutionnalité) vainement soutenus et initiés par Soper, tant en première instance qu'en appel, pour tenter d'atteindre, malgré tout, Gdf-Suez, et, enfin, l'action en responsabilité pour faute lancée par Soper envers Gdf-Suez devant le tribunal de commerce de Créteil (p. 18 des conclusions de la société Soper) ; que cette multiplicité de procédures et de moyens, inopérants et pour certains controuvés, procèdent d'une attitude malveillante de la part de la société Soper et de son dirigeant, monsieur [X], qui, à travers la mise en cause de monsieur [R], poursuivent les nombreux contentieux les opposant à l'actionnaire majoritaire ; que cette attitude systématiquement critique envers monsieur [R], ainsi instrumentalisé dans le cadre d'une instance judiciaire qui ne le concerne pas et le dépasse, constitue un abus du droit d'agir en justice ; que cet abus s'inscrit dans une entreprise de dénigrement systématique du dirigeant de la société Lcv par la société Soper qui a pour conséquence de le décrédibiliser ; que cette attitude malveillante sera sanctionnée par l'allocation de dommages-intérêts à concurrence de 7 500 euros (arrêt, p. 15) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE la cassation à intervenir sur les précédents moyens du présent pourvoi, du chef des fautes de monsieur [R] et de la recevabilité de l'action contre Gdf-Suez, entraînera par voie de conséquence la censure de l'arrêt attaqué en ses dispositions ayant déclaré abusive l'action en justice de la société Soper, dispositions se trouvant dans la dépendance nécessaire des précédentes, conformément à l'article 624 du code de procédure civile ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE dans ses écritures (not. pp. 38 à 53 et p. 66), Soper avait fait valoir que le litige qui l'opposait à Gdf-Suez ne pouvait être regardé comme un simple différend entre associés et que son action en justice concernait aussi monsieur [R], dont elle avait démontré les fautes de gestion et le rôle moteur dans la mise en oeuvre d'une politique contraire à l'intérêt social de Lcv; qu'en retenant que l'action exercée contre monsieur [R] « visait en réalité la société Gdf-Suez » et que « l'instance judiciaire ne le concern[ait] pas et le dépass[ait] », quand c'était bien la condamnation in solidum du dirigeant de fait et du dirigeant de droit, son complice, qui était demandée par Soper, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE ne procède pas d'une attitude malveillante et ne correspond pas à une entreprise de dénigrement systématique l'exercice, par un justiciable, de toutes les voies de droit mises à sa disposition pour obtenir, sur un point de droit précis, une évolution jurisprudentielle pouvant se recommander d'arguments sérieux et, en particulier, recommandée par la doctrine ; qu'en affirmant que les moyens soutenus et les procédures engagées par Soper, dont une question prioritaire de constitutionnalité, procédaient d'une attitude malveillante à l'égard de monsieur [R], dirigeant de droit de Lcv, en ce qu'ils auraient en réalité tenté d'atteindre Gdf-Suez et auraient correspondu à une entreprise de dénigrement systématique, cependant que ces actions s'inscrivaient dans une démarche procédurale cohérente, visant à obtenir une évolution de la jurisprudence en vue de la recevabilité de l'action sociale exercée ut singuli par un associé en vue de la condamnation in solidum du dirigeant de droit et du dirigeant de fait à réparer le préjudice social, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2017:CO00464
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