Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 30 mars 2017, 16-11.970, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 1er décembre 2015), que, par acte du 29 octobre 2009, la société Centre 2000 a donné à bail à la société Pierre et vacances plusieurs appartements faisant partie d'un ensemble immobilier pour une durée de neuf ans à compter du 1er novembre 1999 ; que, le 1er juillet 2008, la société locataire a demandé le renouvellement du bail ; que, le 26 septembre 2008, la société bailleresse lui a délivré un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à effectuer toutes les réparations d'entretien normalement à sa charge, que ce soit dans les parties communes ou dans les parties privatives, à procéder à la remise en état des dégradations constatées par acte d'huissier de justice établi le 12 septembre 2008 et à remettre les lieux en état et lui a notifié, par le même acte, son refus de renouvellement du bail ; que la société Pierre et vacances a assigné la société Centre 2000 en nullité du commandement et constatation du refus de renouvellement ; que l'immeuble a été vendu à la société La Volonté puis à la société Avoriaz coeur de station (la société Avoriaz), qui est intervenue à l'instance ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société Avoriaz et la société La volonté font grief à l'arrêt de constater que les parties ont volontairement soumis leurs rapports contractuels au statut des baux commerciaux et de déclarer la société Pierre et vacances bien fondée en sa demande d'indemnité d'éviction ;

Mais attendu qu'ayant souverainement relevé, d'une part, que le bail du 29 octobre 2009 avait été qualifié par les parties de "bail commercial", que les clauses du bail concernant sa durée, la faculté pour le preneur de donner congé à l'expiration de chaque période triennale, celle pour le bailleur de refuser le renouvellement pour construire ou reconstruire l'immeuble exitant, ainsi que celle relative à la sous-location, visaient expressément et précisément les dispositions du décret du 30 septembre 1953 , d'autre part, que les parties avaient visé dans des actes de procédure délivrés au cours de l'exécution du contrat les dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche sur l'absence de mention dans le bail du droit du preneur au renouvellement que ses constatations rendaient inopérante, a retenu, par une interprétation souveraine de la volonté des parties, que celles-ci avaient soumis de manière volontaire et non équivoque leurs rapports contractuels au statut des baux commerciaux ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que la société Avoriaz et la société La volonté font grief à l'arrêt de dire que le commandement du 26 septembre 2008 est trop imprécis pour mettre en oeuvre le jeu de la clause résolutoire ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le preneur s'était engagé contractuellement à assurer, pendant le cours du bail, la charge des travaux d'entretien à l'exception des grosses réparations décrites à l'article 606 du code civil et que, même s'il se référait au constat d'huissier de justice du 12 septembre 2008 qui avait énuméré, étage par étage et appartement par appartement, les désordres que le bailleur imputait au preneur, le commandement du 26 septembre 2008 ne précisait pas les travaux en fonction de leur nature et des lieux sans ventilation entre ceux relevant de l'entretien et de la remise en état, la cour d'appel a, sans dénaturation, souverainement retenu que cette imprécision avait été de nature à créer, dans l'esprit du preneur, une confusion l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions qui lui avaient été délivrées et d'y satisfaire dans le délai requis et a pu en déduire que le commandement devait être annulé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Avoriaz coeur de station et la société La volonté aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Avoriaz coeur de station et la société La volonté et les condamne à payer à la société Pierre et vacances la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Avoriaz coeur de station et la SCI La volonté


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté que les parties avaient volontairement soumis leurs rapports contractuels au statut des baux commerciaux, constaté que le bail avait pris fin le 31 octobre 2008, déclaré la société Pierre et Vacances recevable et bien fondée en sa demande d'indemnité d'éviction et ordonné une expertise pour en déterminer le montant,

AUX MOTIFS QUE les baux soumis au statut des baux commerciaux sont, outre ceux entrant dans le champ d'application de ce statut précisé aux articles L. 145-1 à 3 du code de commerce, ceux pour lesquels les parties ont volontairement convenu de se soumettre à l'application de ce statut, même s'ils n'entrent pas dans son champ d'application ; qu'en l'espèce, outre qu'à l'instar du contrat du 1er juin 1993, celui du 29 octobre 1999 avait été qualifié par les parties de "bail commercial", il comportait les mentions suivantes - page 2 avant l'article I : Ce bail est fait conformément aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et à celles, ultérieures par lesquelles il a été modifié et complété, ce décret étant le texte fondateur du statut, désormais codifié aux articles L 145-1 et suivants du code de commerce ; - page 2, article III intitulé "prise d'effet et durée" : le présent bail est consenti pour une durée de neuf années consécutives qui commencera à courir le 1er novembre 1999 pour se terminer le 31 octobre 2008, cette durée étant la durée de référence des baux commerciaux ; toutefois et conformément à l'article 3-1 du décret du 30 septembre 1953, devenu l'article L.145-4 du code de commerce, le preneur aura la faculté de donner congé, à l'expiration de chaque période triennale, soit pour ici première fois le 31 octobre 2002, par acte extra-judiciaire délivré 6 mois avant la fin de la période ; que le bailleur aura ici même faculté s'il entend invoquer les dispositions des articles 10, 13 et 15 du décret du 30 septembre 1953 afin de construire ou reconstruire l'immeuble existant, de le surélever ou d'exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière, étant précisé notamment que l'article 10 dit décret, codifié dans l'article L.145-18 du code de commerce, est relatif aux conditions dans lesquelles le bailleur peut refuser de renouveler le bail et évoque le paiement d'une indemnité d'éviction; qu'il s'insère donc dans les dispositions constituant la pierre angulaire du statut car consacrant ce qu'il est convenu d'appeler la propriété commerciale ; que page 4, dernier paragraphe de l'article V-24, relatif à l'occupation et à la jouissance des lieux : en cas de sous location régulièrement consentie dans les conditions ci-dessus, le bailleur renonce expressément à se prévaloir des dispositions prévues par l'article 21 du décret du 30 septembre 1953, devenu l'article L145-31 du code de commerce, et notamment renonce à être appelé par le preneur à concourir aux actes consentis à ce titre, le preneur étant tenu d'un simple devoir d'information ; que par ailleurs, il ressort des actes des 1er juillet et 26 septembre 2008 et des procédures subséquentes que les parties ont exécuté le bail litigieux en se référant aux dispositions : - de l'article L.145-41 relatif à la résiliation de plein droit du bail commercial - et surtout des articles L.145-12 et 17 relatifs au renouvellement et au refus de renouvellement du bail commercial, qui constituent l'une des spécificités d'ordre public du statut des baux commerciaux ; qu'avant que la SCI "La Volonté" ne vende l'immeuble loué à la SNC "Avoriaz Coeur de Station", elle a ainsi admis, devant le juge de l'exécution, le principe d'une dette éventuelle au titre d'une indemnité d'éviction pour laquelle elle a consenti une caution bancaire ; qu'enfin, lors de la vente de l'immeuble, la SCI "La Volonté" a informé la SNC "Avoriaz Coeur de Station" qu'elle était liée à la société "Pierre et Vacances" par un bail commercial ; qu'il ressort de tout ce qui précède que tant lors de leur conclusion que lors de leur exécution, les parties ont, de manière volontaire et non équivoque, soumis leurs relations contractuelles au statut des baux commerciaux, statut dont l'application n'a été discutée que postérieurement à l'acquisition de l'immeuble par la SNC « Avoriaz Coeur de Station" et manifestement à son initiative, alors que ce changement de propriétaire ne pouvait pas avoir d'incidence sur la qualification du bail, ce d'autant que les lieux avaient été acquis en toute connaissance des caractéristiques de ce bail ; qu'en conséquence, la cour infirme le jugement déféré et qualifie le bail du 29 octobre 1999 de bail commercial, sans qu'il y ait lieu d'examiner si la société "Pierre et Vacances" exploitait ou non un fonds de commerce dans les lieux loués, ce fait étant en l'espèce indifférent,

1) ALORS QUE la soumission volontaire par les parties au statut des baux commerciaux d'un bail qui n'est pas inclus dans le champ d'application du statut suppose une renonciation non équivoque du bailleur à en contester l'application, notamment au regard du droit au renouvellement du preneur ; que la convention litigieuse, conclue pour une « durée de neuf années consécutives qui commencera à courir le 1er novembre 1999 pour se terminer le 31 octobre 2008 », ne prévoyait aucune possibilité de renouvellement; que pour retenir la soumission volontaire des parties au statut des baux commerciaux, la cour d'appel s'est bornée à relever que les parties avaient dénommé la convention « bail commercial » et avaient visé « les dispositions du décret du 30 septembre 1953 » ; qu'en se déterminant au regard de telles constatations, imprécises, qui n'étaient pas de nature à caractériser la renonciation non équivoque de la bailleresse à contester le droit au renouvellement de la société Pierre et Vacances, en l'état d'une convention ne prévoyant même pas de possibilité de renouvellement, la cour d'appel a violé l'article L145-1 du code de commerce ;

2) ALORS QUE la soumission volontaire des parties au statut des baux commerciaux doit s'apprécier au moment de la signature de la convention et ne peut se déduire du simple visa de l'article L145-1 du code de commerce dans des actes subséquents; que pour retenir la soumission volontaire des parties au statut des baux commerciaux, la cour d'appel a énoncé que les parties avaient visé, dans les actes de procédure subséquents, les dispositions des articles L145-1 et suivants du code de commerce ; qu'en se fondant sur des actes subséquents pour qualifier la convention, la cour d'appel a violé l'article L145-1 du code de commerce ;

3) ALORS QU'en se fondant, pour retenir la soumission volontaire des parties au statut des baux commerciaux, sur les échanges intervenus entre la société La Volonté et la société Avoriaz Coeur de Station dans le cadre de la cession des appartements, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs qui n'étaient pas de nature à caractériser la renonciation de la bailleresse à contester l'application du statut dans ses relations avec sa locataire ; que la cour d'appel a à nouveau violé l'article L145-1 du code de commerce ;

4) ALORS QUE l'absence de contestation initiale de l'application du statut ne prive pas le bailleur de la possibilité de la contester ultérieurement ; qu'en retenant que la société Avoriaz Coeur de Station ne pouvait contester l'application du statut dès lors qu'elle ne l'avait pas été dès l'origine par la société La Volonté, la cour d'appel a violé l'article L145-1 du code de commerce.


SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le commandement du 26 septembre 2008 était trop imprécis pour déclencher l'application de la clause résolutoire, dit que le bail avait pris fin le 31 octobre 2008, déclaré la société Pierre et Vacances recevable et bien fondée en sa demande de paiement d'une indemnité d'éviction et ordonné une expertise pour la déterminer,

AUX MOTIFS QUE la clause résolutoire était ainsi libellée : « il est expressément convenu qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer et accessoires à son échéance, ou d'inexécution d'une seule des conditions du bail et un mois après un simple commandement demeuré infructueux, le bail sera résilié de plein droit, si bon semble au Bailleur, sans qu'il soit besoin d'autres formalités judiciaires qu'une simple ordonnance de référé pour, si besoin était, contraindre le Preneur à quitter les lieux et ordonner la vente des mobiliers et marchandises, ce nonobstant toutes offres et conciliations ultérieures » ; qu'il était stipulé que pendant le cours du bail, le preneur devait prendre en charge les réparations d'entretien incombant normalement au locataire, à l'exception des grosses réparations telles que définies à l'article 606 du code civil, auxquelles étaient assimilées les réparations liées au ravalement et à la réfection des façades de l'immeuble ; que même s'il se référait expressément au constat dressé par Maître [G] le 12 septembre 2008, listant étage par étage et appartement par appartement, tous les désordres que la bailleresse imputait à un manquement du preneur à son obligation d'entretien des lieux, le commandement du 26 septembre 2008 n'indiquait pas quels étaient les travaux que la bailleresse souhaitait voir accomplis pour ne pas se prévaloir de la clause résolutoire ; que ceux-ci n'étaient notamment pas listés en fonction de leur nature et des lieux où il convenait de les réaliser; que d'autre part, leur ventilation entre ceux relevant des réparations d'entretien incombant normalement au locataire, de la remise en état des dégradations constatées par Maître [G], ou de la remise en état des lieux conformément aux dispositions du bail était confuse et laissait à la société "Pierre et Vacances" une marge d'interprétation quant aux travaux à exécuter pour satisfaire aux exigences imprécises de la bailleresse ; que cette imprécision est parfaitement illustrée par le tableau constituant l'annexe 5 du rapport d'expertise de M. [Y], dont il ressort notamment que la bailleresse estime que la locataire n'a pas déféré au commandement, car elle n'a effectué des travaux ne relevant pas du simple entretien des lieux mais de leur rénovation pour pallier les effets de la vétusté ; qu'il en est de même pour la mise aux normes de l'installation électrique voire pour l'étanchéité de certaines huisseries ; que la sanction encourue étant celle de la résiliation de plein droit du bail, il était essentiel que la locataire soit exactement informée de ce qui lui était reproché et de ce qui était attendu d'elle dans un délai par ailleurs très bref, même s'il a été prorogé au 16 décembre 2008 ; qu'en conséquence, conformément à la demande de la société "Pierre et Vacances", la cour constate que le commandement du 26 septembre 2008 est nul en ce sens qu'il ne peut pas déclencher la mise en oeuvre de la clause résolutoire du bail du 29 octobre 1999,

1) ALORS QU'un constat d'huissier du 12 septembre 2008 était annexé au commandement du 26 septembre 2008 énumérant, étage par étage et appartement par appartement, les réparations à effectuer ; qu'en énonçant, pour annuler le commandement, qu'il ne précisait pas quels travaux entendait voir effectuer la bailleresse, les travaux n'étant pas décrits suffisamment précisément, la cour d'appel a méconnu les termes du commandement et de ses annexes et a violé le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les éléments de la cause ;

2) ALORS QUE la cour d'appel a constaté que le bail mettait toutes les réparations, sauf celles de l'article 606 du code civil, à la charge de la locataire; qu'en retenant, pour annuler le commandement, qu'il n'était pas suffisamment précis en ce qu'il ne prévoyait aucune ventilation entre les différents travaux de remise en état qu'il visait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, dont il résultait que toutes les réparations étant à la charge du preneur, aucune ventilation entre elles n'était nécessaire ; qu'elle a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles L145-1 et suivants du code de commerce.ECLI:FR:CCASS:2017:C300397
Retourner en haut de la page