Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 mars 2017, 16-11.081, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 8 octobre 2015 et 15 décembre 2015), que, propriétaires d'une maison et d'un terrain attenant, M. et Mme G... ont obtenu, le 8 mars 2008, un permis de construire pour la réalisation d'un nouveau bâtiment avec pergola, d'un parking en toiture et de panneaux solaires ; que M. et Mme Z..., propriétaires du fonds voisin, ont formé un recours contre ce permis, qui a été annulé par la juridiction administrative, et ont poursuivi la démolition de la construction sur le fondement de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme et, subsidiairement, l'allocation de dommages-intérêts sur le fondement des troubles anormaux du voisinage ;

Attendu que, pour accueillir la demande de démolition, l'arrêt retient que le permis de construire a été annulé par la juridiction administrative dès lors qu'il ne respectait pas les dispositions du plan d'occupation des sols relatives à la hauteur des constructions et que la violation de la règle d'urbanisme est à l'origine du préjudice subi par M. et Mme Z... ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur, même lorsque semblable situation fait l'objet d'une instance judiciaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. et Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Z... et les condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme G... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme G...

IL EST FAIT GRIEF aux arrêts attaqués d'avoir jugé que Monsieur et Madame G... devaient procéder à la démolition de la pergola « abri à voitures » qu'ils ont édifiée, dans le délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte passé ce délai, de 100 euros par jour de retard, pendant quatre mois, à l'expiration desquels il pourra à nouveau être statué ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE l'action en démolition engagée par les époux Z... est fondée sur l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme dont le premier juge a exactement rappelé les dispositions ; que l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille en date du 10 novembre 2011 est motivé en ces termes :

« Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de M. et Mme G... consiste, selon les termes de l'imprimé de leur déclaration de permis de construire, en une pergola "abris-voiture" avec chauffage solaire, sur une dalle sous laquelle sera aménagée une salle de jeu ; que ce projet d'environ 7 mètres sur 7 d'emprise au sol, selon le plan de masse joint à la demande de permis de construire, est implanté en limite parcellaire sans faire corps avec le bâtiment principal d'habitation dont il est distant d'environ 5 mètres ; qu'eu égard à l'affectation et aux dimensions limitées de cette construction, à usage principal d'abri voiture dont l'entresol sera affecté à une salle de jeu pour enfants, et compte tenu de l'absence de tout lien fonctionnel avec la maison d'habitation dont elle ne constitue que l'accessoire, c'est à juste titre que le tribunal administratif de Nice l'a qualifiée d'annexe ;

« Considérant qu'aux termes de l'article UD 7 de la zone UD du plan d'occupation des sols de la commune de Vence, "la distance, comptée horizontalement de tout point d'une construction au point le plus proche de la limite séparative, doit être au moins égale à la différence d'altitude entre ces deux points diminuée de 2 mètres, sans être inférieure à 5 mètres (L=H-2)./ Toutefois, l'implantation sur limite séparative pourra être admise ; dans deux cas :/ - pour des raisons d'ordonnancement architectural, notamment lorsqu'il existe sur l'unité foncière voisine une construction principale construite également sur la même limite. Dans ce cas, le bâtiment à construire doit s'harmoniser avec le volume existant./ - les ouvrages techniques nécessaires au fonctionnement de l'immeuble,/ Pour les annexes des constructions principales, aucune distance n'est imposée, sous réserve que la longueur de la construction en limite ne pourra excéder 10 mètres./ Les piscines doivent s'implanter à une distance des limites séparatives, au moins égale à 5 mètres./ Pour les serres la marge de recul est égale à la hauteur de la serre." ; que l'article UD 10 de ce même règlement prévoit enfin que "la hauteur des constructions annexes ne pourra excéder 2,50 m à l'égout du toit et 3 mètres au faîtage" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la pergola de M. et Mme G... comporte outre des panneaux latéraux, une toiture terrasse imposante destinée à accueillir des panneaux solaires et dont la hauteur de 5,85 mètres au-dessus du sol naturel excède celle de 3 mètres autorisée pour les annexes ;

« Considérant enfin qu'en tout état de cause, les requérants ne peuvent davantage se prévaloir de la seconde exception prévue à l'article UD 7 qui permet pour des raisons d'ordonnancement architectural, une harmonisation avec des constructions voisines déjà implantées en limite parcellaire, dès lors que la construction projetée n'est pas accolée à une construction implantée en limite parcellaire et qu'eu égard à la différence de hauteur avec la cuisine de M. et Mme Z... implantée à moins d'un mètre de cette limite, il ne saurait avoir pour objet de s'harmoniser avec les constructions existantes ; que M. et Mme G... ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé leur permis de construire. » ;

qu'il résulte de cette décision que les époux G... ont méconnu les dispositions de l'article UD 10 du règlement du POS ; que la renonciation des époux Z... à invoquer cette méconnaissance ne peut se déduire du seul fait qu'aux termes de l'acte du 23 octobre 1989, ils ont autorisé les époux G... à implanter un garage sur la propriété restant leur appartenir, à moins de cinq mètres de la propriété présentement vendue ; que le dépassement de la hauteur autorisée par l'article de l'article UD 10 cause aux époux Z... un préjudice dès lors qu'elle est à l'origine d'une diminution de la luminosité et de l'ensoleillement d'une partie de leur fonds, situé à l'est de celui des époux G... ; que c'est donc par une exacte appréciation que le premier [juge] a ordonné la démolition de la construction édifiée par les époux G... à qui un délai d'un an sera toutefois accordé compte tenu de l'importance des travaux de démolition à réaliser ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, « Lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L'action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ;

b) Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L'action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l'achèvement des travaux.

Lorsque l'achèvement des travaux est intervenu avant la publication de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, la prescription antérieure continue à courir selon son régime » ;

[
] qu'il résulte des pièces produites, et notamment des photographies et du rapport, auquel sont annexés la demande de permis de construire et le procès-verbal de constat en date du 13 février 2009, établi par Monsieur E..., expert près la Cour administrative d'appel de Marseille le 27 janvier 2012 que :

- la hauteur de la construction réalisée en limite de propriété est de 6,35 mètres,

- la construction entraîne :

• une vue dominante et directe, à partir de la bâtisse F..., sur la propriété Z..., surtout sur la terrasse située devant la cuisine,

• une vue dominante et directe, à partir de la bâtisse F..., sur la propriété Z..., sur l'intérieur du logement, au travers de la fenêtre de toit préexistante de la cuisine,

• des nuisances sonores, avec un stationnement de véhicules dans la bâtisse litigieuse, à seulement quelques centimètres de retrait par rapport à la propriété Z..., nuisances sonores affectant toute la partie du rez-de-jardin de la propriété située sur le côté Ouest, mais aussi la chambre Ouest de la partie RDC,

• une diminution de la luminosité et d'ensoleillement de la propriété Z... au couchant, avec cette bâtisse litigieuse massive,

• une "barre" de construction, faisant liaison en quelque sorte et regroupant à la manière des « maisons jumelées », la bâtisse de M. et Mme F..., la bâtisse litigieuse et la maison de M. Mme Z..., dévalorisant la propriété de M. Mme Z... ;

[
] que par ailleurs, l'existence d'une vue préexistante depuis la maison d'habitation des époux G... est indifférente ;

1°) ALORS QUE les lois entrent en vigueur à la date qu'elles fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication au Journal officiel de la République française ; que les lois de fond s'appliquent aux instances en cours lorsqu'elles donnent lieu à un jugement constitutif de droit ; que la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, modifiant l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, a été publiée au Journal officiel de la République française le 7 août 2015 et est entrée en vigueur le 8 août 2015 ; qu'en ordonnant la démolition sous astreinte de la construction litigieuse sur le fondement de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, tel que modifié par l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, abrogé à la date de sa décision, la Cour d'appel a violé l'article 1 du Code civil, ensemble l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

2°) ALORS QUE, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à le démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans certaines zones de protection limitativement énumérées ; qu'en ordonnant néanmoins la démolition sous astreinte de la construction litigieuse, sans avoir préalablement constaté qu'elle se trouvait dans l'une des zones de protection limitativement énumérées, faute de quoi sa démolition ne pouvait être prononcée, la Cour d'appel a violé l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;

3°) ALORS QUE, subsidiairement, les particuliers ne peuvent invoquer, devant les tribunaux de l'ordre judiciaire, la violation des règles d'urbanisme, alors même que la juridiction administrative a prononcé l'annulation du permis de construire, qu'à la condition d'établir l'existence d'un préjudice personnel, en relation directe avec l'infraction et non avec la seule présence de la construction dont le permis a été annulé ; qu'en se bornant à énoncer, pour ordonner la démolition sous astreinte de la construction litigieuse, que le dépassement de la hauteur autorisée par l'article UD 10 causait aux époux Z... une perte d'ensoleillement et de luminosité d'une partie de leur fonds, sans rechercher si cette perte d'ensoleillement et de luminosité était résiduelle et n'excédait pas les inconvénients normaux de voisinage, de sorte que les époux Z... n'avaient pas subi de préjudice en relation directe de cause à effet avec la violation de la règle d'urbanisme ayant justifié l'annulation du permis de construire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

4°) ALORS QUE, à titre également subsidiaire, les particuliers ne peuvent invoquer, devant les tribunaux de l'ordre judiciaire, la violation des règles d'urbanisme, alors même que la juridiction administrative a prononcé l'annulation du permis de construire, qu'à la condition d'établir l'existence d'un préjudice personnel, en relation directe avec l'infraction et non avec la seule présence de la construction dont le permis a été annulé ; qu'en décidant que Monsieur et Madame Z... justifiaient d'un préjudice résultant de vues dont Monsieur et Madame G... disposaient sur leur fond sans que ces derniers puissent se prévaloir de vues existantes, bien que le maintien de vues préexistantes ne se trouve pas en relation directe de cause à effet avec la violation de la règle d'urbanisme ayant justifié l'annulation du permis de construire, la Cour d'appel a violé l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

5°) ALORS QUE, tout aussi subsidiairement, les particuliers ne peuvent invoquer, devant les tribunaux de l'ordre judiciaire, la violation des règles d'urbanisme, alors même que la juridiction administrative a prononcé l'annulation du permis de construire, qu'à la condition d'établir l'existence d'un préjudice personnel, en relation directe avec l'infraction et non avec la seule présence de la construction dont le permis a été annulé ; qu'en ordonnant la démolition sous astreinte de la construction litigieuse, motif pris de l'existence de nuisances sonores, bien qu'un tel préjudice ait été sans lien de causalité avec la violation de la règle d'urbanisme ayant justifié l'annulation du permis de construire, tenant au non-respect par Monsieur et Madame G... de la hauteur des constructions annexes mentionnée à l'article UD 10 du Plan d'Occupation des Sols, la Cour d'appel a violé l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

6°) ALORS QUE subsidiairement encore, les particuliers ne peuvent invoquer, devant les tribunaux de l'ordre judiciaire, la violation des règles d'urbanisme, alors même que la juridiction administrative a prononcé l'annulation du permis de construire, qu'à la condition d'établir l'existence d'un préjudice personnel, en relation directe avec l'infraction et non avec la seule présence de la construction dont le permis a été annulé ; qu'en ordonnant la démolition sous astreinte de la construction litigieuse, motif pris qu'elle entraînait une dévalorisation de la propriété des époux Z... en formant une « barre » de construction faisant liaison entre la bâtisse de Monsieur et Madame G... et celle des époux Z..., bien que la seule violation de la règle d'urbanisme ayant conduit à l'annulation du permis de construire ait tenu à la hauteur des constructions annexes mentionnée à l'article UD 10 du Plan d'Occupation des Sols et non aux distances imposées par l'article UD 7 entre les constructions et la limite séparative de deux fonds, ce dont il résultait que le préjudice tiré de l'existence d'une « barre » de construction et de la dévalorisation de l'immeuble n'était pas en relation directe de cause à effet avec la violation de la règle d'urbanisme, la Cour d'appel a violé l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ensemble l'article 1382 du Code civil. ECLI:FR:CCASS:2017:C300368
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