Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 mars 2017, 15-25.585, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 3 et 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 7 février 2009, le véhicule automobile au volant duquel était sa propriétaire, Mme Y..., assurée auprès de la société Axa France IARD (l'assureur), M. C... occupant la place du passager avant, a été accidenté après être sorti de la route ; que Mme Y... et M. C... ont tous deux été blessés ; que M. C... a, en présence des caisses primaires d'assurance maladie de la Loire et d'Ille-et-Vilaine, assigné en réparation de son préjudice Mme Y... et son assureur, lesquels lui ont opposé qu'il avait acquis la qualité de conducteur et lui ont demandé l'indemnisation des préjudices subis par Mme Y... ;

Attendu que, pour le condamner à payer certaines sommes à Mme Y... et à l'assureur, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que M. C... a confirmé à un policier du commissariat de Saint-Malo qu'il avait bien lui-même tourné le volant du véhicule, tout en étant en état d'ivresse lors de l'accident, et qu'il ne démontre ni que la route était verglacée, les pompiers intervenus sur les lieux n'en faisant pas mention dans leur rapport, ni que Mme Y... avait perdu le contrôle de son véhicule avant l'accident ; que Mme Y... a toujours eu la même version des faits, ayant déclaré à la gendarmerie que la voiture avait légèrement glissé et que M. C... avait alors violemment tiré sur le volant ; que les photographies versées aux débats prouvent que le véhicule est monté sur la berme, qu'il a effectué plusieurs mètres, les roues étant bien parallèles, avant de s'écraser dans le fossé ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. C... a bien saisi brusquement et volontairement le volant et qu'il avait la maîtrise du véhicule avant l'accident ;

Qu'en statuant ainsi alors que le seul fait que M. C... ait manoeuvré le volant n'établissait pas qu'il se soit substitué à Mme Y... dans la conduite du véhicule et ait acquis la qualité de conducteur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne Mme Y... et la société Axa France IARD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. C....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Monsieur Kamel C...          à payer à Madame Y... la somme de 11.001,96 euros de dommages et intérêts au taux légal à compter de la décision et de l'avoir condamné à payer à la société Axa France Iard la somme de 2.316 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les parties comparantes ayant été citées à personne habilitée, le présent arrêt est réputé contradictoire à l'égard de tous par application des articles 474 et 749 du code de procédure civile ;
le 7 février 2009, vers 23 heures, alors Mme Anne-Laure Y..., née le [...]       , était au volant de son véhicule et M. Kamel C...         , né le [...] , était passager avant, ce véhicule a quitté la route ; estimant que Monsieur Kamel C...          était responsable de l'accident, la SA Axa France iard, assureur de Mme Anne-Laure Y..., a demandé à Monsieur Kamel C...         , par courrier du 5 octobre 2009, de rembourser le préjudice matériel ; le 16 novembre 2009, Monsieur Kamel C...          a déposé plainte contre Mme Anne-Laure Y... pour fraude aux assurances et déclarations mensongères ; le 4 février 2011, Monsieur Kamel C...          a fait assigné devant le tribunal de grande instance de Saint Malo Mme Anne-Laure Y..., la SA Axa France Iard et la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire pour obtenir réparation de son préjudice ; le 29 février 2012, Mme Anne-Laure Y... a fait assigner en intervention forcée la caisse primaire d'assurance maladie d'Ille-et-Vilaine ; par le jugement déféré, le premier juge a considéré qu'il ressortait des éléments du dossier que Monsieur Kamel C...          avait bien saisi brusquement le volant avant l'accident le 7 février 2009, qu'il avait ainsi la maîtrise du véhicule et en était le conducteur au sens de la loi du 5 juillet 2005 et qu'il était alors tenu d'indemniser Mme Anne-Laure Y... de son préjudice ; de même le tribunal a rejeté les demandes de Monsieur Kamel C...         , conducteur d'un véhicule seul impliqué dans l'accident ; Monsieur Kamel C...          reproche au premier juge d'avoir statué ainsi alors qu'à aucun moment il n'a saisi le volant avant que le véhicule commence à déraper sur une route probablement verglacée à proximité d'un radar automatique ; il ajoute qu'il y a eu ensuite un incroyable coup monté puisqu'il a rappelé Mme Y... au téléphone à sa demande et qu'il s'est alors retrouvé interrogé par quelqu'un qui s'est prétendu être gendarme ; il considère avoir été victime d'un véritable traquenard alors qu'auparavant Mme Y... n'avait eu aucune acrimonie à son égard pour avoir été prétendument responsable de la destruction de sa voiture comme le démontrent les SMS qu'elle lui a envoyés ; il en déduit que la conductrice était bien Mme Y... et que lui-même n'était que passager ; il souligne que le fait qu'il se soit emparé du volant pour tenter de contrebalancer le mouvement de dérapage ne peut être la cause exclusive de l'accident ; Mme Anne-Laure Y... et la SA Axa France Iard répondent que les pièces objectives versées aux débats démontrent que c'est bien en raison exclusivement de la manoeuvre intempestive de Monsieur C... que l'accident est survenu de sorte qu'en application de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 son droit à indemnisation doit être totalement exclu comme l'a déjà jugé la cour d'appel de Rennes dans une affaire similaire ; elles rappellent que le témoignage du policier sur les propos tenus par Monsieur C... a été recueilli à l'occasion de la plainte que Mme Y... était en train de déposer pour harcèlement téléphonique ; elles signalent que l'appelant ne verse aucune pièce à l'appui de ses dires et qu'il s'est bien gardé d'engager des poursuites à l'encontre du policier qu'il accuse de corruption et d'avoir établi un faux ; le 27 février 2009, Monsieur Florent D..., policier au commissariat de Saint-Malo, a établi une déclaration de main courante dont il ressort que ce fonctionnaire de police a eu une conversation téléphonique avec Monsieur C..., qui avait appelé Madame Anne-Laure Y... alors qu'elle se trouvait au commissariat, que Monsieur C... s'est adressé de manière vulgaire et agressive au policier et lui a confirmé qu'il avait bien lui-même tourné le volant tout en étant en état d'ivresse lors de l'accident du 7 février 2009 à [...] ; Monsieur C... ne démontre aucunement qu'il y avait sur cette route un radar automatique, que la route était verglacée (les pompiers intervenus sur les lieux n'en font pas mention dans leur rapport) et que Mme Y... avait perdu le contrôle de son véhicule même si cette dernière a déclaré au médecin expert d'assurance chargé de l'examiner que sa voiture avait dérapé ; il convient de relever que Mme Y... a précisé à ce médecin qu'elle avait essayé de rétablir l'équilibre lorsque son ami, assis près d'elle et qui était alcoolisé, avait tiré violemment sur le volant ; Mme Y... a toujours eu la même version des faits puisqu'elle a déclaré à la gendarmerie le 8 décembre 2010 que la voiture avait légèrement glissé et que Monsieur Kamel C...          avait violemment tiré sur le volant ; les photographies versées aux débats prouvent que le véhicule est monté sur la berne, qu'il a effectué plusieurs mètres les roues étant bien parallèles avant de s'écraser dans le fossé ; lorsque Monsieur C... a été entendu le 9 septembre 2010 par la gendarmerie, il a bien convenu qu'ayant bu deux apéritifs et deux verres de vin il n'avait pas voulu prendre son véhicule ; à cette occasion, Monsieur C... n'a aucunement indiqué qu'il avait agrippé le volant, comme il le reconnaît maintenant, mais il avait soutenu que c'était Mme Y... qui avait mordu l'accotement, qu'elle avait donné un coup de volant pour redresser et que le véhicule avait fait des tonneaux ; dans ces conditions, le premier juge en a exactement déduit que Monsieur Kamel C...          avait bien saisi brusquement et volontairement le volant, qu'il avait eu la maîtrise du véhicule, qu'il était le conducteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 et qu'il était tenu d'indemniser Mme Y..., considérée comme passagère, du préjudice qu'elle a subi ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE, sur l'obligation d'indemnisation, aux termes de la loi du 5 juillet 1985, tout conducteur dont le véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident est tenu d'indemniser les victimes de cet accident ; le conducteur d'un véhicule est celui qui maîtrise le véhicule et celui qui prend le volant contre le gré du conducteur, acquiert la qualité de conducteur ; le 7 février 2009, Anne-Laure Y... était au volant et Kamel C...          était à la place du passager à l'avant ; Anne-Laure Y... soutient que Kamel C...          a brusquement tiré sur le volant, ce qui a provoqué la sortie de route du véhicule et l'accident ; elle ajoute que Kamel C...          lui avait demandé de ne pas révéler les circonstances de l'accident et lui avait promis de tout arranger ; comme il n'en faisait rien, elle l'a informé qu'elle allait faire une déclaration conforme à la vérité à son assureur ; Kamel C...          l'aurait alors menécée et elle est allée déposer plainte au commissariat de Saint Malo, qui a enregistré des mains courantes les 20 et 27 février 2009 ; Anne-Laure Y... verse aux débats la déclaration de main courante n°2009/004257du 27 février 2009 à 16h27 ; Kamel C...          l'a appelée sur son téléphone portable quand elle se trouvait au commissariat ; le brigadier-chef Florent D... a pris le téléphone et a relevé les propos suivants tenus par Kamel C...          : « Ce dernier s'adresse à nous vulgairement et de façon très agressive, et confirme qu'il a bien tourné lui-même le volant tout en étant en état d'ivresse mais il veut aussi profiter de Mademoiselle Y... » ; la plainte déposée le 16 novembre 2009 par Kamel C...          a été suivie d'une enquête, dans le cadre de laquelle les conditions d'établissement de la main courante du 27 février 2009, par Florent D... ont été vérifiées ; il a été conclu que celui-ci n'avait pas de relations avec Anne-Laure Y..., que les accusations portées par Kamel C...          étaient fausses et que la main courante a été établie de façon impartiale et sans fraude ; le 11 avril 2012, la plainte de Monsieur C... a été classée sans suite ; Kamel C...          fait état des bonnes relations qu'il a entretenues avec Anne-Laure Y..., qui ressortent de la transcription par Maître Jean-François E..., huissier à [...], de messages téléphoniques qu'elle lui a envoyés entre le 10 et le 5 février 2009 ; mais Anne-Laure Y... ne conteste pas que pendant cette période, soit immédiatement après l'accident, alors que Kamel C...          lui avait promis de tout arranger, elle avait encore de bonnes relations avec lui ; ensuite, après avoir reçu à partir du 20 février 2009 des appels téléphoniques menaçants de Kamel C...         , elle a déposé plainte contre lui le 6 mars 2009 au commissariat de police de Saint Malo ; enfin, dans ses conclusions, Kamel C...          soutient qu'il ne consomme jamais d'alcool alors qu'il a bien reconnu devant les enquêteurs le 9 septembre 2010 que le 7 février 2009 il avait bu deux apéritifs et deux verres de vin pendant le repas et n'avait pas voulu conduire son véhicule pour se rendre dans une discothèque ; il était donc sous l'emprise d'alcool au moment de l'accident ; il ressort de l'ensemble de ces éléments que Kamel C...          a bien saisi brusquement le volant avant l'accident du 7 février 2009 et qu'il y a lieu de juger qu'il avait la maîtrise du véhicule et en était le conducteur au sens de la loi du 5 juillet 1985 ; il est donc tenu d'indemniser Anne-Laure Y... du préjudice qu'elle a subi ;

ALORS QUE la qualité de conducteur suppose la détention du commandement et de la maîtrise du véhicule par celui qui conduit ; que, dès lors, la cour d'appel, ayant constaté que Monsieur C..., assis à la place du passager à l'avant, avait seulement saisi le volant du véhicule, qui était piloté par Madame Anne-Laure Y..., ne pouvait en déduire que celui-ci en était devenu le conducteur, en l'absence de toute prise de contrôle de la totalité des éléments de direction et de freinage dudit véhicule, et a, par suite, violé les articles 3 et 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;

ALORS QUE la partie qui se trouve au volant du véhicule terrestre à moteur ne peut être indemnisée par son passager des dommages qu'elle a subis lors d'un accident de circulation que dans la mesure où il est au préalable caractérisé que celui-ci avait pris la qualité de conducteur, ce qui induit l'usage, le contrôle et la direction dudit véhicule et que lui seul est à l'origine de l'accident ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que Mlle Y... qui était au volant avait elle-même déclaré au médecin expert d'assurance chargé de l'examiner que sa voiture avait dérapé, la cour d'appel ne pouvait la considérer comme passagère, au prétexte que M. C... avait saisi brusquement le volant, quand ces constatations sont insuffisantes d'une part, à établir que ce dernier avait eu la maitrise du véhicule et que la manoeuvre du passager était la cause exclusive de l'accident et d'autre part, à exclure la glissade préalable du véhicule; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 2, 3 et 4 de la loi du 5 juillet 1985. ECLI:FR:CCASS:2017:C200413
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