Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 mars 2017, 15-84.391, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
Mme [H] [Y],


contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 11 juin 2015, qui, pour fausses déclarations en vue de l'obtention de prestations ou d'allocations indues, l'a condamnée à 5 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;











La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 janvier 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Zita ;

Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de la société civile professionnelle ZRIBI et TEXIER, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général LE DIMNA ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'un contrôle de la Caisse primaire d'assurance-maladie sur les actes effectués par des professionnels de santé, Mme [Y], infirmière, a été citée devant le tribunal correctionnel pour fausses déclarations en vue de l'obtention de prestations ou d'allocations indues, en l'espèce pour avoir surcoté des actes et facturé des indemnités kilométriques fictives ou surévaluées pour un montant total de 153 833,64 euros ; que les juges du premier degré l'ont déclarée coupable ; que la prévenue et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme [Y] coupable de fausses déclarations par praticien pour l'obtention de prestation ou allocation indue versée par un organisme de protection sociale, du 1er janvier 2008 au 7 mars 2011 et l'a condamnée à une amende de 5 000 euros ;

"aux motifs que les appels sont recevables ; que le tribunal correctionnel a parfaitement caractérisé en des motifs pertinents et que la cour adopte les éléments constitutifs du délit reproché à Mme [Y] ; que la décision déférée sera dès lors confirmée en ce qu'elle a déclaré Mme [Y] coupable des faits reprochés ; qu'il en va de même de la peine prononcée ; que les dispositions civiles du jugement déféré seront également confirmés ;

"aux motifs adoptés que « Mme [Y] nie la quasi-intégralité des faits qui lui sont reprochés ; qu'elle a, d'ailleurs, par l'intermédiaire de son avocat sollicité sa relaxe du chef de la poursuite ; que pour la surévaluation des kilométrages effectués, Mme [Y] invoque l'absence d'élément intentionnel caractérisé par l'habitude reprise de son prédécesseur ; que cette affirmation paraît peu crédible ; que la caisse souligne, qu'au cours de l'année 2009, la quantité des indemnités kilométriques de l'infirmière a été 3, 3 fois plus élevée que la moyenne et a connu une croissance pour Mme [Y] de 67% entre les années 2008 et 2009 ; que d'autre part, seule l'existence d'une intention frauduleuse peut expliquer que de tels erreurs kilométriques aient pu se répéter pendant trois années dans des proportions aussi importante, pour une personne qui, au surplus, a excellente connaissance de cette circonscription, Mme [Y] ayant, notamment, rappelé au cours des débats, être fille d'agriculteurs locaux ; qu'en ce qui concerne la facturation des prestations réalisées par d'autres praticiens, Mme [Y] soutient, à titre principal, qu'il ne s'agissait pas de remplacements ; qu'elle fait valoir pour Mme [G] qu'il s'agissait d'une association et pour les deux autres infirmières, Mmes [I] et [K], qu'il s'agissait d'un contrat de collaboration libérale ; que, s'il est effectivement possible, pour une infirmière libérale, d'avoir recours à des infirmiers collaborateurs, cela doit ressortir d'une convention expresse, signée entre les parties et versée aux débats pour servir de preuve ; qu'une simple allégation qualifiée de projet de convention non signé entre les parties ne peut aucunement contredire les infirmières entendues lors de l'enquête et qui ont, en outre, reconnu avoir été recrutées pour un remplacement, à l'exception de Mme [G] pour laquelle le contrat d'association figure au titre des pièces versées au dossier ; qu'au surplus, Mme [Y] s'est engagée au cours des débats, à faire dorénavant attention à ne plus travailler en même temps que les infirmières remplaçantes qu'elle engagerait ; preuve, si cela était nécessaire, qu'elle n'était pas dans une démarche de collaboration ; qu'en ce qui concerne la non-application de la cotation adaptée aux actes ou l'indication d'actes fictifs, Mme [Y] soutient que la démonstration d'une fraude n'est pas effectuée car aucune investigation n'a été menée pour contredire le fait qu'elle a réalisé comme elle l'affirme, des soins AIS6 ; que c'est à ce titre, qu'elle sollicite la relaxe ; qu'il ressort pourtant des investigations et notamment de la propre audition de Mme [Y], en garde-à-vue, que celle-ci a facturé, à plusieurs reprises, des actes qu'elle n'a pas effectué ou pour lesquels la cotation adaptée n'a pas été facturée, ce qu'elle a reconnu ; que tel est le cas, notamment, pour Mmes [Q], [Z], [U] et MM. [V], [M], [W] et [T] ; que, par exemple, pour Mme [J], Mme [Y] indiquait la doucher tous les jours avant de lui poser une attelle, estimant se justifier pour la facturation d'un acte AIS 6 ; que cependant, selon les déclarations de la patiente auprès de l'agent enquêteur assermenté de la CPAM de Pau, les soins qui lui étaient prodigués étaient trois actes de 5 minutes environ chacun ; qu'en aucun cas, elle indiquait avoir été douchée par l'infirmière et que trois actes de 5 minutes environ ne permettent pas de facturer des actes soi-disant réalisés dans un temps compris entre 30 et 60 minutes ; que l'ensemble de ces éléments établit la facturation d'actes fictifs par Mme [Y] ; qu'en ce qui concerne la durée des actes effectués, Mme [Y] dit travailler plus efficacement que ses autres confrères ; qu'au cours des débats, comme dans son audition de garde-à-vue, elle a clairement reconnu réaliser, en bien moindre temps que les autres, tous les actes qui lui sont prescrits ; qu'ainsi, elle a expliqué : « les actes que je cote correspondant réellement à l'acte effectué. Effectivement, il ne me faut pas une demi-heure ou une heure pour faire une toilette complète (douche). C'est vrai que les actes AIS 6 correspondent à des actes de 30 à 60 minutes et c'est vrai que je travaille vite mais bien et cela peut durer environ 20 minutes en moyenne, comme tous les infirmiers en général » ; que l'acte AIS 6, doit être compris entre 30 et 60 minutes ; que, dès lors que Mme [Y] n'y consacrait que 20 minutes en moyenne, en toute connaissance de cause, il lui appartenait de coter ledit acte sous l'indication AIS 3, correspondant à un temps de soins maximum de 30 minutes ; qu'en effet il ressort de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), que les actes AIS sont des actes de soins infirmiers, contrairement aux actes plus techniques et médicaux qualifiés d'AMI ; que ces actes sont de cotation unique et qu'ils s'appliquent par tranche d'une demi-heure ; que dès lors, facturer volontairement tous les actes de soins infirmiers effectués en 20 minutes, sous la cotisation AIS 6, correspondant à la durée de 30 à 60 minutes, établit l'intention frauduleuse pour chacun de ces soins infirmiers ; qu'en conséquence, la fraude est aussi sur point parfaitement établie ; que, prenant en compte l'ensemble de ces éléments, Mme [Y] sera déclarée coupable des faits qui lui sont reprochés ; qu'en répression, le tribunal la condamne à la peine d'amende délictuelle de 5 000 euros » ;

"1°) alors que l'action publique en matière de délits se prescrit par trois ans ; que Mme [Y] était prévenue de s'être rendue coupable de fraude ou de fausses déclarations pour obtenir des prestations ou allocations versées par les organismes de sécurité sociale entre le 1er janvier 2008 et le 7 mars 2011 ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le procureur a fait procéder à des actes d'enquêtes à compter du 4 février 2013 et qu'il l'a fait citer devant le tribunal correctionnel en 2013 ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de Mme [Y] pour des actes commis entre le 1er janvier 2008 et le 4 février 2010, lors même que l'action publique était prescrite à leur égard, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"2°) alors que l'action publique en matière de délits se prescrit par trois ans ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le procureur a fait procéder à des actes d'enquêtes concernant Mme [Y] à compter du 4 février 2013 et qu'il l'a fait citer devant le tribunal correctionnel en 2013 ; qu'à supposer que le contrôle effectué le 26 octobre 2011 par la caisse primaire d'assurance-maladie puisse être considéré comme un acte interruptif de prescription, les faits intervenus entre le 1er janvier 2008 et le 26 octobre 2008 seraient alors prescrits ; qu'en entrant en voie de condamnation pour ces faits, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées" ;

Attendu que si l'exception de prescription est d'ordre public et peut, à ce titre, être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation, c'est à la condition que se trouvent dans les constatations des juges du fond, les éléments nécessaires pour en apprécier la valeur ;

Qu'à défaut de telles constatations, le moyen, mélangé de fait, est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 63-1, 63-3-1 à 63-4-3, 406, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme [Y] coupable des fausses déclarations par praticien pour l'obtention de prestation ou allocation indue versée par un organisme de protection sociale, du 1er janvier 2008 au 7 mars 2011 et l'a condamnée à une amende de 5 000 euros ;

"aux motifs que les appels sont recevables ; que le tribunal correctionnel a parfaitement caractérisé en des motifs pertinents et que la cour adopte les éléments constitutifs du délit reproché à Mme [Y] ; que la décision déférée sera dès lors confirmée en ce qu'elle a déclaré Mme [Y] coupable des faits reprochés ; qu'il en va de même de la peine prononcée ; que les dispositions civiles du jugement déféré seront également confirmés ;

"aux motifs adoptés que Mme [Y] nie la quasi-intégralité des faits qui lui sont reprochés ; qu'elle a, d'ailleurs, par l'intermédiaire de son avocat sollicité sa relaxe du chef de la poursuite ; que pour la surévaluation des kilométrages effectués, Mme [Y] invoque l'absence d'élément intentionnel caractérisé par l'habitude reprise de son prédécesseur ; que cette affirmation paraît peu crédible ; que la caisse souligne, qu'au cours de l'année 2009, la quantité des indemnités kilométriques de l'infirmière a été 3, 3 fois plus élevée que la moyenne et a connu une croissance pour Mme [Y] de 67% entre les années 2008 et 2009 ; que d'autre part, seule l'existence d'une intention frauduleuse peut expliquer que de tels erreurs kilométriques aient pu se répéter pendant trois années dans des proportions aussi importante, pour une personne qui, au surplus, a excellente connaissance de cette circonscription, Mme [Y] ayant, notamment, rappelé au cours des débats, être fille d'agriculteurs locaux ; qu'en ce qui concerne la facturation des prestations réalisées par d'autres praticiens, Mme [Y] soutient, à titre principal, qu'il ne s'agissait pas de remplacements ; qu'elle fait valoir pour Mme [G] qu'il s'agissait d'une association et pour les deux autres infirmières, Mmes [I] et [K], qu'il s'agissait d'un contrat de collaboration libérale ; que, s'il est effectivement possible, pour une infirmière libérale, d'avoir recours à des infirmiers collaborateurs, cela doit ressortir d'une convention expresse, signée entre les parties et versée aux débats pour servir de preuve ; qu'une simple allégation qualifiée de projet de convention non signé entre les parties ne peut aucunement contredire les infirmières entendues lors de l'enquête et qui ont, en outre, reconnu avoir été recrutées pour un remplacement, à l'exception de Mme [G] pour laquelle le contrat d'association figure au titre des pièces versées au dossier ; qu'au surplus, Mme [Y] s'est engagée au cours des débats, à faire dorénavant attention à ne plus travailler en même temps que les infirmières remplaçantes qu'elle engagerait ; que, preuve, si cela était nécessaire, qu'elle n'était pas dans une démarche de collaboration ; qu'en ce qui concerne la non-application de la cotation adaptée aux actes ou l'indication d'actes fictifs, Mme [Y] soutient que la démonstration d'une fraude n'est pas effectuée car aucune investigation n'a été menée pour contredire le fait qu'elle a réalisé comme elle l'affirme, des soins AIS 6 ; que c'est à ce titre, qu'elle sollicite la relaxe ; qu'il ressort pourtant des investigations et notamment de la propre audition de Mme [Y], en garde-à-vue, que celle-ci a facturé, à plusieurs reprises, des actes qu'elle n'a pas effectué ou pour lesquels la cotation adaptée n'a pas été facturée, ce qu'elle a reconnu ; que tel est le cas, notamment, pour Mmes [Q], [Z], [U] et MM. [V], [M], [W] et [T] ; que, par exemple, pour Mme [J], Mme [Y] indiquait la doucher tous les jours avant de lui poser une attelle, estimant se justifier pour la facturation d'un acte AIS 6 ; que cependant, selon les déclarations de la patiente auprès de l'agent enquêteur assermenté de la CPAM de Pau, les soins qui lui étaient prodigués étaient trois actes de 5 minutes environ chacun ; qu'en aucun cas, elle indiquait avoir été douchée par l'infirmière et que trois actes de 5 minutes environ ne permettent pas de facturer des actes soi-disant réalisés dans un temps compris entre 30 et 60 minutes ; que l'ensemble de ces éléments établit la facturation d'actes fictifs par Mme [Y] ; qu'en ce qui concerne la durée des actes effectués, Mme [Y] dit travailler plus efficacement que ses autres confrères ; qu'au cours des débats, comme dans son audition de garde-à-vue, elle a clairement reconnu réaliser, en bien moindre temps que les autres, tous les actes qui lui sont prescrits ; qu'ainsi, elle a expliqué : « les actes que je cote correspondant réellement à l'acte effectué. Effectivement, il ne me faut pas une demi-heure ou une heure pour faire une toilette complète (douche). C'est vrai que les actes AIS 6 correspondent à des actes de 30 à 60 minutes et c'est vrai que je travaille vite mais bien et cela peut durer environ 20 minutes en moyenne, comme tous les infirmiers en général » ; que l'acte AIS 6, doit être compris entre 30 et 60 minutes ; que dès lors que Mme [Y] n'y consacrait que 20 minutes en moyenne, en toute connaissance de cause, il lui appartenait de coter ledit acte sous l'indication AIS 3, correspondant à un temps de soins maximum de 30 minutes ; qu'en effet il ressort de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), que les actes AIS sont des actes de soins infirmiers, contrairement aux actes plus techniques et médicaux qualifiés d'AMI ; que ces actes sont de cotation unique et qu'ils s'appliquent par tranche d'une demi-heure ; que dès lors, facturer volontairement tous les actes de soins infirmiers effectués en 20 minutes, sous la cotisation AIS 6, correspondant à la durée de 30 à 60 minutes, établit l'intention frauduleuse pour chacun de ces soins infirmiers ; qu'en conséquence, la fraude est aussi sur point parfaitement établie ; que, prenant en compte l'ensemble de ces éléments, Mme [Y] sera déclarée coupable des faits qui lui sont reprochés ; qu'en répression, le tribunal la condamne à la peine d'amende délictuelle de 5 000 euros » ;

"1°) alors que le prévenu droit bénéficier devant les juridictions répressives du droit de se taire ; que la méconnaissance de l'obligation d'informer le prévenu du droit de se taire lui fait nécessairement grief ; que les juges ne peuvent fonder la déclaration de culpabilité d'un prévenu sur des déclarations enregistrées au cours d'une audience au cours de laquelle la personne a contribué à sa propre incrimination sans s'être vue notifier son droit de se taire ; que pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Mme [Y], la cour d'appel s'est fondée sur ses déclarations faites lors de l'audience du tribunal correctionnel, en vertu desquelles elle indiquait, sur le non-respect du temps des séances facturées, qu'elle «était particulièrement efficace et arriver à faire en moins de temps que les autres les tâches qui lui revenaient » ; qu'en se fondant ainsi sur des déclarations faites lors d'une audience au cours de laquelle le droit au silence de la prévenue ne lui a pas été notifié, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"2°) alors que le gardé à vue doit se voir notifier son droit de se taire ; que pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Mme [Y], la cour d'appel s'est fondée sur ses déclarations faites en garde à vue, en vertu desquelles elle indiquait, sur le non-respect du temps des séances facturées, qu'elle «était particulièrement efficace et arriver à faire en moins de temps que les autres les tâches qui lui revenaient » ; qu'en se fondant ainsi sur des déclarations faites lors de sa garde à vue, sans qu'il résulte de l'arrêt ou des pièces de la procédure qu'elle ait été informée durant celle-ci de son droit de se taire, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"3°) alors que le gardé à vue doit a le droit d'être assisté d'un avocat ; que les juges ne peuvent fonder la déclaration de culpabilité d'un prévenu sur des déclarations enregistrées au cours de la garde à vue par lesquelles la personne a contribué à sa propre incrimination sans avoir pu être assistée par un avocat ; que pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Mme [Y], la cour d'appel s'est fondée sur ses déclarations faites notamment en garde à vue, en vertu desquelles elle indiquait, sur le non-respect du temps des séances facturées, qu'elle «était particulièrement efficace et arriver à faire en moins de temps que les autres les tâches qui lui revenaient » ; qu'en se fondant ainsi sur des déclarations faites lors de sa garde à vue, sans qu'il résulte de l'arrêt ou des pièces de la procédure qu'elle ait pu bénéficier du droit à être assistée d'un avocat, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées" ;

Attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni d'aucunes conclusions déposées que la demanderesse, qui avait comparu devant le tribunal correctionnel et devant la cour d'appel, ait invoqué le non respect du droit de se taire et l'absence d'avocat en garde à vue ;

Que, dès lors, le moyen, inopérant en sa première branche relative au droit de se taire qui n'était pas encore applicable devant le tribunal correctionnel, est nouveau et comme tel irrecevable ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 114-13, L. 377-5, L. 311-1 du code de la sécurité sociale, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme [Y] coupable des fausses déclarations par praticien pour l'obtention de prestation ou allocation indue versée par un organisme de protection sociale, du 1er janvier 2008 au 7 mars 2011 et l'a condamnée à une amende de 5 000 euros ;

"aux motifs que les appels sont recevables ; que le tribunal correctionnel a parfaitement caractérisé en des motifs pertinents et que la cour adopte les éléments constitutifs du délit reproché à Mme [Y] ; que la décision déférée sera dès lors confirmée en ce qu'elle a déclaré Mme [Y] coupable des faits reprochés ; qu'il en va de même de la peine prononcée ; que les dispositions civiles du jugement déféré seront également confirmés ;

"aux motifs adoptés que Mme [Y] nie la quasi-intégralité des faits qui lui sont reprochés ; qu'elle a d'ailleurs par l'intermédiaire de son avocat sollicité sa relaxe du chef de la poursuite ; que pour la surévaluation des kilométrages effectués, Mme [Y] invoque l'absence d'élément intentionnel caractérisé par l'habitude reprise de son prédécesseur ; que cette affirmation paraît peu crédible ; que la caisse souligne, qu'au cours de l'année 2009, la quantité des indemnités kilométriques de l'infirmière a été 3, 3 fois plus élevée que la moyenne et a connu une croissance pour Mme [Y] de 67% entre les années 2008 et 2009 ; que, d'autre part, seule l'existence d'une intention frauduleuse peut expliquer que de tels erreurs kilométriques aient pu se répéter pendant trois années dans des proportions aussi importante, pour une personne qui, au surplus, a excellente connaissance de cette circonscription, Mme [Y] ayant, notamment, rappelé au cours des débats, être fille d'agriculteurs locaux ; qu'en ce qui concerne la facturation des prestations réalisées par d'autres praticiens, Mme [Y] soutient, à titre principal, qu'il ne s'agissait pas de remplacements ; qu'elle fait valoir pour Mme [G] qu'il s'agissait d'une association et pour les deux autres infirmières, Mmes [I] et [K], qu'il s'agissait d'un contrat de collaboration libérale ; que, s'il est effectivement possible, pour une infirmière libérale, d'avoir recours à des infirmiers collaborateurs, cela doit ressortir d'une convention expresse, signée entre les parties et versée aux débats pour servir de preuve ; qu'une simple allégation qualifiée de projet de convention non signé entre les parties ne peut aucunement contredire les infirmières entendues lors de l'enquête et qui ont, en outre, reconnu avoir été recrutées pour un remplacement, à l'exception de Mme [G] pour laquelle le contrat d'association figure au titre des pièces versées au dossier ; qu'au surplus, Mme [Y] s'est engagée au cours des débats, à faire dorénavant attention à ne plus travailler en même temps que les infirmières remplaçantes qu'elle engagerait ; preuve, si cela était nécessaire, qu'elle n'était pas dans une démarche de collaboration ; qu'en ce qui concerne la non-application de la cotation adaptée aux actes ou l'indication d'actes fictifs, Mme [Y] soutient que la démonstration d'une fraude n'est pas effectuée car aucune investigation n'a été menée pour contredire le fait qu'elle a réalisé comme elle l'affirme, des soins AIS 6 ; que c'est à ce titre, qu'elle sollicite la relaxe ; qu'il ressort pourtant des investigations et notamment de la propre audition de Mme [Y], en garde-à-vue, que celle-ci a facturé, à plusieurs reprises, des actes qu'elle n'a pas effectué ou pour lesquels la cotation adaptée n'a pas été facturée, ce qu'elle a reconnu ; que tel est le cas notamment pour Mmes [Q], [Z], [U] et MM. [V], [M], [W] et [T] ; que, par exemple, pour Mme [J], Mme [Y] indiquait la doucher tous les jours avant de lui poser une attelle, estimant se justifier pour la facturation d'un acte AIS 6 ; que cependant, selon les déclarations de la patiente auprès de l'agent enquêteur assermenté de la CPAM de Pau, les soins qui lui étaient prodigués étaient trois actes de 5 mn environ chacun ; qu'en aucun cas, elle indiquait avoir été douchée par l'infirmière et que trois actes de 5 minutes environ ne permettent pas de facturer des actes soi-disant réalisés dans un temps compris entre 30 et 60 minutes ; que l'ensemble de ces éléments établit la facturation d'actes fictifs par Mme [Y] ; qu'en ce qui concerne la durée des actes effectués, Mme [Y] dit travailler plus efficacement que ses autres confrères ; qu'au cours des débats, comme dans son audition de garde-à-vue, elle a clairement reconnu réaliser, en bien moindre temps que les autres, tous les actes qui lui sont prescrits ; qu'ainsi, elle a expliqué : « les actes que je cote correspondant réellement à l'acte effectué. Effectivement, il ne me faut pas une demi-heure ou une heure pour faire une toilette complète (douche). C'est vrai que les actes AIS 6 correspondent à des actes de 30 à 60 minutes et c'est vrai que je travaille vite mais bien et cela peut durer environ 20 minutes en moyenne, comme tous les infirmiers en général » ; que l'acte AIS 6, doit être compris entre 30 et 60 minutes ; que dès lors que Mme [Y] n'y consacrait que 20 minutes en moyenne, en toute connaissance de cause, il lui appartenait de coter ledit acte sous l'indication AIS 3, correspondant à un temps de soins maximum de 30 minutes ; qu'en effet il ressort de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), que les actes AIS sont des actes de soins infirmiers, contrairement aux actes plus techniques et médicaux qualifiés d'AMI ; que ces actes sont de cotation unique et qu'ils s'appliquent par tranche d'une demi-heure ; que dès lors, facturer volontairement tous les actes de soins infirmiers effectués en 20 minutes, sous la cotisation AIS 6, correspondant à la durée de 30 à 60 minutes, établit l'intention frauduleuse pour chacun de ces soins infirmiers ; qu'en conséquence, la fraude est aussi sur point parfaitement établie ; que, prenant en compte l'ensemble de ces éléments, Mme [Y] sera déclarée coupable des faits qui lui sont reprochés ; qu'en répression, le tribunal la condamne à la peine d'amende délictuelle de 5 000 euros ;

"1°) alors que le fait de ne pas respecter la nomenclature générale des actes professionnels ne suffit pas à caractériser une fraude ou fausse déclaration pour obtenir, ou faire obtenir, ou tenter de faire obtenir des prestations ou des allocations de toute nature, liquidées et versées par les organismes de protection sociale ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de Mme [Y] de ce chef, en se fondant sur le fait qu'elle avait facturé certains actes sous une cotation inadéquate au regard de la nomenclature générale des actes professionnels, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"2°) alors qu'un jugement doit être motivé ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de Mme [Y] du chef de fraude ou fausse déclaration pour obtenir, ou faire obtenir, ou tenter de faire obtenir des prestations ou des allocations de toute nature, liquidées et versées par les organismes de protection sociale , sans identifier les actes précis pour lesquels Mme [Y] aurait commis de fausses déclarations, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

"3°) alors qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; que les juges du fond ne peuvent entrer en voie de condamnation du chef de fraude ou fausse déclaration pour obtenir ou faire obtenir, ou tenter de faire obtenir des prestations ou des allocations de toute nature, liquidées et versées par les organismes de protection sociale, sans relever une intention frauduleuse ; qu'une telle intention ne saurait être déduite de l'élément matériel de l'infraction ; qu'en déduisant l'intention frauduleuse de Mme [Y] du fait que qu'elle avait coté des actes de soins infirmiers effectués en vingt minutes sous la cotation AIS 6, la cour d'appel, qui a déduit l'élément intentionnel de l'infraction de son élément matériel, a méconnu les dispositions susvisées ;

"4°) alors qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ; que les juges du fond ne peuvent entrer en voie de condamnation du chef de fraude ou fausse déclaration pour obtenir ou faire obtenir, ou tenter de faire obtenir des prestations ou des allocations de toute nature, liquidées et versées par les organismes de protection sociale, sans relever une intention frauduleuse ; que la seule volonté de coter des actes de soins infirmiers sous une cotation ne respectant pas la nomenclature applicable ne saurait caractériser une intention frauduleuse ; qu'en considérant que le fait d'avoir coté volontairement des actes de soins infirmiers effectués en vingt minutes sous la cotation AIS 6 caractérisait une intention frauduleuse, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées" ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable, l'arrêt énonce par motifs propres et adoptés, que seule l'existence d'une intention frauduleuse peut expliquer que de telles écarts kilométriques, qui s'étaient accrus de 67 % entre 2008 et 2009, aient pu se répéter pendant trois années dans des proportions aussi importantes, que Mme [Y] surcotait en AIS 6 les actes de ses collaboratrices, non déclarées comme telles, cotés par elles en AIS 3, que les trois actes pratiqués auprès d'une patiente, cotés AIS 6 duraient, selon cette dernière, cinq minutes, et qu'elle n'avait en aucun cas été douchée par Mme [Y], alors que la cotation AIS 6 imposait des soins d'une durée de 30 minutes à une heure ; que coter des soins qui duraient vingt minutes, selon Mme [Y], au lieu de 30 à 60 minutes, établit l'intention frauduleuse pour ces soins infirmiers ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que la cour d'appel a relevé des faits précis de fausses déclarations et que la seule constatation de la violation, en connaissance de cause, d'une prescription légale ou réglementaire implique de la part de son auteur l'intention coupable exigée par l'article 121-3, alinéa 1er, du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept mars deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.ECLI:FR:CCASS:2017:CR00235
Retourner en haut de la page