Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 mars 2017, 15-15.769, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 janvier 2015), que la société Calma, qui exploite un hôtel à [Localité 1], a engagé Mme [H] en qualité de réceptionniste-gouvernante le 16 juin 2011 ; qu'après avoir été promue dans les fonctions d'adjointe de direction le 15 décembre 2011, la salariée a été licenciée pour faute grave le 13 février 2013 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement était fondé sur une faute de grave et de la débouter de ses demandes d'indemnités de préavis, de congés-payés sur préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il appartient aux juges de caractériser la réalité des faits invoqués à l'appui du licenciement pour faute grave ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à Mme [H] d'avoir, le 24 janvier 2012, alors que M. [T] lui faisait part du caractère anormal de la publication de photographies indécentes sur la page Facebook de l'établissement, « appelé son conjoint à la rescousse pour qu'il vienne l'aider à corriger » ; qu'en se bornant à relever, pour retenir l'existence d'une faute grave, qu'il ressortait de son audition par le services de police qu'elle avait « informé son mari » des accusations portées à son encontre par M. [T], puis que son mari était venu et avait commis des violence sur ce dernier, la cour d'appel, qui n'a, par là même, nullement constaté que Mme [H] avait appelé son mari à la rescousse pour qu'il vienne l'aider à corriger M. [T], a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

2°/ que les jugements doivent être motivés ; qu'en retenant, pour dire que le licenciement de Mme [H] reposait sur une faute grave, qu'en informant son époux de son litige avec M. [T] de manière concomitante aux reproches qui lui étaient fait, elle avait « par là même incité son époux, dont elle connaissait nécessairement les réactions potentielles, à venir la secourir par une méthode qui ne pouvait qu'être l'usage de la force physique », la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs hypothétiques, n'a pas satisfait aux exigences de motivation prévues à l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que seuls les faits imputables au salarié peuvent justifier son licenciement pour faute ; qu'en jugeant le licenciement pour faute grave de Mme [H] justifié par le fait que son époux, après avoir été informé par elle des reproches que lui faisait M. [T], était venu dans l'entreprise commettre des faits de violence à son encontre, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé, sans se fonder sur des motifs hypothétiques, que la salariée avait incité son époux à se rendre sur son lieu de travail et à faire usage de la force physique contre le beau-frère du gérant, la cour d'appel n'encourt pas les griefs du moyen ;

Sur les deuxième et troisième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [H] aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille dix-sept.MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour Mme [H]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Mme [H] était fondé sur une faute grave et de l'AVOIR en conséquence déboutée de ses demandes en paiement d'indemnité de préavis, de congés-payés sur préavis et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

AUX MOTIFS QUE sur la rupture du contrat de travail ; qu'aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, le doute profitant au salarié ; que toutefois, la charge de la preuve de la gravité de la faute privative des indemnités de préavis et de licenciement incombe à l'employeur et tel est le cas d'espèce ; que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que selon la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige, il est reproché à Mme [H] d'avoir le 24 janvier 2012 alors que M. [T] lui faisait part du caractère anormal de la publication de photographies indécentes sur la page facebook de l'établissement, appelé son conjoint à la rescousse pour qu'il vienne l'aider à corriger M. [T] ; qu'en l'espèce, il ressort de l'audition de Mme [H] par les services de la Police nationale que c'est elle-même qui le 24 janvier 2012 a informé son mari de ce que M. [T] l'accusait d'être responsable de la diffusion de photographies obscènes sur le site facebook de l'hôtel et qu'il est arrivé aussitôt ; qu'il ressort des pièces concordantes versées aux débats que M. [H] a attrapé M. [T] par le col de la chemise en lui demandant de s'excuser et d'arrêter de harceler son épouse, que M. [T] est parti, que M. [H] l'a suivi jusqu'à la réception de laquelle il avait le code ; qu'il a été constaté une rougeur superficielle du cou de M. [T] à la base gauche sur un à deux centimètres démontrant l'existence d'un fait de violence même légère à la hauteur du cou de la part de M. [H] ; qu'ainsi il est démontré que M. [H] est arrivé et en est venu aux mains après avoir été informé par son épouse des reproches que lui faisait M. [T] ; qu'en informant son époux du litige en relation avec le travail avec M. [T], beau-frère du gérant de la société Calma, de manière concomitante aux reproches qui lui étaient faits, Mme [H] a par la même incité son époux dont elle connaissait nécessairement les réactions potentielles, à venir la secourir par une méthode qui ne pouvait qu'être l'usage de la force physique, constituant une violation des obligations découlant du travail d'une gravité telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise et justifiant son licenciement pour faute grave sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs ; qu'en conséquence, Mme [H] sera déboutée de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents outre de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif ; que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [H] était dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société Calma au versement de sommes de 1.850 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 185 euros au titre de l'indemnité de congés-payés afférents et 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail.

1° - ALORS QU'il appartient aux juges de caractériser la réalité des faits invoqués à l'appui du licenciement pour faute grave ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement reprochait à Mme [H] d'avoir, le 24 janvier 2012, alors que M. [T] lui faisait part du caractère anormal de la publication de photographies indécentes sur la page facebook de l'établissement, « appelé son conjoint à la rescousse pour qu'il vienne l'aider à corriger » ; qu'en se bornant à relever, pour retenir l'existence d'une faute grave, qu'il ressortait de son audition par le services de police qu'elle avait « informé son mari » des accusations portées à son encontre par M. [T], puis que son mari était venu et avait commis des violence sur ce dernier, la cour d'appel qui n'a par là même nullement constaté que Mme [H] avait appelé son mari à la rescousse pour qu'il vienne l'aider à corriger M. [T], a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail.

2° - ALORS QUE les jugements doivent être motivés ; qu'en retenant, pour dire que le licenciement de Mme [H] reposait sur une faute grave, qu'en informant son époux de son litige avec M. [T] de manière concomitante aux reproches qui lui étaient fait, elle avait « par là même incité son époux dont elle connaissait nécessairement les réactions potentielles, à venir la secourir par une méthode qui ne pouvait qu'être l'usage de la force physique », la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs hypothétiques, n'a pas satisfait aux exigences de motivation prévues à l'article 455 du code de procédure civile.

3° - ALORS QUE seuls les faits imputables au salarié peuvent justifier son licenciement pour faute ; qu'en jugeant le licenciement pour faute grave de Mme [H] justifié par le fait que son époux, après avoir été informé par elle des reproches que lui faisait M. [T], était venu dans l'entreprise commettre des faits de violence à son encontre, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5, L. 1234-9 et L. 1235-1 du code du travail.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant débouté la salariée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires

AUX MOTIFS PROPRES QUE vu les articles 1315 du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile et L. 3171-4 du code du travail ; que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties ; que si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il incombe à ce dernier qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement des éléments suffisamment précis de nature à étayer sa demande ; que Mme [H] produit un décompte horaire journalier et hebdomadaire du 13 juin 2011 au 31 janvier 2012 suffisamment précis pour venir étayer sa demande d'heures supplémentaires qui contrairement à ce que la société Calma prétend ne concerne pas uniquement les jours d'astreintes ; qu'il ressort de ces décomptes qu'elle a effectué 105 heures supplémentaires au cours de la période considérée dont 3,5 heures supplémentaires à 50 %, lui donnant droit à une rémunération à la somme de 1.351,77 € brut en fonction des majorations applicables ; qu'or, elle a été rémunérée sur cette même période de 126,95 heures supplémentaires à 125 % pour un total de 1.689,93 € de sorte qu'aucune somme au titre des heures supplémentaires ne lui est due, sans même que soit examinée l'existence d'un usage consistant à la récupération ; que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande au titre des heures supplémentaires.

ET AUX MOTIFS SUPPOSES ADOPTES QUE la feuille produite par Mme [H] laisse apparaître des heures supplémentaires non rémunérées ; mais que la SARL Calma apporte la preuve par la production d'échanges avec Mlle [E] qu'il est d'usage dans l'entreprise de récupérer les heures qui peuvent excéder la durée hebdomadaire du travail ; qu'en conséquence, Mme [H] doit être déboutée de sa demande à ce titre.

1° - ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel a énoncé qu'il ressortait de ses décomptes qu'elle avait effectué 105 heures supplémentaires, dont 3,5 heures supplémentaires à 50 %, lui donnant droit à une rémunération de 1.361,77 euros brut en fonction des majorations applicables, mais qu'elle avait été rémunérée sur la même période de 126,95 heures supplémentaires à 125 % pour un total de 1.689,93 euros de sorte qu'aucune somme ne lui était due ; qu'en statuant ainsi lorsqu'il résulte de l'arrêt que les parties avaient repris oralement à l'audience leurs conclusions écrites et que celles-ci ne contenait pas un tel moyen, la cour d'appel qui a soulevé d'office ce moyen sans avoir recueilli les observations des parties sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile.

2° - ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits versés aux débats ; qu'en affirmant qu'il ressortait des décomptes horaires journaliers et hebdomadaires du 13 juin 2011 au 31 janvier 2012 que la salariée aurait effectué 105 heures supplémentaires au cours de la période considérée, dont 3,5 heures supplémentaires à 50 % lui donnant droit à une rémunération à la somme 1.351,77 euros lorsque lesdits décomptes ne mentionnaient nullement l'accomplissement sur cette période d'un tel nombre d'heures supplémentaires payables à un tel taux, la cour d'appel qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause, en violation de l'article 1134 du code civil.

3° - ALORS QUE les juges du fond doivent viser et analyser au moins sommairement les documents sur lesquels ils se fondent ; qu'en se bornant à retenir que l'employeur prouvait "par la production d'échanges avec Mlle [E]", qu'il était d'usage dans l'entreprise de récupérer les heures qui pouvaient excéder la durée hebdomadaire du travail, la cour d'appel qui s'est déterminée par le seul visa de ces échanges sans procéder à leur analyse, n'a pas mis la cour de cassation en mesure de contrôler l'existence de cet usage, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il a condamné la société Calma à verser à Mme [H] une somme de 9.787,05 euros d'indemnité au titre des astreintes et d'AVOIR condamné la société Calma à lui verser uniquement à ce titre la somme de 1.320 euros

AUX MOTIFS QUE Sur les astreintes, que selon les dispositions de l'article L. 3121-5 du code du travail, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ; que la durée de l'intervention est considérée comme un temps de travail effectif ; qu'il ressort tant du mail de Mme [H] à son employeur en date du 24 janvier 2012 aux termes duquel elle demandait la rémunération des astreintes qu'elle effectuait tour de rôle avec Mme [E] que des attestations de Mme [C], étudiante qui a effectué un stage au sein de l'établissement du 21 juin 2011 au 21 septembre 2001 et de Mme [W] qui était salariée de la société Calma en janvier 2012 qu'il existait un système de permanences téléphoniques de nuit de 21 heures à 7 heures effectué par deux réceptionnistes à tour de rôle d'une semaine sur l'autre et que Mme [H] a participé à ce système ; que le listing des relevés téléphoniques de l'hôtel corrobore en outre l'existence de ces permanences par la mise en place de renvois d'appel sur le téléphone portable de Mme [H] lors de nuits où elle n'était pas de service à l'hôtel ; que si Mme [H] n'avait aucune obligation de demeurer à son domicile dès lors que les appels se faisaient sur son téléphone portable, il n'en demeure pas moins qu'elle devait être en mesure d'intervenir, ce d'autant que la société Calma ne justifie aucunement que M. [T] était missionné pour tenir une astreinte ou intervenir en cas de besoin sur les lieux ; que par ailleurs l'absence d'intervention avancée par l'employeur n'est pas opérante, dès lors qu'il s'agit alors d'un travail effectif devant être rémunéré comme tel et non pas comme une astreinte ; que les éléments fournis par Mme [H] qui ne sont pas utilement remis en cause par la société Calma permettent d'établir qu'au cours de la période du 13 juin 2011 au 31 janvier 2012, elle a assuré 88 astreintes ; que l'absence de fixation conventionnelle de l'indemnité d'astreinte et de fixation par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou en l'absence des délégués du personnel et après information de l'inspection du travail oblige le juge à déterminer son montant ; qu'il convient de rappeler que l'indemnité d'astreinte ne correspond pas à la rémunération d'un travail effectif de sorte que c'est à tort que les premiers juges l'ont appréciés à la somme de 10,655 € l'heure correspondant au taux de rémunération horaire brute de Mme [H] ; qu'au regard de la rémunération de Mme [H] et de la périodicité de l'astreinte, l'indemnité sera appréciée à la somme de 15 € par nuit d'astreinte et la société Calma sera en conséquence condamnée à verser la somme de 1.320 € brut au titre de l'indemnité d'astreinte due pour l'intégralité de sa période de travail ; que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a alloué la somme de 9.787,05 € à ce titre à Mme [H].

ALORS QUE si, en l'absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles quant à la rémunération des heures d'astreinte, il appartient aux juges de déterminer le montant de la rémunération revenant au salarié, ils peuvent parfaitement fixer cette rémunération au taux horaire correspondant à la rémunération du temps de travail effectif même si l'astreinte n'est pas considérée comme du temps de travail effectif ; qu'en jugeant que c'était à tort que les premiers juges avaient fixé la rémunération des heures d'astreinte de la salariée en retenant son taux de rémunération horaire brute de 10,655 euros correspondant à la rémunération de son temps de travail effectif, et en fixant en conséquence l'indemnité d'astreinte à une somme inférieure, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-5 et L. 3121-7 du code du travail.ECLI:FR:CCASS:2017:SO00262
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