Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 9 février 2017, 16-11.219, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 27 mars 2014 :

Vu l'article 978 du code de procédure civile ;

Attendu que la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine s'est pourvue en cassation contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 27 mars 2014, en même temps qu'elle s'est pourvue contre l'arrêt rendu le 26 novembre 2015 ;

Mais attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigé contre l'arrêt du 27 mars 2014, il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;

Sur le pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 26 novembre 2015 :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salarié de la société USP nettoyage (l'employeur), M. X... a déclaré auprès de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) une maladie prise en charge au titre de la législation professionnelle le 19 juin 2009 ; qu'il a saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches, reproduit en annexe :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le même moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;

Attendu que le préjudice d'agrément réparable en application de ce texte est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir ;

Attendu que pour allouer à la victime une indemnité au titre du préjudice d'agrément, l'arrêt retient que M. X... ne rapporte pas la preuve qu'il se livre habituellement et régulièrement à des activités de loisirs ou sportives ; qu'il se trouve privé d'activités d'aussi ordinaires que la marche, ce qui lui cause nécessairement un préjudice dans la vie quotidienne, y compris dans son environnement familial ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si la victime justifiait d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à l'accident susceptible de caractériser l'existence d'un préjudice d'agrément, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 27 mars 2014 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice d'agrément, l'arrêt rendu le 26 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces seuls points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société USP nettoyage aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société USP nettoyage à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine.

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR fixé à 70 % le taux pour la majoration de la rente allouée à M. X..., d'AVOIR retenu la date de consolidation fixée aux termes de l'expertise du Dr Y..., soit le 15 novembre 2012, d'AVOIR fixé l'indemnisation des préjudices subis par M. X... à la somme de 32.475,30 euros au titre de l'assistance à tierce personne avant consolidation, de 46.506 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et de 2.000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

AUX MOTIFS QUE M. X... sollicite de la cour de céans, une majoration de la rente allouée à la somme de 905 euros, correspondant à une fraction de 70 % de son salaire mensuel moyen égal à 1350 euros ; qu'en effet, par décision datée du 14 avril 2012, la caisse a informé M. X... que son taux d'incapacité permanente partielle était porté à 70 % à compter du 26 décembre 2011 ; que la société USP Nettoyage réplique que la majoration de la rente d'incapacité permanente ne pourrait être calculée à son égard que sur la base d'un taux de 67 %, dès lors que la demande de révision du taux d'incapacité permanente partielle formée par M. X... n'a pas été contradictoire ; que les articles L. 452-1 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale prévoient que lorsque la faute inexcusable de l'employeur est reconnue, la victime ou ses ayants droits ont droit à une majoration des indemnités qui leur sont dues ; que l'alinéa 3 de l'article L. 452-2 du code susvisé précise que « lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée n'excède pas la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité» ; que la cour rappellera que la fixation du taux de majoration relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, cette appréciation pouvant être influencée par la gravité des fautes ayant concouru au dommage ; qu'aussi, conformément aux dispositions du code de la sécurité sociale susvisées, la majoration de la rente et du capital alloué à la victime d'une maladie professionnelle consécutifs à la faute inexcusable de son employeur sera calculée en fonction de la réduction de capacité dont celle-ci reste atteinte, et doit donc suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime ; qu'en conséquence, sera retenu pour le calcul de la majoration de la rente allouée à M. X... le taux de 70 % d'incapacité permanente partielle, fixé par décision du 14 avril 2012 ; que la rente majorée s'élève à la somme de 945€ ;

ET QUE la société USP Nettoyage sollicite tout d'abord, quant à elle, la nullité de l'expertise effectuée par le Dr Y..., la fixation d'une date de consolidation ne faisant pas partie des missions imparties à ce dernier ; que la cour rappellera qu'aucune disposition ne sanctionne de nullité l'inobservation des obligations imposées par l'article 238 du code de procédure civile au technicien commis. Tel est le cas où l'expert a excédé la mission impartie ; qu'en conséquence, le motif tiré du dépassement par le Dr Y... des missions qui lui étaient confiées demeure inopérant ; que par ailleurs, l'article R. 433-17 du code de la sécurité sociale dispose que dès réception du certificat médical, la caisse primaire fixe, après avis du médecin-conseil, la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure ; qu'en l'espèce, la caisse a fixé la date de consolidation de M. X... au 19 juillet 2007 et cette date n'est pas-en elle-même contestée par la société USP Nettoyage ; qu'elle ne correspond cependant pas à la réalité de la situation, telle que l'a décrite de Docteur Y... dans son rapport et telle qu'elle résulte des différents documents soumis à l'examen de la cour ; que par ailleurs, si la mission confiée à l'expert ne comportait pas expressément la fixation de la date de consolidation, il appartenait en revanche à l'expert de fixer cette date, ne serait-ce que pour répondre aux questions posées, ne seraient-ce que celles des « séquelles» ou celles de « la durée du déficit fonctionnel temporaire », laquelle ne peut être déterminée, par définition, sans cette donnée ; que la date de consolidation retenue par l'expert est le 15 novembre 2012, date à laquelle il a procédé à l'examen contradictoire de M. X... ; que la cour observe qu'il résulte du tableau dressé par l'expert (pages 7 et 8 du rapport) que « l'aggravation s'est faite par paliers» (en gras dans le rapport) et que rien ne permet d'écarter comme date raisonnable la date de consolidation fixée par l'expert ; que la cour retiendra donc comme date de consolidation le 15 novembre 2012 ;

ET QUE sur l'assistance à tierce personne (avant consolidation), cette indemnisation est liée à l'assistance permanente d'une tierce personne pour aider la victime à effectuer les démarches, et plus généralement, les actes de la vie courante ; qu'en l'espèce, M. X... sollicite la somme de 32 475,64 € au titre de ce préjudice ; que la CPAM des Hauts de Seine indique que M. X... ne peut prétendre à indemnisation de ce chef pour la période antérieure au 19 juillet 2007, date du certificat médical initial ; que la cour indiquera à ce titre que le point de départ de l'indemnisation d'une maladie professionnelle se situe au jour des premiers examens médicaux mentionnant l'existence de la maladie et non au jour des certificats médicaux postérieurs, établissant le lien entre la maladie et l'activité professionnelle du salarié ; qu'aussi, le rapport d'expertise distingue trois périodes allant de mars 2001 à décembre 2011 et durant lesquelles, l'incapacité fonctionnelle de M. X... a évolué graduellement ; que la cour considère que le taux horaire de 11,53 euros retenu par la défense de M. X..., soit 249,80 euros par mois, incluant les congés payés, est adapté à la situation en Ile de France ; qu'il sera donc alloué à M. X... la somme de 32 475, 30 euros décrite comme suit :
- de mars 2001 à juin 2005 : (249,81 x52 mois =) 12990,12 euros
- de juillet 2005 à juin 2008 : (249,81 x36 mois =) 8993,16 euros
- de juillet 2008 à décembre 2011 : (249,81 x42 mois =) 10492,02 euros

ET QUE sur le déficit fonctionnel temporaire, ce poste de préjudice traduit l'incapacité fonctionnelle, totale ou partielle, que va subir la victime jusqu'à sa consolidation ; qu'il peut correspondre aux périodes d'hospitalisation de la victime mais également à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique ; qu'en l'espèce, M. X... sollicite la somme de 49 542€ au titre de ce préjudice, lequel se fonde sur l'évaluation faite par le Dr Y... prenant en compte trois périodes distinctes allant de mars 2001 à décembre 201l ; que le rapport du Dr Y... indique en effet que le taux d'incapacité a été variable au cours du temps, estimable à 30-40 % de mars 2001 à juillet 2005, puis de 50-60 % de juillet 2005 à juin 2008, puis de 65-70 % de juillet 2008 à décembre 201l ; que la caisse considère en revanche que cette évaluation a été réalisée à partir de bases erronées dans la mesure où le point de départ de l'indemnisation en maladie professionnelle ne peut être antérieur au 19 juillet 2007, date du certificat médical initial, et ne peut être postérieure à cette même date, date de consolidation de son état ; que comme évoqué précédemment, le point de départ de l'indemnisation d'une maladie ) professionnelle se situe au jour des premiers examens médicaux mentionnant l'existence de la / maladie et non au jour des certificats médicaux postérieurs, établissant le lien entre la maladie et l'activité professionnelle du salarié ; que par conséquent, il sera alloué à M. X... la somme de 46 506 euros décrite comme suit:
- de mars 2001 à juin 2005 : (690 [indemnité forfaitaire égale à la moitié du SMIC]
x 52 mois x 35 % =) 12558 euros
- de juillet 2005 àjuin 2008 : (690x36x55 % =) 13 662 euros
- de juillet 2008 à décembre 2011: (690x42x70 % =) 20 286 euros

ET QUE sur le préjudice d'agrément, les difficultés quotidiennes d'habillage, de toilette, de ménage n'entrent pas dans ce cadre et sont indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent, préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel définitif après consolidation ; que la définition large d'atteintes portées aux joies usuelles de l'existence a été abandonnée ; qu'or, en l'espèce, M. X... indique qu'il « ne peut plus monter les escaliers, jouer au football avec son enfant, faire des courses seul, marcher plus que quelques pas » ; que M. X... ne rapporte pas la preuve d'une activité habituelle et régulière à des activités de loisirs ou sportives ; qu'en revanche, il se trouve privé d'activités aussi ordinaires que la marche, ce qui lui cause nécessairement un préjudice dans la vie quotidienne, y compris dans son environnement familial ; que par conséquent, la demande de M. X... quant à l'indemnisation d'un préjudice d'agrément à hauteur de 5000 euros peut être accueillie, mais de façon limitée, et son préjudice à cet égard sera fixé à la somme de 2000 euros ;

1) ALORS QUE la majoration de rente doit suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime ; qu'en l'espèce, le taux d'incapacité de M. X... a d'abord été fixé par la caisse à 67 % à compter du 20 juillet 2007, puis porté à 70 % à compter du 26 décembre 2011 ; qu'en fixant d'emblée à 70 % le taux pour la majoration de la rente allouée à M. X..., sans tenir compte du taux d'IPP initial de 67 % devant fixer le taux de la majoration de la rente à 67 % pour la période du 20 juillet 2007 au 25 décembre 2011, la cour d'appel a violé l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale ;

2) ALORS QUE le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis et ne peut répondre à d'autres questions sauf accord écrit des parties ; qu'à défaut d'un tel accord, les juges du fond ne peuvent entériner la partie du rapport d'expertise dans laquelle il a outrepassé sa mission ; qu'en l'espèce, l'expert avait pour mission de se prononcer sur l'indemnisation des préjudices subis par M. X... ; qu'il ne s'est pas contenté de répondre à cette question, mais a fixé la date de consolidation au 15 novembre 2012 ; qu'en entérinant le rapport de l'expert sur ce point, sans constater l'existence d'un accord écrit des parties quant à la fixation par l'expert de la date de consolidation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 238 du code de procédure civile ;

3) ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale que la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident ; que la règle fixant la date d'effet de l'indemnisation est d'ordre public ; que les juges du fond ne peuvent donc valablement faire rétroagir la date d'effet de la maladie ; qu'en situant le point de départ de l'indemnisation du préjudice subi par M. X... au titre de l'assistance à tierce personne avant consolidation et du déficit fonctionnel temporaire dès 2001, jour des premiers examens médicaux mentionnant l'existence de la maladie, et non au jour du certificat médical en date du 19 juillet 2007, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

4) ALORS QUE le préjudice d'agrément est celui qui résulte d'un trouble spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs ; qu'en constatant que M. X... ne rapportait pas la preuve d'une activité habituelle et régulière de loisirs ou sportive pour néanmoins lui accorder une indemnité au titre du préjudice d'agrément, au prétexte de difficultés rencontrées dans la marche, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

ECLI:FR:CCASS:2017:C200178
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