Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 janvier 2017, 15-20.692, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 3121-22 du code du travail et 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 dans leur rédaction applicable au litige ;

Attendu qu'en application de ces textes, constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 3121-10 du code du travail ou de la durée considérée comme équivalente ; que cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Transports Planeix, aux droits de laquelle vient la société Eurocam, en qualité de chauffeur routier, a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;

Attendu que pour faire droit à cette demande, l'arrêt, après avoir constaté que le décompte produit par le salarié au titre des heures supplémentaires accomplies incluait des jours de congés payés au cours desquels il n'avait pas travaillé, retient que les absences rémunérées ouvrent droit au paiement des majorations pour heures supplémentaires ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les jours de congés payés, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, ne peuvent être assimilés à du temps de travail effectif, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Transports Planeix, aux droits de laquelle vient la société Eurocam, au paiement des sommes de 8 964,22 euros et 896,42 euros à titre de rappel de salaire et de congés payés pour heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 28 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Eurocam.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'employeur à verser à M. X... les sommes de 8 964, 22 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, et 896, 42 euros à titre de congés payés afférents, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Conformément à l'article L 3171 Patrice X... produit, à l'appui de sa demande de paiement d'heures supplémentaires non rémunérées, une analyse de ses disques chronotachygraphes faite par ATAO, expert, aux termes de laquelle il lui reste dû la somme de 8.964,22 € bruts;
Comme l'ont justement relevé les premiers juges, la société TRANSPORTS PLANEIX n'a pas pris en compte, pour s'opposer à cette demande, les mêmes heures que celles résultant du rapport ATAO sans donner d'explications sur son relevé d'heures;
Il y a donc lieu de considérer que le décompte d'heures établi par le salarié est exact et constitue la réalité des heures effectuées et non payées;
Toutefois, le Conseil de Prud'hommes a déduit de la somme sollicitée l'indemnité compensatrice de congés payés versée par la caisse, au motif que les heures d'absence rémunérées, ajoutées à la durée du service pour le calcul des majorations, ne sont pas assimilables à un travail effectif, alors que le salaire de Patrice X... était maintenu pendant ses périodes de congés payés et qu'il était bien fondé à prendre cette durée en compte pour la détermination de ses droits à majoration pour heures supplémentaire;
En effet, il est de jurisprudence bien établie que les absences rémunérées ouvrent droit au paiement des majorations pour heures supplémentaires;
C'est donc à tort que le conseil a déduit l'indemnité de congé payés versée par la caisse et la société TRANSPORTS PLANEIX sera condamnée à payer à Patrice X... les sommes de 8.964,22 € au titre des heures supplémentaires et 896,42 € au titre des congés payés y afférents »

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « A l'appui de sa demande Monsieur Patrice X... produit aux débats une analyse de ses disques chronotachygraphes. A partir de cette analyse, il a comparé ces résultats avec ses feuilles de paye et il démontre ainsi qu'il lui est dû la somme totale de 9.682,04 €.
L'employeur soulève le caractère non contradictoire de cette analyse. Toutefois, les documents lui ont été communiqués et il a pu ainsi les critiquer.
Il produit d'ailleurs aux débats un tableau qui lui permet de dire que Monsieur Patrice X... a fait des erreurs pour un montant de 1.386,27 € et qu'en outre il y a lieu de déduire le montant des congés payés versés par la Caisse des Congés Payés soit la somme de 6.425,94€,
Toutefois pour établir ce décompte la SARL TRANSPORTS PLANEIX n'a pas pris en compte les mêmes heures que celles résultant du rapport ATAO et elle ne donne aucune explication sur son relevé d'heures ».

1/ ALORS QUE le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur une expertise réalisée non contradictoirement à la demande de l'une des parties ; que dès lors, en jugeant que le salarié étayait suffisamment sa prétention au titre des heures supplémentaires au moyen d'un décompte établi sur la seule base de l'expertise des disques chronotachygraphes opérée à sa demande par le cabinet ATAO, expertise dont l'employeur dénonçait expressément le caractère non contradictoire et, partant, le caractère insuffisant (v. ses conclusions p. 4 in fine, p. 5 § 1 et p. 8 ; v. aussi arrêt p. 3 in fine et p. 4 § 1 et 2), la Cour d'appel a violé les articles 15, 16 et 132 du Code de procédure civile, ensemble l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2/ ALORS QUE si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis de nature à étayer sa demande ; qu'en se bornant à constater que le salarié produisait aux débats une analyse de ses disques chronotachygraphes réalisée par un cabinet extérieur, la société ATAO, pour en déduire que le décompte fondé sur cette analyse était exact, sans même examiner ce décompte réalisé par le salarié, qui ne retenait pas le même nombre d'heures que le cabinet ATAO en raison des multiples erreurs qui l'affectaient, et que l'employeur dénonçait, la Cour d'appel a violé l'article L 3171-4 du Code du travail ;

3/ ALORS QU'interdiction est faite au juge de dénaturer les écritures des parties ; qu'en l'espèce, la société Transport Planeix faisait valoir dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience que le nombre d'heures qu'elle avait comptabilisées dans le relevé qu'elle versait aux débats n'était pas le même que celui retenu par la société ATAO, « au moyen des mêmes documents », et soulignait que « la question de l'analyse des disques réalisée par la société ATAO se pose donc vraiment dès lors qu'il apparaît qu'ATAO n'aboutit pas aux mêmes résultats alors que pourtant elle dispose a priori des mêmes documents et données que la société lorsqu'elle édite les données brutes. Ainsi il ne peut être valablement écarté le fait qu'ATAO ait pu réaliser des erreurs relatives à la lecture des disques fournis par M. X... », ce dont il s'évinçait que le relevé d'heures produit par la société avait été établi sur la base des disques chronotachygraphes du salarié ; qu'en affirmant que cette dernière ne donnait aucune explication sur son relevé d'heures, la Cour d'appel a dénaturé ses conclusions en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

4/ ALORS QUE constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 3121-10 du code du travail ou de la durée considérée comme équivalente ; que cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés ; que les jours de congés payés, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, ne peuvent être assimilés à du temps de travail effectif ; qu'en affirmant que les absences rémunérées ouvrent droit au paiement des majorations pour heures supplémentaires, pour entériner le décompte du salarié qui comptabilisait en temps de travail effectif les jours de congés payés au cours desquels il n'avait pas travaillé, la Cour d'appel a violé les articles 3121-22 du code du travail et 5 du décret n° 83-40 du 26 janvier 1983 dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce;

5/ ALORS EN OUTRE QU'en entérinant le décompte du salarié qui comptabilisait à titre de temps de travail effectif ses jours de congés payés, lorsqu'il était constant que ce dernier avait été réglé de ses congés payés par la caisse des congés payés à laquelle la société cotisait, la Cour d'appel lui a accordé un double paiement de ses congés payés en violation de l'article L 3141-22 du Code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2017:SO00080
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