Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 janvier 2017, 15-27.580, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 15-27.580
- ECLI:FR:CCASS:2017:C300103
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Chauvin
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, ensemble l'article L. 137-2 du code de la consommation, alors applicable ;
Attendu qu'en application du premier de ces textes, toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit ; qu'aux termes du second, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ;
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Montargis, 7 septembre 2015), rendu en dernier ressort, que, par déclaration au greffe du 20 avril 2015, la société Logemloiret, propriétaire d'un logement social donné à bail à M. et Mme X..., les a assignés, après la libération des lieux, en paiement d'une somme au titre des réparations locatives et d'un solde de loyer ;
Attendu que, pour déclarer prescrite l'action de la bailleresse, le jugement retient que la société Logemloiret est un professionnel de la location immobilière sociale, que la location d'un logement est une fourniture de services, le bailleur mettant à la disposition du locataire un local en contrepartie d'un loyer, que la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation s'applique donc aux relations entre les parties et que la bailleresse a eu connaissance des faits lui permettant d'agir le 26 octobre 2011, date du constat d'huissier de justice, pour les réparations locatives et le 1er octobre 2011, date de l'impayé le plus récent, pour le solde de loyer ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le bail d'habitation régi par la loi du 6 juillet 1989 obéit à des règles spécifiques exclusives du droit de la consommation, de sorte que la prescription édictée par l'article 7-1 de cette loi est seule applicable à l'action en recouvrement des réparations locatives et des loyers impayés, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 7 septembre 2015, entre les parties, par le tribunal d'instance de Montargis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance d'Orléans ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Logemloiret ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Logemloiret.
Le jugement attaqué encourt la censure ;
EN CE QUE le jugement attaqué a rejeté la demande dirigée contre Monsieur Christophe X... et Madame Magalie Y... et visant, sur le fondement du bail, au paiement de loyers, de charges et d'indemnités dues au titre des réparations locatives ;
AUX MOTIFS QUE « la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a introduit un article L.137-2 dans le code de la consommation rédigé comme suit : "L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans." ; que la Société LOGEMLOIRET est un professionnel de la location immobilière sociale; qu'aucune disposition ou pièce ne permet de considérer que Mme Magali Y... avait souscrit le bail d'habitation pour des besoins liés à son activité professionnelle, ce point n'étant d'ailleurs pas allégué par la Société LOGEMLOIRET ; que la location d'un local d'habitation est une fourniture de services, le bailleur mettant à disposition du locataire un local d'habitation en contrepartie d'un loyer, même si ce contrat de bail est régi par les dispositions spéciales et d'ordre public de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 ; que la prescription biennale de l'article L.137-2 du code de la consommation s'appliquait donc aux relations entre les parties à compter de son entrée en vigueur soit le 19 juin 2008 et donc dès la naissance des impayés de loyers et avant le constat de dégradations locatives ; que l'article 2224 du code civil dans sa rédaction en vigueur au jour de l'introduction de l'instance dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, le bailleur a connu les faits lui permettant d'exercer une action à l'encontre de son locataire au titre des dégradations locatives au jour du constat d'huissier de justice du 26/10/2011; que s'agissant des loyers et charges impayées, le point de départ remonte la date de l'impayé des termes échus, soit pour l'impayé le plus ancien le 01/05/2011 et le plus récent le 01/10/2011 ; que le bailleur devait donc agir en justice au plus tard le 26/10/2013 pour les dégradations locatives et le 01/10/2013 pour les loyers impayés ; que la Société LOGEMLOIRET a saisi le tribunal le 20/04/2015 soit après l'expiration du délai de prescription et ne justifie pas de l'existence d'une cause légale de suspension ou d'interruption du délai de forclusion, son action en paiement se trouve irrecevable ; que le délai de prescription ayant expiré avant la promulgation et l'entrée en vigueur de la loi ALUR n° 2014-366 du 24 mars 2014, le moyen soulevé par le bailleur relative à ces nouvelles dispositions est sans objet ; qu'en outre, l'article 2222 du code civil dispose que la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise ; qu'elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur de sorte qu'il est alors tenu compte du délai déjà écoulé » ;
ALORS QUE, premièrement, la prescription de deux ans, prévue à l'article L. 137-2 du code de la consommation ne concerne pas les créances nées d'un bail d'habitation ; qu'en décidant le contraire, le juge du fond a violé, par fausse application, l'article L. 137-2 du code de la consommation et, par refus d'application, les articles 2224 du code civil et 7-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, issu de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014.
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, la prescription de deux ans, prévue à l'article L. 137-2 du code de la consommation ne concerne pas les créances nées d'un bail d'habitation relevant du secteur social ; qu'en décidant le contraire, après avoir constaté que l'OPH LOGEMLOIRET intervenait dans le domaine de « la location immobilière sociale » (jugement, p. 3, § 2), le juge du fond a violé, par fausse application, l'article L. 137-2 du code de la consommation et, par refus d'application, les articles 2224 du code civil et 7-1 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, issu de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014.