Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 25 janvier 2017, 15-28.980, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 1
- N° de pourvoi : 15-28.980
- ECLI:FR:CCASS:2017:C100115
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Batut
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 novembre 2015), que Jean-François X..., qui était associé de M. Y... au sein de la SCP X...-Y..., titulaire d'un office de notaire, dont ils détenaient chacun la moitié des parts, est décédé le 26 janvier 2007, laissant pour lui succéder Mme Z..., veuve X..., et ses trois enfants, M. Pierre-Henry X..., Mme Anne-Sophie X... et M. Paul-Edouard X... (les consorts X...) ; que les parts sociales de l'associé décédé n'ayant pas été cédées dans le délai légal par ses ayants droit, en raison de l'échec des négociations entre les parties, M. Y... a fait, le 28 janvier 2008, une proposition de rachat aux consorts X..., qu'ils ont refusée ; que M. Y... a obtenu en référé la désignation d'un expert chargé de déterminer la valeur des parts sociales, conformément à l'article 1843-4 du code civil ; qu'à l'issue de l'assemblée générale extraordinaire de la SCP qu'il avait convoquée le 4 décembre 2008 aux fins d'annulation des parts du défunt, M. Y... a versé aux consorts X... la somme estimée par l'expert ; qu'en raison d'un désaccord sur la période durant laquelle ils conservaient vocation à la répartition des bénéfices sociaux, les consorts X... ont assigné M. Y... en vue de voir juger qu'ils étaient fondés à réclamer leur part dans ces bénéfices jusqu'au 4 décembre 2008, date du transfert des parts ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'à l'issue du délai d'un an à compter du décès d'un associé, la société ou les associés survivants en rachètent les parts, si elles n'ont pas déjà été cédées par les ayants droit ; qu'en l'absence d'accord, le prix est fixé par voie d'expertise dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil ; que ce prix s'imposant aux parties, la cession est parfaite dès le transfert imposé par la loi, un an après le décès de l'associé ; qu'en disant, cependant, que la date de la cession devait être fixée au 4 décembre 2008, date de paiement du prix, et non à celle de la levée d'option par M. Y..., pour en déduire que les consorts X... avaient droit aux bénéfices jusqu'au 4 décembre 2008, la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil, ensemble les articles 24 de la loi du 29 novembre 1966, 34 du décret du 2 octobre 1967 et 1134 du code civil ;
2°/ que, dans ses conclusions, M. Y... exposait que lors de l'assemblée générale du 4 décembre 2008, à laquelle les consorts X... avaient participé en présence de leur avocat, il avait été convenu qu'en conséquence de l'annulation des parts sociales, « les droits aux bénéfices de l'exercice en cours sont annulés » ; que l'acte de quittancement régularisé par les consorts X... visait expressément cette assemblée générale ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur l'annulation des bénéfices pour l'exercice 2008, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que si les conclusions soumises par M. Y... à la cour d'appel se référaient à la résolution du 4 décembre 2008 adoptée par l'assemblée générale extraordinaire du même jour, elles en déduisaient que les consorts X... en avaient immédiatement donné quittance sans réserve à celui-ci, lors du paiement du prix de cession, sans attacher à cette affirmation aucune conséquence juridique précise ; qu'il ne peut donc être reproché à la cour d'appel de ne pas avoir procédé à une recherche qui ne lui était pas demandée ;
Et attendu, d'autre part, qu'en cas de décès de l'associé membre d'une société civile professionnelle titulaire d'un office notarial, ses héritiers ou légataires conservent vocation à la répartition des bénéfices jusqu'à la cession ou au rachat des parts de leur auteur ; que, par suite, ils conservent ce droit aussi longtemps que la valeur des parts sociales ne leur a pas été remboursée ; que l'arrêt relève que M. Y... a payé aux consorts X..., le 4 décembre 2008, la somme correspondant à la valeur des parts déterminée par l'expert ; qu'il en résulte que les consorts X... étaient fondés à obtenir la quote-part des bénéfices sociaux leur revenant du 27 janvier 2007 au 4 décembre 2008 ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer aux consorts X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir fixé au 4 décembre 2008 le transfert à M. Y... des parts de son associé décédé et déclaré en conséquence les consorts X... fondés à réclamer les bénéfices sociaux pour la période du 27 janvier au 27 juillet 2007 à concurrence de 50% puis du 28 juillet 2007 au 4 décembre 2008 à concurrence de 25% sous déduction d'une rémunération de M. Y... au titre de sa gérance de 60.000 euros,
AUX MOTIFS QUE l'ensemble des pièces communiquées établissent qu'ensuite du décès de Maître X..., ses héritiers disposaient, en vertu des dispositions combinées des articles 24 de la loi du 29 novembre 1966 et 34 du décret du 2 octobre 1967 auxquelles revoyaient les statuts, d'un délai d'un an à compter du 26 janvier 2007 pour lui trouver un successeur auquel céder ses parts sociales ; que les négociations entre les parties sur le rachat des parts de Maître X... ont échoué, les consorts X... réclamant un prix de 550.000€ lorsque Maître Y... et son épouse avaient successivement offert 460.000€ (offre d'Edith Y... du 19 février 2007) puis 475.000€ et enfin 500.000€ (cf le compte-rendu de la réunion de la Chambre des Notaires du 15 novembre 2007), offres déclinées par la succession au prétexte d'un manque de transparence reproché à Maître Y... quant à la comptabilité de l'office ; que les consorts X... ont, le 6 décembre 2007, présenté à Maître Y... un candidat en la personne de Maître A... avec lequel ils avaient convenu d'une cession au prix de 540.000 euros ; que Maître Y... a toutefois refusé son agrément au terme d'un courrier recommandé du 28 janvier 2008 qui, rappelant l'obligation que lui faisait l'article 37 des statuts de racheter les parts de son associé décédé dans les conditions prévues à l'article 34 des statuts relatif au retrait d'associé, faisant notamment obligation aux associés de soumettre dans un délai de six mois au retrayant un projet de rachat, a offert aux consorts X... d'acquérir les parts au prix de 475.000 euros ; qu'un nouveau refus des consorts X... l'a conduit à solliciter en référé le 18 février 2008, au visa de l'article 1843-4 du code civil, une mesure d'expertise à laquelle se sont opposés les héritiers de Maître X... au motif que la valeur des parts était connue et s'élevait à 540.000€ selon d'autres notaires consultés ; qu'au vu du rapport de M. B..., les consorts X... ont toutefois, le 8 octobre 2008, fait une nouvelle offre au prix proposé par l'expert de 625.337€ auquel Maître Y... a acquiescé en leur réglant cette somme le 4 décembre 2008 ; que ces événements successifs suscitent les observations suivantes: jusqu'au 28 janvier 2008, la seule offre émise par la succession à l'adresse de Maître Y... était celle de 550.000 euros évoquée devant la Chambre des Notaires le 7 mai 2007 ,voire, implicitement, à compter de décembre 2008, celle de 540.000 € convenue avec Maître A..., candidat agréé par les consorts X... auquel Maître Y... prétendait se substituer ; que Maître Y... ne peut donc qualifier de "levée de l'option d'achat", rendant la cession parfaite, sa proposition de rachat du 28 janvier 2008 à un prix inférieur à celui réclamé par la succession en l'absence d'un quelconque accord des parties tant sur la valeur des parts que sur les critères d'évaluation à prendre en compte dans le cadre d'une procédure de détermination du prix ( les consorts X... dénonçant une obstruction systématique de Maître Y... à la communication de la comptabilité de l'office) dont Maître Y... pourrait déduire, comme il le fait en l'espèce, que le prix était à tout le moins "déterminable" ; que la cession sera fixée au 4 décembre 2008 date de l'annulation des parts sociales de M. X... et du paiement du prix ;
1) ALORS QU'à l'issue du délai d'un an à compter du décès d'un associé, la société ou les associés survivants en rachètent les parts, si elles n'ont pas déjà été cédées par les ayants droit ; qu'en l'absence d'accord, le prix est fixé par voie d'expertise dans les conditions de l'article 1843-4 du code civil ; que ce prix s'imposant aux parties, la cession est parfaite dès le transfert imposé par la loi, un an après le décès de l'associé ; qu'en disant cependant que la date de la cession devait être fixée au 4 décembre 2008, date de paiement du prix, et non à celle de la levée d'option par M. Y..., pour en déduire que les consorts X... avaient droit aux bénéfices jusqu'au 4 décembre 2008, la cour d'appel a violé l'article 1843-4 du code civil, ensemble les articles 24 de la loi du 29 novembre 1966, 34 du décret du 2 octobre 1967 et 1134 du code civil ;
2) ALORS QUE dans ses conclusions, M. Y... exposait que lors de l'assemblée générale du 4 décembre 2008, à laquelle les consorts X... avaient participé en présence de leur avocat, il avait été convenu qu'en conséquence de l'annulation des parts sociales, « les droits aux bénéfices de l'exercice en cours sont annulés » ; que l'acte de quittancement régularisé par les consorts X... visait expressément cette assemblée générale (conclusions p.16) ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur l'annulation des bénéfices pour l'exercice 2008, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.