Cour d'appel de Bastia, 18 janvier 2017, 14/00280

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Ch. civile A

ARRET No

du 18 JANVIER 2017

R. G : 14/ 00280 FR-C

Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 10 Mars 2014, enregistrée sous le no 12/ 01036

X...

C/

Y...

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRET DU

DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT

APPELANTE :

Mme Marie-Paule X... épouse Z...
née le 11 Novembre 1950 à BASTIA (20200)
...
87000 LIMOGES

ayant pour avocat Me Marie Line ORSETTI, avocat au barreau d'AJACCIO


INTIMEE :

Mme Pierrette Y... épouse B...
...
20135 CONCA

ayant pour avocat Me Jean Pierre POLETTI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 novembre 2016, devant la Cour composée de :

M. François RACHOU, Premier président
Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller
Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

qui en ont délibéré.


GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Cécile BORCKHOLZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 janvier 2017.


ARRET :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Cécile BORCKHOLZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Par acte d'huissier en date du 24 octobre 2012 Mme Marie Paule X... a assigné devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio Mme Pierrette Y... pour voir reconnaître l'état d'enclave de sa parcelle D 363 sur la commune de Conca en Corse du Sud et fixer un passage par les parcelles 382 et 387 appartenant à Mme Pierrette Y..., et, à titre subsidiaire, voir désigner un expert.


Par jugement du 10 mars 2014 le tribunal de grande instance d'Ajaccio a déclaré irrecevable l'action introduite par Mme Marie Paule X... et l'a condamnée à payer à Mme Pierrette Y... la somme de 650 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.


Mme Marie Paule X... a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 1er avril 2014.


Selon ses écritures communiquées par voie électronique le 9 décembre 2014 et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé complet de ses prétentions et moyens, Mme Marie Paule X... demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,

- constater l'état d'enclave,

- débouter Mme Y... de ses demandes,

- dire Mme X... recevable et bien fondée en son action,

- ordonner à Mme Y... la destruction du mur construit sur le chemin d'exploitation,

- dire que Mme X... bénéficiera d'un droit de passage sur les parcelles D 382 et 387 appartenant à Mme Y...,


- dire que l'assiette du chemin proposée par Mme X... est conforme aux dispositions de l'article 683 du code civil,

subsidiairement,

- désigner un expert avec mission habituelle en la matière et aux frais de Mme Y...,

- condamner Mme Y... à payer à Mme X... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Mme X... fait valoir qu'elle produit les actes de donation en intégralité ainsi que l'acte de notoriété prescriptive de la parcelle 363 du 14 mars 1996, et un acte authentique de Me D..., notaire, en date du 27 octobre 2006 ; qu'il n'existe ni indivision ni contestation sur la propriété de la parcelle et qu'elle ne solliciterait pas une servitude de passage si elle existait déjà.

Elle ajoute que selon la mairie de Conca, le chemin dont Mme X... demande l'élargissement de l'assiette pour y passer est un chemin d'exploitation ; que Mme Y... ne rapporte pas la preuve qu'elle en est propriétaire exclusive ; que le mur qu'elle a construit a diminué l'assiette du chemin commun à tous les riverains.

Elle présice que seules les parcelles 382 et 387 sont concernées par le chemin le plus court ; que l'accès ne peut avoir lieu par d'autres parcelles et qu'il est inutile de mettre en cause les autres propriétaires.

Elle soutient enfin que Mme X... ne démontre aucun préjudice causé par le droit de passage et devra être déboutée de sa demande d'indemnité.


Selon ses écritures communiquées par voie électronique le 8 décembre 2016 et auxquelles il convient de se reporter pour un exposé complet de ses prétentions et moyens, Mme Pierrette Y... demande à la cour de :

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Elle soutient que le bien pour lequel un accès est sollicité est indivis ; qu'à défaut d'être constructible la parcelle a un accès suffisant par le chemin piétonnier ; que s'il est constructible la loi littorale et la loi montagne sont applicables et que seul un permis de construire pourrait déterminer l'usage de la parcelle.

Elle fait valoir que rien ne justifie de l'application des articles L161-1 et L161-2 du code rural au chemin dont s'agit ; que s'il était chemin de service, donc public, son élargissement ne pourrait intervenir qu'après expropriation et qu'il dessert les parcelles 383 à 362 qui constituaient une entité unique avant division successive et pourrait relever de l'article L 162-1 du code rural ou bien serait un chemin privé n'ayant pas vocation à s'élargir uniquement sur le fonds de l'intimée.

Elle ajoute qu'il n'est pas établi que ce chemin soit un accès plus court à la parcelle de l'appelante que par les parcelles 376 et 375 ; qu'étant dépourvue de titre sur l'accès existant elle doit se soumettre à l'application de l'article 683 du code civil et que le mur a été construit sur le fonds de l'intimée.


L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2016 et l'affaire renvoyée pour être plaidée le 7 novembre 2016.


SUR QUOI LA COUR


Sur la recevabilité de l'action de Mme X... :

Mme X... justifie de son intérêt à agir en produisant l'acte de notoriété du 14 mars 1996, aux termes duquel Mme Françoise E...bénéficierait d'une possession trentenaire sur la parcelle D 363, et l'acte des 4 et 12 avril 1996 aux termes duquel Françoise E...aurait fait donation à sa fille Marie Paule de cette même parcelle, étant précisé que la parcelle a été donnée seulement à cette dernière et non, comme le soutient l'intimée au vu d'un acte de décès, en indivision avec Antoinette E...qui n'est ni du même père ni de la même mère.

L'allégation selon laquelle Mme Marie Paule X... bénéficierait d'une servitude de passage conventionelle n'est pas reprise en appel.

Il résulte de la lettre du maire de Conca datée du 3 juin 2013 que le chemin qui sur le plan cadastral mène à la parcelle cadastrée D363 n'appartient pas à la commune de Conca et qu'il est un chemin d'exploitation. En conséquence, en application de l'article L162-1 du code rural, en l'absence d'un titre, il est présumé appartenir aux propriétaires riverains mais son usage est commun à tous les intéressés. Mme Marie Paule X... fait partie donc des propriétaires riverains qui ont l'usage du chemin d'exploitation.

Enfin, il résulte du certificat d'urbanisme en date du 11 octobre 2012 versé aux débats que la parcelle D 363 est située dans la zone constructible de la commune et pourra faire l'objet d'une demande de permis de construire.

Mme Marie Paule X... sera dès lors reçue en son action.

Sur la demande de constater l'état d'enclave :

Aux termes de l'article 682 du code civil le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur le fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage.

En l'espèce, quelle que soit l'utilisation de la parcelle 363 envisagée à court ou moyen terme, le passage doit être carossable sur toute sa longueur, et donc avoir une largeur minimum de 3 mètres permettant la circulation d'un véhicule à quatre roues.

Or, du plan cadastral et du constat d'huissier, il ressort manifestement qu'il existe un seul accès de la voie publique à la parcelle 363 qui est le chemin d'exploitation. Celui-ci est carossable à l'intersection avec le chemin rural de Saparello mais est réduit à mi-parcours par la construction par Mme Pierrette Y... d'un mur en parpaing à une largeur d'environ 1 m 50 et obstrué par un pylone EDF en ciment placé au milieu du chemin. L'état d'enclave résultant de l'étroitesse du chemin est donc incontestable.

Il convient dès lors d'ordonner à Mme Pierrette Y... la destruction du mur qui prive la propriétaire de la parcelle 363 de l'usage commun du chemin d'exploitation. En application de l'article L131-1 du code des procédures civiles d'exécution, cette disposition sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 3 mois à compter de la signification de la présente décision.

La demande de Mme Marie Paule X... d'un droit de passage sur les parcelles D 382 et 387 est en conséquence sans objet.

Il serait inéquitable de laisser à Mme Marie Paule X..., qui essaye vainement de faire valoir ses droits depuis le 14 janvier 2008, les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer. Mme Pierrette Y... sera condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS,

LA COUR :


- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Reçoit Mme Marie Paule X... en son action,

- Ordonne à Mme Pierrette Y... la destruction du mur qui réduit en bordure de sa propriété la largeur du chemin d'exploitation menant de la voie publique à la parcelle D 363, sous astreinte de cent euros (100 euros) par jour de retard passé un délai de 3 mois à compter de la signification de la présente décision,

- Condamne Mme Pierrette Y... à payer à Mme Marie Paule X... la somme de deux mille euros (2 000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne Mme Pierrette Y... aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Retourner en haut de la page