Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 janvier 2017, 15-15.054, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi, de dénaturation et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve, dont elle a pu déduire, la salariée ayant avisé l'employeur de son classement en invalidité 2e catégorie et manifesté son intention de reprendre le travail, un comportement fautif de l'employeur ayant causé à la salariée un préjudice dont elle a souverainement apprécié le montant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Glaxo Wellcome Production aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Glaxo Wellcome Production

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement rendu le 24 juin 2013 par le conseil de prud'hommes de Bernay, et d'AVOIR condamné l'employeur à verser à sa salariée la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Mme Isabelle X..., engagée le 1er octobre 1988 en qualité d'employée de fabrication, puis de technicienne de production et enfin de responsable d'équipe production à compter du 1er juillet 2000, a connu une dégradation de son état de santé qui a entraîné de nombreux arrêts de travail pour maladie, à l'acceptation par l'employeur d'un temps partiel durant quelques mois en 2005 avant une reprise à temps plein et à la constatation de son aptitude à occuper son poste dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique sans effort et sans port de charges lourdes à partir du 4 octobre 2005 ; que la salariée a notamment été visitée à sa demande par le médecin du travail les 3 janvier, 23 mars et 17 mai 2006 qui l'a déclarée apte à la poursuite de son poste sous certaines conditions (par demi-journée) ; que l'employeur a été informé le 8 mars 2006 de son classement en invalidité en première catégorie avec effet au 26 avril 2004, puis le 2 juin 2006 en invalidité deuxième catégorie ; qu'elle a enfin fait l'objet d'une visite donnant à lieu à l'établissement le 12 juin 2006 d'une fiche d'aptitude médicale concluant à son inaptitude à son poste de travail avec mention de revoir son médecin traitant ; qu'elle a été licenciée pour motif économique par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 janvier 2010 invoquant la violation par son employeur des règles applicables en matière de visite médicale, contestant la légitimité de son licenciement pour motif économique et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, Mme X... a saisi le conseil de prud'hommes de Bernay, qui, statuant par jugement du 24 juin 2013, dont appel, s'est prononcé comme indiqué précédemment ; il ressort des éléments versés aux débats qu'au moment de l'information de l'employeur du placement en invalidité deuxième catégorie de Mme X... le 2 juin 2006, celle-ci avait repris le travail depuis l'expiration de la dernière prolongation d'arrêt de travail pour maladie jusqu'au 17 mars 2006 et qu'elle n'a plus bénéficié d'arrêt de travail postérieurement ; que Mme X... n'a manifesté à aucun moment son intention de ne pas reprendre le travail et au contraire a, à diverses occasions, très clairement manifesté auprès de son employeur son intention de reprendre le travail (courriel du 16 juin 2006, lettre du 10 juin 2008 relatif à la déclaration de son état de grossesse) ; qu'il appartenait ainsi à l'employeur, dans de telles circonstances, de prendre l'initiative de faire convoquer l'intéressée pour faire vérifier son aptitude au travail ; qu'il convient de constater qu'il s'est abstenu de le faire et après la visite du 12 juin 2006 réalisée à la demande de Mme X... et au terme de laquelle le médecin de travail a déclaré la salariée inapte, a persisté dans cette carence et n'a tiré aucune conséquence de l'inaptitude pourtant constatée, étant observé que Mme X... soutient sans être utilement contredite avoir informé sa supérieure hiérarchique Mme Y... mais également Mme Z... assistante du directeur des ressources humaines de cette inaptitude et que le service ressources humaines était en possession de la fiche du 12 juin 2006 et que l'employeur dans ses écritures se borne à dénier à la visite du 12 juin la qualité de visite de reprise au motif que la salariée ne l'a pas préalablement informé mais ne conteste pas avoir eu connaissance de cette visite médicale et de ses conclusions ; l'employeur, en s'abstenant de faire procéder à la convocation de Mme X... aux fins de vérification de son aptitude au travail et/ou de tirer la moindre conséquence des conclusions du médecin du travail du 12 juin 2006 durant plusieurs années alors qu'aucun arrêt de travail ne lui était plus transmis, a maintenu la salariée dans une situation précaire à la fois matérielle et morale ; que ce comportement doit être considéré comme fautif et ouvre droit pour la salariée, non au paiement des salaires revendiqués à titre principal sur le fondement des dispositions de l'article L.1226-4 du code du travail, mais à des dommages et intérêts réparant son préjudice qu'elle a sollicités à titre subsidiaire ; le jugement sera ainsi infirmé en cette mesure et il sera alloué à Mme X..., en considération de sa situation et de la longue période durant laquelle la préjudice a perduré du fait de l'employeur, des dommages et intérêts comme indiqués au dispositif ci-après ; il ne ressort pas des éléments versés aux débats que le licenciement de Mme X... a eu pour motif essentiel son état de santé et/ou son aptitude au travail ; que son licenciement pour motif économique s'est en effet inscrit en janvier 2010 dans le cadre de licenciements économiques collectifs ayant donné lieu à établissement d'un plan de sauvegarde de l'emploi, 38 salariés appartenant à sa catégorie professionnelle ayant également été licenciés ; que Mme X... n'articule aucune critique sur la réalité et/ou la justification du motif économique invoqué à l'appui de la rupture de son contrat de travail, le caractère effectif de la suppression de l'emploi qu'elle occupait, la régularité de la procédure de licenciement collectif, la pertinence et/ou la suffisance des mesures contenues dans le plan de sauvegarde ou enfin la méconnaissance par l'employeur de l'obligation individuelle de reclassement lui incombant, étant observé que l'intéressée a refusé un poste de reclassement de superviseur de ligne et a accepté un congé de reclassement le 8 février 2010 prévu dans le plan de sauvegarde et que rien ne permet de considérer qu'un reclassement opéré par l'employeur antérieurement à l'engagement des licenciements collectifs pour motif économique aurait attribué à Mme X... un emploi échappant à la restructuration de l'entreprise et ainsi à la suppression par ces motifs substitués le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme X... à obtenir des dommages et intérêts pour licenciement illégitime ; la société intimée, qui succombe au moins partiellement, sera déboutée de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile, condamnée sur ce même fondement à verser à Mme X... la somme de 2.500,00 euro et à supporter les dépens de première instance et d'appel » ;

1°) ALORS QUE dès lors que le salarié informe son employeur de son classement en invalidité deuxième catégorie sans manifester la volonté de ne pas reprendre le travail, il appartient à celui-ci de prendre l'initiative de faire procéder à une visite de reprise, si le salarié ne l'a pas déjà sollicitée ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir, sans être contesté, que la salariée l'avait informé de son classement en invalidité deuxième catégorie après avoir sollicité une visite médicale auprès du médecin du travail (conclusions d'appel de l'exposante p. 9 § 7) ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir fait procéder à la convocation de Mme X... aux fins de vérification de son aptitude au travail, la cour d'appel a violé l'article R. 241-51 devenu les articles R. 4624-21 et R 4624-22 du code du travail, alors applicable ;

2°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, dans son courriel du 16 juin 2006, la salariée affirmait que « pour des raisons de santé je dois arrêter de travail, j'espère revenir en septembre » ; qu'en affirmant que la salariée n'avait plus bénéficié d'arrêt de travail postérieurement au 17 mars 2006 et qu'il ressortait du courrier du 16 juin 2006 que la salariée avait manifesté son intention de reprendre le travail, quand ce courrier établissait aussi que la salariée était en arrêt de travail, la cour d'appel a violé le principe prohibant toute dénaturation des documents de la cause ;

3°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, était versée aux débats l'attestation de Mme A... qui affirmait s'agissant de Mme X... qu' « elle a été déclarée en invalidité en 2006 à 50 %, et le médecin du travail l'a arrêtée sur le champ, le jour même, sans lui expliquer sa décision » ; qu'en affirmant que Mme X... n'avait plus bénéficié d'arrêt de travail après le 17 mars 2006, sans viser ni analyser l'attestation de Mme A..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE la visite de reprise, dont l'initiative appartient normalement à l'employeur, peut aussi être sollicitée par le salarié, soit auprès de son employeur, soit auprès du médecin du travail en avertissant au préalable l'employeur de cette demande et qu'à défaut d'un tel avertissement, l'examen ne constitue pas une visite de reprise opposable à l'employeur ; qu'en l'espèce, il résultait des constatations de l'arrêt attaqué que l'employeur n'avait pas été préalablement averti par la salariée de la tenue d'une visite médicale le 12 juin 2006 mais avait seulement été informé de l'inaptitude déclarée par le médecin du travail lors de cette visite ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir sollicité une visite de reprise après la visite médicale ayant eu lieu le 12 juin 2006, la cour d'appel a violé l'article R. 241-51 devenu les articles R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, alors applicable ;

5°) ALORS en tout état de cause QUE le fait pour l'employeur de ne pas solliciter de visite de reprise constitue une faute ouvrant droit pour le salarié à l'indemnisation du préjudice réellement subi ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que le préjudice subi par la salariée devait être évalué en tenant compte du fait que la salariée avait perçu sa pension d'invalidité par la sécurité sociale, son complément de salaire par la prévoyance en application de l'article 38 de la convention collective applicable, avait continué à percevoir cette prévoyance après son licenciement économique et avait perçu plus d'indemnités au titre de son licenciement économique que ce qu'elle aurait perçu dans le cadre d'une inaptitude (conclusions d'appel de l'exposante p.12 in fine et p.13 ; productions n°14 et 15) ; qu'en affirmant que l'employeur avait commis une faute en s'abstenant de faire procéder à la convocation de sa salariée aux fins de vérification de son inaptitude au travail et de ne pas avoir tiré les conséquences des conclusions du médecin du travail du 12 juin 2006 pendant de nombreuses années, ce qui avait maintenu la salariée dans une situation précaire matérielle et morale et ouvrait droit à des dommages et intérêts réparant son préjudice et en allouant à ce titre la somme de 40 000 euros, sans à aucun moment s'expliquer sur les sommes que la salariée avait perçues après son classement en invalidité deuxième catégorie et jusqu'à son licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard l'article R. 241-51-1 devenu l'article R. 4624-31 du code du travail, alors applicable.

ECLI:FR:CCASS:2017:SO00063
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