Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 11 janvier 2017, 15-20.492, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 15-20.492
- ECLI:FR:CCASS:2017:SO00060
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Frouin (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... , engagé le 1er avril 2003 par la société Satem en qualité de tuyauteur, a été victime d'un accident du travail le 16 mai 2006, puis d'une rechute de cet accident le 5 novembre 2007 ; qu'il a été de nouveau en arrêt de travail du 20 décembre 2010 au 2 mars 2011 ; que le 11 mai 2011, dans le cadre d'une visite annuelle, le médecin du travail l'a déclaré apte à son poste avec diverses restrictions ; qu'à l'issue de deux examens médicaux des 16 août et 1er septembre 2011, ce médecin l'a déclaré inapte à son poste ; qu'il a été licencié le 11 octobre 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa dernière branche :
Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-14, dans leur rédaction alors applicable, et L. 1226-15 du code du travail ;
Attendu que pour allouer à la salariée les indemnités prévues aux articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, l'arrêt retient que l'employeur avait gravement manqué à son obligation de sécurité, d'une part en laissant le salarié reprendre son travail sans organiser de visite de reprise après l'accident du travail de 2006 ainsi qu'après l'arrêt de travail du 20 décembre 2010 au 2 mars 2011, d'autre part en le faisant travailler dans des conditions incompatibles avec son état de santé et les restrictions énoncées par le médecin du travail, que la seule constatation du non respect des préconisations du médecin du travail sur l'ensemble de la période entre l'accident du travail et l'avis d'inaptitude suffisait à établir que celle-ci avait au moins partiellement pour origine l'accident du travail et la rechute de 2007, et que le licenciement était, de ce seul fait, sans cause réelle et sérieuse, le caractère abusif du licenciement résultant encore de l'absence de consultation des délégués du personnel qui s'imposait eu égard à l'origine professionnelle de l'inaptitude, l'arrêt alloue au salarié les indemnités prévues aux articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
Attendu cependant, que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher comme il lui était demandé si l'employeur, au moment du licenciement, avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et attendu que la cassation du chef de l'arrêt condamnant l'employeur à payer au salarié diverses sommes au titre de la rupture n'atteint pas le chef de dispositif de l'arrêt déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, faisant application des dispositions des articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, il condamne la société Satem à payer à M. X... les sommes de 32.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5.330 euros à titre d'indemnité compensatrice et 6.897,17 euros à titre de solde d'indemnité spéciale de licenciement, l'arrêt rendu le 24 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Satem
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société SATEM à payer à M. X... les sommes suivantes : 32 000 € à titre de dommages pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 330 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 6 897,17 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE : « b ) sur l'origine de l'inaptitude : qu'il est de principe que les règles protectrices d'un accident du travail s'appliquent dès lors que l'inaptitude a au moins partiellement pour origine cet accident et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment de l'accident ; qu'en l'espèce, la seule constatation du non respect par la société SATEM des préconisations du médecin du travail sur l'ensemble de la période entre l'accident du travail et l'avis d'inaptitude suffit à établir que celle-ci a au moins partiellement pour origine cet accident et la rechute de 2007 ; que ce lien est encore démontré par les restrictions figurant dans l'avis d'inaptitude, qui reprennent, à un ajout près, concernant les déplacements, celles figurant dans les différents avis d'aptitude émis précédemment ; c ) sur le bien fondé du licenciement : que les manquements permanents de la société SATEM à ses obligations ont nécessairement aggravé l'état de santé du salarié et participé à l'inaptitude de celuici ; qu'il s'ensuit que le licenciement est, de ce seul fait, sans cause réelle et sérieuse ; que le caractère abusif du licenciement résulte encore de l'absence de consultation des délégués du personnel, qui s'imposait eu égard à l'origine professionnelle, précédemment reconnue, de l'inaptitude ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement, par substitution de motifs, en ce qu'il déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que s'agissant de l'indemnisation de la rupture, le salarié ne peut cumuler une indemnité pour licenciement abusif et une indemnité pour non consultation des délégués du personnel ; que la méconnaissance de cette formalité substantielle de consultation des délégués du personnel a pour seule conséquence de rendre l'employeur redevable d'une indemnité minimale de 12 mois de salaire, calculé sur la moyenne de trois derniers mois de rémunération, conformément aux dispositions combinées des articles L 1226-10, L 1226-15 et L 1226-16 du code du travail, sans préjudice de l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, de l'indemnité spéciale de licenciement prévues par l'article L 1226-14 ; qu'en considération notamment de l'ancienneté du salarié (8 ans et 4 mois), de son âge (59 ans), de son salaire (2.665 € ) et de sa situation après la rupture, son préjudice sera justement réparé par une somme de 32.000 € ; que M. X... a par ailleurs droit, en application de l'article L 1226-14, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à l'indemnité de préavis, soit 5.330 €, ainsi qu'à l'indemnité spéciale de licenciement, égale au double de l'indemnité légale, en l'absence de dispositions plus favorables ; qu'ayant perçu une somme de 6.897,17 €, il lui reste dû un solde du même montant » ;
ALORS 1°) QUE les règles protectrices en matière d'accident de travail et de maladie professionnelle ne sont pas applicables au salarié dont l'inaptitude à son poste de travail n'a pas été déclarée à l'issue d'une période de suspension de son contrat de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail ; qu'en considérant, pour condamner la société Satem à payer à M. X... les sommes de 32 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 330 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 6 897,17 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, que les règles protectrices prévues en cas d'inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude de M. X... a, au moins partiellement, pour origine l'accident de travail dont il a été victime le 16 mai 2006 et la rechute de cet accident survenue en 2007, quand l'inaptitude du salarié n'avait pas été constatée lors de la visite de reprise du 24 mars 2009 ayant mis fin à la période de suspension de son contrat de travail au titre de ladite rechute, la cour d'appel a violé les articles L. 1226- 10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
ALORS 2°), A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE les règles protectrices en matière d'accident de travail et de maladie professionnelle ne sont pas applicables au salarié dont l'inaptitude à son poste de travail n'a pas été déclarée à l'issue d'une période de suspension de son contrat de travail ; qu'en considérant, pour condamner la société Satem à payer à M. X... les sommes de 32 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 330 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 6 897,17 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, que les règles protectrices prévues en cas d'inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude de M. X... a, au moins partiellement, pour origine l'accident de travail dont il a été victime le 16 mai 2006 et la rechute de cet accident survenue en 2007, quand l'inaptitude du salarié avait été constatée lors d'une visite médicale de contrôle qui n'était nullement intervenue à l'issue d'une période de suspension de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
ALORS 3°), A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE lorsqu'il constate que l'inaptitude du salarié a partiellement pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle, le juge doit déterminer dans quelle proportion exacte afin que le salarié bénéficie au prorata des indemnités prévues en cas d'inaptitude d'origine professionnelle ; qu'en se bornant, pour condamner la société Satem à payer à M. X... les sommes de 32 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 330 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 6 897,17 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, à relever que l'inaptitude du salarié aurait, au moins partiellement, pour origine l'accident du travail dont il a été victime le 16 mai 2006 et la rechute de cet accident survenue en 2007, sans rechercher dans quelle proportion exacte cet accident aurait été la cause de l'inaptitude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail ;
ALORS 4°), A TITRE ENCORE PLUS SUBSIDIAIRE, QUE les règles protectrices en matière d'accident de travail et de maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; qu'en se bornant, pour condamner la société Satem à payer à M. X... les sommes de 32 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5 330 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 6 897,17 € au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement, à relever que la seule constatation du non respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail entre l'accident et l'avis d'inaptitude suffit à établir que celle-ci a au moins partiellement pour origine cet accident et la rechute de 2007 et que ce lien est encore démontré par les restrictions figurant dans l'avis d'inaptitude qui reprennent, à un ajout près, concernant les déplacements, celles figurant dans les différents avis d'aptitude émis précédemment, sans rechercher si – au moment du licenciement – la société SATEM avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail.