Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 janvier 2017, 15-17.725, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 4 mars 2015), que, les 15 et 16 juillet 2014, des juges des libertés et de la détention ont, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, autorisé les agents de l'administration des impôts à procéder à des visites et des saisies dans des locaux sis à Champeaux et Paris, susceptibles d'être occupés par M. et Mme X..., la société Brasseries Internationales Holding Eastern Limited (la société BIH) et la société Brasserie Internationale pour l'Afrique (la société BIA), afin de rechercher la preuve la fraude fiscale commise par ces sociétés au titre de l'impôt sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, les opérations ayant été effectuées le 17 juillet 2014, les sociétés BIA et BIH ont formé un recours contre leur déroulement ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés BIA et BIH font grief à l'ordonnance de rejeter leur recours alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, l'officier de police judiciaire qui accompagne les agents de l'administration doit veiller au respect des droits de la défense, conformément aux dispositions de l'alinéa 3 de l'article 56 du code de procédure pénale, lequel lui fait obligation de provoquer, préalablement à ses opérations, toute mesure utile pour que soient assurés les droits de la défense ; qu'en conséquence, même si aucune disposition légale n'oblige expressément les agents de l'administration à informer l'intéressé du droit qu'il a de refuser de signer le procès-verbal, cette obligation se déduit de celle faite à l'officier de police judiciaire, qui assiste nécessairement les agents de l'administration, de prendre préalablement toute mesure utile pour assurer le respect des droits de la défense ; qu'en décidant le contraire, le magistrat délégué du premier président a violé les articles L. 16 B III et IV du Livre des procédures fiscales et l'article 56, alinéa 3, du code de procédure pénale ;

2°/ que le fait de remettre une copie de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales à l'occupant des lieux-à qui doit être verbalement notifiée l'ordonnance autorisant la visite, mais qui doit être constamment présent aux opérations et qui, de ce fait, n'a pas le temps de lire le texte avant la fin des opérations et l'établissement du procès-verbal, lequel doit être dressé sur le champ-ne peut être considéré comme une garantie des droits de la défense dispensant les agents de l'administration et l'officier de police judiciaire les accompagnant de l'obligation d'informer l'intéressé de l'étendue de ses droits et, notamment, de celui de refuser de signer le procès-verbal de saisie ; qu'en relevant que les garanties prévues par la loi avaient bien été respectés dès lors que les personnes concernées ont eu notification des dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, le magistrat délégué du premier président de la cour d'appel a violé l'article L. 16 B III et IV de ce texte, ainsi que les droits de la défense ;

3°/ que les demanderesses au pourvoi faisaient valoir que, devant le comité fiscal de la mission d'organisation administrative du 26 septembre 1985, la Direction générale des impôts avait expressément reconnu que le contribuable devait être informé qu'il avait le droit de ne pas signer le procès-verbal ; qu'en délaissant de telles conclusions qui étaient déterminantes puisque la doctrine de l'administration s'impose à ses agents, le délégué du premier président de la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, contrairement à ce que postule la première branche, l'obligation pour l'officier de police judiciaire, d'aviser la personne, en présence de qui les opérations de visite et saisie ont été effectuées, de son droit de refuser de signer le procès-verbal constatant leur exécution ne résulte pas des dispositions combinées des articles L. 16 B du livre des procédures fiscales et 56 du code de procédure pénale ; que c'est à bon droit que le magistrat délégué, qui n'était pas tenu de répondre à des conclusions qui n'étaient pas assorties d'offre de preuve, a écarté le grief d'irrégularité pour ce motif des opérations de saisie ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que sociétés BIA et BIH font le même grief à l'ordonnance alors, selon le moyen, que si au cours de la visite, les agents des impôts habilités peuvent recueillir, sur place, des renseignements et justifications concernant les agissements du contribuable faisant l'objet de la procédure de visite domiciliaire auprès de l'occupant des lieux ou de son représentant et, s'il est présent, de ce contribuable, c'est après les avoir informés que leur consentement est nécessaire ; que les agents menant les opérations à Champeaux ont interrogé à plusieurs reprises le représentant de l'occupant des lieux afin d'obtenir différents renseignements, tels que les identifiants et autres mots de passe nécessaires à l'ouverture des sessions sur le matériel informatique identifié dans le procès-verbal ; que les agents menant les opérations rue Boccador ont interrogé à plusieurs reprises l'occupant des lieux afin d'obtenir différents renseignements, tels que l'origine des locaux visités, les boissons commercialisées par le groupe dont la société BIH fait partie et les identifiants et mots de passe nécessaires à l'ouverture de sessions sur le matériel informatique identifié dans le procès-verbal ; qu'en jugeant que le consentement nécessaire de l'occupant des lieux ne concerne pas les opérations de visite des lieux, d'examen et de saisie des documents ou support d'information, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé le III bis de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que les agents de l'administration n'ont procédé à aucune audition qui aurait excédé les questions strictement nécessaires à l'exécution correcte des opérations de saisies, l'ordonnance retient à bon droit que l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales n'impose d'obtenir le consentement de l'occupant des lieux ou de son représentant et, s'il est présent, du contribuable, que pour recueillir leur identité et leur adresse ou des renseignements et justifications concernant les agissements de ce contribuable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen :

Attendu que les sociétés BIA et BIH font le même grief à l'ordonnance alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article L. 16 IV du Livre des procédures fiscales, un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur le champ par les agents de l'administration des impôts, un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu et le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ; qu'en l'espèce, s'agissant de la saisie des documents « papier », le procès-verbal énumère les pièces ayant été saisies par l'administration fiscale ; qu'en l'espèce, l'énumération des pièces et documents saisis figure en page 5 du procès-verbal relatif aux opérations ayant eu lieu à Champeaux et en pages 3, 4, 5 et 7 du procès-verbal relatif aux opérations ayant eu lieu rue Boccador, dans le corps même de la description des opérations ; que cette énumération des pièces et documents saisis n'est pas annexée aux procès-verbaux et contrevient aux dispositions précitées qui imposent que, dans la mesure où un inventaire est établi, celui-ci doit être annexé au procès-verbal et non inséré dans le corps même du document qu'en jugeant le contraire, le magistrat délégué du premier président de la cour d'appel a violé les dispositions du IV de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

2°/ qu'aux termes de l'article L. 16 IV du Livre des procédures fiscales, un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur le champ par les agents de l'administration des impôts, un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu et le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ; qu'en l'espèce, s'agissant de la saisie des documents informatiques, le procès-verbal relate qu'un inventaire informatique a été élaboré ; qu'il est mentionné que cet inventaire a été gravé sur deux CD au lieu d'être annexé en tant que tel au procès-verbal ; qu'en outre, la seule lecture de l'inventaire des saisies informatiques, un fichier rtf de 4 463 pages mentionnant pêle-mêle, sur cinq colonnes, le nom de dossiers ou de fichiers, leur « description », leur dernière date d'écriture, leur « hash value » et leur chemin complet, ne permet pas de s'assurer du caractère saisissable des pièces et de son exhaustivité ou de son absence de redondance ; qu'en jugeant toutefois qu'un inventaire papier n'était pas utile, les fichiers copiés apparaissant sur les CD avec leur chemin d'origine permettant donc de les identifier et de s'assurer de leur conformité avec les documents originaux, le délégué du premier président de la cour d'appel a violé les dispositions du IV de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

3°/ que les demanderesses au pourvoi faisaient valoir que la doctrine administrative BOI-CF-COM-20-20-20120912, paragraphe 120, impose la rédaction de deux documents distincts, à savoir un procès-verbal et un inventaire ; qu'en délaissant de telles conclusions qui étaient déterminantes puisque la doctrine de l'Administration s'impose à ses agents, le délégué du premier président de la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'aucune irrégularité ne saurait résulter de ce que l'inventaire des pièces et documents saisis, au lieu d'être annexé au procès-verbal relatant les opérations, est reproduit dans le corps de celui-ci ;

Et attendu, en second lieu, qu'après avoir rappelé que l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne soumet l'inventaire à aucune forme particulière, l'ordonnance relève que les documents informatiques copiés ont été inventoriés par gravure de leur arborescence sur des cédéroms, non réinscriptibles et finalisés, annexés au procès-verbal dont un a été remis à M. X... ; qu'il relève que l'inventaire des documents saisis identifie chaque fichier saisi par son chemin, son nom d'origine et le calcul d'une empreinte numérique, ce qui permet de connaître le contenu des données appréhendées et de s'assurer de leur conformité avec les documents originaux ; que de ces constatations, le premier président, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu déduire qu'un inventaire papier n'était pas nécessaire et que l'inventaire des documents saisis était régulier ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur les premier, troisième, cinquième et septième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Brasseries Internationales Holding Eastern Limited et la société Brasserie Internationale pour l'Afrique aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delaporte et Briard, avocat aux Conseils, pour la société Brasseries Internationales Holding-Eastern Limited et la société Brasseries Internationales pour l'Afrique.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté leurs recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées le 17 juillet 2014,

Aux motifs que « les ordonnances autorisant la visite domiciliaire à CHAMPEAUX ont été notifiées à Myriam Y..., représentante désignée de et par Jean-Paul X..., qui a été avisée de son droit d'être assistée d'un conseil ; que donc l'occupant des lieux visités n'a été privé d'aucun moyen de faire valoir ses droits, lesquels s'exercent d'ailleurs encore dans le cadre du présent recours, d'autant que les dispositions de l'article L. 16 B du LPF ont été remises avec les ordonnances ; que les ordonnances autorisant la visite domiciliaire à PARIS ont été notifiées à Jean-Paul X..., là encore avec remise des dispositions de l'article L. 16 B du LPF et il n'a été privé d'aucun moyen de faire valoir ses droits ; »

Alors, d'une part, que l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique, en matière de visite domiciliaire, que les personnes concernées par celle-ci puissent avoir un accès effectif à un juge en vue, notamment, d'une suspension ou d'un arrêt de la visite et qu'en conséquence, elles soient averties non seulement de leur droit de soumettre à un juge, a posteriori, toute contestation relative au déroulement des opérations de visite et de saisie, mais également des modalités de la saisine du juge en vue de la suspension ou de l'arrêt de la visite, ainsi que des coordonnées de celui-ci ; que ne garantissent pas l'effectivité d'un tel contrôle les opérations de visite et saisie effectuées sans que soient précisées à la société concernée ni les modalités selon lesquelles elle peut, au cours des visites, saisir un juge, ni les coordonnées de ce juge ; qu'il résulte en l'espèce des procès-verbaux de visite et de saisie que ces derniers ne font état d'aucune indication portée à la connaissance du représentant de l'occupant des lieux et/ ou des contribuables subissant la mesure de la possibilité qui leur était offerte de saisir à tout moment et immédiatement le juge des libertés et de la détention, de sorte qu'ils n'ont donc pas été mise effectivement en mesure de saisir le juge compétent lors du déroulement des opérations litigieuses ; qu'en se bornant à retenir que les ordonnances autorisant les visites domiciliaires à Champeaux et à Paris ont été remises à Jean-Paul X... ou à sa représentante avec remise des dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, sans rechercher si le recours au juge par le contribuable a effectivement été organisé au cours du déroulement des opérations attaquées, le magistrat délégué du premier président de la Cour d'appel de Paris n'a pas donné de base légale à son ordonnance au regard des articles 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Alors, d'autre part, que le fait de remettre une copie de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales à l'occupant des lieux-à qui doit être verbalement notifiée l'ordonnance autorisant la visite, mais qui doit être constamment présent aux opérations et qui, de ce fait, n'a pas le temps de lire le texte avant la fin des opérations et l'établissement du procès-verbal, lequel doit être dressé sur le champ-ne peut être considéré comme démontrant que l'occupant des lieux et/ ou les contribuables subissant la mesure ont été informés de la possibilité qui leur était offerte de saisir à tout moment et immédiatement le juge des libertés et de la détention ; qu'en relevant que les sociétés requérantes n'ont été privées d'aucun moyen de faire valeur leurs droits, dès lors que Jean-Paul X... ou sa représentante ont eu notification des dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, le magistrat délégué du premier président de la Cour d'appel a violé les articles 6 § 1 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté leurs recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées le 17 juillet 2014,

Aux motifs que « l'ordonnance de visite domiciliaire ne peut être exécutée contre ceux auxquels elle est opposée qu'après leur avoir été notifiée, présentation de la minute valant notification, et ce afin de porter à la connaissance de celui qui va subir la mesure, toutes les indications nécessaires sur les raisons invoquées par l'autorité requérante et de lui permettre d'être à même d'organiser sa défense ; que les agents de l'administration qui procèdent à une visite domiciliaire ne sont pas tenus, à peine d'irrégularité des opérations, d'informer la personne présente au domicile, avant le début des opérations ni d'ailleurs à leur issue, qu'elle a la faculté de soumettre toute difficulté au juge qui l'a autorisée, que leur régularité peut être contestée devant ce même magistrat, du droit de refuser de signer le procès-verbal relatant les opérations, d'autant que les personnes concernées ont eu notification des dispositions de l'article L. 16 B du LPF et peuvent être assistées, ce qui était le cas en l'espèce ; que les garanties prévues par la loi ont donc été régulièrement portées à la connaissance des occupants des lieux ou de leurs représentants désignés auxquels une copie de l'ordonnance et du texte de l'article L. 16 B ont été remis, et Monsieur X..., au téléphone dans le cadre des opérations de Champeaux et présent dans le cadre des opérations rue de Boccador, était assisté de deux avocats à même de l'éclairer sur ses droits et de la conseiller ; »

Alors, d'une part, que selon l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, l'officier de police judiciaire qui accompagne les agents de l'administration doit veiller au respect des droits de la défense, conformément aux dispositions de l'alinéa 3 de l'article 56 du Code de procédure pénale, lequel lui fait obligation de provoquer, préalablement à ses opérations, toute mesure utile pour que soient assurés les droits de la défense ; qu'en conséquence, même si aucune disposition légale n'oblige expressément les agents de l'Administration à informer l'intéressé du droit qu'il a de refuser de signer le procès-verbal, cette obligation se déduit de celle faite à l'officier de police judiciaire, qui assiste nécessairement les agents de l'Administration, de prendre préalablement toute mesure utile pour assurer le respect des droits de la défense ; qu'en décidant le contraire, le magistrat délégué du premier président a violé les articles L. 16 B III et IV du Livre des procédures fiscales et l'article 56, alinéa 3, du Code de procédure pénale ;

Alors, d'autre part, que le fait de remettre une copie de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales à l'occupant des lieux-à qui doit être verbalement notifiée l'ordonnance autorisant la visite, mais qui doit être constamment présent aux opérations et qui, de ce fait, n'a pas le temps de lire le texte avant la fin des opérations et l'établissement du procès-verbal, lequel doit être dressé sur le champ-ne peut être considéré comme une garantie des droits de la défense dispensant les agents de l'Administration et l'officier de police judiciaire les accompagnant de l'obligation d'informer l'intéressé de l'étendue de ses droits et, notamment, de celui de refuser de signer le procès-verbal de saisie ; qu'en relevant que les garanties prévues par la loi avaient bien été respectés dès lors que les personnes concernées ont eu notification des dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, le magistrat délégué du premier président de la Cour d'appel a violé l'article L. 16 B III et IV de ce texte, ainsi que les droits de la défense.

Alors, enfin, que les demanderesses au pourvoi faisaient valoir que, devant le comité fiscal de la mission d'organisation administrative du 26 septembre 1985, la Direction générale des impôts avait expressément reconnu que le contribuable devait être informé qu'il avait le droit de ne pas signer le procès-verbal ; qu'en délaissant de telles conclusions qui étaient déterminantes puisque la doctrine de l'Administration s'impose à ses agents, le délégué du premier président de la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté leurs recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées le 17 juillet 2014,

Aux motifs que « le procès-verbal relate la chronologie des opérations de visite et les opérations de saisie et d'inventaire des documents sur support papier et de saisie des données informatiques ; que, si, dans le cadre des opérations de la rue Boccador, les appelants indique qu'en page 4 du procès-verbal, la liste des pièces ne suit pas une numérotation croissante et continue, l'intimé fait justement observer qu'il suffit de se reporter à l'extrait du procès-verbal pour constater qu'il ne peut être relevé qu'une simple erreur de plume sur un chiffre et qu'il convient de lire le nombre 11 095 au lieu de 10 095 ; que de même, si les appelants énoncent que le procès-verbal mentionne que Monsieur X... n'a pas formulé d'observations, il apparaît que les observations de Monsieur X... ont été recueillies et annexées au procès-verbal ; »

Alors, en premier lieu, que le procès-verbal d'une saisie effectuée dans le cadre d'une perquisition autorisée par le juge de la détention et des libertés doit relater de façon précise le déroulé des opérations ; que tel n'est pas le cas des procès-verbaux qui apparaissent vagues et évasifs ; qu'en l'espèce, concernant le procès-verbal relatif aux opérations à Champeaux, hormis l'heure d'arrivée des agents de l'administration, l'heure d'arrivée du représentant de l'occupant des lieux, et l'heure de clôture du procès-verbal, aucune indication n'est apportée sur le moment exact des saisies des documents « papier » ; qu'il n'est pas non plus indiqué l'heure précise de l'examen du matériel informatique ; que le procès-verbal évoque des investigations terminées sans identifier ces investigations ; que s'agissant des données informatiques, les numéros de série du matériel informatique examiné par les agents n'ont pas été indiqués sur le procès-verbal ; que la description du contenu du coffre-fort est incomplète ; que les noms des fonctionnaires ayant procédé matériellement aux examens et saisies des données « papier » et dématérialisées ne sont jamais précisés ; qu'en se bornant à constater que le procès-verbal litigieux relatait la chronologie des opérations de visite et les opérations de saisie et d'inventaire des documents sur support papier et de saisie de données informatiques, le magistrat délégué du premier président de la Cour d'appel de Paris a violé le IV de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Alors, en second lieu, que le procès-verbal d'une saisie effectuée dans le cadre d'une perquisition autorisée par le juge de la détention et des libertés doit relater de façon précise le déroulé des opérations ; que tel n'est pas le cas des procès-verbaux qui apparaissent vagues et évasifs ; qu'en l'espèce, concernant le procès-verbal relatif aux opérations rue Boccador, hormis l'heure d'arrivée des agents de l'administration, l'heure d'arrivée des avocats, conseils et représentants de l'occupant des lieux et des sociétés faisant l'objet de la mesure critiquée, et l'heure de clôture du procès-verbal, aucune indication n'est apportée sur le moment exact des saisies des documents « papier » ou sous forme électronique ; qu'il n'est pas précisé le matériel informatique sur lequel telle ou telle saisie a été pratiquée ; qu'il est impossible de déterminer à la seule lecture du procès-verbal si les pièces saisies sont afférentes aux activités menées par la société BRASSERIE INTERNATIONALE HOLDING EASTERN LIMITED ou à l'une ou l'autre de ses relations d'affaires ; que le procès-verbal évoque des investigations terminées sans identifier ces investigations ; que les noms des fonctionnaires ayant procédé matériellement aux examens et saisies des données « papier » et dématérialisées ne sont jamais précisés ; que, contrairement à ce qu'affirme l'ordonnance attaquée, le séquençage des numéros des pièces saisies ne permet pas de les identifier ; qu'en se bornant à constater que le procès-verbal litigieux relatait la chronologie des opérations de visite et les opérations de saisie et d'inventaire des documents sur support papier et de saisie de données informatiques et que l'erreur de séquençage n'est qu'une erreur de plume, le magistrat délégué du premier président de la Cour d'appel de Paris a violé le IV de l'article L 16 B du Livre des procédures fiscales et l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté leurs recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées le 17 juillet 2014,

Aux motifs que « le consentement nécessaire de l'occupant des lieux concerne les seules déclarations qui peuvent dorénavant être recueillies sur les agissements de fraude ou les demandes de justification d'identité et non les opérations de visite des lieux, d'examen et de saisie des documents ou support d'information ; qu'au surplus, les agents de l'administration n'ont procédé à aucune audition qui aurait excédé les questions strictement nécessaires à l'exécution correcte des opérations ; »

Alors que si au cours de la visite, les agents des impôts habilités peuvent recueillir, sur place, des renseignements et justifications concernant les agissements du contribuable faisant l'objet de la procédure de visite domiciliaire auprès de l'occupant des lieux ou de son représentant et, s'il est présent, de ce contribuable, c'est après les avoir informés que leur consentement est nécessaire ; que les agents menant les opérations à Champeaux ont interrogé à plusieurs reprises le représentant de l'occupant des lieux afin d'obtenir différents renseignements, tels que les identifiants et autres mots de passe nécessaires à l'ouverture des sessions sur le matériel informatique identifié dans le procès-verbal ; que les agents menant les opérations rue Boccador ont interrogé à plusieurs reprises l'occupant des lieux afin d'obtenir différents renseignements, tels que l'origine des locaux visités, les boissons commercialisées par le groupe dont la société BRASSERIES INTERNATIONALES HOLDING EASTERN limited SA fait partie et les identifiants et mots de passe nécessaires à l'ouverture de sessions sur le matériel informatique identifié dans le procès-verbal ; qu'en jugeant que le consentement nécessaire de l'occupant des lieux ne concerne pas les opérations de visite des lieux, d'examen et de saisie des documents ou support d'information, le délégué du premier président de la Cour d'appel a violé le III bis de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté leurs recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées le 17 juillet 2014,

Aux motifs que « l'ordre de saisie concernait tous documents en rapport avec les agissements présumés d'exercice, sans respect des obligations fiscales et comptables, d'une activité en France, prise dans son ensemble et sur la période non prescrite, permettait de procéder à la saisie des éléments comptables de personnes, physiques ou morales, pouvant être en relations d'affaires avec la société suspectée de fraude, des documents appartenant à des sociétés du groupe, des pièces pour partie utile à la preuve des agissements présumés ou en rapport, même partiel, avec les agissements prohibés et des documents même personnels d'un dirigeant et associé qui ne sont pas sans rapport avec la présomption de fraude relevée et peuvent permettre d'illustrer la fraude présumée, de déterminer les relations entre les sociétés et les dirigeants ou les mouvements financiers ; qu'en l'espèce, les agents ont procédé à une analyse des pièces, comme le démontre le fait que des saisies de pièces n'ont pas été effectuées sur tous les supports et que des courriers d'avocats ont été extournés ; que s'agissant des saisies papier, la lecture des pièces saisies contestées révèlent qu'elles sont bien en lien avec la fraude présumée »

Alors que l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales énonce que l'autorité judiciaire « peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support » ; que le droit au respect de la vie privée consacré par les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme s'oppose à ce que l'administration d'un Etat procède à des saisies massives et indifférenciées de documents ; qu'en l'espèce, la société BRASSERIES INTERNATIONALES HOLDING EASTERN LIMITED SA faisait valoir que les agents de l'administration ont procédé à l'analyse approfondie de données accessibles sur plusieurs supports informatiques et qu'à la suite de ces analyses, l'administration a procédé à la copie de documents provenant de certains matériels informatiques ; que l'administration a expliqué « qu'il a été constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation de visite et de saisie donnée par le juge des libertés et de la détention et susceptibles de se rapporter à la fraude présumée », sans délivrer le moindre détail des investigations pratiquées et de la méthode de détection des documents qui, par hypothèse, auraient un lien avec la fraude présumée ; qu'il n'y a donc aucun rapport de proportionnalité entre le but visé et les copies de fichiers dématérialisés réalisés, ce qui caractérise une saisie massive et indifférenciée des fichiers informatiques contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions et en accueillant au contraire la thèse selon laquelle les « agents ont procédé à une analyse des pièces » et que l'administration montrerait que « s'agissant des saisies papier la lecture des pièces saisies révèlent qu'elles sont bien en lien avec la fraude présumée », le magistrat délégué du premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté leurs recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées le 17 juillet 2014,

Aux motifs que « s'il n'y a pas de formalisme prévu de l'inventaire, sinon d'être signé dans les mêmes conditions que le procès-verbal et d'être suffisamment précis pour permettre d'identifier les pièces saisies, le contrôle de la validité de la saisie des pièces appréhendées s'exerce par la confrontation possible de l'ordonnance et des pièces saisies par le juge en cas de contestation ; que s'agissant de l'inventaire des données informatiques, elle observe qu'il est constitué de l'arborescence gravée sur les CD annexés au procès-verbal remis au magistrat d'une part, et à Monsieur X... d'autre part, ce qui permettait de connaître le contenu des données appréhendées, les CD sur lesquels l'inventaire était gravé, étant non réinscriptibles et finalisés ; qu'un inventaire papier n'était donc pas utile, les fichiers copiés apparaissent sur les CD avec leur chemin d'origine permettant donc de les identifier et de s'assurer de leur conformité avec les documents originaux, dont les appelants n'ont jamais été dessaisis ; »

Alors, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 IV du Livre des procédures fiscales, un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur le champ par les agents de l'administration des impôts, un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu et le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ; qu'en l'espèce, s'agissant de la saisie des documents « papier », le procès-verbal énumère les pièces ayant été saisies par l'administration fiscale ; ; qu'en l'espèce, l'énumération des pièces et documents saisis figure en page 5 du procès-verbal relatif aux opérations ayant eu lieu à Champeaux et en pages 3, 4, 5 et 7 du procès-verbal relatif aux opérations ayant eu lieu rue Boccador, dans le corps même de la description des opérations ; que cette énumération des pièces et documents saisis n'est pas annexée aux procès-verbaux et contrevient aux dispositions précitées qui imposent que, dans la mesure où un inventaire est établi, celui-ci doit être annexé au procès-verbal et non inséré dans le corps même du document qu'en jugeant le contraire, le magistrat délégué du premier président de la Cour d'appel a violé les dispositions du IV de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Alors, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 IV du Livre des procédures fiscales, un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur le champ par les agents de l'administration des impôts, un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu et le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de l'administration des impôts et par l'officier de police judiciaire ; qu'en l'espèce, s'agissant de la saisie des documents informatiques, le procès-verbal relate qu'un inventaire informatique a été élaboré ; qu'il est mentionné que cet inventaire a été gravé sur deux CD au lieu d'être annexé en tant que tel au procès-verbal ; qu'en outre, la seule lecture de l'inventaire des saisies informatiques, un fichier rtf de 4. 463 pages mentionnant pêle-mêle, sur cinq colonnes, le nom de dossiers ou de fichiers, leur « description », leur dernière date d'écriture, leur « hash value » et leur chemin complet, ne permet pas de s'assurer du caractère saisissable des pièces et de son exhaustivité ou de son absence de redondance ; qu'en jugeant toutefois qu'un inventaire papier n'était pas utile, les fichiers copiés apparaissant sur les CD avec leur chemin d'origine permettant donc de les identifier et de s'assurer de leur conformité avec les documents originaux, le délégué du premier président de la Cour d'appel a violé les dispositions du IV de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Alors, enfin, que les demanderesses au pourvoi faisaient valoir que la doctrine administrative BOI-CF-COM-20-20-20120912, paragraphe 120, impose la rédaction de deux documents distincts, à savoir un procès-verbal et un inventaire ; qu'en délaissant de telles conclusions qui étaient déterminantes puisque la doctrine de l'Administration s'impose à ses agents, le délégué du premier président de la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, ne satisfaisant pas ainsi aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile.

SEPTIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté leurs recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie effectuées le 17 juillet 2014,

Aux motifs qu'« il ressort du procès-verbal de visite et de saisie que les fichiers saisis ont été sélectionnés en extournant les courriers d'avocats suite à une liste de noms communiqués par Monsieur X... et ses avocats ; que les pièces concernant la société TPF ne mentionnent pas la société TMF en qualité d'avocat ce qui ne permet pas de savoir en quoi elles sont couvertes par le secret professionnel, les sociétés TMF MANAGEMENT NV, TMF ACCOUNTING SERVICES et TMF BELGIUM renvoyant toutes au site internet www. tmf-group. com, qui présente le groupe TMF en Belgique, dirigé par Ann Z...comme proposant des services financiers, comptables, de secrétariat juridique et d'entreprise ainsi que des services de gestion et de domiciliation ; que s'agissant des pièces sur lesquelles figure le logo « BLC », on ne peut que constater l'absence de toute mention relative à la qualité d'avocats ; que c'est à juste titre qu'il a pu être considéré que ces pièces n'étaient pas couvertes par le secret professionnel d'avocat ; »

Alors qu'en application de l'article L. 16 B-IV du Livre des procédures fiscales, si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés ; que le pouvoir reconnu aux agents de l'administration des impôts par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales de saisir les documents et supports informatiques, trouve sa limite dans le principe de la libre défense qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client ; que la violation du secret professionnel intervient dès que les documents sont saisis par les enquêteurs ; qu'en l'espèce, au cours des opérations de visite, des difficultés ont été portées à la connaissance des agents de l'administration, en présence constante de l'officier de police judiciaire, relatives à la saisie de certains documents protégés par le secret professionnel des avocats, comme l'attestent les observations annexées au procès-verbal ; que les documents litigieux consistaient en des échanges de courriers et courriels entre les contribuables et les cabinets d'avocats étrangers TMF et BLC en particulier ; que malgré les réserves et la sollicitation d'une mise sous scellés de ces documents, aucune mesure préalable au respect du secret professionnel n'a été prise avant d'établir l'inventaire des pièces et documents saisis ; que la difficulté soulevée lors des opérations relative au secret professionnel couvrant certaines correspondances devait faire l'objet d'une mesure préalable nécessaire au respect dudit secret, telle qu'une mise sous scellé, même si les documents litigieux pouvaient se révéler ultérieurement non couverts par le secret professionnel ; qu'en jugeant le contraire, le magistrat délégué du premier président a violé l'article L. 16 B-IV du Livre des procédures fiscales et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme.ECLI:FR:CCASS:2017:CO00026
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