Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 janvier 2017, 16-81.148, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


- M. Charles X...,


contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 28 janvier 2016, qui, pour escroquerie, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, cinq ans d'interdiction de gérer et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 23 novembre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Germain, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller GERMAIN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-1 et 313-1 du code pénal, préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'escroquerie, l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans, à une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de cinq ans, et a prononcé sur les intérêts civils ;

" aux motifs qu'il est constant que le 25 juin 2003, Mme Y...a remis à M. Jean-Pierre Z..., par l'intermédiaire de M. X..., un chèque d'un montant de 100 000 euros émis au bénéfice d'EPI et tiré sur son compte au Crédit agricole ; qu'il est tout aussi constant que des garanties, de ce qui était un prêt à très court terme, ont été remises à la partie civile, à savoir une promesse de cession de créance hypothécaire et un chèque tiré sur le compte personnel de M. Z...de 150 000 euros ; que, s'agissant des circonstances de la remise du chèque de 100 000 euros, il sera rappelé qu'il était destiné à l'obtention d'une subvention de la Commission européenne de 52 millions d'euros, destinée à financer un projet humanitaire de développement de l'agriculture en Ukraine, projet initié par la société BSI dirigée par M. Z...; qu'il est établi que le projet humanitaire n'avait aucune réalité, que les pièces censées en justifier n'étaient que des montages réalisés à partir de documents épars et sans consistance, collectés sur internet, que la société BSI était en sommeil depuis 2001 et qu'aucun dossier la concernant n'était en cours auprès de la Commission européenne, laquelle, au demeurant, n'avait pas eu de bureau à Marseille et que le document censé émaner de la Commission européenne, mentionnant qu'il restait à constituer une caution de 253 000 euros était un faux ; que si M. X... affirme n'avoir été qu'un simple intermédiaire dans la remise des fonds par Mme Y..., force est de constater que son rôle a été déterminant ; que c'est lui qui a présenté à la victime le projet humanitaire de la société BSI, un projet qu'il a présenté comme sérieux pour l'avoir vérifié, un projet dans lequel il a expliqué être partie prenante, le justifiant par la présentation d'un protocole d'accord de placement entre lui-même et la société BSI, et qui a expliqué, en avril 2003, que faute de fonds disponibles, il ne pouvait, contrairement à ses engagements, verser la somme de 100 000 euros conditionnant l'obtention de la subvention, somme qui n'était qu'un prêt à court terme ; que la cour observe que M. X..., ancien directeur de banque, ayant des activités dans le domaine des financements internationaux, n'a pu, à aucun moment de la procédure, fournir d'explication sur une pratique consistant à verser des fonds pour obtenir une subvention européenne ; que si M. X... affirme avoir fait en sorte que le prêt consenti par Mme Y...soit assorti de garanties sérieuses, force est de constater que ni le chèque de 150 000 euros tiré du compte personnel de M. Z..., ni la garantie hypothécaire sur un bien immobilier ne l'étaient ; qu'il est constant que le chèque de garantie de 150 000 euros a été tiré sur un compte clos, et que M. X..., qui a conservé ce chèque et ne l'a remis à Mme Y...qu'un an après et avec réticence, n'ignorait pas que ce chèque était sans provision et ne pouvait de ce fait être une garantie ; que, quant à la promesse de cession de créance hypothécaire, émise le 18 juin 2003, par la société A...-C...sur un bien immobilier situé à Mougins, en garantie de l'avance de fonds de 100 000 euros opérée au profit de la société BSI et remboursable au plus tard au 30 juin 2013, elle avait été émise au bénéfice de M. X... et ne constituait en rien une garantie pour Mme Y...; qu'au demeurant, la cour ne s'explique pas pourquoi cette promesse de cession de créance, émise le 18 juin 2003, n'a pas été émise au nom de Mme Y..., alors que M. X... savait dès avril 2003 qu'il ne pouvait remettre lui-même la somme de 100 000 euros et ses explications sur l'urgence ne résistent pas à l'examen objectif des dates ; que la cour relève que lors de son audition, M. Gérard A...a indiqué que M. X... n'avait pas tenté d'actionner en justice la caution et qu'il l'avait, en juin 2003, assuré du sérieux du projet, sur lequel il avait dit avoir fait personnellement des vérifications auprès de la Commission européenne et que le projet de la société BSI était bien enregistré ; qu'il sera rappelé les mensonges du prévenu sur sa situation financière appuyés par les faux documents de la banque Barclay's, des documents dont il ne pouvait ignorer qu'il s'agissait de faux, compte tenu des circonstances de leur obtention avancées devant la cour ; qu'il sera également rappelé que figure à la procédure une facture de la société Katzen, en sommeil depuis 2001, et dont il est le dirigeant, facture d'un montant de 100 000 euros intitulée « frais d'assistance d'ingénierie pour financement d'un financement », découverte par Mme Y...dans les papiers de M. X... et présentée par cette dernière comme une fausse facture destinée à rétribuer une prestation fictive ; que la cour ne s'explique pas les explications données par le prévenu sur cette facture, à savoir son émission en raison d'un refus de la partie civile de l'émettre elle-même car elle exigeait d'être payée sur l'étranger, des explications étayées par aucun élément objectif alors que le chèque de 100 000 euros émis par la partie civile l'a été sur son compte au crédit agricole, qu'elle a remis le chèque de 150 000 euros sur ce même compte ;

" 1°) alors que le délit d'escroquerie n'est constitué que si les moyens frauduleux employés, antérieurs à la remise, ont été déterminants de celle-ci ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. X... pour avoir présenté à Mme Y...des « garanties sérieuses », à savoir « le chèque de 150 000 euros tiré sur le compte personnel de M. Z...» tandis qu'elle a également constaté que ce chèque tiré sur le compte personnel de M. Z...avait été remis à titre de garantie à Mme Y...« un an après », la cour d'appel ne pouvait pas en déduire que le chèque, postérieur à la remise des fonds, avait été déterminant de celle-ci ; que dès lors la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;

" 2°) alors que l'escroquerie n'est caractérisée que si les moyens frauduleux employés sont de nature à induire la victime en erreur ; que la cour d'appel est entrée en voie de condamnation à l'encontre de M. X... pour avoir présenté à Mme Y...des « garanties sérieuses », à savoir « la garantie hypothécaire sur un bien immobilier » ; qu'elle a cependant également constaté que la promesse de cession de créance hypothécaire émise le 18 juin 2003 par la société A...-C...sur un bien immobilier situé à Mougins l'avait été « au bénéfice de M. X... » en sorte qu'elle ne constituait en rien une garantie pour Mme Y...qui était en mesure de s'en assurer à la seule lecture dudit document ; qu'en considérant cependant la production de ce document comme constitutive d'une manoeuvre frauduleuse, la cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision ;

" 3°) alors que la cour d'appel est entrée en voie de condamnation à l'encontre de M. X... en relevant également les faux documents de la banque Barclay's produits par celui-ci ; que dans ses conclusions régulièrement déposées, M. X... invoquait le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 13 décembre 2007 lequel l'a relaxé du chef d'usage de faux concernant les documents Barclay's en cause et a constaté également que M. X... avait rendez-vous le 16 septembre 2003 avec le sous-directeur au service juridique de la Barclay's Bank pour vérifier l'authenticité desdits documents, ce dont il résulte que ce n'est qu'à compter de la date du 16 septembre 2003 que M. X... a connu la fausseté des documents, soit postérieurement à la remise des fonds du 25 juin 2003 ; qu'en ne répondant pas à ces arguments péremptoires, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

" 4°) alors que nul ne peut être responsable que de son propre fait ; que l'escroquerie ne peut être caractérisée que si les moyens frauduleux ont été commis par le prévenu ; que la cour d'appel a constaté que la facture de la société Katzen a été « découverte par Mme Y...dans les papiers de M. X... », ce qui implique que ces documents n'ont pas été présentés par M. X... aux fins d'obtenir d'elle la remise des fonds ; qu'en retenant cependant cet élément comme constitutif d'une manoeuvre frauduleuse commise par celui-ci, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi du chef d'escroquerie, que les juges du premier degré l'ont condamné à un an d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende et cinq ans d'interdiction de gérer, que M X... et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour dire établi le délit d'escroquerie, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui caractérisent les manoeuvres frauduleuses antérieures à la remise des fonds, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 112-1, 313-1 et 313-7 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'escroquerie, l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans, à une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de cinq ans, et a prononcé sur les intérêts civils ;

" aux motifs qu'au regard de la gravité objective des faits, des circonstances de leur commission, des éléments de la personnalité du prévenu dont le casier judiciaire porte mention d'une condamnation pour des faits similaires commis courant 2002, la cour condamnera M. X... à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis avec mise à l'épreuve pendant deux ans avec l'obligation d'indemniser la partie civile ; que la cour confirmera l'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de cinq ans ;

" alors que seule peut être prononcée une peine légalement applicable à la date à laquelle les faits constitutifs d'une infraction ont été commis ; que la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler une entreprise commerciale ou industrielle, édictée par l'article 313-7 2° du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, ne saurait s'appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur ; qu'en prononçant cette peine complémentaire à l'encontre de M. X... pour réprimer des faits d'escroquerie intervenus au plus tard en juin 2003, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;

Vu l'article 111-3 du code pénal ;

Attendu que, selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ;

Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable d'escroquerie, l'arrêt condamne celui-ci, notamment, à cinq ans d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise commerciale ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'infraction dont il a été déclaré coupable est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, qui, a institué cette peine complémentaire et modifié l'article 314-10 du code pénal, la cour d'appel a méconnu les textes et principe ci-dessus rappelés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 28 janvier 2016, en ses seules dispositions ayant prononcé à l'égard de M. X..., la peine de cinq ans d'interdiction de gérer, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

ECLI:FR:CCASS:2017:CR05750
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