Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 novembre 2016, 15-17.163, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 15-17.163
- ECLI:FR:CCASS:2016:SO02093
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- Mme Guyot (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, que Mme X... a été engagée le 4 mars 2002 en qualité de voyageur représentant placier, par la société Val, aux droits de laquelle se trouve la société Europ Ecrins ; qu'invoquant une atteinte au principe d'égalité de traitement, elle a saisi en référé la juridiction prud'homale aux fins de voir ordonner la communication par son employeur de divers documents relatifs à la rémunération des autres VRP de la société sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter la salariée de cette demande, l'arrêt retient que la demande de communication de pièces est trop étendue et trop imprécise pour qu'il puisse en être apprécié en référé la pertinence, notamment au regard du principe de protection de la vie privée des autres salariés, considération d'équilibre des droits que le juge du fond est mieux à même d'apprécier au cas d'espèce et qu'il n'existe pas de risque de dépérissement des preuves, de sorte qu'en l'état, la salariée ne justifie pas d'un intérêt légitime conduisant à ce qu'il soit fait droit à sa demande en référé ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors qu'il lui appartenait de vérifier si les mesures demandées étaient nécessaires à l'exercice du droit à la preuve de la partie qui les sollicitait et ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie personnelle des salariés concernés, la cour d'appel, qui a méconnu ses pouvoirs, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la société Europ Ecrins aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Europ Ecrins à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour Mme X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de toutes ses demandes tendant à voir ordonner, sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, la production, par son employeur, la société Europ Ecrins, des contrats de travail, avenants aux contrats de travail, fiches de paie, toutes indications sur les modalités de rémunération de neuf autres voyageurs représentants placiers, ainsi qu'un tableau récapitulatif des rémunérations fixes des différents voyageurs représentants placiers, des taux de commissions, des prises en charge journalières de frais et des avantages en nature et d'AVOIR renvoyé les parties à se pourvoir au fond
AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article 145 CPC, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'en l'espèce, Mme X... possède déjà des éléments lui permettant d'engager son action au fond, ce qu'elle a d'ailleurs fait, mais sa demande de communication de pièces est trop étendue et trop imprécise pour qu'il puisse en être apprécié en référé la pertinence, notamment au regard du principe de protection de la vie privée des autres salariés, considérations d'équilibre des droits que le juge du fond est mieux à même d'apprécier au cas d'espèce, en outre, il n'existe pas de risque de dépérissement des preuves, de sorte qu'en l'état, Mme X... ne justifie pas d'un intérêt légitime conduisant à ce qu'il soit fait droit à sa demande en référé ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer l'ordonnance entreprise, sauf sur l'article 700 du code de procédure civile, dont l'équité ne commande pas l'application dans la présente procédure, tant en première instance qu'au fond ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE Madame X... Julia a le statut de voyageur représentant placier selon les articles L. 7313-1 et suivants du code du travail ; que chaque VRP est libre d'établir son horaire et son travail suivant sa seule volonté ; que Madame X... Julia est payée selon son contrat d'un fixe et de commissions et en particulier de l'avenant du 28 octobre 2009 fixant le taux de commissions de 6, 5 % porté à 7 % et à 8 % en fonction du chiffre d'affaires atteint annuellement, elle ne peut affirmer avoir un taux discriminatoire par rapport à ses collègues ; qu'elle dispose des tableaux reprenant le chiffre d'affaires par ligne de produits et totaux des VRP de la société ; qu'il lui est facile de se positionner par rapport à ses collègues ; que les secteurs et conditions de travail étant individuels et liés à chaque VRP sont différentes et que l'accord collectif national des VRP ne fixe pas de classification des emplois de VRP exclusif il ne peut y avoir de poste identique et comparable, à l'exception des zones touristiques du sud-est ; que ce fait existe depuis des années, voir note de 2011, et sont connus des intéressés, Mme X... Julia ne peut invoquer une discrimination et réclamer d'autres pièces et documents divers à la société Europ Ecrins ; que Mme X... Julia avait les frais de route les plus importants de la société pour un chiffre d'affaires le plus faible ; que les frais de repas et d'étapes sont communs à l'ensemble des VRP à l'exclusion des zones touristiques du sud-est et ce fait existe depuis des années-voir note de 2011- et sont connus des intéressés, Mme X... Julia ne peut invoquer une discrimination et réclamer d'autres pièces tableaux et documents divers à la société Europ Ecrins ; que la société Europ Ecrins attribue les types de véhicules de fonction selon un barème lié aux performances du chiffre d'affaires réalisé et connu des intéressés, elle ne peut n'ayant pas atteint les niveaux de chiffre d'affaires définis réclamer un véhicule autre que celui correspondant à ses performances ; qu'il convient de débouter Mme X... Julia de ses demandes au motif qu'elle ne justifie pas de motif légitime, l'article 145 du code de procédure civile ne peut s'appliquer et l'inviter à saisir le juge du fond ;
1°) ALORS QUE l'absence d'instance au fond qui constitue une condition de recevabilité de la demande de mesure d'instruction avant tout procès s'apprécie à la date de saisine de la formation de référé du conseil de prud'hommes ; qu'en énonçant, pour débouter Mme X... de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à son employeur de communiquer diverses pièces relatives à la rémunération et aux avantages alloués par celui-ci aux autres voyageurs représentants placiers, qu'elle possédait déjà des éléments lui permettant d'engager une action au fond, ce qu'elle avait fait, sans préciser à quelle date cette action au fond avait été engagée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'action engagée au fond ne fait pas obstacle à la recevabilité d'une demande de mesure d'instruction avant tout procès, en l'absence de lien entre cette action et la mesure d'instruction sollicitée ; qu'en énonçant, pour débouter Mme X... de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à son employeur de communiquer diverses pièces relatives à la rémunération et aux avantages alloués par celui-ci aux autres voyageurs représentants placiers, qu'elle possédait déjà des éléments lui permettant d'engager une action au fond, ce qu'elle avait fait, sans répondre aux conclusions d'appel de l'exposante faisant valoir qu'elle avait saisi le conseil de prud'hommes au fond, postérieurement à l'ordonnance entreprise, d'une action tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour modification unilatérale dudit contrat et manquement aux engagements contractuels, tandis que la mesure d'instruction sollicitée visait à établir l'existence d'une différence de traitement entre l'exposante et les autres voyageurs représentants placiers, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en affirmant que Mme X... disposait déjà d'éléments lui permettant d'engager une action au fond, ce qu'elle avait fait, sans préciser les éléments dont il s'agissait, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le respect de la vie privée des salariés ne constitue pas, en lui-même, un obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que la mesure requise procède d'un motif légitime et est nécessaire à la protection des droits de la partie qui l'a sollicitée ; qu'en énonçant, pour en débouter Mme X..., que sa demande de communication de pièces était trop étendue et imprécise au regard notamment du principe de protection de la vie privée des salariés, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE le respect de la vie privée des salariés ne constitue pas, en lui-même, un obstacle à l'application de l'article 145 du code de procédure civile dès lors que la mesure requise procède d'un motif légitime et est nécessaire à la protection des droits de la partie qui l'a sollicitée ; qu'en énonçant, pour en débouter Mme X..., que sa demande de communication de pièces était trop étendue et imprécise au regard du principe de protection de la vie privée des salariés, sans rechercher si cette mesure ne procédait pas d'un motif légitime d'obtenir les éléments de preuve nécessaires à établir la différence de traitement dont l'exposante estimait être victime et, partant, à la protection de ses droits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QU'il résulte des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile que la procédure qu'il prévoit n'est pas limitée à la conservation des pièces mais peut aussi tendre à leur établissement ; qu'en énonçant, pour débouter Mme X... de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à son employeur de communiquer diverses pièces relatives à la rémunération et aux avantages alloués par celui-ci aux autres voyageurs représentants placiers, qu'il n'existait pas de risque de dépérissement des preuves, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE le salarié qui se prétend victime d'une différence de traitement par rapport à d'autres salariés placés dans une situation identique, devant présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence de la différence alléguée, il justifie d'un motif légitime à obtenir la communication, par l'employeur qui les détient, des contrats de travail, bulletins de salaire et modalités de rémunération des salariés effectuant le même travail ou un travail de valeur égale, lui permettant d'apprécier, avant d'engager une action fondée sur le principe " à travail égal, salaire égal ", l'existence de la différence de traitement présumée, cette communication étant ainsi nécessaire à la protection de ses droits ; que Mme X... ayant sollicité qu'il soit enjoint à son employeur de communiquer les contrats de travail et leurs avenants, les fiches de paye et toutes indications sur les modalités de rémunération des neuf autres voyageurs représentants placiers de la société depuis le 1er janvier 2009, ainsi que le tableau comparatif des rémunérations servies aux différents voyageurs représentants placiers, la cour d'appel qui a énoncé que la demande de communication de pièces de l'exposante était trop étendue et imprécise au regard notamment du principe de protection de la vie privée des salariés et qu'il n'y avait pas de risque de dépérissement des preuves, pour l'en débouter, a violé l'article 145 du code de procédure civile et les articles L. 1144-1, L. 3221-2 à L. 3221-4 et L. 3221-8 du code du travail ;
8°) ALORS QUE, dans ses conclusions d'appel, Mme X... avait fait valoir que la différence de traitement entre voyageurs représentants placiers dont elle suspectait être victime avait été reconnue par le directeur commercial de la société Europ Ecrins dans une lettre qu'il lui avait adressée le 15 mai 2012 et que la société Europ Ecrins avait elle-même reconnu, dans ses propres écritures, l'existence, entre ses voyageurs représentants placiers, d'une différence de rémunération fixe, celle-ci variant de 1 000 à 1 830 euros, de taux de commissions, celui-ci variant de 6 à 8 %, voire à 12 %, et de catégorie de véhicule de fonction ; qu'en énonçant que Mme X... ne justifiait pas d'un motif légitime justifiant qu'il soit fait droit à sa demande de communication de pièces, sans répondre à ce moyen de ses conclusions d'appel, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
9°) ALORS QUE le salarié qui se prétend victime d'une différence de traitement par rapport à d'autres salariés placés dans une situation identique, devant présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence de la différence alléguée, il justifie d'un motif légitime à obtenir la communication, par l'employeur qui les détient, des contrats de travail, bulletins de salaire et modalités de rémunération des salariés effectuant le même travail ou un travail de valeur égale, lui permettant d'apprécier, avant d'engager une action fondée sur le principe " à travail égal, salaire égal ", l'existence de la différence de traitement présumée, cette communication étant ainsi nécessaire à la protection de ses droits ; que, pour considérer que Mme X... ne justifiait pas d'un motif légitime à obtenir la communication de pièces sollicitée, la cour d'appel qui a jugé qu'elle ne pouvait invoquer une discrimination et qui, ce faisant, a tranché la question de fond dont la solution dépendait de la preuve pour l'établissement de laquelle l'exposante l'avait saisie, a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1144-1, L. 3221-2 à L. 3221-4 et L. 3221-8 du code du travail ;
10°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en énonçant que Mme X... étant contractuellement payée selon un fixe et un taux de commission de 6, 5 %, porté à 7 % et à 8 % en fonction du chiffre d'affaires atteint annuellement, elle ne pouvait affirmer avoir un taux discriminatoire par rapport à ses collègues, sans fournir le moindre motif susceptible de justifier pareille assertion et sans notamment relever le moindre élément relatif à la rémunération des autres voyageurs représentants placiers, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
11°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE le salarié qui se prétend victime d'une différence de traitement par rapport à d'autres salariés placés dans une situation identique, devant présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence de la différence alléguée, il justifie d'un motif légitime à obtenir la communication, par l'employeur qui les détient, des contrats de travail, bulletins de salaire et modalités de rémunération des salariés effectuant le même travail ou un travail de valeur égale, lui permettant d'apprécier, avant d'engager une action fondée sur le principe " à travail égal, salaire égal ", l'existence de la différence de traitement présumée, cette communication étant ainsi nécessaire à la protection de ses droits ; que Mme X... ayant sollicité qu'il soit enjoint à son employeur de communiquer les contrats de travail et leurs avenants, les fiches de paye et toutes indications sur les modalités de rémunération des neuf autres voyageurs représentants placiers de la société ainsi que le tableau comparatif de leurs rémunérations, la cour d'appel qui, pour la débouter de sa demande, a énoncé qu'elle disposait des tableaux des chiffres d'affaires par ligne de produits et totaux des voyageurs représentants placiers de la société, ce qui lui permettait de se positionner par rapport à ses collègues, et qu'elle ne pouvait réclamer d'autres pièces et tableaux, a statué par un motif inopérant, en violation des articles 145 du code de procédure civile, L. 1144-1, L. 3221-2 à L. 3221-4 et L. 3221-8 du code du travail ;
12°) ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; que pour débouter Mme X... de sa demande de communication des contrats de travail et de leurs avenants, des fiches de paye et de toutes indications sur les modalités de rémunération des neuf autres voyageurs représentants placiers de la société, depuis le 1er janvier 2009, ainsi que du tableau comparatif des rémunérations servies aux différents voyageurs représentants placiers, détenus par la société Europ Ecrins, la cour d'appel qui a énoncé qu'il ne pouvait y avoir de poste identique et comparable entre les voyageurs représentants placiers, ceux-ci ayant des secteurs et des conditions de travail différentes et " l'accord collectif national " des voyageurs représentants placiers ne fixant pas de classification des emplois de voyageurs représentants placiers exclusifs, de sorte que Mme X... ne pouvait invoquer une discrimination, sans relever le moindre élément de nature à établir qu'aucun des voyageurs représentants placiers percevant une rémunération fixe et un taux de commissions plus élevés que ceux alloués à Mme X... et bénéficiant d'un remboursement de frais et d'une catégorie de véhicule de catégorie supérieurs aux siens n'aurait accompli le même travail qu'elle ou un travail de valeur égale, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile et des articles L. 1144-1, L. 3221-2 à L. 3221-4 et L. 3221-8 du code du travail ;