Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 novembre 2016, 15-19.957, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 15-19.957
- ECLI:FR:CCASS:2016:C301280
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 14 avril 2015), que, par acte des 23 et 31 décembre 1993, André X... a donné à bail à ferme à son fils Alain plusieurs parcelles agricoles, pour une durée de dix-huit années ; qu'il est décédé le 25 octobre 1998 ; que ses héritiers ont procédé au partage par voie de tirage au sort ; que certaines parcelles sont demeurées en indivision ; que, par acte du 30 juin 2010, les consorts Jean-Marie, Hubert, Louise, Marie-Agnès, Bernard, Marie-Paule et Françoise X... ont fait délivrer un congé à M. Alain X... pour le 31 décembre 2011, date d'expiration du bail, en raison de l'âge de la retraite du preneur ; que celui-ci a saisi le tribunal paritaire en annulation du congé et autorisation de céder le bail à son fils ; que les consorts X... ont sollicité la validation du congé et reconventionnellement la résiliation du bail ;
Sur le second moyen :
Attendu que MM. Jean-Marie et Hubert X... font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de résiliation ;
Mais attendu qu'ayant constaté que Mme Louise X... avait renoncé à poursuivre l'action en résiliation et que la demande à cette fin n'était présentée à l'audience que par les titulaires de six-dixième des droits indivis, soit moins des deux tiers des indivisaires au sens de l'article 815-3 du code civil, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci était irrecevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 815-3 du code civil ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que, lorsque le preneur a atteint l'âge de la retraite, le bailleur peut, par avis donné dix-huit mois à l'avance, mettre fin au bail rural à long terme, et, du second, que les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité, effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis et que le consentement de tous est nécessaire pour effectuer tout acte de disposition autre que la vente des meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;
Attendu que, pour déclarer nul et de nul effet le congé délivré le 30 juin 2010 pour mettre fin au bail le 31 décembre 2011, l'arrêt retient que l'un des indivisaires, auteurs de cet acte, y a renoncé le 3 février 2015 et que le congé n'est maintenu que par les titulaires de six-dixième des droits indivis, soit moins que la quotité des deux tiers exigée par l'article 815-3 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la régularité d'un congé s'apprécie à la date de sa délivrance et que la renonciation au bénéfice de celui-ci, après sa date d'effet, emporte le renouvellement du bail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit de nul effet le congé délivré le 30 juin 2010 à M. Alain X... portant sur les parcelles B 8 et 9, ZL 125 et ZN 28 et 29, l'arrêt n° RG : 13/ 02163 rendu le 14 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne M. Alain X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Alain X... et le condamne à payer à MM. Jean-Marie et Hubert X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour MM. Jean-Marie et Hubert X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit de nul effet le congé délivré le 30 juin 2010 à M. Alain X... portant sur les parcelles sises commune de Clastres (Aisne), cadastrées section B n° 8 et n° 9, section ZL n° 125 et section ZN n° 28 et n° 29 d'une contenance totale de 1ha 98a 55ca ;
AUX MOTIFS QUE Sur le congé, le bailleur tient des dispositions de l'article 416-1 al 4 du code rural la faculté de refuser le renouvellement du bail par avis donné au moins dix-huit mois à l'avance lorsque le preneur atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles ; que M. Alain X... né en 1948 et pour lequel l'âge visé à l'article L. 416-1 al 4 précité est demeuré fixé à soixante ans ayant atteint celui-ci le 21 avril 2008 congé pouvait lui être donné sur le fondement de ce texte pour le terme du bail fixé au 31 décembre 2011 par acte extrajudiciaire signifié le 30 juin 2010 ; que l'indivisibilité du bail cessant à son terme les consorts X... pouvaient, sous réserve de satisfaire à la condition résultant, pour les actes d'administration ressortissant de l'exploitation normale des biens indivis, de l'article 815-3 du code Civil dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, donner congé des parcelles incluses au bail des 23 et 31 décembre 1993 demeurées en indivision pour le 31 décembre 2011, date à laquelle ce bail venait à expiration ; qu'il ressort des actes reçus par Me Christophe A... comme des attestations rédigées par celui-ci et des protocoles d'accord des 22 avril 2006 et 1er juin 2011 que :- l'indivision X... se compose de Mme Marie-Paule X..., veuve B..., (1/ 10e), Mme Louise X..., veuve C..., (1/ 10e), M. Jean-Marie X... (1/ 10e), Mme Marie-Agnès X..., épouse D..., (1/ 10e), M. Bernard X... (1/ 10e), M. Hubert X... (1/ 10e), ceux-ci auteurs du congé du 30 juin 2010 représentant ensemble les 7/ 10e des droits indivis, M. Daniel X... (1/ 10e), M. Alain X... (1/ 10e) et, en représentation de Mme Brigitte X..., épouse E..., (1/ 10e), leur mère décédée, de M. Thierry E..., Mme Sandrine E...et Mme Stéphanie E...;- M. Jean-Marie X... aux termes de trois actes authentiques du 30 décembre 2003 a acquis les droits successifs de Mme Marie-Paule X..., veuve B..., de Mme Françoise X... et des consorts E...mais seulement en ce qu'ils concernaient les biens faisant l'objet du partage immobilier sous conditions suspensives du 26 octobre 2006 (acte p. 4 IV°) Cessions de droits indivis-Accord du 22 avril 2006 p. 5) de sorte que les cédants sont demeurés membres de l'indivision pour les biens faisant l'objet du congé contesté ce que démontre encore leurs interventions au protocole d'accord du 1er juin 2011 relatif aux biens restés indivis ; qu'en réponse à une sommation interpellative que M. Alain X... lui a fait délivrer par Me Philippe F..., Huissier de Justice, le 3 février 2015, Mme Louise X..., veuve C..., détenant 1/ 10e des droits indivis, a apposé sur cet acte une mention manuscrite suivie de sa signature par laquelle elle déclare notamment renoncer au congé délivré à M. Alain X... ; qu'il suit de cette renonciation, dépourvue de toute équivoque dès lors que ladite sommation rappelle avec précision les litiges opposant les parties et que l'interpellée a apposé sa signature sous l'énonciation des questions qui lui étaient posées, que la validation du congé contesté délivré le 30 juin 2010 à M. Alain X... n'est plus poursuivie que par six indivisaires représentant ensemble 6/ 10e des droits indivis, soit moins des deux tiers de ceux-ci comme l'exige l'article 815-3 du code civil pour pouvoir effectuer un acte d'administration sans l'accord unanime de tous les indivisaires et que ce congé est désormais de nul effet ;
1) ALORS QUE la régularité formelle d'un congé s'apprécie à la date de sa signification ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a expressément constaté que les auteurs du congé délivré le 30 juin 2010 pour le 31 décembre 2011 représentaient ensemble les 7/ 10e des droits indivis ; qu'en déclarant de nul effet le congé signifié le 30 juin 2010 motif pris de la renonciation d'un des auteurs du congé à ses effets le 3 février 2015, la Cour d'appel a violé l'article 815-3 du code civil, ensemble les articles L. 411-47 et L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime ;
2) ALORS subsidiairement QU'un congé, valable à la date à laquelle il doit produire effet, met fin au contrat de façon irrévocable ; qu'en déclarant de nul effet le congé signifié le 30 juin 2010 et destiné à mettre fin au contrat de bail le 31 décembre 2011, motif pris de la renonciation d'un des auteurs du congé le 3 février 2015, c'est-à-dire postérieurement à la date d'effet du congé, la Cour d'appel a violé l'article 815-3 du code civil, ensemble les articles L. 411-47 et L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime ;
3) ALORS, en toute hypothèse, QUE la renonciation à un congé valablement délivré, qui emporte le renouvellement du bail, suppose l'accord unanime des indivisaires ; qu'en déclarant de nul effet le congé signifié le 30 juin 2010 motif pris de la renonciation d'un seul des auteurs du congé à ses effets, tout en constatant que les autres auteurs du congé souhaitaient le maintenir, la cour d'appel a violé l'article 815-3 du code civil et les articles L. 411-47 et L. 416-1 du code rural et de la pêche maritime.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande de résiliation de bail formée par M. Hubert X..., M. Jean-Marie X..., Mme Marie-Agnès X..., épouse D..., Mme Marie-Paule X..., veuve B..., M. Bernard X... et Mme Françoise X... ;
AUX MOTIFS QUE Sur la demande de résiliation de bail, la demande en résiliation de bail formée pour la première fois en cause d'appel par les consorts X...est recevable pour ne pas être nouvelle au sens de l'article 565 du code de Procédure Civile dès lors qu'elle tend à la même fin, savoir la libération des biens loués par M. Alain X..., que celle originaire en validation du congé délivré le 30 juin 2010 ; qu'aux termes de la mention manuscrite qu'elle a apposée sur l'acte de sommation interpellative du 3 février 2015 Mme Louise X..., veuve C..., a indiqué, outre qu'elle renonçait au congé délivré à M. Alain X..., qu'elle souhaitait se désister des procédures engagées ; qu'il résulte de cette volonté clairement exprimée que celle-ci ne souhaite plus être associée à la demande en résiliation de bail présentée par les consorts X... et que dès lors cette prétention n'est plus maintenue que par M. Hubert X..., M. Jean-Marie X..., Mme Marie-Agnès X..., épouse D..., Mme Marie-Paule X..., veuve B..., M. Bernard X... et Mme Françoise X... ne représentant ensemble que 6/ 10ème des droits indivis soit moins que la quotité exigée par l'article 815-3 du code Civil pour poursuivre la résiliation du bail ; que cette demande sera déclarée irrecevable ;
ALORS QUE si le concours de la majorité des deux-tiers des indivisaires est nécessaire pour exercer une action tendant à mettre fin au bail d'un immeuble indivis, la même majorité est requise pour abandonner une telle action lorsqu'elle a été régulièrement engagée ; qu'en déclarant irrecevable la demande de résiliation du bail formée par des indivisaires dont les droits représentaient 7/ 10e de l'indivision, au motif que l'un d'entre eux avait, par la suite, entendu se désister, tout en constatant que la demande de résiliation était maintenue par 6/ 10e des droits indivis, ce qui impliquait que le désistement soit soutenu seulement par 4/ 10e seulement des indivisaires, soit moins que les deux tiers requis, la cour d'appel a violé les articles 815-3 du code civil, L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime et 385 du code de procédure civile.