Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 16 novembre 2016, 16-82.377, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 16-82.377
- ECLI:FR:CCASS:2016:CR05258
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation et désignation de juridiction
- Président
- M. Guérin
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Robert X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de REIMS, chambre correctionnelle, en date du 10 février 2016, qui, pour harcèlement sexuel, l'a condamné à six mois d'emprisonnement et 1 500 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 octobre 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Béghin, conseiller rapporteur, M. Castel, Mme Caron, M. Moreau, Mme Drai, M. Stephan, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Mondon ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BÉGHIN et les conclusions de M. l'avocat général MONDON ;
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation pris des articles 61-1 de la Constitution et 23-5 de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 ;
Attendu que le demandeur a posé à l'occasion de son pourvoi la question prioritaire de constitutionnalité, portant sur l'article 222-33 du code pénal, dont il avait saisi le tribunal correctionnel ; que, par arrêt du 25 mai 2016, la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer cette question au Conseil constitutionnel ; qu'il s'ensuit que le moyen est sans objet ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 112-1 du code pénal ;
Vu ledit article, ensemble l'article 222-33, I, du code pénal ;
Attendu qu'il se déduit du second de ces textes que chacun des propos ou comportements à connotation sexuelle, imposés de façon répétée à une personne déterminée, retenus pour caractériser le délit de harcèlement sexuel, doit soit porter atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créer à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, sont seuls punissables les faits constitutifs d'une infraction à la date à laquelle ils ont été commis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X... a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef de harcèlement sexuel à l'encontre de Mmes Y..., Z... et A..., ses collègues de travail ; que le tribunal a déclaré M. X... coupable des faits qui lui étaient reprochés ; que le prévenu a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt attaqué relève que M. X... s'est quotidiennement adressé à chacune de ses collègues de travail en employant un vocabulaire et des gestes relevant de l'intimité, en ignorant leurs demandes pour qu'il change de comportement ; qu'à l'égard de Mme Y..., il a employé à plusieurs reprises une expression suggérant son désir d'avoir avec elle une relation sexuelle et lui a déclaré que si elle voulait voir son contrat de travail renouvelé, il fallait qu'il y ait des rapports de cette nature entre eux ; qu'il l'a également bloquée contre un mur en lui demandant un baiser ; qu'il a proposé à Mme Z... de descendre à la cave pour avoir un rapport sexuel avec elle et lui a déclaré qu'elle lui plaisait et qu'il pourrait lui faire découvrir l'amour ; qu'il a eu envers elle, de façon répétée et insistante, des regards et une attitude destinés à lui faire comprendre ses intentions sexuelles ; qu'il a déclaré à Mme A... qu'elle avait obtenu son changement de poste grâce à lui et qu'elle lui devait un acte sexuel ; qu'il lui a demandé de coucher avec lui et a eu des gestes lui rappelant sa volonté d'avoir des relations sexuelles avec elle ; que les juges retiennent que ces propos ou comportements revêtent une connotation sexuelle ; que la pression exercée sur Mme Y... pour obtenir des faveurs sexuelles était de nature à l'offenser ; que le geste de la bloquer contre un mur l'avait placée dans une situation gênante et intimidante ; que la proposition d'avoir un rapport sexuel à la cave pouvait être ressentie par Mme Z... comme humiliante ; que la rétribution de nature sexuelle réclamée à Mme A... était dégradante ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'article 222-33 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, a été abrogé à compter du 5 mai 2012 et que deux des victimes ont été employées du mois de mars 2012 au mois d'octobre 2013, soit pour partie avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 incriminant à nouveau le harcèlement sexuel, la cour d'appel, qui a retenu à l'encontre du prévenu des propos ou comportements à connotation sexuelle sans tous les dater, n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de vérifier que ceux qu'elle a pris en compte ont été commis à partir du 8 août 2012 ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le deuxième moyen de cassation proposé :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims en date du 10 février 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize novembre deux mille seize ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.