Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 10 novembre 2016, 14-25.631, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article R. 13-47 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors applicable, ensemble les articles 748-1, 748-3 et 748-6 du code de procédure civile et l'article 1er de l'arrêté du garde des sceaux du 5 mai 2010 relatif à la communication électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel ;

Attendu qu'il résulte de la combinaison des quatre derniers de ces textes que, en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, la déclaration d'appel, les actes de constitution et les pièces qui leur sont associées peuvent être valablement adressées au greffe de la chambre de l'expropriation par la voie électronique par le biais du « réseau privé virtuel avocat » (RPVA) ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société d'économie mixte d'aménagement de Gennevilliers (la SEMAG 92) a interjeté appel du jugement d'une juridiction de l'expropriation du 27 février 2013 qui fixait le montant des indemnités revenant aux consorts X... au titre de l'expropriation, à son profit, d'un bien immobilier leur appartenant ;

Attendu que pour déclarer l'appel irrecevable, la cour d'appel, après avoir relevé que la déclaration d'appel de la SEMAG 92 avait été reçue le 28 mars 2013, par le RPVA, retient que la procédure particulière d'appel en matière d'expropriation, mise en place par l'article R. 13-47 susvisé, n'a pas été respectée, la chambre traitant non pas les messages reçus par la voie du RPVA mais les courriers déposés au greffe ou adressés par lettre recommandée ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne MM. Gilbert et Jean-Baptiste X..., Mme Morgane X...et Mme Elise Z...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Société d'économie mixte d'aménagement de Genevilliers (SEMAG 92)

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel interjeté par la SEMAG 92 ;

Aux motifs que la SEMAG 92 a interjeté appel par déclaration reçue par RPVA au greffe de la Cour le 28 mars 2013 ; suivant mémoire, accompagné de documents, reçu le 27 mai 2013 par le greffe de la chambre qui l'a notifié le 28 mai 2013 par lettres recommandées dont les avis de réception ont été signés le 29 mai 2013 par la Trésorerie Générale des Yvelines France Domaine et le 30 mai par l'avocat des consorts X..., la SEMAG 92 a demandé à la cour de fixer en première instance les indemnités revenant aux consorts X... pour la dépossession de la parcelle cadastrée K n° 254 située ... à Genevilliers, toutes causes de préjudices confondues, en valeur libre, à 358. 500 euros ; suivant mémoire en réponse, accompagné de documents, reçu le 27 juin 2013 par le greffe de la chambre qui l'a notifié le 28 juin 2013 par lettres recommandées dont les avis de réception ont été signés le 1er juillet 2013 par la Trésorerie Générale des Yvelines France Domaines et par l'avocat de la SEMAG 92, les consorts X... ont demandé à la cour de fixer l'indemnité de dépossession de leur immeuble situé à Gennevilliers ... à la somme de 685. 900 euros outre le remploi et l'indemnisation accessoire pour 275. 392 euros, de leur allouer la somme de 4. 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de laisser les dépens à la charge de la SEMAG 92 ; les convocations ont été adressées, pour l'audience, par le greffe de la chambre, le 4 février 2014 par lettres recommandées dont les avis de réception ont été signés le 5 février 2014 par Mademoiselle Morgane X..., par la SEMAG 92, par la Direction générale des finances publiques des Hauts de Seine, et le 7 février 2014 par Monsieur Gilbert X..., par Madame Elise X... née Z..., l'avis de réception de Monsieur Jean-Baptiste X... ayant été retourné au greffe de la chambre avec la mention " destinataire inconnu à l'adresse " ;

qu'à l'audience, il a été demandé au conseil de la SEMAG 92 de produire, contradictoirement, en cours de délibéré, un justificatif de l'envoi en recommandé avec avis de réception de la déclaration d'appel ; la cour a reçu le 27 mars 2014 des documents du conseil de la SEMAG 92 ;

que l'article R. 13-47 du code de l'expropriation dispose que l'appel est interjeté par les parties ou par le commissaire du Gouvernement dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, par acte extrajudiciaire ou par déclaration faite ou adressée au greffe de la cour ; qu'à réception de la déclaration d'appel de la SEMAG 92 reçue par RPVA, le 28 mars 2013, avec référence, par le greffier de la cour, aux articles 902, 909, 665-1 3° du code de procédure civile, le greffe de la chambre des expropriations, le 2 avril 2013, a informé le conseil de la SEMAG 92 que la procédure n'a pas été effectuée correctement, la chambre traitant, non pas les messages RPVA mais les courriers déposés au greffe ou en recommandé, et l'article 909 du code de procédure civile ne devant pas être pris en compte, que les parties ont été avisées de l'appel ; que par la suite, le 23 mai 2013, le greffe a envoyé, en réponse, par RPVA, au conseil de la SEMAG 92, un " e-mail de refus de message " expliquant que la chambre des expropriations ne traite pas les messages RPVA et qu'il faut déposer les mémoires au greffe ou les envoyer en recommandé ; qu'au regard des pièces envoyées à la cour par le conseil de la SEMAG 92 et des pièces du dossier de la cour, la procédure particulière d'appel en matière d'expropriation, mise en place par l'article R. 13-47 du code de l'expropriation n'a pas été respectée ; que l'appel est donc irrecevable ;

Alors, d'une part, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant, d'office, et sans provoquer préalablement les explications des parties à cet égard-puisqu'elle s'est bornée, à l'audience, à demander au conseil de la SEMAG 92 de produire, contradictoirement, en cours de délibéré, un justificatif de l'envoi en recommandé avec avis de réception de la déclaration d'appel-que l'appel était irrecevable pour avoir été formé par déclaration reçue par RPVA et non par acte extrajudiciaire ou par déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la cour, ainsi que le prévoit l'article R. 13-47 du code de l'expropriation, la Cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, violant ainsi l'article 16 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article 1er de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel que, dans cette procédure, les envois et remises des déclarations d'appel peuvent être effectués par voie électronique entre un auxiliaire de justice et la juridiction, dans les conditions des articles 748-1 et suivants du code de procédure civile, selon les modalités prévues par cet arrêté ; qu'il en va ainsi s'agissant notamment de la procédure d'appel en matière d'expropriation ; qu'en se prononçant de la sorte, la Cour d'appel a violé les textes précités, ensemble les articles R. 13-47 et R. 13-51 du code de l'expropriation ;

Alors, en outre, subsidiairement, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que le droit à un procès équitable implique l'accès au juge ; qu'il résulte de l'article 1er de l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel que, dans cette procédure, les envois et remises des déclarations d'appel peuvent être effectués par voie électronique entre un auxiliaire de justice et la juridiction ; qu'il en va donc normalement ainsi s'agissant notamment de la procédure d'appel en matière d'expropriation ; qu'en considérant que l'article R. 13-47 du code de l'expropriation impliquait qu'en matière d'expropriation, l'appel soit formé par acte extrajudiciaire ou par déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la cour, la Cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Et alors, enfin, et en toute hypothèse, que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement ; que le droit à un procès équitable implique l'accès au juge ; que ce droit ne peut connaître de restrictions que dans la mesure où il n'est pas atteint dans sa substance même par des dispositions dont la clarté et la cohérence seraient insuffisantes ; que l'arrêté du 5 mai 2010 relatif à la communication par voie électronique dans la procédure sans représentation obligatoire devant les cours d'appel, dont il résulte que, dans cette procédure, les envois et remises des déclarations d'appel peuvent être effectués par voie électronique entre un auxiliaire de justice et la juridiction, permet à tout le moins légitimement de penser qu'un auxiliaire de justice a la possibilité d'interjeter appel par voie électronique en matière d'expropriation ; qu'en considérant que l'article R. 13-47 du code de l'expropriation impliquait qu'en matière d'expropriation, l'appel soit formé par acte extrajudiciaire ou par déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la cour, la Cour d'appel a violé l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.ECLI:FR:CCASS:2016:C201618
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