Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 20 octobre 2016, 15-20.179, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 15-20.179
- ECLI:FR:CCASS:2016:C301126
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 22 avril 2015), que, par acte authentique du 7 avril 1986, Yves X...a donné à bail à long terme diverses parcelles à M. et Mme Y...; que, par acte du 31 juillet 2001, il en a transmis la nue-propriété à son fils Dany ; qu'il est décédé en 2008 et Bernard Y... en 2010 ; que, depuis l'an 2000, les copreneurs ayant cessé leur activité, M. et Mme Z... exploitent les parcelles, qu'ils ont mises à la disposition d'une EARL, et payent des sommes au titre de fermages à M. Dany X... ; que celui-ci a saisi le tribunal paritaire en résiliation du bail pour cause de cession illicite ; que M. et Mme Z... ont invoqué reconventionnellement la résiliation amiable du bail et la conclusion d'un nouveau bail à leur profit ;
Attendu que Mme Y... et M. et Mme Z... font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail consenti à M. et Mme Y... et de les condamner à libérer les parcelles ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que l'exploitation n'était plus assurée par les titulaires du bail du 7 avril 1986, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié la portée des éléments produits et qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu retenir, sans inverser la charge de la preuve, que M. et Mme Z... ne démontraient pas que le bail d'origine avait été amiablement résilié par ses signataires et qu'un nouveau bail leur avait été consenti ;
Attendu, d'autre part, que, M. et Mme Z... n'ayant invoqué ni la transmission du bail d'origine résultant du décès d'un copreneur et de la retraite de l'autre, ni l'irrecevabilité de la demande de M. X... pour défaut d'intérêt à agir ni un abus du droit d'agir en justice et n'ayant pas sollicité l'imputation ou la restitution des sommes qu'ils avaient payées, le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... et M. et Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et de M. et Mme Z... et les condamne à payer à M. X... la globale somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour Mme Y... et M. et Mme Z...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation du bail rural consenti aux époux Y... par M. Yves X... et a condamné Mme Y..., ainsi que les époux Z... à libérer les parcelles litigieuses dans les deux mois de la signification de son arrêt ;
AUX MOTIFS QUE « les premiers juges ont exactement énoncé régissant la matière dont il s'évince que pour faire échec à la demande de résiliation du bail formé par M. X... sur le fondement de l'article L. 411-35 du code rural, il incombe irréductiblement – et à défaut l'appelant ne peut que prospérer en ses prétentions – aux intimés la charge d'administrer la preuve de la résiliation amiable du bail conclu le 7 avril 1986 entre M. Yves X... et les époux Y..., puis que ce même bailleur avait consenti un nouveau bail aux époux Z... ; qu'en revanche, l'appelant est fondé à faire grief au tribunal de s'être mépris dans l'appréciation de la valeur probante des moyens et donc d'en avoir tiré d'inexactes conséquences ; qu'en effet – et sans que soit critiquée la manifeste bonne foi des époux Z... qui n'ont usé d'aucune manoeuvre dolosive et qui se sont acquittés des obligations qu'ils croyaient, à tort mais sans malice, nées d'un contrat de bail – la preuve du consentement non équivoque aux actes juridiques successifs présentement invoqués ne s'avère pas suffisamment rapportée ; que de même, la mauvaise foi ne se présumant pas, les intimés arguent vainement de cette de l'appelant aux seuls motifs qu'il a engagé la présente action alors qu'il avait reçu des fermages et qu'il savait que les époux Z... exploitaient les parcelles litigieuses ; que les premiers juges ont exactement cité la teneur de l'acte sous seing privé du 27 juin 1997, signé par feu M. Yves X... et les époux Z..., dont ils ont fait un élément déterminant pour se convaincre de la résiliation du bail initial, et de la conclusion d'un nouveau bail ; que s'agissant de la résiliation du bail – qui suppose la renonciation non équivoque des époux Y... à leurs droits acquis – il convient avec l'appelant de souligner que le constat d'une telle volonté est compromis par l'absence de signature des époux Y... de l'écrit du 27 juin 1997 ou de tout autre document en ce sens, et il n'est pas établi, ni même allégué que ceux-là auraient demandé la résiliation dans les conditions et formes prévues par l'article L. 411-33 du code rural ; que certes, s'il est de principe que la résiliation amiable d'un bail rural, qui n'est soumise à aucune forme, se trouve toujours possible, il n'en demeure pas moins que doit être établie l'existence et la consistance d'une volonté contractuelle ; que la seule circonstance tirée par les premiers juges de l'âge des époux Y... et de la prise de leur retraite s'avère insuffisamment probante ; que les époux Y... sont demeurés taisants sur leur volonté, rien n'émanant de M. Y... datant d'avant son décès n'étant produit, et il convient d'observer que Mme Y... s'est bornée, après qu'elle avait été attraite à la procédure à solliciter sa mise hors de cause ; que surtout, l'appelant met en exergue l'équivoque d'une prétendue rencontre des volontés des parties au bail du 7 avril 1986 pour résilier amiablement celui-ci en se référant à l'acte authentique du 31 juillet 2001 – soit postérieur à l'acte du 27 juin 1997 ainsi qu'à la prétendue résiliation et à la date alléguée de conclusion d'un nouveau bail emportant donation à M. Dany X... par M. Yves X..., alors bailleur, de la nue propriété des parcelles litigieuses, et qui au paragraphe « Situation locative » stipule que celles-ci « sont louées à M. et Mme Y... suivant bail à long terme reçu par acte notarié du 7 avril 1986 ; que c'est en méconnaissant la force probante des énonciations d'un acte authentique, telle qu'elle résulte des articles 1318 et 1320 du code civil que les premiers juges ont cru pouvoir exclure tout effet à la mention précitée – ne serait-ce qu'en ne constatant pas l'équivoque qui s'en infère sur la commune intention contractuelle de M. Yves X... et des époux Y... puis de celui-ci et des époux Z... – en affirmant que celle-ci relevait « d'une erreur du rédacteur de l'acte » ; qu'il appert du tout que la preuve de résiliation du bail n'est pas constituée, ce qui suffit à exclure toute prétention des époux Z... à se prévaloir de al conclusion d'un bail, de sorte qu'il se trouve illicitement en vertu de l'article L. 411-35, cessionnaires du bail du 7 avril 1986 dont Mme Y... demeure preneur ; qu'au surplus la volonté commune contractuelle de ceux-ci et de M. Yves X... se heurte à la même équivoque que celle précédemment mise en exergue, étant de surcroît relevé avec l'appelant l'imprécision de l'écrit du 27 juin 1997 quant à la date d'effet du prétendu bail, et l'absence de fixation du prix, ce qui ne caractérise pas la réunion des éléments constitutifs d'une telle convention ; que ces constats ne sont pas utilement combattus par la réception des fermages par MM. Yves puis Dany X..., payés par les époux Z... ; que rien ne permet donc avec certitude de se convaincre que M. Yves X... avait exprimé une autre volonté que celle d'un simple engagement précontractuel, dont l'inexécution abusive aurait éventuellement pu ouvrir un droit à réparation, mais qui est insusceptible de produire les effets d'une renonciation aux droits nés d'un contrat, ni ceux d'une nouvelle convention ; que l'ensemble de cette analyse suffit à commander l'infirmation totale du jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de dommages et intérêts, ce dernier ne caractérisant pas même un nécessaire préjudice ; que consécutivement les intimés doivent être déboutés de toutes leurs prétentions ; qu'en revanche doit nécessairement être accueillis la demande de résiliation du bail du 7 avril 1986 ainsi que celle tendant à voir libérer les parcelles dont s'agit, sous les délais qui seront fixés au dispositif du présent arrêt mais sans qu'il y ait lieu de prévoir une astreinte ; »
ALORS, de première part, QU'il appartient à celui qui souhaite voir prononcer la résiliation d'un bail rural pour cession illicite de rapporter la preuve d'une violation de la prohibition énoncée à l'article L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ; qu'en condamnant les époux Z... à libérer les parcelles litigieuses au seul motif qu'ils ne rapportaient pas la preuve, d'une part, de la résiliation amiable du bail originaire, et, d'autre part, de la conclusion d'un nouveau bail à leur profit, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
ALORS, de deuxième part, QUE l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention ; que, pour condamner les époux Z... à libérer les parcelles litigieuses, sans rechercher, comme elle y était invitée par des conclusions non équivoques sur ce point, l'existence et la légitimité de l'intérêt à agir de M. Dany X..., ce dernier n'ayant invoqué aucun préjudice qui serait résulté pour lui d'une exploitation par les époux Z... des parcelles litigieuses, quand tout laisse à penser au contraire qu'il a tiré profit de la continuité de l'exploitation des parcelles, d'abord de manière indirecte, entre l'année 2000, date de départ à la retraite du dernier preneur indiqué au contrat originaire en âge d'exercer, et 2008, date du décès de son père, M. Yves X..., puis de manière directe à partir de l'année 2008, date à compter de laquelle il a encaissé personnellement les chèques libellés à son ordre pour le paiement des fermages échus à la suite du décès de son père, et ce jusqu'en 2012 ; la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile ;
ALORS, de troisième part, QUE le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès du preneur est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès ; qu'en prononçant la libération des parcelles litigieuses au profit du bailleur, tout en constatant que ce dernier n'avait saisi le premier juge en résiliation du bail signé par les époux Y... qu'en 2013, soit trois années après le décès de M. Y..., treize années après la date de cessation d'activité de Mme Y... et seize années après la date de cessation d'activité de M. Y..., la cour d'appel a violé l'article L. 411-34, alinéa 3, du code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, de quatrième part, QUE le juge doit donner aux actes ou aux faits leur exacte qualification juridique ; qu'en déclarant bien fondée l'action exercée par M. Dany X... en résiliation du bail pour cession illicite, tout en constatant l'encaissement par celui-ci des fermages échus entre 2008 et 2012, sans procéder à la qualification des sommes dont le paiement a éteint sa créance de loyers, ces sommes étant soient indues, en raison de l'inexistence de tout lien contractuel l'unissant aux époux Z..., soit le fruit d'une intention libérale, soit le résultat d'un paiement pour autrui, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
ALORS, QU'en tout état de cause, QU'à supposer que les époux Z... étaient tenus de rapporter la preuve d'un droit au bail né de la promesse unilatérale consentie par M. Yves X... en 1997, la cour d'appel, qui a relevé la bonne foi manifeste des époux Z... ainsi que leur paiement des obligations « qu'ils croyaient nées d'un contrat de bail », quand il n'était pas contesté qu'ils s'étaient acquittés des fermages de 2001 à 2012, se devait de rechercher si M. Dany X... n'avait pas commis une faute faisant dégénérer en abus l'exercice de son droit de résiliation du bail rural pour cession prétendument illicite ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1134, alinéa 3, du code civil ;
ET ALORS, enfin et partant, QU'en ne répondant pas aux conclusions des exposants, sur ce point, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile.