Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 6 octobre 2016, 14-11.855, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 14-11.855
- ECLI:FR:CCASS:2016:C301063
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Chauvin (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 novembre 2013), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 3 mai 2011, pourvoi n° 10-16.060), que M. X..., propriétaire de parcelles de terre données à bail à M. et Mme Y..., a délivré congé à ceux-ci qui avaient atteint l'âge de la retraite ; que ces derniers ont contesté ce congé et sollicité l'autorisation de céder le bail à leur fils ;
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejetter leur demande ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que M. X... produisait une lettre écrite en août 2005 par sa mère, alors bailleresse, reprochant aux preneurs de ne pas avoir payé le loyer depuis de nombreuses années et que ceux-ci, qui avaient répondu que les fermages antérieurs à 2000 avaient été payés, ainsi que Mme X... l'avait admis dans une attestation de décembre 2000, avaient envoyé un chèque couvrant les échéances postérieures et ayant souverainement retenu qu'un tel retard dans le paiement des fermages caractérisait le manquement des preneurs à l'une des obligations essentielles du bail et les constituait de mauvaise foi, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, qu'appréciant souverainement les éléments qui lui étaient soumis, la cour d'appel, qui a pu considérer que les manquements allégués, en l'absence d'une renonciation non équivoque du bailleur à s'en prévaloir, étaient d'une gravité suffisante pour refuser l'autorisation qui lui était demandée, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y... et les condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à annulation du congé délivré par M. X... aux époux Y..., d'avoir déclaré valable ledit congé, rejeté la demande d'autorisation de cession du bail formée par ces derniers et d'avoir ordonné en conséquence l'expulsion des époux Y... ainsi que de tous occupants de leur chef de l'exploitation située commune de Chalautre-La-Grande, lieudit Puits Jolly, enfin de les avoir condamnés au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du fermage prévu au bail à compter du 1er septembre 2008, et d'une somme de 1 140,50 euros à titre d'indemnité de rétablissement des bornes,
AUX MOTIFS QUE « M. X... a adressé un congé de reprise pour le 1er septembre 2008 aux époux Y... en raison de l'âge de ceux-ci ; que ces derniers sollicitent l'autorisation de céder le bail à leur fils majeur ; que M. et Mme Y... ont atteint l'âge de la retraite retenu en matière d'assurance vieillesse des exploitants agricoles respectivement les 20 octobre 2007 et 1er août 2008 ; que M. X... bénéficie d'une autorisation d'exploiter du 8 décembre 2008 et n'avait pas atteint l'âge de la retraite à la date prévue pour la reprise ; que le congé n'est donc pas nul ; que la cour n'a à rechercher si la cession du bail envisagée par les preneurs ne risque pas de nuire à l'intérêt légitime du bailleur qu'au regard uniquement de la bonne foi des cédants et de la capacité du cessionnaire à respecter les obligations nées du contrat ; que la faculté accordée au preneur de céder son bail à ses descendants devenus majeurs constitue une dérogation au principe général d'incessibilité du bail rural qui ne peut bénéficier qu'au preneur qui a satisfait à toutes les obligations nées de son bail ; que M. X... fait valoir que le défaut de paiement des fermages ne permet pas de considérer que les co-preneurs sont de bonne foi ; qu'est versée aux débats une lettre que madame Lucienne X... a fait signifier le 23 août 2005 aux époux Y... dans laquelle elle reproche à ces derniers de n'avoir pas payé le loyer depuis de nombreuses années ; que ces derniers ont répondu le 31 août 2005 que les fermages antérieurs à 2000 avaient été payés, ainsi que madame X... l'avait admis, dans une attestation du 31 décembre 2000 (règlement en espèces et quintaux de blé) mais ont joint un chèque en paiement des loyers postérieurs d'un montant de 2.901,40 € ; qu'un tel retard de plusieurs années dans le paiement des loyers, même s'il ne remplit pas les conditions exigées pour la résiliation du bail, caractérise le manquement des preneurs à l'une des obligations essentielles du bail et les constitue de mauvaise foi ; qu'ainsi, il apparaît justifié de refuser l'autorisation de cession du bail sollicitée par les époux Y... ; que l'expulsion des époux Y... doit être en conséquence ordonnée sans qu'il y ait lieu au prononcé d'une astreinte ; (…) qu'il convient de fixer [l'indemnité d'occupation] au montant du fermage prévu au bail » (arrêt, p. 5 et 6),
ALORS D'UNE PART QUE les juges saisis d'une demande d'autorisation de cession doivent rechercher en quoi l'opération risque ou non de nuire aux intérêts légitimes du bailleur, en tenant compte de la bonne foi du cédant et des conditions de mise en valeur de l'exploitation par le cessionnaire éventuel ; que la bonne foi du cédant est appréciée au regard des obligations nées du bail ; qu'en outre les défauts de paiement du fermage ne sont caractérisés que s'ils ont persisté plus de trois mois après l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception adressée au preneur ; qu'en statuant comme elle l'a fait, tout en constatant d'une part que Lucienne X... avait admis dans une attestation du 31 décembre 2000 que les loyers antérieurs à l'année 2000 visés dans sa lettre du 23 août 2005 avaient été payés, et d'autre part que le preneur avait répondu par lettre du 31 août 2005 que ces fermages avaient bien été réglés et joint à cette lettre un chèque de 2.901.40 euros en règlement de loyers arriérés postérieurs à l'année 2000, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé la mauvaise foi du preneur, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L411-31 et L 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
ALORS d'AUTRE PART QU'en toute hypothèse, le bailleur ne peut se prévaloir de motifs produits au cours du bail primitif pour refuser la cession du bail renouvelé ; qu'en l'espèce en réitérant que M. et Mme Y... avaient manqué à l'une des obligations du bail, à savoir « un retard de plusieurs années dans le paiement des loyers », sans même rechercher si le bailleur n'avait pas laissé le bail se renouveler à compter du 1er septembre 1999, de sorte que ce dernier ne pouvait se prévaloir, pour s'opposer à la demande de cession, de la mauvaise foi des preneurs, tirée de prétendus défauts de paiement des fermages bien antérieurs à la date de renouvellement du bail et à celle de la demande d'autorisation de cession, la cour d'appel n'a pas de ce chef, légalement donné de base légale à sa décision, au regard de l'article L411-35 du code rural et de la pêche maritime ;
ALORS ENFIN QUE les juges saisis d'une demande d'autorisation de cession d'un bail rural doivent se déterminer en fonction de la bonne foi du cédant et des conditions de mise en valeur de l'exploitation par le cessionnaire éventuel ; que la bonne foi du cédant est appréciée au jour de la demande en justice, au regard des obligations nées du bail ; qu'en outre les défauts de paiement du fermage ne sont caractérisés que s'ils ont persisté plus de trois mois après l'envoi d'une lettre recommandée avec avis de réception adressée au preneur ; qu'en retenant pour statuer comme elle l'a fait "un retard de plusieurs années dans le paiement des loyers" sans s'expliquer ni sur les échéances sur lesquelles portaient les retards, ni sur les conditions dans lesquelles le bailleur avait réclamé les fermages arriérés, la cour d'appel n'a pas de ce chef également, donné une base légale à sa décision au regard de l'article L411-35 du code rural et de la pêche maritime.