Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 septembre 2016, 15-24.015, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2015), que, victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule assuré auprès de la société Garantie mutuelle des fonctionnaires (l'assureur), Valentin X..., alors âgé de seize ans, a présenté diverses fractures, un hématome et un traumatisme crânien modéré ; que, le rapport déposé par l'expert judiciairement désigné faisant état de discordances entre les plaintes de la victime et les bilans médicaux normaux, l'assureur a confié à la société Cabinet d'investigations, de recherches et de renseignements (la société CI2R) une mission d'enquête, afin de vérifier le degré de mobilité et d'autonomie de l'intéressé ; que, lui reprochant d'avoir porté une atteinte illégitime au droit au respect de leur vie privée, M. X..., devenu majeur, et sa mère, Mme Y..., ont assigné l'assureur pour obtenir réparation de leurs préjudices, ainsi que la publication de la décision à intervenir ;

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. X... et Mme Y... la somme d'un euro chacun à titre de dommages-intérêts et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu'un assureur est fondé à diligenter une enquête afin de déterminer les besoins réels d'un assuré, la relation de faits anodins dans le rapport de filature, observés depuis la voie publique, ne peut caractériser une atteinte à la vie privée de ce dernier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les opérations de surveillance de M. X..., menées à la demande de l'assureur par la société CI2R depuis la voie publique, étaient justifiées ; qu'en relevant, pour retenir une atteinte à la vie privée de l'assuré, que le rapport d'enquête concernait en partie l'intérieur de sa maison en ce qu'il mentionne « dans la pièce en bas, femme âgée installée dans un fauteuil roulant », au second étage « jeune homme assis au bureau » ou encore « se lève tard, 11h », qu'il comportait les descriptions physiques et les recherches d'identité des différentes personnes se présentant à son domicile, ainsi que les mentions des heures et durées des déplacements de Mme Y..., la cour d'appel, qui a ainsi fait le constat de faits anodins ne pouvant caractériser une telle atteinte, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'une atteinte à la vie privée peut être justifiée lorsqu'elle est proportionnée au but poursuivi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que le but poursuivi par l'enquête diligentée par l'assureur était de vérifier le degré de mobilité et d'autonomie de M. X... ; qu'en se contentant d'affirmer que la relation des faits concernant l'intérieur du domicile de l'assuré constituait une atteinte excessive à sa vie privée sans rechercher, comme elle y était invitée, si les constatations ainsi opérées ne se réduisaient pas à la détermination du degré d'autonomie et de mobilité de l'assuré et étaient ainsi proportionnées au but poursuivi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que les atteintes à la vie privée peuvent être justifiées lorsqu'elles sont proportionnées au but poursuivi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que le but poursuivi par l'enquête diligentée par l'assureur était de vérifier le degré de mobilité et d'autonomie de M. X... ; qu'en considérant dès lors que les descriptions physiques et les recherches d'identité des différentes personnes qui s'étaient présentées à son domicile n'avaient aucun rapport avec le but de l'enquête, quand ces mentions avaient précisément permis aux juges du fond d'en déduire qu'il ne s'agissait pas de visites de personnel médical ou paramédical et, partant, faire le constat de ce que l'assuré n'avait pas besoin d'une assistance médicale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé les articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4°/ que les atteintes à la vie privée peuvent être justifiées lorsqu'elles sont proportionnées au but poursuivi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que le but poursuivi par l'enquête diligentée par l'assureur était de vérifier le degré de mobilité et d'autonomie de M. X... ; qu'en considérant que les mentions des heures et des durées des déplacements de Mme Y... étaient sans rapport avec l'objet de l'enquête, quand elles permettaient d'apprécier si M. X... était suffisamment autonome pour rester seul chez lui et accomplir les actes de la vie quotidienne sans avoir besoin de l'assistance d'un tiers, la cour d'appel a derechef violé l'article 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que l'assureur qui, légitimement, organise une filature pour contrôler et surveiller les conditions de vie de son assuré pour déterminer ses besoins réels d'assistance, est en droit de connaître le lieu de son domicile pour mener à bien son enquête ; qu'en considérant que l'interrogatoire d'un voisin pour connaître la domiciliation de M. X... était constitutive d'une atteinte excessive à sa vie privée, après avoir pourtant relevé que le rapport d'enquête réalisé par la société CI2R à la demande de l'assureur, dans le but d'établir le degré d'autonomie de M. X..., était justifié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ qu'en se bornant à considérer que les opérations de surveillance de l'intérieur de l'habitation de M. X..., les descriptions physiques et les recherches d'identité des différentes personnes se présentant à son domicile, les mentions des heures et durées des déplacements de Mme Y... ou l'interrogatoire d'un voisin pour confirmer la domiciliation de l'assuré, constituaient des atteintes à la vie privée manifestement disproportionnées au but légitimement poursuivi par l'assureur sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces atteintes n'étaient pas justifiées par l'exigence de la protection des droits et des intérêts de la compagnie d'assurance et de la collectivité de ses assurés et, partant, étaient proportionnées au regard des intérêts antinomiques en présence, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'après avoir décidé, à bon droit, que les opérations de surveillance et de filature menées par les enquêteurs mandatés par l'assureur étaient, par elles-mêmes, de nature à porter atteinte à la vie privée de M. X... et de Mme Y..., la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, énoncé qu'il convenait d'apprécier si une telle atteinte était proportionnée au regard des intérêts en présence, l'assureur ayant l'obligation d'agir dans l'intérêt de la collectivité des assurés et, pour ce faire, de vérifier si la demande en réparation de la victime était fondée ; qu'ayant constaté que les opérations de surveillance avaient concerné l'intérieur du domicile de M. X... et de sa mère, que les enquêteurs avaient procédé à la description physique et à une tentative d'identification des personnes s'y présentant et que les déplacements de Mme Y... avaient été précisément rapportés, elle a pu en déduire que cette immixtion dans leur vie privée excédait les nécessités de l'enquête privée et que, dès lors, les atteintes en résultant étaient disproportionnées au regard du but poursuivi ; que, par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Garantie mutuelle des fonctionnaires aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Garantie mutuelle des fonctionnaires.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la GMF à payer à M. Valentin X... et Mme Y... 1 euro chacun de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi du fait de l'atteinte à leur vie privée, ainsi qu'une somme de 1 000 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le rapport d'enquête réalisé dans le but d'établir le degré d'autonomie de Valentin X..., compte-tenu des interrogations résultant du rapport d'expertise médicale du 31 juillet 2011, était justifié, et que dans le cadre de leur mission, les enquêteurs mandatés par la GMF pouvaient suivre Valentin X... et sa mère sur la voie publique mais aussi les filmer et photographier dans l'enceinte d'un commerce ; que s'il est exact que les observations du rapport portant sur les déplacements à l'extérieur du domicile de Valentin X..., sur l'aide qu'il apporte à sa mère pour faire les courses dans les supermarchés et pour porter des paquets, ont bien été effectuées sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public et sont relatives à la mobilité et à l'autonomie de l'intéressé, en revanche, comme l'ont relevé les premiers juges, les limites de l'atteinte à la vie privée ont été dépassées par les enquêteurs dans la mesure où les opérations de surveillance ne se sont pas limitées à la voie publique mais ont concerné l'intérieur de l'habitation de Valentin X... et de sa mère puisque des personnes sont précisément décrites à l'intérieur du domicile : « dans la pièce en bas femme âgée installée dans un fauteuil roulant », au second étage « jeune homme assis un bureau », (en page trois), qu'il est fait état du fait que Valentin X... « se lève tard (vers 11h) », de la description physique et des recherches d'identités des différentes personnes qui se présentent à son domicile lesquels sont photographiées, des mentions des heures et durée des déplacements de sa mère Madame Nadine Y..., sans qu'il soit établi que ces éléments de surveillance aient un rapport avec le but de l'enquête que ce soit la vérification de la mobilité et de l'autonomie de Valentin X..., ou l'évaluation de ses différents préjudices, ne s'agissant pas de visites de personnel médical ou paramédical ; qu'il ressort également du rapport d'enquête que contrairement à ce qu'affirme l'appelante, des personnes de l'entourage de l'intéressé ont été interrogées notamment des responsables ou membre du club de tennis et de handball dont Valentin X... est adhérent, sur sa pratique sportive ; que si cette investigation pouvait être en lien avec le but poursuivi en revanche l'interrogatoire d'un voisin entendu pour confirmer la domiciliation de Valentin et de son père au domicile de la mère (page trois) était sans rapport avec l'enquête ;
qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement qui a constaté que les intimés ont fait l'objet d'une surveillance et d'une immixtion dans leur vie privée qui excédaient les nécessités de cette enquête privée, et qu'en conséquence les atteintes à la vie privée relevées étaient manifestement disproportionnées par rapport au but légitimement poursuivi ; que les atteintes à la vie privée apparaissent être indemnisées dans une juste mesure ; que la décision sera confirmée en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts ;

Et aux motifs adoptés que l'assureur ayant l'obligation d'agir également dans l'intérêt de la collectivité des assurés et, pour ce faire, de vérifier si la demande de réparation de la victime est justifiée, il convient d'apprécier si l'éventuelle atteinte portée à la vie privée des demandeurs du fait des investigations menées par les enquêteurs mandatés par la GMF, était proportionnée au regard des intérêts en présence, que les investigations du cabinet d'enquêteurs ont été réalisées dans le but d'établir le degré d'autonomie de Valentin X... compte tenu des interrogations contenues dans le rapport d'expertise médical du 31 juillet 2011 qui soulignait les discordances entre les plaintes multiples du blessé et les bilans médicaux normaux, dans un contexte psychologique perturbé et évoquait la possibilité de troubles somatoformes ; que le rapport d'enquête qui en est résulté était donc justifié ; qu'il n'est pas contesté que dans le cadre de leur mission, les enquêteurs mandatés par la GMF pouvaient suivre Valentin X... et sa mère sur la voie publique mais aussi les filmer et photographier dans l'enceinte d'un commerce ; que le rapport des enquêteurs de CI2R fait état cependant des éléments suivants : page 3 « Il semble que quelqu'un se trouve dans la maison. Nous apercevons par moment une silhouette de l'extérieur sans pouvoir identifier la personne (…) il (Valentin X...) se lève tard (vers 11h00) (…) Il reçoit peu. Lors des trois premières journées, il était en compagnie d'une personne âgée. Cette femme a été vue à plusieurs reprises en fauteuil roulant » ; que ces annotations révèlent une observation de l'intérieur du domicile de Valentin X... et ne sont pas justifiées par le but invoqué, à savoir l'enquête sur la réalité de son handicap ; que par ailleurs, le rapport indique : page 8 « une femme d'une cinquantaine d'années se présente au domicile et ouvre la porte avec ses clefs (…) Nous apprendrons par la suite qu'il s'agit de Mme Y... Martine, domiciliée Villecresnes », page 10 « une femme d'origine africaine se présente au domicile. Celle-ci est porteuse d'un sac en bandoulière de type sacoche d'ordinateur. Elle ressort de l'habitation à 12h30 », page 12 « La femme d'origine africaine venue le matin n'a pu être identifiée », page 17 « Une femme se présente au domicile de Mme Y.... Elle en ressort seule une heure plus tard », page 24 « 18h30 : une femme se présente au domicile, elle est porteuse d'une sacoche en cuir comme celle utilisée par les médecins. Celle-ci ressort du domicile quelques minutes plus tard et part en direction du centre-ville » ; que ces éléments attestent d'une surveillance des personnes rendant visite au domicile de Valentin X..., lesquelles sont photographiées et font l'objet de tentatives d'identification, investigations sans lien avec le handicap invoqué par Valentin X... et que les enquêteurs devaient surveiller ;
que le rapport atteste en outre d'une surveillance attentive des faits et gestes de Nadine Y..., mère de Valentin X..., dont les heures de sortie et de retour sont consignées chaque jour, notamment : page 17 « Madame Y... sort de son domicile pour se rendre jusqu'au centre-ville de l'agglomération de Mandres. Elle revient rapidement avec une baguette de pain » ; que par ailleurs, les enquêteurs ont procédé à l'interrogatoire de plusieurs personnes en contact ou non avec Valentin X... : « page 3 : Renseignements pris, M. X... père réside bien toujours à cette adresse. Un voisin nous confirme que son fils Valentin vit avec sa mère à Mandres des Roses », page 5 « Renseignements pris auprès du club (de tennis Marolle en Brie pour la saison 2010/2011), il ne s'agit en aucun cas de handisport. Cette section n'existe pas dans ce club. Valentin est simple adhérent et ne participe pas aux compétitions « Personne n'a été en mesure de nous dire sur place s'il pratiquait régulièrement (…) S'agissant du club de handball de Marolles, « personne ne connaît Valentin X... parmi les personnes présentes interrogées » ; qu'il est ainsi établi que les demandeurs ont fait l'objet d'une surveillance et d'une immixtion dans leur vie privée qui excédaient les nécessités de cette enquête privée ; (…) que loin de se limiter à la voie publique, les opérations de surveillance diligentées par la GMF ont concerné l'intérieur de l'habitation de Valentin X... et de sa mère, avec des observations faites par les fenêtres de leur domicile, concernant également leurs visiteurs, dont les enquêteurs ont relevé les heures d'arrivée et de sortie, sans qu'il soit établi que ces éléments de surveillance avaient un rapport avec l'objectif de la dite surveillance, à savoir vérifier la mobilité et l'autonomie de Valentin X... ;

Alors 1°) que lorsqu'un assureur est fondé à diligenter une enquête afin de déterminer les besoins réels d'un assuré, la relation de faits anodins dans le rapport de filature, observés depuis la voie publique, ne peut caractériser une atteinte à la vie privée de ce dernier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que les opérations de surveillance de M. Valentin X..., menées à la demande de la GMF par la société CI2R depuis la voie publique, étaient justifiées ; qu'en relevant, pour retenir une atteinte à la vie privée de l'assuré, que le rapport d'enquête concernait en partie l'intérieur de sa maison en ce qu'il mentionne « dans la pièce en bas, femme âgée installée dans un fauteuil roulant », au second étage « jeune homme assis au bureau » ou encore « se lève tard, 11h », qu'il comportait les descriptions physiques et les recherches d'identité des différentes personnes se présentant à son domicile, ainsi que les mentions des heures et durées des déplacements de Mme Y..., la cour d'appel, qui a ainsi fait le constat de faits anodins ne pouvant caractériser une telle atteinte, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors 2°) qu'en toute hypothèse, une atteinte à la vie privée peut être justifiée lorsqu'elle est proportionnée au but poursuivi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que le but poursuivi par l'enquête diligentée par la GMF était de vérifier le degré de mobilité et d'autonomie de M. Valentin X... ; qu'en se contentant d'affirmer que la relation des faits concernant l'intérieur du domicile de l'assuré constituait une atteinte excessive à sa vie privée sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions récapitulatives d'appel de l'exposante, p.13 et s.), si les constatations ainsi opérées ne se réduisaient pas à la détermination du degré d'autonomie et de mobilité de l'assuré et étaient ainsi proportionnées au but poursuivi, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors 3°) qu'en toute hypothèse, les atteintes à la vie privée peuvent être justifiées lorsqu'elles sont proportionnées au but poursuivi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que le but poursuivi par l'enquête diligentée par la GMF était de vérifier le degré de mobilité et d'autonomie de M. Valentin X... ; qu'en considérant dès lors que les descriptions physiques et les recherches d'identité des différentes personnes qui s'étaient présentées à son domicile n'avaient aucun rapport avec le but de l'enquête, quand ces mentions avaient précisément permis aux juges du fond d'en déduire qu'il ne s'agissait pas de visites de personnel médical ou paramédical et, partant, faire le constat de ce que l'assuré n'avait pas besoin d'une assistance médicale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a violé les articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors 4°) que les atteintes à la vie privée peuvent être justifiées lorsqu'elles sont proportionnées au but poursuivi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que le but poursuivi par l'enquête diligentée par la société GMF était de vérifier le degré de mobilité et d'autonomie de M. Valentin X... ; qu'en considérant que les mentions des heures et des durées des déplacements de Mme Y... étaient sans rapport avec l'objet de l'enquête, quand elles permettaient d'apprécier si M. Valentin X... était suffisamment autonome pour rester seul chez lui et accomplir les actes de la vie quotidienne sans avoir besoin de l'assistance d'un tiers, la cour d'appel a derechef violé l'article 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors 5°) que l'assureur qui, légitimement, organise une filature pour contrôler et surveiller les conditions de vie de son assuré pour déterminer ses besoins réels d'assistance, est en droit de connaître le lieu de son domicile pour mener à bien son enquête ; qu'en considérant que l'interrogatoire d'un voisin pour connaître la domiciliation de M. Valentin X... était constitutive d'une atteinte excessive à sa vie privée, après avoir pourtant relevé que le rapport d'enquête réalisé par la société C12R à la demande de la GMF, dans le but d'établir le degré d'autonomie de Valentin X..., était justifié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Alors 6°) qu'en se bornant à considérer que les opérations de surveillance de l'intérieur de l'habitation de M. X..., les descriptions physiques et les recherches d'identité des différentes personnes se présentant à son domicile, les mentions des heures et durées des déplacements de Mme Y... ou l'interrogatoire d'un voisin pour confirmer la domiciliation de l'assuré, constituaient des atteintes à la vie privée manifestement disproportionnées au but légitimement poursuivi par la GMF sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions récapitulatives d'appel de l'exposante, p.16 et s), si ces atteintes n'étaient pas justifiées par l'exigence de la protection des droits et des intérêts de la compagnie d'assurance et de la collectivité de ses assurés et, partant, étaient proportionnées au regard des intérêts antinomiques en présence, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

ECLI:FR:CCASS:2016:C100935
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