Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 septembre 2016, 15-13.740, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu selon l'arrêt attaqué (Pau, 8 janvier 2015), qu'engagé le 1er avril 1981 en qualité d'agent électricien par la société Autoroutes du Sud de la France (la société), M. X... est depuis 1997 investi de mandats électifs et syndicaux, que l'employeur lui a notifié le 18 mai 2011 une sanction disciplinaire sous la forme d'une « mise en disponibilité sans appointement pour une période de huit jours francs » ; qu'estimant être victime de discrimination syndicale et contestant la sanction, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ; que l'l'union des syndicats CGT ASF (le syndicat) est intervenue volontairement à l'instance ;

Sur le pourvoi incident de l'employeur qui est préalable :

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la sanction disciplinaire du 18 mai 2011 était nulle, de la condamner à verser, d'une part, à M. X... différente sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts, d'autre part, au syndicat des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que ne constitue pas un fait de nature à caractériser une tolérance de l'employeur ni une renonciation à sanctionner le salarié le fait de ne pas avoir prononcé de sanction pendant plusieurs années à propos d'un manquement à l'encontre duquel l'employeur a régulièrement et constamment protesté, en rappelant au salarié les règles d'utilisation du véhicule de service, en 1999, 2007, 2009 et en lui reprochant constamment de les méconnaître ; qu'en qualifiant de « tolérance » d'un comportement la seule circonstance qu'il n'aurait pas été précédemment sanctionné, alors que l'employeur en a toujours fait le reproche au salarié, la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 du code du travail et 1234 du code civil ;

2°/ qu'une prétendue tolérance n'emporte aucune renonciation à un droit ; qu'elle ne fait disparaître ni la faute du salarié, ni le pouvoir de sanction auquel l'employeur n'a pas renoncé ; que la seule circonstance que l'employeur ait toléré pendant un certain temps des entorses du salarié aux règles applicables dans l'entreprise sur l'utilisation des véhicules de fonction ne le prive pas du pouvoir de sanctionner la réitération du même comportement fautif, ayant de surcroît abouti à une infraction au code de la route ; que la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 du code du travail et 1234 du code civil ;

3°/ que constitue une sanction disciplinaire le fait, pour un employeur, de reprocher par écrit au salarié un manquement à ses obligations contractuelles intervenu à une date précise et de l'inviter de manière impérative à se conformer pour l'avenir aux règles applicables dans l'entreprise sous peine de sanction ; qu'en affirmant que l'employeur aurait toléré l'utilisation par M. X... de son véhicule de service dans des conditions non conformes à la convention d'entreprise n° 63, dans la mesure où la société ASF ne l'aurait jamais sanctionné avant le 18 mai 2011, quand elle avait constaté que, dans un précédent courrier du 19 février 2009, l'employeur avait déjà reproché au salarié une utilisation de son véhicule de service non conforme aux règles applicables dans l'entreprise, lui avait rappelé le caractère impératif de ces règles et les risques encourus au cas où il les méconnaitrait de nouveau, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le comportement du salarié avait déjà été sanctionné par le passé, a violé l'article L. 1331-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'abstraction faite d'un motif erroné mais surabondant critiqué par la deuxième branche, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel qui constatant que la société avait connaissance depuis plusieurs années des conditions de l'utilisation par M. X... du véhicule de service pour l'exercice de ses fonctions de représentation syndicale, sans qu'aucune sanction ne soit jamais prononcée, a estimé que la sanction était injustifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :

Attendu que le salarié et le syndicat font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne doit pas dénaturer les documents produits aux débats par les parties ; qu'à l'appui de sa demande de réparation de la discrimination dont il faisait l'objet en raison de son appartenance syndicale, M. X... avait fait valoir, non seulement qu'il avait été victime, le 18 mai 2011, d'une sanction disciplinaire injustifiée pour une pratique connue et tolérée depuis 15 ans et entérinée par accord collectif, mais également que cette sanction, épargnée aux représentants des autres organisations syndicales, avait en ce qui le concerne été précédée de l'introduction le 14 avril 2010 d'une procédure disciplinaire finalement abandonnée en raison de l'inexistence des faits reprochés, et suivie, le 9 juin 2011, d'une autre sanction disciplinaire avec retenue sur salaire pour ne pas avoir assisté le matin du 20 avril 2011 à une réunion à Vedène, à laquelle l'employeur savait qu'il ne pouvait se rendre, ayant été contraint d'assister, la veille, à l'entretien préalable du 19 avril, tenu à Biarritz, localité distante de 650 kilomètres ; qu'enfin, les représentants syndicaux CGT, dont faisait partie M. X..., subissaient dans l'entreprise un traitement particulièrement défavorable, et que la société ASF avait notamment été condamnée par arrêt définitif de la cour d'appel de Pau en date du 16 mars 2013, pour licenciement discriminatoire d'une salariée en raison de son appartenance à la CGT ; que ces faits et les éléments de preuve les justifiant (courrier de convocation à l'entretien préalable du 14 avril 2010 et lettre de l'employeur suivant cet entretien, courrier du 9 juin 2011 et réponse de M. X... du 16 juin 2011, courrier de M. X... du 30 juillet 1999 et arrêt de la cour d'appel de Pau du 16 mars 2013), invoqués par M. X... dans ces écritures reprises oralement à l'audience et dont la communication n'avait pas été contestée, étaient de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que « M. Christian X... ne produit aucun élément de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination » la cour d'appel, qui a dénaturé par omission les éléments de fait produits par le salarié pour permettre de présumer l'existence de la discrimination invoquée, a méconnu le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents produits aux débats par les parties ;

2°/ qu'en toute hypothèse que constitue un élément permettant de présumer une discrimination le fait, pour l'employeur, d'infliger à un représentant syndical une sanction disciplinaire injustifiée pour une pratique connue et tolérée depuis plusieurs années, et qui a fait l'objet d'une négociation collective, à laquelle a participé le salarié ès qualités, aboutissant à son autorisation ; qu'il appartient à l'employeur de justifier que cette sanction a été prononcée pour des motifs objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la société ASF a infligé à M. X... une sanction disciplinaire injustifiée pour une pratique constante connue d'elle et implicitement admise depuis plus de dix ans, dont elle a prononcé l'annulation ; qu'en retenant cependant à l'appui de sa décision « … qu'en tout état de cause l'employeur démontre que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination » sans préciser quels étaient ces éléments la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel qui a constaté, hors toute dénaturation, soit que les éléments présentés par le salarié comme permettant de présumer l'existence d'une discrimination n'étaient pas établis, soit que pour ceux qui l'étaient, l'employeur démontrait que ses décisions étaient étrangères à toute discrimination, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X... et l'union des syndicats CGT ASF Biarritz.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Christian X... et l'Union des Syndicats CGT ASF Biarritz de leurs demandes de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

AUX MOTIFS QUE " … le fait, pour l'avenant du 15 mai 1981 au contrat de travail de Monsieur Christian X..., de stipuler que ses fonctions au sein de la société le conduisent à utiliser un véhicule de service et que par dérogation expresse à l'interdiction rigoureuse de l'utilisation de ce véhicule à des fins personnelles il est autorisé à utiliser ce véhicule de service pour effectuer ses trajets domicile-lieu de travail et retour, ne constitue pas pour autant l'autorisation d'utiliser ce véhicule dans le cadre de ses fonctions de représentant du personnel d'une part, car à la date de cet avenant il n'était pas encore investi de fonctions de représentation du personnel, qui n'ont débuté qu'en 1997, et d'autre part, car si l'exercice de fonctions de représentant du personnel est lié à l'existence d'un contrat de travail, en revanche les fonctions du salarié au sein de l'entreprise, en sa qualité de salarié, sont de nature différente des fonctions qu'il est amené à exercer en sa qualité de représentant du personnel, quand bien même certaines dispositions applicables aux salariés le sont également aux représentants du personnel ; que dès lors, cet avenant ne peut être considéré comme comprenant des dispositions plus favorables, et dont le salarié pourrait se prévaloir, que celles résultant de la convention d'entreprise numéro 63 relative au droit syndical qui prévoit expressément en son article 1, alinéa 2, « forfait des délégués syndicaux et des représentants du personnel », du titre VIII que « hormis les éventuels véhicules de fonction, ou véhicules de service à usage personnel, pour l'usage desquels une contribution financière est demandée à l'utilisateur, aucun véhicule ASF ne doit être utilisé pour les déplacements hors convocation employeur » ;

QU'en revanche, plusieurs pièces produites aux débats établissent que l'employeur avait connaissance de la pratique de Monsieur Christian X... consistant à utiliser le véhicule de la société pour l'exercice de ses activités de représentation du personnel hors convocation employeur ;

QU'ainsi dans un courrier du 6 novembre 1998 adressé à Monsieur Rémy Z..., directeur régional DRE de Biarritz, Monsieur Christian X... écrit que le 3 novembre 1998, lors d'une réunion entre le directeur régional, Monsieur B..., Laurent C... et lui-même, ils ont demandé « d'officialiser l'utilisation des véhicules de service pour les missions des délégués syndicaux, d'une part, dans le cadre des heures de délégation et d'autre part, pour les trajets vers le conseil de prud'hommes » ; que la SA ASF fait valoir que les pièces produites par Monsieur Christian X... traduisent une revendication certes durable mais jamais accueillie ; que cependant, il convient de constater que dans ce courrier il ne s'agit pas précisément de l'expression d'une simple revendication consistant à voir établir un avantage ou un droit nouveau, et donc de créer une situation de droit permettant une situation de fait jusqu'alors inexistante, mais d'une demande d'officialisation, qui suppose par conséquent, une situation de fait préexistante pour laquelle on demande la reconnaissance pour en faire une situation de droit ;

QUE dans un courrier du 29 juillet 1999 Monsieur Rémy Z..., directeur régional DRE de Biarritz, écrit à Monsieur Christian X... : « vos fonctions au sein de la société vous conduisent à utiliser un véhicule de service. Je vous rappelle que l'utilisation de ce véhicule est exclusivement et strictement réservée à des fins professionnelles, notamment : pour les trajets domicile/ travail/ domicile ; pendant les périodes d'astreinte. Toute autre utilisation est considérée comme fautive, conformément à l'article 4 du règlement intérieur et vous vous exposez à des sanctions (…) » ; qu'une lettre de rappel n'a de sens que si elle intervient après le constat d'une situation qui contrevient aux règles qui apparaissent nécessaires à rappeler. Ce courrier doit donc s'interpréter comme la connaissance par l'employeur de l'utilisation par le salarié du véhicule de la société dans des conditions contraires à celles fixées par le règlement intérieur, alors qu'il n'est pas allégué, ni a fortiori démontré, que la connaissance de cette pratique aurait donné lieu à des sanctions ;

QUE cette pratique a encore été rappelée dans un courrier du 30 juillet 1999 de Monsieur Christian X... à Monsieur Rémy Z..., directeur régional DRE de Biarritz, dans lequel il écrit notamment : « le revirement de votre décision quant à l'utilisation du véhicule de service dans le cadre de mes fonctions de délégué syndical CGT ne me semble compréhensible que par le fait de l'intervention auprès de vous du syndicat CFDT pour obtenir les mêmes moyens (…) » ; que Monsieur Rémy Z... a répondu par courrier du 2 août 1999 qui établit qu'il a bien reçu ce courrier, alors que sa réponse ne comporte aucune mention permettant de considérer qu'il y aurait une incompréhension quant à l'utilisation du véhicule de service par le salarié dans le cadre de ses fonctions de représentation du personnel ;

QUE Monsieur Christian X... a également tenu informée Madame Josiane D..., directrice des ressources humaines, de cette pratique, puisque dans un courrier qu'il lui a adressé le 19 février 2009 concernant leurs « échanges sur les augmentations salariales 2009 et sur la dotation d'un véhicule pour les délégués syndicaux centraux », il écrit notamment, dans la partie de son courrier consacrée à « la mise à disposition d'un véhicule aux DSC » et s'agissant des demandes de remboursement de frais kilométriques : « permettez-moi de répondre à votre place : c'est non car j'utilise justement un véhicule de service pour tous les déplacements dans le cadre de mes fonctions de délégué syndical CGT », puis, plus loin : « en outre, pour ce qui me concerne, je ne vous ai jamais fait de frais kilométriques puisque j'utilise, depuis des années dans le cadre de mes fonctions de délégué syndical CGT, le véhicule de service qui m'est octroyé dans le cadre de mes fonctions d'électronicien au service TS de Biarritz » ; que de même encore, Madame Josiane D..., directrice des ressources humaines, écrit le 19 février 2009 à Monsieur Christian X... en sa qualité de délégué syndical central, lui rappelant, en préambule, le courrier du 27 novembre 2007 sur l'interdiction d'utiliser des véhicules ASF pour les déplacements hors convocation de l'employeur, et poursuivant : « dernièrement, à l'occasion de la convocation du vendredi 11 septembre 2009 à 9 heures devant le tribunal d'instance de Biarritz, à laquelle était appelée, à sa requête, la CGT, il est apparu que vous êtes rendu à l'audience fixée par la justice avec un véhicule de service ASF. Le fait que vous ayez contrevenu à cette règle impérative m'impose de vous rappeler à nouveau les conséquences que peut entraîner sa méconnaissance » ; que l'employeur avait donc connaissance de cette pratique et le fait de rappeler les conséquences encourues par la contravention à la règle ne constitue pas une sanction ;

QUE par conséquent, il y a lieu de constater que l'employeur avait, depuis plusieurs années, connaissance des conditions de l'utilisation par Monsieur Christian X... du véhicule de la société pour l'exercice de ses fonctions de représentation syndicale, hors convocation employeur, et dire que la tolérance pendant plusieurs années de cette utilisation prive l'employeur de la possibilité d'user de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner le comportement qu'il a toléré ;

QUE cependant le fait pour l'employeur de vouloir user de son pouvoir disciplinaire, même tardivement, n'est pas pour autant de nature à caractériser un fait de discrimination syndicale, et alors que Monsieur Christian X... ne produit aucun élément de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination, et qu'en tout état de cause l'employeur démontre que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, de sorte qu'il sera débouté de sa demande à ce titre, ainsi que le syndicat CGT ASF de Biarritz ;

QUE le jugement du conseil de prud'hommes sera donc confirmé en ce qu'il a annulé la sanction de mise à pied et condamné la SA ASF à payer à Monsieur Christian X... la somme de 532, 47 euros bruts au titre du rappel de salaire, mais sera infirmé en ce qu'il l'a condamnée à un euro de dommages-intérêts au profit du salarié et 1. 000 euros à titre de dommages-intérêts au syndicat CGT ASF de Biarritz au titre de l'article L. 2141-8 du code du travail relatif à la discrimination syndicale " ;

1°) ALORS QUE le juge ne doit pas dénaturer les documents produits aux débats par les parties ; qu'à l'appui de sa demande de réparation de la discrimination dont il faisait l'objet en raison de son appartenance syndicale, Monsieur X... avait fait valoir, non seulement qu'il avait été victime, le 18 mai 2011, d'une sanction disciplinaire injustifiée pour une pratique connue et tolérée depuis 15 ans et entérinée par accord collectif, mais également que cette sanction, épargnée aux représentants des autres organisations syndicales, avait en ce qui le concerne été précédée de l'introduction le 14 avril 2010 d'une procédure disciplinaire finalement abandonnée en raison de l'inexistence des faits reprochés, et suivie, le 9 juin 2011, d'une autre sanction disciplinaire avec retenue sur salaire pour ne pas avoir assisté le matin du 20 avril 2011 à une réunion à Vedène, à laquelle l'employeur savait qu'il ne pouvait se rendre, ayant été contraint d'assister, la veille, à l'entretien préalable du 19 avril, tenu à Biarritz, localité distante de 650 kilomètres ; qu'enfin, les représentants syndicaux CGT, dont faisait partie Monsieur X..., subissaient dans l'entreprise un traitement particulièrement défavorable, et que la Société ASF avait notamment été condamnée par arrêt définitif de la Cour d'appel de Pau en date du 16 mars 2013, pour licenciement discriminatoire d'une salariée en raison de son appartenance à la CGT ; que ces faits et les éléments de preuve les justifiant (courrier de convocation à l'entretien préalable du 14 avril 2010 et lettre de l'employeur suivant cet entretien, courrier du 9 juin 2011 et réponse de Monsieur X... du 16 juin 2011, courrier de Monsieur X... du 30 juillet 1999 et arrêt de la Cour d'appel de Pau du 16 mars 2013), invoqués par Monsieur X... dans ces écritures reprises oralement à l'audience et dont la communication n'avait pas été contestée, étaient de nature à laisser présumer l'existence d'une discrimination ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que " Monsieur Christian X... ne produit aucun élément de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination " la Cour d'appel, qui a dénaturé par omission les éléments de fait produits par le salarié pour permettre de présumer l'existence de la discrimination invoquée, a méconnu le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents produits aux débats par les parties ;

2°) ALORS en toute hypothèse QUE constitue un élément permettant de présumer une discrimination le fait, pour l'employeur, d'infliger à un représentant syndical une sanction disciplinaire injustifiée pour une pratique connue et tolérée depuis plusieurs années, et qui a fait l'objet d'une négociation collective, à laquelle a participé le salarié es qualités, aboutissant à son autorisation ; qu'il appartient à l'employeur de justifier que cette sanction a été prononcée pour des motifs objectifs, étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la Société ASF a infligé à Monsieur X... une sanction disciplinaire injustifiée pour une pratique constante connue d'elle et implicitement admise depuis plus de dix ans, dont elle a prononcé l'annulation ; qu'en retenant cependant à l'appui de sa décision " … qu'en tout état de cause l'employeur démontre que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination " sans préciser quels étaient ces éléments la Cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du Code du travail.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Autoroutes du Sud de la France.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué, D'AVOIR dit que la sanction disciplinaire du 18 mai 2011 était nulle, D'AVOIR condamné la société ASF à verser, d'une part, à M. X... les sommes de 532, 47 € à titre de rappel de salaire, de 1 € de dommages-intérêts, de 800 € au titre des frais irrépétibles et à lui remettre les bulletins de paie des mois de mai et juin 2011 dûment rectifiés, ET D'AVOIR condamné la société ASF à verser au syndicat CGT-ASF Biarritz les sommes de 1. 000 € à titre de dommages-intérêts en application de l'article L. 2141-8 du Code du travail et de 800 € au titre des frais irrépétibles,

AUX MOTIFS QUE le juge prud'homal tient de l'article L. 1333-1 du Code du travail le pouvoir d'apprécier et d'annuler une sanction disciplinaire, autre qu'un licenciement, lorsqu'elle est irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ; que la notification de la sanction disciplinaire est ainsi libellée dans la lettre du 18 mai 2011 : « le 16 février 2011, le véhicule de service qui vous est affecté au titre de vos fonctions TMO a été contrôlé en excès de vitesse. Sur cette journée du 16 février, vous avez pointé être en ARTT. Lors de votre entretien préalable, vous avez affirmé que vous étiez en fait en heures de délégation. Dans l'un et l'autre cas, la règle reste la même : vous ne pouviez utiliser le véhicule de service qui vous est affecté. Lors du conseil de discipline, vous avez prétendu que vous en aviez le droit, malgré les rappels à la règle dont vous avez régulièrement fait l'objet. Dès lors que vous avez pris de nous confirmer avoir sciemment contrevenu à une règle impérative, nous n'avons pu modifier notre appréciation quant à votre comportement fautif. Nous avons donc décidé de prononcer à votre encontre une mise en disponibilité sans appointements pour une période de 8 jours francs. Cette sanction prendra effet à compter du premier lundi suivant la réception des présentes, lesquelles seront versées votre dossier » (…) ; qu'il résulte de ces éléments que le fait pour l'avenant du 15 mai 1981 au contrat de travail de M. X... de stipuler que ses fonctions au sein de la société le conduisent à utiliser un véhicule de service et que par dérogation expresse à l'interdiction rigoureuse de l'utilisation de ce véhicule à des fins personnelles il est autorisé à utiliser ce véhicule de service pour effectuer ses trajets domicile-lieu de travail aller et retour, ne constitue pas pour autant l'autorisation d'utiliser ce véhicule dans le cadre de ses fonctions de représentant du personnel d'une part, car à la date de cet avenant il n'était pas encore investi de fonctions de représentation du personnel, qui n'ont débuté qu'en 1997, et d'autre part, car si l'exercice de fonctions de représentant du personnel est lié à l'existence d'un contrat de travail, en revanche les fonctions du salarié au sein de l'entreprise, en sa qualité de salarié, sont de nature différente des fonctions qu'il est amené à exercer en sa qualité de représentant du personnel, quand bien même certaines dispositions applicables aux salariés le sont également aux représentants du personnel ; que dès lors, cet avenant ne peut être considéré comme comprenant des dispositions plus favorables, et dont le salarié pourrait se prévaloir, que celles résultant de la convention d'entreprise numéro 63 relative au droit syndical qui prévoit expressément en son article 1, alinéa 2, « forfait des délégués syndicaux et des représentants du personnel », du titre VIII que « hormis les éventuels véhicules de fonction, ou véhicules de service à usage personnel, pour l'usage desquels une contribution financière est demandée à l'utilisateur, aucun véhicule ASF ne doit être utilisé pour les déplacements hors convocation employeur » ; qu'en revanche, plusieurs pièces produites aux débats établissent que l'employeur avait connaissance de la pratique de M. X... consistant à utiliser le véhicule de la société pour l'exercice de ses activités de représentation du personnel hors convocation employeur ; qu'ainsi, dans un courrier du 6 novembre 1998 adressé à M. Rémy Z..., directeur régional DRE de Biarritz, M. Christian X... écrit que le 3 novembre 1998, lors d'une réunion entre le directeur régional, M. B..., Laurent C... et lui-même, ils ont demandé « d'officialiser l'utilisation des véhicules de service pour les missions des délégués syndicaux, d'une part, dans le cadre des heures de délégation et d'autre part, pour les trajets vers le Conseil de prud'hommes » ; que la SA ASF fait valoir que les pièces produites par M. Christian X... traduisent une revendication certes durable mais jamais accueillie ; que cependant, il convient de constater que dans ce courrier il ne s'agit pas précisément de l'expression d'une simple revendication consistant à voir établi un avantage ou un droit nouveau, et donc de créer une situation de droit permettant une situation de fait jusqu'alors inexistante, mais d'une demande d'officialisation, qui suppose par conséquent une situation de fait préexistante pour laquelle on demande la reconnaissance pour en faire une situation de droit ; que dans un courrier du 29 juillet 1999 M. Rémy Z..., directeur régional DRE de Biarritz, écrit à M. Christian X... : « vos fonctions au sein de la société vous conduisent à utiliser un véhicule de service. Je vous rappelle que l'utilisation de ce véhicule est exclusivement et strictement réservée à des fins Professionnelles, notamment pour les trajets domicile/ travail/ domicile ; pendant les Périodes d'astreinte. Toute autre utilisation est considérée comme fautive conformément à l'article 4 du règlement intérieur et que vous vous exposez à des sanctions (....) » ; qu'une lettre de rappel n'a de sens que si elle intervient après le constat d'une situation qui contrevient aux règles qui apparaissent nécessaires à rappeler ; que ce courrier doit donc s'interpréter comme la connaissance par l'employeur de l'utilisation par le salarié du véhicule de la société dans des conditions contraires à celles fixées par le règlement intérieur, alors qu'il n'est pas allégué, ni a fortiori démontré, que la connaissance de cette pratique aurait donné lieu à des sanctions ; que cette pratique a encore été rappelée dans un courrier du 30 juillet 1999 de M. Christian X... à M. Rémy Z..., directeur régional DRE de Biarritz, dans lequel il écrit notamment : « le revirement de votre décision quant à l'utilisation du véhicule de service dans le cadre de mes fonctions de délégué syndical CGT ne me semble compréhensible que par le fait de l'intervention auprès de vous du syndicat CFDT pour obtenir les mêmes moyens (...) » ; que M. Rémy Z... a répondu par courrier du 2 août 1999 qui établit qu'il a bien reçu ce courrier, alors que sa réponse ne comporte aucune mention permettant de considérer qu'il y aurait une incompréhension quant à l'utilisation du véhicule de service par le salarié dans le cadre de ses fonctions de représentation du personnel ; que M. X... a également tenu informée Mme Josiane D..., directrice des ressources humaines, de cette pratique, puisque dans un courrier qu'il lui a adressé le 19 février 2009 concernant leurs « échanges sur les augmentations salariales 2009 et sur la dotation d'un véhicule pour les délégués syndicaux centraux », il écrit notamment, dans la partie de son courrier consacrée à « la mise à disposition d'un véhicule aux DSC » et s'agissant des demandes de remboursement de frais kilométriques : « permettez-moi de répondre à votre place : c'est non car j'utilise justement un véhicule de service pour tous les déplacements dans le cadre de mes fonctions de délégué syndical CGT », puis, plus loin : « en outre, pour ce qui me concerne, je ne vous ai jamais fait de frais kilométriques puisque j'utilise, depuis des années dans le cadre de mes fonctions de délégué syndical CGT, le véhicule de service qui m'est octroyé dans le cadre de mes fonctions d'électronicien au service de Biarritz » ; que de même encore, Mme Josiane D..., directrice des ressources humaines, écrit le 19 février 2009 à M. Christian X... en sa qualité de délégué syndical central, lui rappelant, en préambule, le courrier du 27 novembre 2007 sur l'interdiction d'utiliser des véhicules ASF pour les déplacements hors convocation de l'employeur, les poursuivant : « dernièrement, à l'occasion de la convocation du vendredi 11 septembre 2009 à 9 heures devant le Tribunal d'instance de Biarritz, à laquelle était appelée, à sa requête, la CGT, il est apparu que vous êtes rendu à l'audience fixée par la justice avec un véhicule de service ASF. Le fait que vous ayez contrevenu à cette règle, impérative m'impose de vous rappeler à nouveau les conséquences que peut entraîner sa méconnaissance » ; que l'employeur avait donc connaissance de cette pratique et le fait de rappeler les conséquences encourues par la contravention à la règle ne constitue pas une sanction ; que par conséquent, il y a lieu de constater que l'employeur avait, depuis plusieurs années, connaissance des conditions de l'utilisation par M. Christian X... du véhicule de la société pour l'exercice de ses fonctions de représentation syndicale, hors convocation employeur, et dire que la tolérance pendant plusieurs années de cette utilisation prive l'employeur de la possibilité d'user de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner le comportement qu'il a toléré ; mais que le fait pour l'employeur de vouloir user de son pouvoir disciplinaire, même tardivement, n'est pas pour autant de nature à caractériser un fait de discrimination syndicale, et alors que M. Christian X... ne produit aucun élément de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination, et qu'en tout état de cause l'employeur démontre que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, de sorte qu'il sera débouté de sa demande à ce titre, ainsi que le syndicat CGT ASF de Biarritz ;

1°) ALORS QUE ne constitue pas un fait de nature à caractériser une tolérance de l'employeur ni une renonciation à sanctionner le salarié le fait de ne pas avoir prononcé de sanction pendant plusieurs années à propos d'un manquement à l'encontre duquel l'employeur a régulièrement et constamment protesté, en rappelant au salarié les règles d'utilisation du véhicule de service, en 1999, 2007, 2009 et en lui reprochant constamment de les méconnaître ; qu'en qualifiant de « tolérance » d'un comportement la seule circonstance qu'il n'aurait pas été précédemment sanctionné, alors que l'employeur en a toujours fait le reproche au salarié, la Cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 du Code du travail et 1234 du Code civil ;

2°) ALORS QU'une prétendue tolérance n'emporte aucune renonciation à un droit ; qu'elle ne fait disparaître ni la faute du salarié, ni le pouvoir de sanction auquel l'employeur n'a pas renoncé ; que la seule circonstance que l'employeur ait toléré pendant un certain temps des entorses du salarié aux règles applicables dans l'entreprise sur l'utilisation des véhicules de fonction ne le prive pas du pouvoir de sanctionner la réitération du même comportement fautif, ayant de surcroît abouti à une infraction au Code de la route ; que la Cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 du Code du travail et 1234 du Code civil ;

3°) ALORS AU DEMEURANT QUE constitue une sanction disciplinaire le fait, pour un employeur, de reprocher par écrit au salarié un manquement à ses obligations contractuelles intervenu à une date précise et de l'inviter de manière impérative à se conformer pour l'avenir aux règles applicables dans l'entreprise sous peine de sanction ; qu'en affirmant que l'employeur aurait toléré l'utilisation par M. X... de son véhicule de service dans des conditions non conformes à la convention d'entreprise n° 63, dans la mesure où la société ASF ne l'aurait jamais sanctionné avant le 18 mai 2011, quand elle avait constaté que, dans un précédent courrier du 19 février 2009, l'employeur avait déjà reproché au salarié une utilisation de son véhicule de service non conforme aux règles applicables dans l'entreprise, lui avait rappelé le caractère impératif de ces règles et les risques encourus au cas où il les méconnaitrait de nouveau, la Cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le comportement du salarié avait déjà été sanctionné par le passé, a violé l'article L. 1331-1 du Code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01520
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