Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 septembre 2016, 15-18.189, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 10 septembre 2014) et les pièces de la procédure, qu'engagée en septembre 2004 par M. X..., artisan boulanger, en qualité de vendeuse, Mme Y... a été victime le 14 janvier 2009 d'un accident du travail ; qu'invoquant l'inaction de son employeur après l'envoi d'un certificat médical final le 13 septembre 2010, elle a saisi la juridiction prud'homale en référé ; que par ordonnance du 25 novembre 2011, celle-ci a dit n'y avoir lieu à référé ; qu'elle a été licenciée le 4 février 2012 pour inaptitude et impossibilité de reclassement et a saisi le 27 février 2012 la juridiction prud'homale ;

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de limiter à certaines sommes la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts pour privation de salaire et pour préjudice moral et de la débouter du surplus de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme et peut être effectuée oralement, y compris à l'audience en présence de l'employeur ou de son représentant ; qu'en l'espèce, il est acquis aux débats que Mme Y... a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Troyes le 19 janvier 2011 et a déclaré, à l'audience, solliciter la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, en présence du représentant de l'employeur, ce qui a été consigné par le greffier d'audience ; qu'il en résultait qu'elle avait, avant le licenciement en date du 4 février 2012, pris acte de la rupture de son contrat de travail pour lui voir produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ; qu'en retenant que cette déclaration, dépourvue d'ambiguïté, était privée d'effet, motif pris qu'elle avait été exprimée à l'audience, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 et suivants du code du travail ;

2°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'il incombe à l'employeur de prendre l'initiative de la visite médicale de reprise, dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé ; qu'en retenant que l'employeur n'avait l'obligation de l'organiser qu'à compter du jour où le salarié avait repris le travail ou manifesté sans équivoque sa volonté de le reprendre ou sollicité son organisation, ce que Mme Y... avait demandé le 25 mai 2011 par courrier adressé à M. X..., cependant que l'envoi à l'employeur du certificat médical du 13 septembre 2010 lui imposait d'organiser, dans le délai d'un mois, avant le 13 octobre 2010, une visite de reprise, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 du code du travail, ensemble les articles R. 4624-21 et suivants du même code ;

Mais attendu, d'abord, que si la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme, c'est à la condition qu'elle soit adressée directement à l'employeur ; qu'ayant relevé que le seul acte émis en ce sens par la salariée n'avait pas été adressé directement à l'employeur mais avait consisté en une prétention émise devant la formation de référé de la juridiction prud'homale, la cour d'appel a exactement retenu qu'en l'absence de prise d'acte le contrat de travail était toujours en cours à la date du licenciement ;

Attendu, ensuite, qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve, la cour d'appel, qui a relevé que l'envoi à l'employeur d'un certificat médical du 13 septembre 2010 ne manifestait pas la volonté de la salariée de reprendre le travail ou de voir organiser de visite de reprise, a exactement retenu que l'obligation pour l'employeur de procéder à cette visite de reprise n'était née qu'à compter du jour où la salariée avait manifesté sa volonté de reprendre le travail et en avait sollicité l'organisation, ce qu'elle avait fait par lettre du 25 mai 2011 adressée à son employeur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme Y....

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir seulement condamné M. X... à payer à Mme Y... les sommes de 8 000 euros pour privation de salaire et 2 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et de l'avoir déboutée du surplus de ses demandes ;

Aux motifs qu'il convient d'examiner si comme le soutient Mme Y... elle a, avant la notification du licenciement, pris acte de la rupture de son contrat de travail pour lui voir produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le seul acte émis en ce sens n'a pas été adressé directement à l'employeur mais consistait seulement en une prétention émise devant la formation de référé du conseil de prud'hommes visant à voir déclarer sa prise d'acte de la rupture imputable à l'employeur ; que M. X... fait à bon droit valoir qu'au contraire de l'opinion des premiers juges, cette demande n'a pas produit d'effet à son encontre, de sorte que la relation contractuelle était toujours en cours lorsqu'il a engagé la procédure de licenciement (…) ; que l'employeur n'a l'obligation d'organiser la visite de reprise qu'à compter du jour où le salarié, soit a repris le travail, soit a sans équivoque manifesté sa volonté de le reprendre ou a sollicité l'organisation d'une visite de reprise ; qu'en l'espèce, ce n'est clairement par courrier adressé à M. X... le 25 mai 2011 que Mme Y... a sollicité l'organisation d'une visite de reprise ; que la preuve qu'elle a fait connaître à M. X... sa volonté de mettre fin à la suspension de son contrat de travail ne résulte pas suffisamment de l'envoi du certificat médical du 13 septembre 2010 – et du reste Mme Y... passe l'aveu de fait que postérieurement elle a attendu des nouvelles de son employeur – ni de la circonstance que, de sa propre initiative, elle avait pris contact avec la médecine du travail le 24 novembre 2010 ; que si, à cette occasion, elle avait appris que M. X... n'était pas affilié au GISMA, ce qui est certes reprochable, elle ne peut prétendre engager à ce titre la responsabilité de l'employeur qu'à compter du jour où il est prouvé qu'elle lui avait fait connaître sa volonté de voir organiser une visite de reprise ; que ce n'est qu'à compter du 25 mai 2011 que l'abstention de M. X... a causé un préjudice à Mme Y..., étant relevé qu'il ne prouve pas qu'elle ne se serait pas tenue à sa disposition, de sorte qu'il se trouvait débiteur de ses obligations d'employeur ;

que la salariée sera remplie de ses droits à réparation de la perte de ses salaires par la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 8 000 euros ; qu'elle a subi un préjudice moral distinct qui sera entièrement réparé par la somme de 2 000 euros ; qu'elle sera déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires ;

Alors 1°) que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme et peut être effectuée oralement, y compris à l'audience en présence de l'employeur ou de son représentant ; qu'en l'espèce, il est acquis aux débats que Mme Y... a saisi en référé le conseil de prud'hommes de Troyes le 19 janvier 2011 et a déclaré, à l'audience, solliciter la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, en présence du représentant de l'employeur, ce qui a été consigné par le greffier d'audience ; qu'il en résultait qu'elle avait, avant le licenciement en date du 4 février 2012, pris acte de la rupture de son contrat de travail pour lui voir produire les effets d'un licenciement sans cause réelle ; qu'en retenant que cette déclaration, dépourvue d'ambiguïté, était privée d'effet, motif pris qu'elle avait été exprimée à l'audience, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, L. 1221-1, L. 1231-1 et L. 1235-1 et suivants du code du travail ;

Alors 2°) et en tout état de cause, que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité ; qu'il incombe à l'employeur de prendre l'initiative de la visite médicale de reprise, dès que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé ; qu'en retenant que l'employeur n'avait l'obligation de l'organiser qu'à compter du jour où le salarié avait repris le travail ou manifesté sans équivoque sa volonté de le reprendre ou sollicité son organisation, ce que Mme Y... avait demandé le 25 mai 2011 par courrier adressé à M. X..., cependant que l'envoi à l'employeur du certificat médical du 13 septembre 2010 lui imposait d'organiser, dans le délai d'un mois, avant le 13 octobre 2010, une visite de reprise, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 du code du travail, ensemble les articles R. 4624-21 et suivants du même code.

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01495
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