Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 13 juillet 2016, 15-19.389, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 avril 2015), que la société Aéronautique et technologies embarquées (la société ATE), désormais représentée par son liquidateur judiciaire, la société MJA, a assigné les sociétés Airbus helicopters et Airbus Helicopters Deutschland sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce devant un tribunal de commerce ; que ces dernières ont soulevé une exception d'incompétence en raison de la présence des clauses compromissoires stipulées dans les contrats qui les liaient à la société ATE ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu que le grief n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur la seconde branche du moyen :

Attendu que la société MJA fait grief à l'arrêt de rejeter le contredit formé contre le jugement, alors, selon le moyen, qu'en toute hypothèse, une convention d'arbitrage est manifestement inapplicable dès lors que l'une des parties, insolvable, est dans l'impossibilité de constituer la provision au paiement de laquelle la saisine de l'arbitre se trouve subordonnée, sauf à consacrer un déni de justice et porter atteinte à la substance même du droit d'accès au juge ; qu'en retenant que l'inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage ne pourrait se déduire de l'impécuniosité alléguée de la société ATE, en liquidation judiciaire, et du déni de justice qui résulterait de son incapacité à procéder au paiement de la provision à défaut duquel, en application du règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre commerciale internationale, le tribunal arbitral ne sera pas saisi des demandes formulées, la cour d'appel a violé l'article 1448 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu que l'inapplicabilité manifeste de la clause d'arbitrage ne pouvait être déduite de l'impossibilité alléguée par le liquidateur judiciaire de la société ATE de faire face au coût de la procédure d'arbitrage ; qu'en sa seconde branche, le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société MJA, en qualité de liquidateur judiciaire de la société ATE, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société MJA, ès qualités, et la condamne à payer aux sociétés Airbus helicopters et Airbus Helicopters Deutschland la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société MJA, ès qualités.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté le contredit formé contre le jugement et d'AVOIR confirmé ce jugement ;

AUX MOTIFS QU'il appartient aux arbitres, sous le contrôle du juge de l'annulation, d'appliquer les règles d'ordre public ; que la seule circonstance que de telles dispositions régissent le fond du litige n'a pas pour effet d'exclure le recours à l'arbitrage, dès lors que, par leur nature, les demandes des parties ne sont pas inarbitrables ; que si les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce attribuent de manière impérative à certains tribunaux et, en appel, à la seule cour de Paris, la connaissance des pratiques restrictives de concurrence, et si le premier de ces textes offre aux juges la faculté de solliciter l'avis de la Commission d'examen des pratiques commerciales, de telles dispositions ont pour objet d'adapter les compétences et les procédures judiciaires à la technicité de ce contentieux mais non de le réserver aux juridictions étatiques ; que la circonstance que l'article L. 442-6 du code de commerce investisse le ministère public et le ministre chargé de l'Economie d'une action autonome devant les juridictions étatiques aux fins de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence par la cessation des pratiques illicites et l'application d'amendes civiles n'a pas davantage pour effet d'exclure le recours à l'arbitrage pour trancher les litiges nés, entre les opérateurs économiques, de l'application de ce même texte ; que l'action dirigée par une partie à l'encontre de son cocontractant, aux fins d'indemnisation du préjudice qu'elle prétend résulter de pratiques commerciales abusives et de la rupture abusive de relations établies n'étant pas de celles dont la connaissance est réservée aux juridictions étatiques, la clause compromissoire n'apparaît pas manifestement inapplicable en l'espèce ; que l'inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage ne saurait davantage se déduire de l'impécuniosité alléguée par ATE et du déni de justice qui résulterait, selon elle, de son incapacité à faire face au coût de la procédure d'arbitrage, dès lors qu'il incombe au tribunal arbitral d'assurer l'accès au juge, la sanction d'un éventuel manquement à ce devoir ne pouvant intervenir qu'a posteriori ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE figure dans les trois contrats conclus entre les parties une clause compromissoire qui précise que « en cas de différend, …, découlant du présent contrat ou en relation avec celui-ci, y compris toute question se rapportant à son existence, sa validité ou sa résiliation, les parties doivent déployer tous les efforts pour régler immédiatement le différend à l'amiable » et qu'à défaut de succès « ledit différend doit être soumis à l'arbitrage exécutoire suivant le règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre commerciale internationale par trois arbitres nommés suivant ledit règlement, à moins que les parties ne conviennent de nommer un seul arbitre » (…) ; que les sociétés sont poursuivies au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce en raison des conditions dans lesquelles elles ont mis fin aux trois contrats les liant à la SAS ATE (…) ; que rien ne fait obstacle à ce qu'un tribunal arbitral puisse mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 442-6 ; que de surcroit il lui reviendra seul d'en juger ; que l'impécuniosité de la SAS ATE ne signifie pas l'impécuniosité de la SELAFA MJA prise en la personne de M. X... ès qualités de liquidateur judiciaire et qu'il appartiendra encore, selon le même principe « compétence-compétence » au tribunal arbitral de juger lui-même si sa saisine est un obstacle à l'accès à la justice pour la SELAFA MJA ;

1°) ALORS QU'une convention d'arbitrage est manifestement inapplicable à un litige relevant des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce qui, attribuant compétence aux seules juridictions qu'elles visent, lesquelles peuvent infliger des amendes, ouvrant l'action au ministère public, au ministre chargé de l'économie et au président de l'Autorité de la concurrence, et ayant pour finalité, notamment, de protéger le fonctionnement du marché et de la concurrence, excluent toute compétence arbitrale en la matière ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1448 du code de procédure civile et l'article L. 442-6 du code de commerce ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, une convention d'arbitrage est manifestement inapplicable dès lors que l'une des parties, insolvable, est dans l'impossibilité de constituer la provision au paiement de laquelle la saisine de l'arbitre se trouve subordonnée, sauf à consacrer un déni de justice et porter atteinte à la substance même du droit d'accès au juge ; qu'en retenant que l'inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage ne pourrait se déduire de l'impécuniosité alléguée de la société ATE, en liquidation judiciaire, et du déni de justice qui résulterait de son incapacité à procéder au paiement de la provision à défaut duquel, en application du règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre commerciale internationale, le tribunal arbitral ne sera pas saisi des demandes formulées, la cour d'appel a violé l'article 1448 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

ECLI:FR:CCASS:2016:C100885
Retourner en haut de la page