Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 juillet 2016, 15-21.579, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 15-21.579
- ECLI:FR:CCASS:2016:C201238
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Flise
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 avril 2015), que M. Alain X... exerçait une activité d'expertise comptable à Nice sous l'enseigne « Cabinet X... », dont étaient salariés son fils, M. Arnaud X..., et la compagne de ce dernier, Mme Y... ; que M. Alain X... a cédé son cabinet à la société CAC 06, constituée notamment de M. Arnaud X... et de Mme Y... ; que la société CAC 06, se plaignant d'un détournement de clientèle de la part de M. Alain X... et de la société V Art, dont le gérant associé est M. Arnaud X..., a saisi le conseil régional de l'Ordre des experts-comptables ; qu'une ordonnance du 16 décembre 2011, rendue sur requête de ce conseil, a désigné un huissier de justice pour procéder à une mesure de constat, réalisée le 25 janvier 2012 ; qu'une ordonnance de référé du 16 avril 2013 a rétracté l'ordonnance sur requête et annulé les procès-verbaux de l'huissier de justice ;
Attendu que MM. Alain X..., Arnaud X... et la société V Art font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes de rétractation de l'ordonnance sur requête du 16 décembre 2011 du président du tribunal de grande instance de Nice et d'annulation du procès-verbal dressé par l'huissier de justice ainsi que la destruction de ce procès-verbal avec toutes les pièces saisies ou relevées, alors, selon le moyen, que le juge apprécie les mérites de la requête au jour où il statue ; qu'en refusant de rétracter l'ordonnance sur requête datée du 16 décembre 2011 ayant autorisé l'huissier de justice à se rendre dans les locaux de la société V Art situés au 4 rue Rossini, palais Haydee, 06000 Nice bien qu'elle ait constaté qu'à la date à laquelle le juge a rendu son ordonnance, ces locaux étaient loués à la société Capi Sud depuis le 1er décembre 2011, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la demande de rétractation d'une ordonnance sur requête rendue sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne tendant qu'au rétablissement du principe de la contradiction, le juge de la rétractation qui connaît d'une telle demande doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale, à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui ; qu'ayant relevé qu'il résultait des pièces que la date de prise d'effet du bail contractuellement fixée au 1er décembre 2011 n'était pas la date de l'entrée effective du preneur dans les lieux qui n'était intervenue qu'en février 2012, faisant ainsi ressortir qu'il n'y avait pas eu erreur du juge des requêtes quant à la personne supportant l'exécution de la mesure, la cour d'appel a pu en déduire la légitimité de la mesure de constat ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les autres branches du moyen unique annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. Alain X..., Arnaud X... et la société V Art aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la société CAC 06 la somme globale de 3 000 euros et au conseil régional de l'Ordre des experts-comptables de Marseille-Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Alain X..., M. Arnaud X... et la société V Art
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté MM. Alain et Arnaud X... et la société V Art de leurs demandes de rétractation de l'ordonnance sur requête du 16 décembre 2011 du président du tribunal de grande instance de Nice et d'annulation du procès-verbal dressé par l'huissier de justice ainsi que la destruction de ce procès-verbal avec toutes les pièces saisies ou relevées,
AUX MOTIFS QUE l'ordonnance du 16 décembre 2011 indique que l'huissier devra se rendre dans les locaux de M. Alain X..., situés 43 rue Hérold à Nice et de la société V Art sis 4 rue Rossini, Palais Haydee, à Nice ; que les intimés soutiennent que la SARL V Art n'est plus domiciliée à l'adresse du 4 rue Rossini à Nice le 25 janvier 2012, date du procès-verbal, par M. Arnaud X..., propriétaire ; que d'une part, à la date où la requête a été présentée le 28 novembre 2011, la SARL Capi Sud n'occupait pas les lieux puisque le contrat de bail produit du 24 novembre 2011 mentionne qu'il prendra effet le 1er décembre 2011 ; que d'autre part, d'après les pièces produites, cette société d'expertise comptable Capi Sud n'a transféré son activité de sa précédente adresse au 17 rue Hôtel des Postes à Nice à cette adresse 4 rue Rossini qu'en février 2012 ; qu'elle n'était donc pas encore dans les lieux ce qui est confirmé par son absence à la procédure en rétractation, dans laquelle elle ne soutient pas, ne serait-ce que par une attestation, que les dossiers qui se trouvaient à cette adresse et qui ont été examinés par l'huissier et le représentant du conseil régional de l'ordre des experts-comptables, étaient ses dossiers ; qu'il n'y a donc pas eu tromperie ou dissimulation d'un quelconque élément par le Conseil régional de l'Ordre des experts-comptables comme l'écrivent les intimés, ni erreur de la part de l'huissier instrumentaire ; que MM Alain et Arnaud X... et la SARL V Art énoncent ensuite que le libellé de la mission très général constituerait une mesure attentatoire à la liberté individuelle et au droit de propriété et sollicitent l'annulation de cette mission par application de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que toutefois l'huissier commis n'était pas autorisé à saisir un quelconque document mais uniquement à les consulter, à dire si les travaux réalisés consistaient à procéder à une appréciation, une vérification des documents ou à des imputations à caractère comptable, et ce au regard des articles 2 et suivants de l'ordonnance du 19 septembre 1945 ; que l'huissier devait être accompagné du président du Conseil régional de l'ordre des experts-comptables ou d'un membre de celui-ci désigné à cette fin de façon à limiter ses investigations aux documents significatifs ; qu'il n'y a donc pas eu perquisition civile qui suppose la saisie, comme le soutiennent les intimés ; qu'en outre l'ordonnance sur requête ne constitue pas une atteinte au droit à un procès équitable dans la mesure où elle peut être soumise à une discussion contradictoire devant le juge à la demande de tout intéressé ;
1°) ALORS QU'une mesure générale d'investigation portant sur l'ensemble de l'activité d'une société ou d'une personne physique excède les mesures d'instruction admissibles au sens de l'article 145 du code de procédure civile ; que l'autorisation donnée à l'huissier de justice – de se rendre dans les locaux de M. Alain X... et de la société V Art, de consulter l'intégralité des dossiers des personnes physiques ou morales confiés à leur gestion en décrivant la nature des travaux réalisés par eux, de se faire communiquer la liste de leurs clients en précisant, notamment, si les travaux réalisés consistaient à procéder, au regard des dispositions de l'ordonnance du 19 septembre 1945, à une appréciation, à une vérification, à des imputations à caractère comptable des documents qui leur ont été remis par leurs clients – l'investissait d'une mission générale et d'un pouvoir d'investigation illimité ; qu'en refusant de rétracter l'ordonnance du 16 décembre 2011 ordonnant cette mesure aux motifs erronés que l'huissier n'était pas autorisé à saisir un quelconque document et qu'il devait être accompagné du président du conseil de l'ordre des experts-comptables de la Région PACA ou d'un membre de celui-ci de façon à limiter ses investigations aux documents significatifs, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'ordonnance sur requête rendue le 16 décembre 2011 a désigné un huissier aux fins de se rendre dans les locaux de M. X... et de la société V Art, « de consulter les dossiers des personnes physiques ou morales qui se trouvent confiés à la gestion de ceux-ci, de consulter lesdits dossiers en décrivant la nature des travaux réalisés par ceux-ci ; de se faire communiquer la liste des clients de ceux-ci, en précisant, notamment si les travaux réalisés consistaient à procéder à une appréciation, une vérification des documents, à des imputations à caractère comptable des documents qui étaient confiés par les clients susvisés au regard des articles 2 et suivants de l'ordonnance du 19 septembre 1945, de dire que l'expert commis pourra se faire accompagner de Monsieur le président du Conseil régional de l'Ordre des experts comptables Provence – Côte d'Azur ou de de tout membre de l'ordre par lui désigné à cette fin (…) que l'huissier devra consigner dans un procès-verbal ses constatations et déposer constat au greffe du tribunal » ; qu'en refusant de rétracter cette ordonnance au motif que l'huissier de justice devait être accompagné du président du conseil de l'ordre des experts-comptables de la région PACA ou d'un membre de celui désigné à cette fin de façon à limiter ses investigations aux documents significatifs, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'ordonnance sur requête du 16 décembre 2011 en violation de l'obligation faite aux juge de ne pas dénaturer les documents de la cause et de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE ni l'huissier de justice constatant, ni le technicien qui l'assiste ne sont habilités à porter des appréciations d'ordre juridique sur les documents qu'ils analysent ; qu'à supposer, comme l'a retenu la cour d'appel, que l'ordonnance sur requête ait limité les investigations de l'huissier de justice aux documents significatifs, c'est-à-dire aux documents laissant apparaitre que M. X... et la société V Art auraient procédé à une appréciation, à une vérification, à des imputations à caractère comptable de ces documents au regard des articles 2 et suivants de l'ordonnance du 19 septembre 1945, la mesure excède les prévisions de l'article 145 du code de procédure civile en investissant l'huissier de justice de la mission d'apprécier et de qualifier juridiquement les documents qu'il consulte ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 145, 238 et 242 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le principe de l'égalité des armes et du droit à un procès équitable s'oppose à ce que le requérant ou un de ses représentants soit autorisé à assister l'huissier de justice désigné pour exécuter la mesure d'instruction ; qu'en refusant de rétracter l'ordonnance rendue à la requête du conseil régional de l'ordre des experts-comptables Provence – Côte d'Azur bien qu'elle autorisât l'huissier désigné pour effectuer la mesure d'instruction à se faire assister par le président de cet ordre ou du délégataire de son choix, obligatoirement dudit ordre, la cour d'appel a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5°) ALORS QUE le juge apprécie les mérites de la requête au jour où il statue ; qu'en refusant de rétracter l'ordonnance sur requête datée du 16 décembre 2011 ayant autorisé l'huissier de justice à se rendre dans les locaux de la société V Art situés au 4 rue Rossini – Z... Haydee – 06000 Nice bien qu'elle ait constaté qu'à la date à laquelle le juge a rendu son ordonnance, ces locaux étaient loués à la société Capi Sud depuis le 1er décembre 2011, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 145 du code de procédure civile, ensemble l'article 1er au protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6°) ALORS QUE les conditions d'exécution de la mesure d'instruction ne relèvent pas du contentieux de la rétractation de cette mesure mais de celui de son exécution ; que pour refuser de rétracter l'ordonnance sur requête ayant autorisé l'huissier de justice à se rendre au 4 rue Rossini – 06000 Nice présentée comme étant l'adresse du siège social de la société V Art, l'arrêt relève que la société Capi Sud, locataire de ces locaux depuis le 1er décembre 2011, ne soutenait pas dans le cadre de cette procédure que les dossiers qui ont été examinés par l'huissier de justice et le représentant du conseil régional de l'expert-comptable étaient les siens ; qu'en se fondant sur des considérations relatives à l'exécution de la mesure, totalement étrangères au contentieux de la rétractation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile.