Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 juin 2016, 15-50.092, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 722-4 du code de commerce, ensemble les articles L. 722-13 et L. 722-15 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., avocate représentant divers actionnaires d'une société, a sollicité, par requête, l'autorisation d'assigner en référé d'heure à heure ladite société ; que cette autorisation n'ayant pu lui être accordée en raison d'un mouvement de grève des juges consulaires du tribunal de commerce, le procureur général près la cour d'appel de Douai a saisi la cour d'appel afin que soit désigné un tribunal de grande instance pour connaître de sa requête ;

Attendu que pour rejeter la requête du procureur général près la cour d'appel, l'arrêt retient qu'il s'évince de la combinaison des articles L. 722-1 à L. 722-4 et L. 722-13 et L. 722-15 du code de commerce que ces textes portent sur diverses hypothèses empêchant un fonctionnement normal d'un tribunal de commerce en raison de conditions d'ancienneté légales non remplies par ses membres, que le cas d'un mouvement de grève n'entre pas dans ces prévisions, que la requête ne porte que sur une seule affaire alors que l'article L. 722-4 du code de commerce tend à opérer le transfert de l'ensemble des affaires traitées ou à venir et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requête formulée par Mme X... ait été enrôlée, au sens de l'article L. 722-4 du code de commerce ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, s'il n'y a pas lieu de faire application des articles L. 722-13 et L. 722-15 du code de commerce, le renvoi prévu à l'article L. 722-4 du même code, qui, peu important leur nombre, porte tant sur les affaires enrôlées que sur celles à venir, est ordonné à la condition suffisante que le tribunal de commerce ne puisse se constituer ou statuer quelle qu'en soit la raison, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627, alinéa 1er, du code de procédure civile, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du même code ;

Attendu que la mesure sollicitée en urgence par Mme X... n'étant plus d'actualité, il ne reste plus rien à juger ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la procureure générale près la cour d'appel de Douai.

L'article L 722-4 du code de commerce dispose que " lorsqu'un tribunal de commerce ne peut se constituer ou statuer, la cour d'appel, saisie d'une requête du procureur général, désigne, s'il n'a pas été fait application des dispositions des articles L722-13 et L722-15, le tribunal de grande instance situé dans le ressort de la cour d'appel appelé à connaître des affaires inscrites au rôle du tribunal de commerce et de celle dont il aurait été saisi ultérieurement ".

Les article L722-13 et L722-15 du code de commerce, qui concernent des règles d'ancienneté, disposent que :
" lorsque aucun des candidats ne remplit la condition d'ancienneté requise pour être président du tribunal de commerce, le premier président de la cour d'appel, saisi par requête du procureur général, peut décider, par ordonnance, que l'ancienneté requise n'est pas exigée "

" Lorsque aucun des juges du tribunal de commerce ne remplit les conditions d'ancienneté requises soit pour statuer en matière de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, de règlement judiciaire ou de liquidation de biens, conformément aux dispositions de l'article L. 722-2, soit pour présider une formation de jugement dans les conditions prévues par l'article L. 722-3, soit pour remplir les fonctions de juge-commissaire dans les conditions prévues par l'article L. 722-14, le premier président de la cour d'appel, saisi par requête du procureur général, peut décider, par ordonnance, que l'ancienneté requise n'est pas exigée ".

Il n'exclut cependant aucune autre hypothèse de difficulté de fonctionnement de la juridiction consulaire et notamment le cas où l'ensemble des magistrats la composant est en grève.

L'avocat des consorts Y...a justifié de sa demande auprès du greffe en produisant la requête en référé et les pièces justificatives l'accompagnant. Elle n'a pu faire enrôler ce dossier faute d'avoir obtenu l'ordonnance sur requête du président de la juridiction l'autorisant à assigner en référé d'heure à heure.
Le refus des magistrats consulaires d'ARRAS de prendre des affaires en référé, en raison de la grève nationale, a été vérifié et confirmé par le procureur de la République. Il apparaît dans ces conditions qu'aucun service minimun n'avait été organisé pour en assurer la continuité.
En conséquence l'absence de désignation d'un tribunal de grande instance pour statuer sur ce litige, qui relève de la seule compétence du tribunal de commerce en application de l'article L721-3 du code de commerce, aboutirait à un déni de justice.
Dans ces conditions en l'absence d'autres textes applicables, l'article L 722-4 du code de commerce a pour objet en définitive de pallier l'impossibilité d'un tribunal de commerce de se constituer et ou de statuer, quel qu'en soit les motifs, sur les affaires inscrites au rôle de la juridiction et de celle dont il aurait été saisi ultérieurement comme en l'espèce.
En conséquence la cassation de cette décision paraît encourue.

ECLI:FR:CCASS:2016:C201082
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