Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 juin 2016, 14-23.825, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 juin 2014), que M. X... a été engagé, le 2 janvier 2007, par la société Asten en qualité d'étanchéiste ; qu'il a, le 20 janvier 2009, bénéficié d'un arrêt de travail ; qu'à l'issue des examens médicaux du 13 décembre 2010 et du 3 janvier 2011, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude au poste ; qu'il a été licencié le 22 février 2011 ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, de le débouter de sa demande en restitution d'une somme versée au salarié et de le condamner à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif au chef de dispositif ayant dit que la société Asten devait suivre la procédure protectrice des salariés victimes d'un accident du travail et lui verser l'indemnité spéciale correspondant, entraînera, par voie de conséquence la censure du chef de dispositif ayant dit qu'à défaut de consultation des délégués du personnelle licenciement de M. X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en tout état de cause que la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en l'espèce, l'employeur versait aux débats l'attestation d'un délégué du personnel qui affirmait que « Concernant Monsieur Salim X..., j'atteste sur l'honneur que les délégués du personnel avaient, lors de la réunion du 4 janvier 2011 tous les éléments relatifs à la recherche de reclassement, qu'il ont pris acte de l'impossibilité de reclassement de Monsieur X... et ont donné leur accord pour procéder à son licenciement » et le procès-verbal de la réunion du 4 janvier 2011 aux termes duquel figurait à l'ordre du jour « 2) réunion des délégués du personnel » ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas produire l'ordre du jour de la réunion des délégués du personnel, ni le compte-rendu de cette réunion, la cour d'appel a violé les articles 1315 et 1349 du code civil, ensemble le principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale ;

Mais attendu, d'abord, que le rejet du premier moyen rend le second, pris en sa première branche, dépourvu de portée ;

Attendu, ensuite, que si la preuve est libre en matière prud'homale, la cour d'appel qui, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation des éléments de fait et de preuve, a constaté que l'employeur avait consulté, non pas les délégués du personnel, mais le comité d'entreprise, a fait une exacte application de l'article L. 1226-10 du code du travail en sa rédaction alors applicable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Asten aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Asten ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Asten.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour inaptitude de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR dit que la société ASTEN devait respecter les dispositions protectrices des salariés victimes d'accident du travail ou maladie professionnelle, d'AVOIR en conséquence débouté la société ASTEN de sa demande en restitution de la somme de 5.875,08 versée au salarié, d'AVOIR condamné la société ASTEN à verser à Monsieur X... la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR ordonné à l'employeur de rembourser aux organismes sociaux concernés les indemnités chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois, d'AVOIR condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le licenciement :
Le salarié fournit un certificat médical portant en en-tête 'duplicata' ; il s'agit d'un certificat initial d'accident du travail, mentionnant des lombalgies, daté du 20 janvier 2009 et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 27 janvier 2009 ; l'employeur verse un certificat médical daté du 20 janvier 2009, prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 27 janvier 2009 et s'intitulant certificat de rechute ; nonobstant cette contradiction, tous les courriers de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE versés par l'employeur font référence, non à une rechute, mais à un accident du travail survenu le 20 janvier 2009 (courriers du 2 septembre 2010, du 24 novembre 2010 et du 8 avril 2011) ; la notification à l'employeur de la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie relative au taux d'incapacité permanente renvoie également à un accident du travail ; l'employeur ne justifie pas avoir querellé cette qualification retenue par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie devant les instances compétentes ; l'employeur a par ailleurs renseigné une déclaration d'accident du travail le 21 janvier 2009 sans l'assortir de réserves.
Dans ces conditions, l'employeur ne peut soulever utilement que Salim X... n'a pas été victime d'un accident du travail survenu le 20 janvier 2009.
L'employeur devait donc suivre la procédure protectrice des salariés victimes d'un accident du travail.
Le 13 décembre 2010, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude au poste et un avis d'aptitude à un poste sans port de charge lourde ; le même jour, Salim X... s'est vu prescrire un arrêt de travail ; le 3 janvier 2011, le médecin du travail a rendu un avis confirmant celui du 13 décembre 2010 ; le 18 janvier 2011, le médecin du travail a indiqué à l'employeur qu'un poste de conducteur d'engin pouvait être compatible avec l'état de santé de Salim X....
La lettre de licenciement du 22 février 2011 se réfère à la consultation des délégués du personnel, à l'avis d'inaptitude du médecin du travail et à l'impossibilité de reclassement.
L'article L. 1226-10 du code du travail oblige l'employeur à consulter les délégués du personnel avant de procéder au licenciement d'un salarié déclaré inapte à l'issue des périodes de suspension de son contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.
L'employeur ne peut suppléer à cette obligation en consultant le comité d'entreprise.
Le 4 février 2011, le comité d'entreprise RHONE-ALPES de la société ASTEN s'est réuni et a donné son accord au licenciement de Salim X....
Pour qualifier cette réunion de consultation des délégués du personnel, l'employeur verse l'attestation du salarié qui cumule les fonctions de secrétaire du comité d'entreprise et de délégué du personnel ; ce dernier affirme qu'il existe une délégation unique du personnel, qu'en sa qualité de secrétaire du comité d'entreprise il établit les convocations et les comptes rendus des réunions comité d'entreprise et délégués du personnel, que la convocation est unique pour les deux réunions qui se déroulent successivement, qu'il rédige, transmet et affiche le compte-rendu des réunions et y indique les points abordés durant les deux réunions et que les délégués du personnel avaient lors de la réunion du 4 février 2011 tous les éléments relatifs à la recherche de reclassement, ont pris acte de l'impossibilité de reclasser Salim X... et ont donné leur accord à son licenciement.
Le procès-verbal du 4 février 2011 s'intitule : 'Compte-rendu du C.E. Rhône-Alpes'.
En première page de ce document il est inscrit :
'1) Ordre du jour :
2/ Licenciement de M. X... Salim
3/ Vêtements de travail
4/ Questions diverses
2) Réunion des délégués du personnel'
A l'article 1 est mentionné l'approbation par les membres du C.E. du compte rendu de la réunion du 13 janvier 2011.
A l'article 4 est rappelé que 'les élections des membres du comité d'établissement auront lieu fin mai 2011'.
L'article 2 est ainsi rédigé : 'Le président du C.E. informe le comité que M. X... Salim fait l'objet d'une procédure de licenciement faisant suite à son inaptitude. Les démarches administratives ont été faites et la société n'a pas trouvé de poste aux fins de reclassement de l'intéressé. A la vue de ces informations, le comité donne son accord pour le licenciement'.
Sur le procès-verbal est noté que le comité était présidé par Georges Y... lequel a bien signé le procès-verbal en cette qualité ; Georges Y... est le directeur régional de la société ASTEN.
Les énonciations de ce document démontrent que seul le comité d'entreprise présidé par le directeur de la société employeur s'est prononcé sur le licenciement de Salim X... ; il n'est prévu aucun ordre du jour à la réunion des délégués du personnel et il n'y apparaît pas le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel alors que le secrétaire, dans son attestation, déclare qu'il établit un compte-rendu des deux réunions.
Ainsi, l'employeur prouve qu'il a consulté le comité d'entreprise mais non les délégués du personnel.
L'employeur n'a donc pas respecté les exigences de l'article L. 1226-10 du code du travail.
En conséquence, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
En application de l'article L. 1226-15 du code du travail, Salim X... à droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire, soit à la somme de 22.240,92 euros ; les éléments de la cause justifient de chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 25.000 euros.
En conséquence, la S.A.S. ASTEN doit être condamnée à verser à Salim X... la somme de 25.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause.
Salim X... bénéficiait d'une ancienneté supérieure à deux ans et la S.A.S. ASTEN emploie plus de onze personnes ; aussi, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, la S.A.S. ASTEN doit être condamnée d'office à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à Salim X... du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur la demande en restitution de somme :
Le dernier bulletin de paie et le récapitulatif versé par l'employeur montre que la société ASTEN a réglé à Salim X... une indemnité compensant un préavis de deux mois et une indemnité de licenciement doublée.
Salim X... qui avait acquis une ancienneté supérieure à deux ans et dont le licenciement a été jugé dépourvu de cause a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois.
Par lettre du 8 avril 2011, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a informé l'employeur qu'elle n'a pas retenu de lien entre l'inaptitude et l'accident du travail du 20 janvier 2009. Cependant, l'application de l'article L. 1226-10 du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude ; le salarié a été en arrêt de travail pour cause d'accident du travail et à l'issue des arrêts de travail a été déclaré inapte ; cette continuité entre l'accident du travail, les arrêts de travail et l'inaptitude établit un lien causal entre l'accident et l'inaptitude.
Salim X... a donc droit à l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail.
En conséquence, la S.A.S. ASTEN doit être déboutée de sa demande en restitution des sommes versées au salarié.
Le jugement entrepris doit être confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de condamner la S.A.S. ASTEN à verser à Salim X... en cause d'appel la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A.S. ASTEN qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel et le jugement entrepris doit être infirmé » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Au vu des pièces complémentaires demandées lors de l'audience de jugement du 31 mai 2011 et fournies par Monsieur X..., notamment le relevé des indemnités journalières, il est parfaitement établi que Monsieur Salim X... a été victime d'un accident du travail au sein de ladite société et que la procédure mise en oeuvre en vertu des articles L1226-10 et suivants du Code du travail était appropriée ; Le conseil considère que la société ASTEN SA ne peut donc prétendre au remboursement des sommes allouées à juste titre au salarié au titre de cette procédure » ;

1°) ALORS QU'il appartient au salarié d'établir, et aux juges de le caractériser, que son inaptitude a pour origine un accident du travail ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté l'existence d'une contradiction entre la pièce produite par le salarié, i.e. le simple « duplicata » d'un certificat initial d'accident du travail daté du 20 janvier 2009, et celle versée aux débats par l'employeur, en original, à savoir un document CERFA également daté du 20 janvier 2009 mais intitulé certificat de rechute, ce document visant un accident initial de travail survenu le 2 octobre 2014, étant constant qu'à cette époque, l'intéressé n'était pas salarié de la société ASPEN ; qu'en déduisant ensuite l'existence d'un accident du travail survenu le 20 janvier 2009 d'un relevé d'indemnités journalières (motifs adoptés), des courriers de la CPAM du Rhône adressés à la société ASPEN faisant référence à un accident du travail, de la notification par la CPAM d'un taux d'incapacité permanente renvoyant également à un accident du travail sans que la société ASPEN ne le conteste, et d'une déclaration d'accident du travail renseignée par la société ASPEN sans être assortie de réserves (motifs propres), la Cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que le salarié avait été victime d'un accident du travail le 20 janvier 2009, alors surtout qu'elle constatait encore que la CPAM avait in fine, par lettre du 8 avril 2011, refusé de retenir un lien entre l'inaptitude et « l'accident du travail » litigieux, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du Code du travail ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE lorsque le salarié licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement sollicite le bénéfice des dispositions protectrices des victimes d'accident du travail, contesté par l'employeur, il appartient au juge prud'homal de rechercher eux-mêmes si la preuve est rapportée d'un lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude du salarié ; que pour conclure à l'origine professionnelle de l'inaptitude, la Cour d'appel s'est bornée à relever l'existence d'une continuité entre l'accident, les arrêts de travail et l'inaptitude du salarié ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser un lien entre l'inaptitude du salarié et l'accident du 20 janvier 2009, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail ;

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement pour inaptitude de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'AVOIR dit que la société ASTEN devait respecter les dispositions protectrices des salariés victimes d'accident du travail ou maladie professionnelle, d'AVOIR en conséquence débouté la société ASTEN de sa demande en restitution de la somme de 5.875,08 versée au salarié, d'AVOIR condamné la société ASTEN à verser à Monsieur X... la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR ordonné à l'employeur de rembourser aux organismes sociaux concernés les indemnités chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois, d'AVOIR condamné l'employeur à verser au salarié la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « « Sur le licenciement :
Le salarié fournit un certificat médical portant en en-tête 'duplicata' ; il s'agit d'un certificat initial d'accident du travail, mentionnant des lombalgies, daté du 20 janvier 2009 et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 27 janvier 2009 ; l'employeur verse un certificat médical daté du 20 janvier 2009, prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 27 janvier 2009 et s'intitulant certificat de rechute ; nonobstant cette contradiction, tous les courriers de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du RHONE versés par l'employeur font référence, non à une rechute, mais à un accident du travail survenu le 20 janvier 2009 (courriers du 2 septembre 2010, du 24 novembre 2010 et du 8 avril 2011) ; la notification à l'employeur de la décision de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie relative au taux d'incapacité permanente renvoie également à un accident du travail ; l'employeur ne justifie pas avoir querellé cette qualification retenue par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie devant les instances compétentes ; l'employeur a par ailleurs renseigné une déclaration d'accident du travail le 21 janvier 2009 sans l'assortir de réserves.
Dans ces conditions, l'employeur ne peut soulever utilement que Salim X... n'a pas été victime d'un accident du travail survenu le 20 janvier 2009.
L'employeur devait donc suivre la procédure protectrice des salariés victimes d'un accident du travail.
Le 13 décembre 2010, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude au poste et un avis d'aptitude à un poste sans port de charge lourde ; le même jour, Salim X... s'est vu prescrire un arrêt de travail ; le 3 janvier 2011, le médecin du travail a rendu un avis confirmant celui du 13 décembre 2010 ; le 18 janvier 2011, le médecin du travail a indiqué à l'employeur qu'un poste de conducteur d'engin pouvait être compatible avec l'état de santé de Salim X....
La lettre de licenciement du 22 février 2011 se réfère à la consultation des délégués du personnel, à l'avis d'inaptitude du médecin du travail et à l'impossibilité de reclassement.
L'article L. 1226-10 du code du travail oblige l'employeur à consulter les délégués du personnel avant de procéder au licenciement d'un salarié déclaré inapte à l'issue des périodes de suspension de son contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.
L'employeur ne peut suppléer à cette obligation en consultant le comité d'entreprise.
Le 4 février 2011, le comité d'entreprise RHONE-ALPES de la société ASTEN s'est réuni et a donné son accord au licenciement de Salim X....
Pour qualifier cette réunion de consultation des délégués du personnel, l'employeur verse l'attestation du salarié qui cumule les fonctions de secrétaire du comité d'entreprise et de délégué du personnel ; ce dernier affirme qu'il existe une délégation unique du personnel, qu'en sa qualité de secrétaire du comité d'entreprise il établit les convocations et les comptes rendus des réunions comité d'entreprise et délégués du personnel, que la convocation est unique pour les deux réunions qui se déroulent successivement, qu'il rédige, transmet et affiche le compte-rendu des réunions et y indique les points abordés durant les deux réunions et que les délégués du personnel avaient lors de la réunion du 4 février 2011 tous les éléments relatifs à la recherche de reclassement, ont pris acte de l'impossibilité de reclasser Salim X... et ont donné leur accord à son licenciement.
Le procès-verbal du 4 février 2011 s'intitule : 'Compte-rendu du C.E. Rhône-Alpes'.
En première page de ce document il est inscrit :
'1) Ordre du jour :
1/ Approbation du compte rendu de la réunion du 13 janvier 2011
2/ Licenciement de M. X... Salim
3/ Vêtements de travail
4/ Questions diverses
2) Réunion des délégués du personnel'
A l'article 1 est mentionné l'approbation par les membres du C.E. du compte rendu de la réunion du 13 janvier 2011.
A l'article 4 est rappelé que 'les élections des membres du comité d'établissement auront lieu fin mai 2011'.
L'article 2 est ainsi rédigé : 'Le président du C.E. informe le comité que M. X... Salim fait l'objet d'une procédure de licenciement faisant suite à son inaptitude. Les démarches administratives ont été faites et la société n'a pas trouvé de poste aux fins de reclassement de l'intéressé. A la vue de ces informations, le comité donne son accord pour le licenciement'.
Sur le procès-verbal est noté que le comité était présidé par Georges Y... lequel a bien signé le procès-verbal en cette qualité ; Georges Y... est le directeur régional de la société ASTEN.
Les énonciations de ce document démontrent que seul le comité d'entreprise présidé par le directeur de la société employeur s'est prononcé sur le licenciement de Salim X... ; il n'est prévu aucun ordre du jour à la réunion des délégués du personnel et il n'y apparaît pas le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel alors que le secrétaire, dans son attestation, déclare qu'il établit un compte-rendu des deux réunions.
Ainsi, l'employeur prouve qu'il a consulté le comité d'entreprise mais non les délégués du personnel.
L'employeur n'a donc pas respecté les exigences de l'article L. 1226-10 du code du travail.
En conséquence, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris doit être infirmé.
En application de l'article L. 1226-15 du code du travail, Salim X... à droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à 12 mois de salaire, soit à la somme de 22.240,92 euros ; les éléments de la cause justifient de chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 25.000 euros.
En conséquence, la S.A.S. ASTEN doit être condamnée à verser à Salim X... la somme de 25.000 euros nets devant lui revenir personnellement à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause.
Salim X... bénéficiait d'une ancienneté supérieure à deux ans et la S.A.S. ASTEN emploie plus de onze personnes ; aussi, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, la S.A.S. ASTEN doit être condamnée d'office à rembourser aux organismes concernés les allocations chômage versées à Salim X... du jour du licenciement au jour du jugement dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur la demande en restitution de somme :
Le dernier bulletin de paie et le récapitulatif versé par l'employeur montre que la société ASTEN a réglé à Salim X... une indemnité compensant un préavis de deux mois et une indemnité de licenciement doublée.
Salim X... qui avait acquis une ancienneté supérieure à deux ans et dont le licenciement a été jugé dépourvu de cause a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois.
Par lettre du 8 avril 2011, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a informé l'employeur qu'elle n'a pas retenu de lien entre l'inaptitude et l'accident du travail du 20 janvier 2009. Cependant, l'application de l'article L. 1226-10 du code du travail n'est pas subordonnée à la reconnaissance par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude ; le salarié a été en arrêt de travail pour cause d'accident du travail et à l'issue des arrêts de travail a été déclaré inapte ; cette continuité entre l'accident du travail, les arrêts de travail et l'inaptitude établit un lien causal entre l'accident et l'inaptitude.
Salim X... a donc droit à l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 1226-14 du code du travail.
En conséquence, la S.A.S. ASTEN doit être déboutée de sa demande en restitution des sommes versées au salarié.
Le jugement entrepris doit être confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et de condamner la S.A.S. ASTEN à verser à Salim X... en cause d'appel la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La S.A.S. ASTEN qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d'appel et le jugement entrepris doit être infirmé » ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif au chef de dispositif ayant dit que la société ASTEN devait suivre la procédure protectrice des salariés victimes d'un accident du travail et lui verser l'indemnité spéciale correspondant, entrainera, par voie de conséquence la censure du chef de dispositif ayant dit qu'à défaut de consultation des délégués du personnel le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en application de l'article 624 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS en tout état de cause QUE la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en l'espèce, l'employeur versait aux débats l'attestation d'un délégué du personnel qui affirmait que « Concernant Monsieur SALIM X..., j'atteste sur l'honneur que les délégués du personnel avaient, lors de la réunion du 4 janvier 2011 tous les éléments relatifs à la recherche de reclassement, qu'il ont pris acte de l'impossibilité de reclassement de Monsieur X... et ont donné leur accord pour procéder à son licenciement » et le procès-verbal de la réunion du 4 janvier 2011 aux termes duquel figurait à l'ordre du jour « 2) réunion des délégués du personnel » ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas produire l'ordre du jour de la réunion des délégués du personnel, ni le compte-rendu de cette réunion, la Cour d'appel a violé les articles 1315 et 1349 du Code civil, ensemble le principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale ;

ECLI:FR:CCASS:2016:SO01169
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