Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juin 2016, 14-19.097, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 14-19.097
- ECLI:FR:CCASS:2016:SO01132
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Frouin (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 10 avril 2014), que M. X... a été engagé par la société Bolloré Technologies, aux droits de laquelle vient la société Papeteries du Leman, le 11 avril 1988 d'abord en qualité d'aide-laboratoire puis en dernier lieu en qualité d'ouvrier, la relation contractuelle étant régie par la convention collective nationale des ouvriers de la production des papiers, cartons et celluloses du 20 janvier 1988 ; que, prenant acte de la rupture de son contrat de travail le 20 janvier 2012, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de réduire le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement, alors, selon le moyen :
1°/ que si des dispositions conventionnelles auxquelles l'employeur est soumis peuvent accorder des avantages à une catégorie de salariés, elles ne peuvent suffire à justifier une différence de traitement avec des salariés relevant d'une autre catégorie professionnelle mais se trouvant dans la même situation au regard de l'avantage en cause qu'à la condition que cette différence de traitement repose sur des raisons objectives, pouvant résulter de la prise en compte des spécificités de la catégorie professionnelle qui en bénéficie ; que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 50 100,57 euros fondée sur la rupture d'égalité de traitement entre les cadres et non-cadres, l'arrêt retient que les cadres ayant atteint une ancienneté supérieure à cinq ans à la date de leur licenciement subissent un préjudice spécifique en raison de leur éviction d'une entreprise au sein de laquelle ils avaient fait leurs preuves, dans la mesure où cet accident de parcours a pour effet de freiner, au moins provisoirement, le développement de leur carrière professionnelle, jusqu'à ce qu'ils aient effectivement retrouvé la possibilité de jouir d'une dynamique similaire au sein d'une autre entreprise ; qu'en se déterminant ainsi, en se fondant sur des répercussions de licenciement qui sont similaires pour les salariés non-cadres qui bénéficient conventionnellement du droit de progresser au sein de l'entreprise par le biais de la formation professionnelle rappelée notamment de l'avenant n° 1 du 17 juin 2009 à l'accord du 7 janvier 1993 relatif aux classifications de la convention collective nationale des ouvriers, employés, dessinateurs, techniciens et agents de maîtrise de la production des papiers cartons et celluloses du 20 janvier 1988, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de l'égalité de traitement, ensemble au regard desdites dispositions conventionnelles ;
2°/ qu'en retenant pour justifier une différence de traitement, l'implication plus restreinte dans les responsabilités inhérentes à la bonne marche de l'entreprise, pour les ouvriers, employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise, alors que cet élément, à le supposer exact, ne permettrait que de différencier les cadres des autres salariés non cadres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de l'égalité de traitement ;
Mais attendu que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ;
Et attendu que la cour d'appel, ayant fait ressortir que le salarié n'établissait pas que la différence de traitement relative à l'indemnité conventionnelle de licenciement opérée par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la production des papiers, cartons et celluloses du 4 décembre 1972 au profit des ingénieurs et cadres par rapport aux ouvriers, employés, dessinateurs, techniciens et agents de maîtrise était étrangère à toute considération de nature professionnelle, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société PAPETERIES DU LEMAN à verser à Monsieur X... une indemnité conventionnelle de licenciement réduite à 28.823,50 €, et partant d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait retenu la somme de 50.100,57 € à ce titre ;
AUX MOTIFS QU'au regard du principe général de l'égalité de traitement, les salariés placés dans une situation identique leur permettant de prétendre à l'attribution d'un avantage ne peuvent être soumis à une différenciation des caractéristiques matérielles et/ou financières suivant lesquelles ils sont susceptibles de bénéficier effectivement de cet avantage sur la considération exclusive de leur simple appartenance à une catégorie professionnelle donnée, à moins qu'un traitement plus favorable aux salariés relevant d'une catégorie ne soit justifiée par une raison objective pertinente que constituerait la préoccupation de prendre en compte les spécificités de la situation de ces salariés, tenant notamment aux conditions d'exercice de leurs fonctions, à l'évolution de leur carrière ou aux modalités de leur rémunération ; qu'en l'espèce, alors que les bases de calcul de l'indemnité de licenciement allouée aux salariés licenciés sans faute grave, comptant une ancienneté d'au moins deux ans et âgés de moins de 60 ans à la date de la rupture de leur contrat de travail, sont fixées à un huitième de mois par année de présence à compter de la date d'entrée dans l'établissement pour l'ensemble des salariés des entreprises de production de papiers, cartons et celluloses, aussi bien les ouvriers, employés, dessinateurs, techniciens et agents de maîtrise, bénéficiaires de l'article 44 d'une convention collective nationale IDCC 1492 du 20 janvier 1988 que les ingénieurs et cadres, admis à se prévaloir de l'article 48 d'une convention collective nationale IDCC 700 du 4 décembre 1972, il résulte ensuite des mêmes clauses qu'à partir de cinq ans d'ancienneté, une différence est opérée en fonction de chacune des catégories : - la base de calcul de l'indemnité de licenciement est relevée à un quart de mois par année de présence à compter de la date d'entrée dans l'établissement, pour les ouvriers, employés, dessinateurs, techniciens et agents de maîtrise, et il s'y ajoute 1/10 de mois par année de présence au-delà de 15 ans d'ancienneté, - la base de calcul de l'indemnité de licenciement est portée à un demi mois par année de présence à compter de la date d'entrée dans l'établissement, pour les ingénieurs et cadres, sans que le total de l'indemnité ne puisse excéder 15 mois ; que par ailleurs, les majorations applicables à l'indemnité de licenciement au bénéfice des salariés âgés de plus de 50 ans et de plus de 55 ans sont les mêmes pour tous les salariés des deux catégories en vertu du b) de l'article 44 de la convention collective nationale IDCC 1492 régissant les ouvriers, employés, dessinateurs, techniciens et agents de maîtrise et du b) de l'article 48 de la convention collective nationale IDCC 700 régissant les ingénieurs et cadres, au sein des entreprises de la blanche de production des papiers, cartons et celluloses ; que toutefois, en cas de licenciement, les ingénieurs ou les cadres des entreprises de cette même branche d'activité sont exposés à un risque objectivement plus important de voir leurs perspectives de carrière se réduire dans des conditions non négligeables, au moins à court ou moyen terme, privés alors de la dynamique dont ils étaient susceptibles de bénéficier au sein des entreprises dont ils sont issus, sans être certains de retrouver systématiquement le même niveau de classement dans une autre entreprise et surtout de bénéficier des mêmes atouts dans un environnement différent et aux yeux d'un nouvel employeur, auprès duquel il leur sera nécessaire de « faire leurs preuves » et corrélativement, leur rémunération de base, outre les accessoires, dont le montant est variable suivant les entreprises, sous forme de primes ou d'intéressements, risque d'en pâtir immédiatement à la suite de leur nouvelle embauche, sinon à moyen terme également ; qu'en effet, dans les hypothèses de vacance ou de création de postes, l'article 27 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la production des papiers, cartons et celluloses recommande à l'employeur, qui peut procéder à des engagements directs, de faire appel autant que possible aux cadres travaillant dans l'entreprise et qu'il estimerait aptes à occuper ces postes ; que les dispositions de l'article 32 de la même convention organisent par ailleurs les conditions dans lesquelles les cadres peuvent être appelés à remplacer temporairement d'autres cadres classés à un niveau hiérarchique supérieur et absents de leur poste pour divers motifs, opportunité leur donnant vocation, le cas échéant à être titularisés dans ce poste, au bénéfice d'un avancement ; que d'une manière générale, l'article 28 de la même convention collective énonce comme principe que la promotion d'un cadre s'effectue au choix ; que d'une manière cohérente avec l'accord relatif à la classification professionnelle des ingénieurs et cadres, il s'avère incontournable que le choix opéré par l'employeur procède d'une appréciation des qualités, compétences et aptitudes de l'intéressé au regard des critères classants cumulatifs ordinairement mis en oeuvre pour analyser l'adéquation du profil du salarié présélectionné à la complexité et au champ des situations caractérisant le poste concerné, à l'initiative et à l'autonomie escomptées de la part d'un titulaire de ce poste, aux exigences inhérentes à l'encadrement afférent aux fonctions associées et aux spécificités de communication interne et externe bien davantage qu'un entretien d'embauché, des tests ou encore un essai, sinon davantage que les aléas d'un recrutement par un chasseur de têtes, un employeur sera sans doute enclin à privilégier l'intuitu personae vis-à-vis d'un cadre déjà présent dans l'entreprise dont il aura repéré le potentiel en fonction de son activité et de son évolution passées et qui aura déjà acquis une « culture » d'entreprise appréciable ; que c'est pourquoi, à la faveur de l'écoulement du temps de présence d'un cadre au sein d'une entreprise, sa marge de progression jusqu'a certains des postes de responsabilité plus élevés dans la hiérarchie interne est susceptible de s'accroître entre les niveaux A, B et C de la grille de classification spécifique aux ingénieurs et cadres, comportant une rémunération annuelle de base de 36.400 €, 42.840 € et 56.100 € respectivement en 2010, à la faveur de la confiance acquise auprès de l'employeur, dans la mesure où il s'agit pour celui-ci de déléguer à un cadre bénéficiaire d'une promotion une part plus ou moins importante de ses pouvoirs et prérogatives dans la gestion de certains éléments de l'activité de l'entreprise ; qu'à l'inverse, l'intuitu personae a nécessairement une moindre place dans l'appréciation, au premier chef par l'encadrement d'ailleurs, des conditions de progression professionnelle, dans les limites d'une grille de classification comportant cinq niveaux et des coefficients variant de 125 à 350, assortie d'une échelle de rémunérations mensuelles de base comprises entre 1255 € et 2483 €, et, en toute hypothèse, avec une implication indéniablement plus restreinte dans les responsabilités inhérentes à la bonne marche de l'entreprise, pour les ouvriers, employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise ; qu'il se déduit de ces éléments que les partenaires sociaux ont réservé de manière cohérente aux ingénieurs et cadres de la production des papiers, cartons et celluloses, ayant atteint une ancienneté supérieure à cinq ans à la date de leur licenciement, une base de calcul de leur indemnité de licenciement plus avantageuse, de manière à compenser le préjudice qu'ils subissent en raison de la rupture de leur contrat de travail et plus particulièrement de leur éviction d'une entreprise au sein de laquelle ils avaient fait leurs preuves, dans la mesure où cet accident de parcours a inéluctablement pour effet de freiner, au moins provisoirement, le développement de leur carrière professionnelle, jusqu'à ce qu'ils aient effectivement retrouvé la possibilité de retrouver une dynamique similaire au sein d'une autre entreprise ; que corollairement, quand bien même ils sont licenciés après avoir passé plus de cinq ans au service d'une entreprise de production de papier, cartons et celluloses, les ouvriers, employés, dessinateurs, techniciens et agents de maîtrise ne peuvent pu étendre au bénéfice d'une indemnité de licenciement calculée sur la même base que les ingénieurs et cadres mais seulement à une indemnité liquidée à raison d'un quart de mois par année de présence à compter de leur date d'entrée dans l'établissement ; qu'aussi, à défaut de pouvoir faire jouer en sa faveur le principe de l'égalité de traitement, Jean-Jacques X... lui-même, qui occupait un emploi de « labo/prep. couche », catégorie ouvrier, niveau III, échelon 3, coefficient 160, au dernier état de la relation de travail, et qui relevait de la convention collective nationale des ouvriers, employés, dessinateurs, techniciens et agents de maîtrise de la production des papiers, cartons et celluloses, ne peut-il être reconnu créancier que d'une indemnité conventionnelle de licenciement calculée de manière arithmétiquement exacte par l'appelante, en considération de son ancienneté, outre la majoration applicable au salarié licencié âgé de plus de 50 ans, à la somme de 28.823,50 € ; que la décision rendue par la juridiction prud'homale doit donc être infirmée sur ce point ;
ALORS QUE si des dispositions conventionnelles auxquelles l'employeur est soumis peuvent accorder des avantages à une catégorie de salariés, elles ne peuvent suffire à justifier une différence de traitement avec des salariés relevant d'une autre catégorie professionnelle mais se trouvant dans la même situation au regard de l'avantage en cause qu'à la condition que cette différence de traitement repose sur des raisons objectives, pouvant résulter de la prise en compte des spécificités de la catégorie professionnelle qui en bénéficie ; que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 50.100,57 € fondée sur la rupture d'égalité de traitement entre les cadres et non-cadres, l'arrêt retient que les cadres ayant atteint une ancienneté supérieure à cinq ans à la date de leur licenciement subissent un préjudice spécifique en raison de leur éviction d'une entreprise au sein de laquelle ils avaient fait leurs preuves, dans la mesure où cet accident de parcours a pour effet de freiner, au moins provisoirement, le développement de leur carrière professionnelle, jusqu'à ce qu'ils aient effectivement retrouvé la possibilité de jouir d'une dynamique similaire au sein d'une autre entreprise ; qu'en se déterminant ainsi, en se fondant sur des répercussions de licenciement qui sont similaires pour les salariés non-cadres qui bénéficient conventionnellement du droit de progresser au sein de l'entreprise par le biais de la formation professionnelle rappelée notamment de l'avenant n°1 du 17 juin 2009 à l'accord du 7 janvier 1993 relatif aux classifications de la Convention Collective Nationale des Ouvriers, Employés, Dessinateurs, Techniciens et Agents de Maîtrise de la Production des Papiers Cartons et Celluloses du 20 janvier 1988, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de l'égalité de traitement, ensemble au regard desdites dispositions conventionnelles.
ALORS ENCORE QU'en retenant pour justifier une différence de traitement, l'implication plus restreinte dans les responsabilités inhérentes à la bonne marche de l'entreprise, pour les ouvriers, employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise, alors que cet élément, à le supposer exact, ne permettrait que de différencier les cadres des autres salariés non cadres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de l'égalité de traitement.