Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juin 2016, 14-28.255, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 14-28.255
- ECLI:FR:CCASS:2016:SO01056
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé à compter du 11 juin 1978 par la société Vis Samar, en qualité de fraiseur, coefficient 170, niveau 2-1 de la convention collective applicable, avant d'être classé, en 1986, au coefficient 190 niveau 2-3 et exerçant un mandat de délégué syndical depuis 1993, a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre d'une discrimination syndicale ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur qui est préalable :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée, sur le moyen, ci-après annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du code du travail ;
Attendu que, pour rejeter la demande du salarié tendant à son reclassement au coefficient 270 niveau IV échelon 2 à compter de 2006 et au paiement de la rémunération correspondante, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que les fonctions qu'il occupe effectivement relèvent de la classification revendiquée ;
Attendu, cependant, que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'elle avait relevé que le salarié qui n'avait bénéficié d'aucune progression indiciaire depuis 1986, avait été victime d'une discrimination syndicale, ce dont il résultait qu'il était fondé à se voir reclasser dans le coefficient de rémunération qu'il aurait atteint en l'absence de discrimination, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes de reclassification dans la grille de classification de la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques, électriques, connexes et similaires du département de l'Allier et en paiement de la rémunération correspondante, l'arrêt rendu le 7 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Vis Samar aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Vis Samar à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur José X... de sa demande tendant à la condamnation de la SA Vis Samar à procéder à sa reclassification au coefficient 270 niveau IV échelon 2 de la classification annexée à la Convention collective de la métallurgie de l'Allier et au paiement de la rémunération correspondante à compter de l'année 2006 ;
AUX MOTIFS QUE " Sur la discrimination (…) Monsieur X... fonde sa demande sur le fait que depuis son embauche et contrairement aux autres salariés occupant le même poste, sa situation dans l'entreprise et surtout son coefficient salarial n'ont pas évolué alors qu'il a régulièrement suivi des formations et a lui-même assuré la formation de certains salariés et que cette discrimination perdure (…) ;
QUE les tableaux comparatifs établis par l'employeur et prenant pour base les salariés présents dans l'entreprise en 1986 et alors positionnés au coefficient 190 niveau II échelon 3 font apparaître que :
- en 2000, sur les 19 salariés toujours présents dans l'entreprise, 7 sont toujours à ce coefficient et 12 ont évolué,
- en 2010, sur les 10 salariés toujours présents dans l'entreprise, 3 dont Monsieur X... sont toujours à ce même coefficient et 7 ont évolué ;
QUE dans la mesure où l'inégalité de traitement invoquée n'apparaît pas discutable, le fait que Monsieur X..., qui s'est finalement vu accorder le coefficient 215 niveau III échelon 1 en 2014, tout comme les deux autres salariés qui, jusque là, n'avaient connu aucune évolution, ne saurait exclure toute discrimination ; qu'en effet, alors que les fiches annuelles d'évaluation de Monsieur X... ne font apparaître aucune évaluation négative, force est de constater que la Société Vis Amar ne fournit aucune explication justifiant par des éléments objectifs le fait que le salarié soit parmi les trois salariés ayant dû attendre 2014 pour bénéficier d'un coefficient supérieur ; que c'est donc à juste titre que le Conseil de prud'hommes a considéré que Monsieur X... avait été victime de discrimination salariale (…) ;
ET AUX MOTIFS adoptés QUE " (…) En l'espèce, Monsieur X... démontre avoir bénéficié chaque année d'un entretien de carrière laissant apparaître un très bon comportement ainsi que des annotations favorables de la part de sa hiérarchie ; que (…) Monsieur José X... a effectué également, tout au long de sa carrière, de nombreux stages tant professionnels que syndicaux pour parfaire ses connaissances ainsi que ses aptitudes professionnelles ;
QU'il incombe à l'employeur, selon l'article L. 1134-1 du Code du travail, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, Monsieur José X... a pourtant formé plusieurs personnes pour le suppléer en cas d'absence de sa part ;
QUE Monsieur José X... invoque comme fait prouvant qu'il a été victime de discrimination une stagnation de son coefficient de salaire depuis 26 ans, soit depuis 1986 ; que Monsieur José X... demande depuis 15 ans, par courrier et lors de ses entretiens annuels, une évolution de carrière (…) ;
QUE Monsieur José X... est délégué syndical de son entreprise depuis 1993 ; que Monsieur José X... pense notamment que sa non évolution provient de son mandat syndical ;
QU'en l'espèce, Monsieur José X... produit un tableau récapitulatif de progression et promotion établi sur différentes périodes à compter de 1986 jusqu'en 2010, des salariés de l'entreprise ; (…) que ce tableau montre une évolution des coefficients et donc des salaires de chacun et sa non évolution ; qu'en conséquence, Monsieur José X... est victime de discrimination syndicale et se verra allouer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts " (jugement p. 3 dernier alinéa, p. 4) ;
ET AUX MOTIFS QUE " sur le coefficient 270, les fonctions de technicien niveau IV sont définies de la manière suivante par la convention collective des industries métallurgiques, mécaniques, électriques, connexes et similaires du département de l'Allier :
" D'après les instructions de caractère général portant sur des méthodes connues ou indiquées, en laissant une certaine initiative sur le choix des moyens à mettre en oeuvre et sur la succession des étapes, il exécute des travaux techniques d'exploitation complexe ou d'étude d'une partie d'ensemble faisant appel à la combinaison des processus d'intervention les plus avancés dans la profession ou d'activités connexes exigeant une haute qualification.
Les instructions précisent la situation des travaux dans un programme d'ensemble.
Il peut avoir la responsabilité technique ou l'assistance technique d'un groupe de professionnels ou de techniciens d'atelier de niveau inférieur " ;
QUE s'agissant du deuxième échelon (coefficient 270), il est précisé que " le travail est caractérisé par :
- la nécessité, afin de tenir compte de contraintes différentes, d'adapter et de transposer les méthodes, procédés et moyens ayant fait l'objet d'appréciations similaires
-la proposition de plusieurs solutions avec leurs avantages et leurs inconvénients " ;
QUE Monsieur X... n'explique pas en quoi le poste qu'il occupe actuellement correspondrait à la définition ci-dessus ;
QUE la Société Vis Amar indique sans être contredite que les fonctions du salarié sont d'approvisionner une machine en allant chercher des tirants et en les plaçant dans la machine, puis d'en contrôler la conformité le cas échéant avec un gabarit, de préparer les boîtes de tirants et de les placer sur une palette une fois remplies, et qu'il n'y a donc aucun travail d'exploitation complexe ou d'étude d'une partie d'ensemble faisant appel à la combinaison des processus les plus avancés dans la profession ou d'activités connexes exigeant une haute qualification, Monsieur X... n'ayant pas la responsabilité technique ou l'assistance technique d'un groupe de professionnels ou de techniciens d'atelier, ni à tenir compte de contraintes différentes pour adapter et transposer les méthodes, procédés et moyens faisant l'objet d'applications similaires ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur X... de sa demande tendant à se voir accorder le coefficient 270 niveau IV échelon 2 " (arrêt p. 6 in fine, p. 7 alinéas 1 à 3).
ET AUX MOTIFS adoptés QUE " la classification s'apprécie selon les fonctions réellement exercées au regard des critères de la convention collective ; qu'il appartient à Monsieur José X... qui revendique la classification au coefficient 270, niveau 4, échelon 2, de rapporter la preuve des fonctions réellement exercées, en rapport avec la classification demandée ; qu'en l'espèce, il appartient à l'entreprise elle-même de décider des évolutions des échelons au regard, notamment, des fonctions exercées par les salariés ; qu'en conséquence, Monsieur José X... sera débouté de sa demande concernant l'application du coefficient 270, niveau 4, échelon 2 " (jugement p. 4 in fine) ;
ALORS QUE la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que Monsieur X... avait fait l'objet d'une discrimination dans le déroulement de sa carrière ; qu'en le déboutant de sa demande de reclassement, au motif inopérant qu'il n'exerçait pas les fonctions correspondant au coefficient 270 qu'il revendiquait quand il lui appartenait de rechercher, comme il lui était demandé, à quelle classification serait parvenu le salarié en l'absence de discrimination et d'ordonner le cas échéant, à titre de réparation, son repositionnement à cette classification, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 2141-5 du Code du travail.
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Vis Samar, demanderesse au pourvoi incident
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société Vis Samar à payer à M. José X... la somme de 20 000 € de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte des dispositions de l'article L 1134-1 du code du travail qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et que, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision ou la situation est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le juge forge sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, M. X... fonde sa demande sur le fait que, depuis son embauche et contrairement aux autres salariés occupant le même poste, sa situation dans l'entreprise et surtout son coefficient salarial n'a pas évolué alors qu'il a régulièrement suivi des formations, et qu'il a lui-même assuré la formation de certains salariés et que cette discrimination perdure puisqu'au titre de l'accord de participation, il n'a perçu en 2013 qu'une somme de 464, 84 € alors que le montant moyen de ladite participation nette par salarié dans la catégorie ouvrier était de 608 € ; que les tableaux comparatifs établis par l'employeur et prenant pour base les salariés présents dans l'entreprise en 1986 et alors positionnés au coefficient 190, niveau II, échelon 3, font apparaître que, – en 2000, sur les 19 salariés toujours présents dans l'entreprise, 7 sont toujours à ce coefficient et 12 ont évolué ; – en 2010, sur les 10 salariés toujours présents dans l'entreprise, 3 dont M. X... sont toujours à ce même coefficient et 7 ont évolué ; que dans la mesure où l'inégalité de traitement invoquée n'apparaît pas discutable, le fait que M. X..., qui s'est finalement vu accorder le coefficient 215, niveau III, échelon 1 en 2014 tout comme les deux autres salariés qui jusque-là n'avaient connu aucune évolution, ne saurait suffire à exclure toute discrimination ; qu'en effet, alors que les fiches annuelles d'évaluation de M. X... ne font apparaître aucune appréciation négative, force est de constater que la Sté Vis Samar ne fournit aucune explication justifiant par des éléments objectifs le fait que le salarié soit parmi les trois salariés ayant dû attendre 2014 pour bénéficier d'un coefficient supérieur ; que c'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a considéré que M. X... a été victime d'une discrimination salariale ; que, compte tenu de l'ancienneté du salarié, les circonstances de la cause les premiers juges apparaissent avoir fait une exacte appréciation du préjudice subi par celui-ci en lui allouant la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;
ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QU'il résulte des dispositions combinées des articles L 1132-1, L 1132-2 et L 2511-1 du code du travail que rein ne peut donner lieu à une mesure discriminatoire à l'égard d'un salarié, notamment en matière de rémunération ; qu'il appartient au salarié qui invoque la discrimination en application des dispositions de l'article L 1134-1 du code du travail de présenter des éléments de fait faisant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'en l'espèce, M. X... démontre avoir bénéficié chaque année d'un entretien de carrière laissant apparaître un très bon comportement ainsi que des annotations favorables de la part de sa hiérarchie ; qu'en l'espèce, M. X... a effectué également tout au long de sa carrière de nombreux stages tant professionnels que syndicaux pour parfaire ses connaissances ainsi que ses aptitudes professionnelles ; qu'il incombe à l'employeur selon l'article L 1134-1 du code du travail de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, M. X... a pourtant formé plusieurs personnes pour le suppléer en cas d'absence de sa part ; que M. X... invoque comme fait prouvant qu'il a été victime de discrimination une stagnation de son coefficient de salaire depuis 26 ans, soit depuis 1986 ; que M. X... demande depuis 15 ans par courrier et lors de ces entretiens annuels une évolution de carrière ; que M. X... est délégué syndical de son entreprise depuis 1993 ; que M. X... pense notamment que sa non-évolution provient de son mandat syndical ; que les dispositions des articles L 2261-2, L 2271-1 et R 2261-1 du code du travail qui établissent la règle « à travail égal, salaire égal » ; qu'en vertu de ce principe, l'employeur est tenu d'assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale ; que si des différences de rémunération peuvent exister, elles doivent reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ; qu'en l'espèce, M. X... produit un tableau récapitulatif de progression et promotion établi sur différentes périodes à compter de 1986 jusqu'en 2010 des salariés de l'entreprise ; qu'en l'espèce, ce tableau montre l'évolution des coefficients et donc des salaires de chacun, et démontre sa non-évolution ; qu'en conséquence, M. X... est victime de discrimination salariale et se verra allouer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;
alors qu'ayant constaté que le coefficient attribué au salarié correspondait aux tâches qu'il effectuait, en le disant victime d'une discrimination aux motifs inopérants que sur les dix salariés de même niveau et ancienneté, seuls trois, dont lui, avaient vu leur coefficient évoluer, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles L 1132-1 et L 1134-1 du code du travail.