Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 2 juin 2016, 15-17.354, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 15-17.354
- ECLI:FR:CCASS:2016:C200892
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Flise
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 13 janvier 2015) et les productions, que le 19 février 2009, la société Sogelease France, créancière de la société Soviben au titre d'un crédit-bail, a assigné M. X..., caution solidaire, devant un tribunal de commerce, qui a prononcé la radiation de l'affaire le 7 janvier 2010 ; que, sur la demande de la société Sogelease France, l'affaire a ensuite été réinscrite à l'audience du 11 octobre 2012 à l'issue de laquelle le tribunal de commerce a rejeté l'exception de péremption ;
Attendu que la société Sogelease France fait grief à l'arrêt de dire l'instance périmée, alors, selon le moyen, que constitue un acte interruptif du délai de péremption toute diligence de l'une des parties traduisant sa volonté de poursuivre l'instance et de faire progresser l'affaire ; que dans les procédures orales, les parties n'ont pas d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que l'affaire avait été radiée par jugement du tribunal de commerce de Lille en date du 7 janvier 2010 et qu'elle avait fait l'objet d'une réinscription à l'audience du 11 octobre 2012 ; que par courrier du 18 mai 2010, adressé au président du tribunal, le conseil de la société Sogelease avait sollicité « la réinscription de l'affaire » et qu'à la suite de la réponse du greffe indiquant que l'affaire pourrait être réinscrite une fois payés les frais de greffe, il avait informé celui-ci, par courrier du 24 septembre 2010, du souhait de Sogelease d'être destinataire d'une facture afin de procéder aux règlements de ces frais ; que ces diligences, effectuées dans une procédure orale, traduisaient nécessairement la volonté de la société Sogelease de poursuivre l'instance et de faire progresser l'affaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 377 et 386 du code de procédure civile ;
Mais attendu que s'il résulte des articles 377 et 386 du code de procédure civile que, dans une procédure orale, les parties n'ayant pas d'autre diligence à accomplir après une ordonnance de radiation que de demander la fixation de l'affaire pour interrompre le délai de péremption, le seul paiement des frais de greffe du tribunal de commerce, qui ne témoigne pas d'une volonté de donner une impulsion à l'instance, est sans effet sur le déroulement de celle-ci ;
Et attendu qu'ayant relevé que, les deux courriers des 18 mai 2010 et 18 juin 2012 par lesquels la société Sogelease France avait demandé la réinscription de l'affaire étant séparés par un délai supérieur à deux ans, le courrier du 24 septembre 2010 se bornait à solliciter une facture des frais de greffe pour leur règlement, sans même qu'il soit précisé que ce règlement serait fait en vue de la réinscription au rôle de l'affaire, interprétant ainsi souverainement cette lettre comme n'étant pas la suite de celle du 18 mai 2010, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sogelease France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sogelease France à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Sogelease France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit l'instance périmée et constaté, en conséquence, l'extinction de l'instance ;
AUX MOTIFS QUE selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans ; qu'une diligence procédurale ne peut interrompre la péremption que s'il est constaté qu'elle est de nature à faire progresser l'affaire ; que le mot diligence doit comprendre toute démarche ayant pour but de faire avancer le litige vers sa conclusion ; que la seule comparution à une audience au cours de laquelle l'examen de l'affaire est renvoyé ne constitue pas, par elle-même, une diligence au sens de l'article 386 du code de procédure civile ; qu'il ressort des indications du jugement, non contestées par les parties, que l'assignation devant le tribunal de commerce a été délivrée à la demande de Sogelease à l'encontre de M. X... par acte d'huissier du 19 février 2009 ; que l'affaire a été enrôlée pour l'audience du 11 mars 2009 ; qu'elle a fait l'objet de six renvois avant d'être radiée par jugement du 7 janvier 2010 ; qu'elle a fait l'objet d'une réinscription à l'audience du 11 octobre 2012 ; qu'un délai de plus de deux ans s'est donc écoulé entre la date de radiation de l'affaire, retenue comme point de départ du délai de péremption par M. X..., et le 11 octobre 2012, date à laquelle l'affaire a été rappelée à l'audience ; qu'il sera observé que ce délai pourrait encore être plus important puisque : - la seule comparution à une audience au cours de laquelle l'examen de l'affaire est renvoyé ne constitue pas, par elle-même, une diligence au sens de l'article 386 du code de procédure civile, - les demandes de renvoi des parties ne constituent pas des diligences interruptives – et que n'interrompt pas le délai de péremption l'ordonnance de radiation de l'affaire du rôle ; que dès lors, il est vraisemblable que le délai de péremption a commencé à courir avant même le 7 janvier 2010 ; qu'en tout état de cause, pour prétendre que le délai de péremption ayant couru à compter du 7 janvier 2010 a été interrompu, la SA Sogelease invoque : - un courrier du 18 mai 2010 adressé par son conseil au greffe du tribunal de commerce selon lequel « cette affaire appelée à l'audience du 7 janvier 2010 a fait l'objet d'une radiation. J'ai l'honneur de solliciter la réinscription de cette affaire », courrier auquel le greffier du tribunal de commerce a répondu que l'affaire pourrait faire l'objet d'une réinscription lorsque la facture des frais de greffe serait payée, - un courrier du 24 septembre 2010 (reçu le 29 septembre 2010) adressé par son conseil au greffe du tribunal de commerce qui indique « ma cliente souhaite être rendue destinataire d'une facture afin de procédure aux règlements » ; que ces demandes, dont l'une ne tend qu'au rétablissement de l'affaire au rôle et l'autre se contente de solliciter la facture des frais de greffe pour règlement (sans même qu'il soit précisé que ce règlement sera fait dans l'optique d'une remise au rôle de l'affaire pour que celle-ci soit évoquée devant le tribunal de commerce) ne constituent pas des diligences interruptives du délai de péremption au sens de l'article 386 du code de procédure civile : elles ne font état d'aucune volonté particulière de poursuivre l'instance et ne constituent pas des démarches de nature à faire progresser l'affaire ; qu'en conséquence, la SA Sogelease ne rapporte la preuve d'aucun acte interruptif de prescription entre le 7 janvier 2010 et le 7 janvier 2012 (ni même postérieurement, et d'ailleurs au moins jusqu'au 11 octobre 2012, date à laquelle l'affaire a été réinscrite à l'audience, étant observé qu'elle a, ensuite fait, à nouveau, l'objet de cinq remises après cette date) ; que la péremption de l'instance étant acquise, l'extinction de l'instance sera constatée ;
ALORS QUE constitue un acte interruptif du délai de péremption toute diligence de l'une des parties traduisant sa volonté de poursuivre l'instance et de faire progresser l'affaire ; que dans les procédures orales, les parties n'ont pas d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que l'affaire avait été radiée par jugement du tribunal de commerce de Lille en date du 7 janvier 2010 et qu'elle avait fait l'objet d'une réinscription à l'audience du 11 octobre 2012 ; que par courrier du 18 mai 2010, adressé au président du tribunal, le conseil de la société Sogelease avait sollicité « la réinscription de l'affaire » et qu'à la suite de la réponse du greffe indiquant que l'affaire pourrait être réinscrite une fois payés les frais de greffe, il avait informé celui-ci, par courrier du 24 septembre 2010, du souhait de Sogelease d'être destinataire d'une facture afin de procéder aux règlements de ces frais ; que ces diligences, effectuées dans une procédure orale, traduisaient nécessairement la volonté de la société Sogelease de poursuivre l'instance et de faire progresser l'affaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 377 et 386 du code de procédure civile.