Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 mai 2016, 14-27.953, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'engagée le 2 novembre 2010 par la société Agence internationale de commercialisation immobilière en qualité de directeur commercial-négociatrice, Mme X... a adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle le 23 avril 2012 ; que la rupture du contrat de travail pour motif économique est intervenue le 25 avril 2012 ; que son licenciement a été déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1233-67, L. 1233-69 et L. 5312-1 du code du travail ;

Attendu qu'en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, l'arrêt retient que l'employeur a réglé les trois mois de préavis au titre de sa participation au financement de l'allocation de sécurisation professionnelle ;

Qu'en statuant ainsi, alors que seules les sommes versées par l'employeur à la salariée pouvaient être déduites de la créance au titre de l'indemnité de préavis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de paiement d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents présentée par Mme X..., l'arrêt rendu le 1er octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Agence internationale de commercialisation immobilière aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mai deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Bertrand, avocat aux Conseils, pour Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande tendant à la condamnation de la société AICI au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QUE Mme X... fait valoir que le contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été remis sans qu'elle ait été en mesure de connaître le motif économique du licenciement dont elle a pris connaissance à la réception de la lettre du 26 avril 2012 qui l'expose dans les termes suivants : « le contexte économique actuel n'a malheureusement pas été celui espéré et s'est révélé tout au contraire particulièrement néfaste à l'activité immobilière. Compte tenu des perspectives économiques, nous avons décidé de supprimer le poste de directrice commerciale que vous avez occupé depuis le mois de novembre 2010, ces fonctions étant à nouveau exercées par la direction générale de l'agence, ce afin de sauvegarder la compétitivité de notre agence » ; que du fait de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle le 23 avril, le contrat de travail a été rompu alors que l'employeur n'avait pas énoncé le motif économique de la mise en oeuvre de la procédure pour licenciement économique et qu'il s'en déduit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; qu'aux termes de l'article L 1233-3 du Code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié, résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi ; encore faut-il que la cause économique du licenciement résulte des motifs énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement ou lorsque la rupture intervient à la suite de l'acceptation par le salarié d'une convention de reclassement personnalisé ou du contrat de sécurisation professionnelle, dispositif l'ayant remplacée, d'un document écrit exposant le motif économique du licenciement envisagé remis au salarié avant l'expiration du délai de réflexion de 21 jours laissé à ce dernier pour accepter la convention ; qu'en l'espèce, Madame X... n'a eu connaissance du motif économique invoqué par l'employeur qu'après avoir accepté le contrat de sécurisation professionnelle ; en effet, il résulte des termes de la lettre de l'employeur datée du 26 avril 2012 exposant le motif économique que celui-ci avait connaissance alors du courrier de la salariée datée du 23 avril précédent l'informant de son acceptation du CSP ; la rupture du contrat de travail est en conséquence dépourvue de cause réelle et sérieuse et il n'y a lieu d'apprécier le motif économique postérieurement invoqué ; le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse ; en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle est sans cause et l'employeur est tenu à l'obligation de verser le préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre en vertu du contrat ; il ressort des pièces versées aux débats que la société AICI a réglé les trois mois de préavis au titre de sa participation au financement de l'ASP ; Madame X... est dès lors mal fondée à solliciter une indemnité compensatrice égale à trois mois de salaire et les congés payés s'y rapportant, soit les sommes de 15. 565 € et 1. 556, 50 € ; elle sera déboutée de cette demande sur laquelle les premiers juges ne se sont pas prononcés ; aux termes de l'article L 1235-5 du Code du travail, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et, en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi ; compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Madame X..., de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-5 du Code du travail, une somme de 15. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif (arrêt, pages 3 et 4) ;

ALORS, d'une part, QUE les sommes mises à la charge de l'employeur, en vertu de l'article L 1233-69 du Code du travail, au titre du financement du contrat de sécurisation professionnelle étant versées à l'institution nationale publique dite « Pôle Emploi », prévue à l'article L 5312-1 du Code du travail, seule créancière de ces sommes, et non au salarié ayant adhéré à ce contrat, elles ne sauraient être déduites de l'indemnité compensatrice de préavis due par l'employeur au salarié lorsque le licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en estimant au contraire que, la société AICI ayant payé à Pôle emploi les trois mois de préavis au titre de sa participation au financement du contrat de sécurisation professionnelle, Madame X... était mal fondée à lui réclamer une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles 1233-69, L. 1235-5 et L. 5312-1 du Code du travail ;

ALORS, d'autre part et subsidiairement, QU'à supposer que l'employeur soit recevable à déduire des sommes dues au salarié au titre du préavis les sommes qu'il a versées à Pôle Emploi au titre de sa participation au contrat de sécurisation professionnelle, cette déduction ne peut être opérée qu'à hauteur des sommes effectivement versées ; qu'en déboutant Madame X... de sa demande tendant notamment au paiement de la somme de 1. 556, 50 € au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis, tout en relevant qu'au titre de sa contribution au contrat de sécurisation professionnelle, la société AICI n'avait payé à Pôle Emploi qu'une somme égale à trois mois de préavis, de sorte que la société AICI demeurait à tout le moins redevable des congés payés afférents, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L 1233-69 du Code du travail, ensemble les articles L 1234-1 et L 1235-4 du même code.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande indemnitaire au titre de la méconnaissance, par la société AICI, de son obligation d'indiquer les critères retenus pour l'ordre des licenciements ;

AUX MOTIFS QUE Madame X... soutient encore que la société AICI n'a pas respecté l'ordre des licenciements et demande réparation du préjudice qui en est pour elle résulté ; selon l'article L 1233-7 du Code du travail, lorsque l'employeur procède à un licenciement individuel pour motif économique, il prend en compte, dans le choix du salarié concerné, les critères prévus à l'article L 1233-5 du même code, à savoir : 1°) les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2°) l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3°) la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leu réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4°) les qualités professionnelles appréciées par catégorie ; l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse ; cette illégalité entraîne un préjudice, pouvant aller jusqu'à la perte injustifiée de l'emploi, qui doit être intégralement réparé, selon son étendue, par des dommages-intérêts ; cependant, lorsque le licenciement d'un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse, il ne peut cumuler les indemnités pour perte injustifiée de son emploi et pour inobservation de l'ordre des licenciements ; il n'y a donc pas lieu, après avoir retenu l'absence de cause réelle et sérieuse, d'examiner le moyen relatif aux critères d'ordre de licenciement et Madame X... sera déboutée de la demande formée de ce chef sur laquelle les premiers juges ne se sont pas prononcés (arrêt, page 4) ;

ALORS, d'une part, QUE dans ses conclusions d'appel, développées oralement à l'audience, Madame X... reprochait à la société AICI de n'avoir pas répondu à sa lettre du 19 juin 2012 dans laquelle elle lui demandait d'indiquer les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements ; que le manquement de l'employeur à son obligation d'indiquer au salarié qui le demande les critères, prévus à l'article L. 1233-5 du Code du travail, ayant présidé au choix du salarié concerné par un licenciement individuel pour motif économique, cause nécessairement à celui-ci un préjudice distinct du préjudice tenant à l'absence de cause réelle et sérieuse et doit donner lieu au paiement d'une indemnité distincte de l'indemnité allouée au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse ; que la cour d'appel qui, pour rejeter la demande de Madame X..., a énoncé que celle-ci soutenait que la société AICI n'avait pas respecté l'ordre des licenciements et demandait réparation du préjudice qui en était pour elle résulté, a méconnu les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par les conclusions dans lesquelles il était reproché à l'employeur d'avoir méconnu son obligation d'indiquer les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements et violé l'article 4 du Code de Procédure civile ;

ALORS, d'autre part, QUE le manquement de l'employeur à son obligation d'indiquer au salarié qui le demande les critères retenus en application de l'article L. 1233-5 du Code du travail cause nécessairement à ce dernier un préjudice distinct du préjudice tenant à l'absence de cause réelle et sérieuse et doit donner lieu au paiement d'une indemnité distincte de l'indemnité allouée à ce dernier titre ; qu'en déboutant Madame X... de sa demande d'indemnité fondée sur l'inobservation de l'obligation de l'employeur, auquel elle en avait fait la demande, de lui indiquer les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements au motif que le salarié ne pourrait cumuler les indemnités pour perte injustifiée de son emploi et pour inobservation de l'ordre des licenciements, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-5 et L. 1233-7 du Code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00879
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