Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 mai 2016, 14-23.857, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Antharion et M. X...ont respectivement donné à la société Cabinet Tecsud mandats de vendre et de rechercher un fonds de commerce contenant des clauses par lesquelles les mandants s'interdisaient de traiter directement avec une personne présentée par celle-ci, sous peine de lui verser une indemnité égale à la commission dont elle aurait été privée ; que prétendant que M. X... avait acquis indirectement le fonds de commerce de la société Antharion qu'elle lui avait présenté, en se portant cessionnaire de la totalité de ses parts sociales, la société Cabinet Tecsud a assigné ces derniers en paiement solidaire du montant des clauses pénales ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Cabinet Tecsud, l'arrêt retient que le mandat de recherche porte sur un fonds de commerce ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ce mandat, qui stipulait que « les biens pourraient être acquis et/ ou indifféremment par achat des actifs en nom ou reprise des parts ou d'actions de sociétés », avait pour objet tant l'acquisition directe d'un fonds de commerce que l'acquisition indirecte par l'achat des titres d'une société propriétaire du fonds, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il rejette la demande de la société Cabinet Tecsud en paiement solidaire par la société Antharion et M. X... de la somme de 43 000 euros et statue sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, l'arrêt rendu, le 22 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Antharion et M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Cabinet Tecsud et rejette leur demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Cabinet Tecsud.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement entrepris, rejeté la demande de la société Cabinet TECSUD tendant à voir condamner solidairement Monsieur X... et la société ANTHARION à lui verser la somme de 43. 000 € ;

Aux motifs que « la cession de parts d'une société à responsabilité limitée, même si elle porte sur la totalité de ces parts, ne peut être assimilée à la cession du fonds de commerce figurant à l'actif de la personne morale ; qu'en l'espèce, le mandat de vente portait sur un fonds de commerce et le mandat de recherche également ; que la société Antharion a cédé à M. X..., non son fonds de commerce mais ses parts sociales ; qu'en conséquence, l'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 est écartée, et c'est par une fausse application que le premier juge a fait droit à la demande de la société Cabinet Tecsud ; que, par ailleurs, les seules affirmations de la société intimée selon lesquelles la société Antharion et M. X... « se sont rendus coupables d'une entente frauduleuse dont le seul but était de priver l'agent immobilier de sa commission » ne sont étayées par aucun élément probatoire et, en outre, sont contredites par le fait que la cession de parts sociales est intervenue le 7 juillet 2010, soit près de deux ans après la présentation à M. X... du fonds de commerce, dont le témoin Benetoux indique d'ailleurs que, lors de cette présentation, M. X... avait déclaré être au courant de l'intention de la société Antharion, dont il connaissait le dirigeant depuis dix ans – ce que celui-ci confirme (attestation de M. Y...)-, de céder son affaire ; qu'ainsi, en l'absence de toute faute de la part des appelants, la société intimée ne peut prétendre à réparation » (arrêt p. 6) ;

1) Alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties ; qu'au cas présent, la société CABINET TECSUD ne sollicitait pas le versement d'une commission sur le fondement de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 mais faisait valoir son droit à être indemnisé sur le fondement des clauses pénales, de droit commun, insérées aux mandats de vente et de recherche qui lui avaient été respectivement donnés par la société ANTHARION et M. X... ; qu'en déboutant la société CABINET TECSUD de sa demande au motif que la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 n'était pas applicable, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile ;

2) Alors que la cession des actions d'une société propriétaire d'un fonds de commerce porte nécessairement sur la transmission du fonds de commerce lui-même ; que dès lors, l'agent immobilier auquel a été confié un mandat de vente de fonds de commerce a droit à l'indemnisation prévue au contrat de mandat dans l'hypothèse d'un traitement direct tant en cas de cession du fonds de commerce qu'en cas de cession des actions de la société propriétaire du fonds ; qu'au cas présent, la société CABINET TECSUD demandait à être indemnisée, sur le fondement de la clause pénale du mandat de vente d'un fonds de commerce qui lui avait été donné par la société ANTHARION, prévue en cas de traitement direct avec un acquéreur ; que, pour débouter la société CABINET TECSUD de sa demande, la cour d'appel a affirmé que le mandat de vente portait sur un fonds de commerce, et que la cession litigieuse portait, elle, sur les droits sociaux de la société ANTHARION ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que cette circonstance n'était pas de nature à exclure le droit à indemnisation de la société CABINET TECSUD, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1152 du code civil ;

3) Alors que le mandat de recherche donné par M. X... à la société CABINET TECSUD stipulait expressément que « les biens pourront être acquis et/ ou indifféremment par achat des actifs en nom ou reprise de parts ou d'actions de sociétés » (mandat de recherche p. 1) ; que ce mandat visait ainsi en termes clairs et précis tant l'acquisition directe d'un fonds de commerce que l'acquisition indirecte du fonds via l'acquisition d'actions d'une société propriétaire d'un fonds de commerce ; qu'en énonçant que le mandat de recherche ne portait que sur un fonds de commerce, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce mandat, en violation de l'article 1134 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, infirmant le jugement entrepris, rejeté la demande de la société CABINET TECSUD tendant à voir condamner solidairement Monsieur X... et la société ANTHARION à lui verser la somme de 43. 000 € ;

Aux motifs que « la cession de parts d'une société à responsabilité limitée, même si elle porte sur la totalité de ces parts, ne peut être assimilée à la cession du fonds de commerce figurant à l'actif de la personne morale ; qu'en l'espèce, le mandat de vente portait sur un fonds de commerce et le mandat de recherche également ; que la société Antharion a cédé à M. X..., non son fonds de commerce mais ses parts sociales ; qu'en conséquence, l'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 est écartée, et c'est par une fausse application que le premier juge a fait droit à la demande de la société Cabinet Tecsud » ; que, par ailleurs, les seules affirmations de la société intimée selon lesquelles la société Antharion et M. X... « se sont rendus coupables d'une entente frauduleuse dont le seul but était de priver l'agent immobilier de sa commission » ne sont étayées par aucun élément probatoire et, en outre, sont contredites par le fait que la cession de parts sociales est intervenue le 7 juillet 2010, soit près de deux ans après la présentation à M. X... du fonds de commerce, dont le témoin Benetoux indique d'ailleurs que, lors de cette présentation, M. X... avait déclaré être au courant de l'intention de la société Antharion, dont il connaissait le dirigeant depuis dix ans – ce que celui-ci confirme (attestation de M. Y...)-, de céder son affaire ; qu'ainsi, en l'absence de toute faute de la part des appelants, la société intimée ne peut prétendre à réparation » (arrêt p. 6) ;

1) Alors que le juge ne peut accueillir ou rejeter une prétention sans examiner, ne serait-ce que sommairement, les pièces versées au soutien de cette prétention ; qu'au cas présent, la société exposante versait au débat la reconnaissance de présentation de biens en date du 31 juillet 2008 par laquelle M. X... avait déclaré que le fonds de commerce restau-marché appartenant à la société ANTHARION lui avait été présenté par la société CABINET TECSUD, qu'il n'en avait aucune connaissance auparavant, et qu'il s'engageait à ne traiter l'achat de ce bien que par l'intermédiaire du CABINET TECSUD, même après l'expiration des mandats correspondants ; qu'en énonçant que la collusion frauduleuse de la société ANTHARION et de M. X... n'était étayée par « aucun élément probatoire » sans examiner ne serait-ce que sommairement cette pièce, laquelle démontrait que M. X... et la société ANTHARION avaient, en connaissance de cause, éludé le droit à commission de la société exposante en concluant la cession de parts litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2) Alors qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué qu'aux termes du mandat de recherche, M. X... s'était interdit de traiter directement avec un vendeur même après expiration du contrat de mandat (arrêt p. 2 in fine et p. 3 § 2) ; que la cour d'appel a exclu l'existence d'une collusion frauduleuse de M. X... et de la société ANTHARION en relevant que la cession de parts sociales, conclue le 7 juillet 2010 serait intervenue près de deux ans après la présentation à M. X... du fonds de commerce, le 31 juillet 2008 ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que seul importait, pour apprécier l'existence d'une collusion frauduleuse de M. X... et de la société ANTHARION, le point de savoir si les parties étaient ou non autorisées par les mandats donnés à la société CABINET TECSUD à la date du 7 juillet 2010 à traiter directement sans en informer la société CABINET TECSUD, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, violant ainsi l'article 1382 du code civil ;

3) Alors que la circonstance que le mandant ait su par lui-même que le vendeur avait l'intention de céder le bien pour lequel il a donné un mandat de recherche n'est pas de nature à écarter l'application du mandat de recherche ; que cette circonstance n'est ainsi pas de nature à exclure l'existence d'une collusion frauduleuse de l'acquéreur et du vendeur ayant consisté à priver le mandataire de la commission prévue en cas d'opération portant sur un bien présenté au mandant par le mandataire ; qu'au cas présent, pour exclure l'existence d'une collusion frauduleuse entre M. X... et la société ANTHARION, la cour d'appel a indiqué que M. X... aurait déclaré être au courant de l'intention de la société ANTHARION, dont il connaissait le dirigeant depuis dix ans, de céder son affaire ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que cette circonstance, à la supposer établie, était en tout état de cause sans incidence sur le droit à commission de la société CABINET TECSUD et ne pouvait donc être prise en compte pour écarter l'existence d'une collusion frauduleuse de la société ANTHARION et de M. X..., la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article 1382 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2016:CO00412
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