Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 mai 2016, 14-23.728, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par une ordonnance du 25 octobre 2013, un juge des référés a constaté l'acquisition, au 24 juillet 2013, de la clause résolutoire insérée dans un contrat de crédit-bail immobilier consenti par la société Sogébail à la société SCI Prunera père fils et fille II ; que cette dernière, mise en redressement judiciaire le 28 octobre 2013, a interjeté appel de cette ordonnance ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du code civil, ensemble l'article L. 622-21 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que pour déclarer irrecevable la demande tendant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire, l'arrêt retient que la demande du crédit-bailleur se heurte au principe de l'interdiction des poursuites ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 622-21 du code de commerce ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résiliation d'un contrat de crédit-bail immobilier par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du crédit-preneur, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, l'arrêt rendu le 26 juin 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société SCI Prunera père fils et fille II et M. X..., en qualité de mandataire judiciaire de ladite société, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Sogebail

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré recevable l'appel de la SCI Prunera Père Fils et Fille II ainsi que l'intervention de Me X..., ès qualités ;

AUX MOTIFS QUE le fait que la déclaration d'appel soit erronée en ce qu'elle est portée au nom de la SCI Prunera Père Fils et Fille et non de la SCI Prunera Père Fils et Fille II relève d'une simple erreur matérielle, dès lors que le numéro de Siren porté dans la déclaration d'appel correspond bien à celui de la SCI Prunera Père Fils et Fille II reporté dans l'en-tête de l'ordonnance critiquée, elle-même annexée à l'acte d'appel ; que la procédure a été ensuite régularisée par Maître X... qui est intervenu pour représenter la SCI Prunera Père Fils et Fille II, la discussion de fond portant sur le contrat liant cette société avec la société Sogebail qui n'a pu se méprendre sur le sens et la portée de l'appel ; que l'appel et l'intervention de Maître X... seront donc jugés recevables ;

1°) ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, que la désignation dans la déclaration d'appel du 31 octobre 2013 d'une société distincte de la SCI Prunera Père Fils et Fille II, à savoir la SCI Prunera Père Fils et Fille, procédait d'une simple erreur matérielle dès lors que le numéro Siren indiqué dans la déclaration était bien celui de la société ayant figuré au procès en première instance, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU'en relevant également d'office, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, que l'intervention de Me X..., ès qualités, avait eu pour effet de régulariser la procédure, la cour d'appel a encore violé l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la déclaration d'appel faite le 30 octobre 2013 au nom de la société Prunera Père Fils et Fille, qui n'était pas partie au procès devant le premier juge, ne contenait aucun numéro Siren ; qu'en affirmant que ce document comportait l'indication du numéro Siren de la société Prunera Père Fils et Fille II, pour en déduire l'existence d'une simple erreur matérielle dans la désignation de l'appelant, la cour d'appel a dénaturé ladite déclaration, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE le mandataire judiciaire, s'il a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, n'est pas investi, en revanche, du droit de représenter le débiteur en redressement judiciaire ; qu'en affirmant que Me X..., qui avait été désigné en qualité de « représentant des créanciers » par le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la SCI Prunera II, était intervenu en cause d'appel pour représenter cette société, la cour a violé les articles L. 622-1, L. 622-20 et L. 631-14 du code de commerce ;

5°) ALORS QUE la régularisation d'une situation donnant lieu à fin de non-recevoir ne peut se produire qu'avant toute forclusion ; qu'il résultait de la production n° 13 de la société Sogebail devant la cour d'appel que l'ordonnance de référé entreprise avait été signifiée le 13 novembre 2013 à la SCI Prunera II et à Me X..., ès qualités ; qu'au jour des conclusions de la SCI Prunera II et Me X... visées par l'arrêt attaqué, à savoir celles du 30 janvier 2014, le délai d'appel de 15 jours à compter de la signification de l'ordonnance était expiré ; que dès lors, en énonçant que la procédure d'appel, introduite au nom d'une société qui n'était pas partie au procès devant le premier juge, avait été régularisée par suite de l'intervention de Me X..., sans préciser à quelle date celui-ci était intervenu, la cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 32, 126 et 546 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les demandes de la société Sogebail, en application de l'article L. 622-21 du code de commerce ;

AUX MOTIFS QUE l'article L. 622-21 du code de commerce prévoit que le jugement d'ouverture interrompt toute action en justice de la part des créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17, et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ; qu'en l'espèce, il résulte de l'article 11- B du contrat de crédit-bail immobilier souscrit le 25 mars 2008 par la société Sogebail au profit de la SCI Prunera Père Fils et Fille II que les parties ont entendu soumettre la résiliation du contrat en cas de redressement ou liquidation judiciaire de la société preneuse aux dispositions des articles L. 620-1 et suivants du code de commerce ; que l'instance en constatation de résiliation du crédit-bail étant toujours en cours dans le cadre d'une ordonnance de référé frappée d'appel, la cour ne peut confirmer l'ordonnance constatant l'acquisition de la clause résolutoire au jour où elle statue, dès lors que le prononcé du jugement d'ouverture du redressement judiciaire est intervenu antérieurement le 28 octobre 2013 et que l'existence même de la stipulation contractuelle précitée constitue un obstacle sérieux au constat de la résiliation par le juge des référés ; que, tenant l'évolution du litige et le prononcé du redressement judiciaire de la SCI Prunera Père Fils et Fille II par jugement du tribunal de grande instance de Béziers, tenant les dispositions susvisées, il convient de juger qu'en application du principe de l'interruption des poursuites les demandes de la SA Sogefimur doivent être déclarées irrecevables ;

1°) ALORS QUE l'article L. 622-21 du code de commerce ne fait pas obstacle à l'action tendant à voir constater la résiliation d'un contrat de crédit-bail immobilier par application d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement d'ouverture de la procédure collective du crédit-preneur ; qu'en jugeant que la procédure de redressement judiciaire ouverte le 28 octobre 2013 à l'égard de la SCI Prunera II rendait la société Sogebail irrecevable à demander la constatation de l'acquisition, au 12 août 2013, de la clause résolutoire de plein de droit stipulée à l'article 25 du contrat de crédit-bail immobilier, la cour d'appel a violé l'article L. 622-1 susdit, ensemble l'article 1134 du code civil ;

2°) ALORS QUE le juge doit en toute circonstance observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de ce qu'il résultait de l'article 11- B du contrat de crédit-bail immobilier souscrit le 25 mars 2008 par la société Sogebail au profit de la SCI Prunera Père Fils et Fille II que les parties ont entendu soumettre la résiliation du contrat en cas de redressement ou liquidation judiciaire de la société preneuse aux dispositions des articles L. 620-1 et suivants du code de commerce, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 16 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la constatation de la résiliation intervenue le 12 août 2013, antérieurement au jugement du 28 octobre 2013 ayant ouvert le redressement judiciaire de la SCI Prunera II, était demandée par la société Sogebail sur le fondement de l'article 25 du contrat, afférent à la résiliation de plein droit du crédit-bail en cas d'inexécution de l'une quelconque des obligations mises à la charge du crédit-preneur ; qu'en jugeant que l'article 11 B du contrat, régissant l'hypothèse distincte de la cession du droit au crédit-bail en cas de procédure collective ou de dissolution de la société crédit-preneuse, constituait un obstacle sérieux à ce que l'acquisition de la clause résolutoire invoquée par la société Sogebail pût être constatée en référé, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE l'article 11 B du contrat ne régissait que l'hypothèse que la cession du droit au crédit-bail en cas de procédure collective ou de dissolution de la société crédit-preneuse ; qu'en affirmant que cette clause portait sur la résiliation du contrat en cas de procédure collective du crédit-preneur, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'article 1134 du code civil.

ECLI:FR:CCASS:2016:CO00400
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