Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 avril 2016, 15-12.533, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant estimé que la suspension provisoire de son permis de conduire n'empêchait pas le salarié de continuer à exercer les fonctions qui lui étaient confiées, la cour d'appel, sans encourir les griefs du moyen, a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société MAJ aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société MAJ

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions le jugement qui a dit le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur à verser à son salarié les sommes de 3 772,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 377,22 euros à titre de congés payés y afférents, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 14 juin 2012, de 10 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui a ordonné d'office le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à M. X... du jour de son licenciement au prononcé du jugement dans la limite de six mois d'indemnités de chômage et ce en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, et qui a condamné l'employeur au entiers dépens et frais éventuels d'exécution, d'AVOIR, y ajoutant, condamné l'employeur à verser à son salarié une somme de 1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de l'AVOIR condamné aux dépens ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « C'est par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte que le premier juge a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ; outre que le grief imputé à M. X... résulte d'un fait relevant de sa vie privée puisqu'il est établi que c'est dans ce cadre que M. X... a fait l'objet d'une suspension de son permis de conduire pour conduite en état alcoolique, la lettre de licenciement, se borne à faire référence à son incapacité d'exécuter les fonctions pour lesquelles il a été recruté en raison cette suspension, sans mentionner qu'il en résulterait une gêne pour l'entreprise. Or M. X... n'avait qu'un statut d'agent de service remplaçant et non plus celui de chauffeur livreur qu'il avait lors de son embauche et il ressort des attestations produites qu'il n'était pas en permanence employé à des activités de conduite et de livraison mais pouvait également remplacer au magasin comme en témoigne M. Y... ancien responsable de magasin, qui indique que M. X... effectuait diverses tâches lorsqu'il n'avait pas de tournée, comme préparation des commandes, chargement et déchargement des camions, réapprovisionnement des rayons, ramassages des cartons, seconde main. Il est en outre mentionné que la société MAJ Elis Aquitaine emploie 4000 salariés de sorte que le remplacement temporaire de M. X... pour les activités de conduite pour livraison était nécessairement possible, et que M. X... en sept années d'ancienneté n'a connu aucune sanction disciplinaire.
Par ailleurs, l'indemnité de préavis est due, dès lors que ce n'est que par le fait que l'employeur n'a pas cherché à l'occuper sur une autre activité que celles nécessitant le permis de conduire que M. D. n'a pu exécuter ce préavis en raison de la décision unilatérale de l'employeur alors qu'il pouvait fournir une prestation de travail autre. Le jugement sera également confirmé de ce chef.
Le jugement sera confirmé y compris du chef des dommages intérêts sur le fondement de l'article L1235-3 du code du travail au regard de l'ancienneté de M. X... et de l'effectif de l'entreprise et des pièces produites pour justifier de ses charges de famille et de la situation d'emploi précaire qu'il a vécue avant de retrouver un emploi stable.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement à Pôle-emploi des indemnités de chômage versées à M. X..., et de la condamnation au paiement des dépens et d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société MAJ Elis Aquitaine dont les prétentions sont pour partie rejetées, supportera la charge des dépens, sera déboutée de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à payer à M. X..., à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une somme de 1200 euro en application de même article » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Le 17 mars 2012, M. X... a fait l'objet d'une suspension administrative de son permis de conduire pour une durée de quatre mois dans l'attente de la décision des autorités judiciaires et il en immédiatement informé son employeur.
(…) En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;
La cause doit être licite. Qu'elle est réelle si elle est établie, objective et exacte. Que le motif est sérieux s'il rend impossible la continuation du contrat de travail sans dommages pour l'entreprise.
Le motif du licenciement doit être à la fois réel et sérieux.
En l'espèce la lettre de licenciement fait état de l'incapacité pour le salarié d'exécuter les fonctions pour lesquels il a été engagé en raison de la suspension de son permis de conduire ;
L'employeur n'indique pas dans la lettre de licenciement que la suspension du permis de conduire constitue une gêne effective dans l'entreprise ;
L'employeur n'a manifestement recherché aucune solution de reclassement au sein des magasins de dépôts de Gradignan et de Bordeaux pour éviter le licenciement d'un salarié qui comptait sept ans d'ancienneté alors qu'il n'est pas contesté que M. X... était agent de service remplaçant et qu'il effectuait des tâches au magasin ou chez des clients lorsqu'il ne faisait pas de tournées ;
Au regard de ces éléments, le caractère sérieux du motif de licenciement n'est pas démontré ;
En conséquence, le conseil de prud'hommes juge que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
L'article L. 1234-1 du code du travail dispose que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié qui justifie chez le même employeur d'une ancienneté se services continus d'au moins deux ans a un préavis de deux mois ;
L'article L. 1234-5 du code du travail prévoit que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave à une indemnité compensatrice ;
En l'espèce, l'interdiction de conduire de M. X... ne l'empêchait pas de fournir une autre prestation de travail durant cette période ;
La seule non-exécution du préavis relève dans ce cas de la seule volonté de l'employeur qui est en conséquence redevable de l'indemnité compensatrice de préavis ;
De plus, le conseil juge qu'en l'espèce le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
En conséquence, la société Elis Aquitaine est redevable de la somme de 3 772,62 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis ainsi qu'à la somme de 377,26 € à titre de congés payés sur préavis ;
Le conseil juge inéquitable de laisser à la charge du demandeur la totalité des frais irrépétibles engagés dans cette procédure, et lui alloue une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile » ;

1°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur affirmait que « samedi 17 mars 2012, vous nous avez informés que dans la nuit du vendredi 16 mars au samedi 17 mars 2012, suite à un contrôle de police qui a révélé que vous conduisiez en état d'ivresse, votre permis de conduire vous a été retiré immédiatement.
Vous deviez nous informer de la durée de votre suspension, ce que vous avez fait lors de l'entretien en nous remettant un document stipulant que votre permis de conduire était suspendu pour une période de 4 mois dans l'attente d'un jugement par les autorités compétentes.
En conséquence, vous êtes dans l'incapacité d'exécuter les fonctions pour lesquelles vous avez été engagé en raison de la suspension de votre permis de conduire.
De fait, n'étant plus en mesure de répondre à vos obligations contrcatuelles, vous nous voyez contraints de rompre notre relation contractuelle » ; que la lettre de licenciement faisait donc état de la gêne occasionnée pour l'entreprise de la suspension du permis de conduire du salarié, en ce que ce dernier ne pouvait plus exécuter les fonctions qui lui étaient contractuellement dévolues ; qu'en affirmant que l'employeur n'avait pas mentionné dans la lettre de licenciement la gêne occasionnée pour l'entreprise, la cour d'appel a dénaturé ce document et violé le principe susvisé ;

2°) ALORS QU'est suffisamment motivée la lettre de licenciement reprochant à un salarié son incapacité à exécuter les fonctions contractuellement convenues en raison de la suspension de son permis de conduire, l'employeur pouvant ultérieurement en préciser les conséquences préjudiciables ; qu'en jugeant en l'espèce que la lettre de licenciement n'aurait pas été suffisamment motivée, faute pour l'employeur d'y avoir mentionné une gêne pour l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ;

3°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour établir que les intitulés « agent de service » et « chauffeur-livreur commercial » ne recouvraient qu'un seul et même poste consistant principalement à assurer la livraison de professionnels, l'employeur avait versé des annonces d'emploi (productions n°7et 8) ; qu'en affirmant que le salarié n'avait qu'un statut d'agent de service remplaçant et non plus celui de chauffeur livreur, sans viser ni analyser serait-ce sommairement les documents dument versés aux débats par l'employeur, qui établissaient que les deux intitulés recouvraient en réalité les mêmes fonctions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QU'est justifié le licenciement d'un salarié dont le permis de conduire, nécessaire à l'exercice effectif de ses activités de conduite et de livraison qui lui incombe en sus de ses tâches en magasin et chez des clients, a été suspendu en raison d'une conduite en état alcoolique, et qui ne peut plus remplir, en conséquence, les missions inhérentes à ses fonctions dans les conditions antérieures ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'en raison de la suspension de son permis de conduire, le salarié ne pouvait plus effectuer les activités de conduite pour livraison, qui lui incombaient ; qu'en affirmant que le licenciement du salarié n'était pas justifié au motif inopérant qu'il n'était pas en permanence employé à des activités de conduite et de livraison et qu'il pouvait opérer des remplacements au magasin, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

5°) ALORS QUE lorsqu'un salarié ne peut plus exercer ses fonctions dans les conditions antérieures en raison du retrait de son permis de conduire, l'employeur n'est pas tenu de lui proposer une solution de remplacement ; qu'en affirmant, pour dire que le licenciement de M. X..., dont le permis de conduire avait été suspendu et qui ne pouvait plus exercer ses fonctions antérieures, était dépourvu de cause réelle et sérieuse, que l'employeur aurait dû rechercher à reclasser son salarié au sein des magasins de dépôts de Gradignan et de Bordeaux, et à le remplacer temporairement pour les activités de conduite pour livraison, la cour d'appel a derechef violé les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

6°) ALORS QUE les juges doivent répondre aux moyens soulevés par les parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir et offrait de prouver qu'il était dans l'impossibilité d'affecter son salarié sur un poste sédentaire, aucun poste n'étant disponible (conclusions d'appel de l'exposante p.7 et p.9, production n°6 : registre d'entrée et de sortie du personnel) ; qu'en disant le licenciement de M. X... dépourvu de cause réelle et sérieuse au prétexte que l'employeur n'avait pas recherché à reclasser son salarié au sein des magasins de dépôts de Gradignan et de Bordeaux, sans constater qu'il existait des postes sédentaires disponibles, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) ALORS QUE les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, il n'était pas soutenu que l'employeur aurait dû rechercher un remplacement temporaire de son salarié pour les activités de conduite pour livraison ; que dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience (arrêt p.4 § 5), le salarié se bornait à affirmer qu'il était possible compte tenu de la taille de l'entreprise de l'affecter à des tâches sédentaires pendant la durée de la suspension de son permis de conduire (conclusions d'appel adverses p.3 in fine) ; que l'employeur énonçait, de son côté, qu'il n'avait pas à chercher de « solution de remplacement » pour son salarié et qu'en tout état de cause, ne disposant d'aucun poste sédentaire disponible, il n'avait pas à créer un tel poste (conclusions d'appel de l'exposante p.5 in fine et p.7 et 9) ; qu'en disant que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse au prétexte que l'employeur n'aurait pas cherché à remplacer temporairement son salarié pour les activités de conduite pour livraison, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et partant a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

8°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il n'était nullement soutenu que l'employeur devait chercher à remplacer son salarié pour les activités de conduite pour livraison pendant la durée de la suspension de son permis de conduire ; qu'en soulevant ce moyen d'office sans inviter les parties à s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

9°) ALORS QUE l'employeur ne peut être tenu, afin de trouver une solution de remplacement de son salarié ne pouvant plus exercer ses fonctions en raison de la suspension de son permis de conduire, d'imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail ; qu'en l'espèce, il était constant que le poste d'agent de service, occupé par le salarié, comportait, outre des tâches sédentaires, de fréquents déplacements que le salarié ne pouvait plus effectuer compte tenu de la suspension de son permis de conduire ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir envisagé le remplacement de M. X... pour les activités de conduite pour livraison par d'autres salariés, sans constater que cette adjonction de fonctions n'emportait pas modification de leurs contrats de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

10°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, l'employeur avait produit aux débats un courrier du 30 novembre 2007 notifiant à M. X... une mise en garde suite à une réclamation d'un client (production n°9) ; qu'en affirmant que le salarié n'avait connu aucune sanction en sept années d'ancienneté, sans viser ni analyser serait-ce sommairement le courrier du 30 novembre 2007, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00798
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