Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 avril 2016, 14-24.930, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique, qui est recevable :

Vu les articles L. 1231-1, L. 1242-10 et L. 1332-2 du code du travail ;

Attendu, selon le jugement attaqué que Mme X... a été engagée par la société Info paye conseil à compter du 8 avril 2013 ; que l'article 6 du contrat de travail prévoyait une période d'essai d'une durée de deux mois, renouvelable ; que par lettre du 5 juin 2013, la salariée a demandé le renouvellement de sa période d'essai ; qu'elle a été convoquée à un entretien préalable prévu le 18 juillet 2013 pour « rupture de sa période d'essai pour faute » ; que le contrat a été rompu par lettre du 26 juillet 2013 pour faute grave ;

Attendu que pour condamner l'employeur à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité compensatrice de préavis, le jugement, après avoir relevé que la lettre de convocation à l'entretien préalable mentionnait une « rupture de la période d'essai pour faute », retient qu'il ne peut plus s'agir d'une rupture de période d'essai mais d'une procédure disciplinaire et d'un licenciement pour faute grave, que l'employeur n'apporte pas d'élément permettant de qualifier comme inadmissibles et volontaires les erreurs commises par l'intéressée et reconnues par elle, ni ne fournit d'éléments sur le « défaut de remplissage du temps de travail », de sorte que les faits reprochés ne peuvent répondre à la définition de faute grave mais justifient un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, alors que nulle indemnité n'est due au salarié dont la rupture du contrat de travail intervient en période d'essai, sauf abus de droit, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la procédure de rupture du contrat de travail est irrégulière mais que le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse et condamne la société Info paye conseil à payer à Mme X... la somme de 830,76 euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, le jugement rendu le 28 juillet 2014, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Pau ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Tarbes ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze avril deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Info paye conseil.

Le jugement attaqué encourt la censure

EN CE QU'IL a condamné la société INFO PAYE CONSEIL à payer à Mme X... les sommes de 830,76 € et de 750 € à titre, respectivement, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de frais irrépétibles;

AUX MOTIFS QUE Madame X... plaide que la procédure de la rupture de son contrat de travail par la Société INFO PAYE est irrégulière ; qu'à l'appui de sa demande elle déclare et justifie par des pièces au dossier, que la lettre de convocation à l'entretien préalable qui s'est déroulé le 18 Juillet 2013 mentionnait qu'elle était convoquée pour « rupture de votre période d'essai pour faute » mais que dans la lettre recommandée que son employeur lui a envoyée le 26 Juillet 2013, celui-ci la licencie pour faute grave ; qu'en réponse, la Société INFO PAYE plaide que les dispositions des articles L.1232-2 à 1232-6 ont été respectées la salariée a bien été convoquée à un entretien préalable, qu'elle était assistée pour cet entretien et que la lettre prononçant la rupture de la période d'essai a été expédiée conformément à la loi ; qu'il n' est pas contesté que la lettre de convocation à l'l'entretien préalable mentionne une « rupture de la période d'essai pour faute », et que la lettre du 26 Juillet 2013 mentionne « un licenciement pour faute grave ; qu'il est de jurisprudence constante que l'employeur qui rompt la période d'essai pour faute doit respecter la procédure du licenciement ; qu'ainsi il ne peut plus s'agir d'une rupture de période d'essai mais bien d'une procédure disciplinaire et d'un licenciement ; qu'il est de jurisprudence constante que la lettre de convocation à l'entretien préalable doit informer le salarié de la sanction que son employeur envisage et que s'il s'agit d'un licenciement, le courrier doit mentionner, sans équivoque, qu'une mesure de licenciement est envisagée, qui plus est s'il s'agit d'un licenciement pour faute grave ; Que tel n'est pas le cas dans la lettre de convocation ; qu'il est constant que si, à l'issue de l'entretien préalable, l'employeur envisage un licenciement alors qu'il n'en avait pas fait état dans la lettre de convocation, il doit recommencer la procédure par une nouvelle convocation pour un nouvel entretien ; que l'employeur n'a pas recommencé la procédure ; qu'en conséquence la procédure de rupture du contrat de travail sera déclarée irrégulière ; que l'article L. 1232-6 du Code du Travail stipule que l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement et qu'il est constant que la lettre d'énonciation des motifs de licenciement fixe les limites du litige ; que l'article L 1232-1 du Code du Travail stipule que le licenciement doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que l'article L. 1235-1 du Code du Travail précise qu'il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; qu'il est constant que la cause du licenciement, pour être réelle, doit exister, être exacte et objective ; que pour être sérieuse la cause doit s'appuyer sur des griefs suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ; qu'il est de jurisprudence constante que la faute grave est définie comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations-résultant-du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis ; qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de la faute grave du salarié d'en apporter la preuve ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement de Madame X... en date du 26 Juillet 2013 mentionne un certain nombre de griefs qualifiés de fautes graves: « des erreurs inadmissibles eu égard votre expérience professionnelle et qui ne peuvent être que volontaires », des absences injustifiées et un défaut de remplissage des fiches de gestion du temps de travail ; que la salariée reconnaît des erreurs dans les nouveaux dossiers qui lui ont été confiés en Juin, et que les explications qu'elle en donne ne Sont pas suffisantes pour en réduire le caractère réel de faute ; que l'employeur n'apporte pas d'élément permettant de qualifier ces erreurs comme inadmissibles et volontaires ; que les éléments fournis par l'employeur sur :le défaut de remplissage des fiches de remplissage du temps de travail ne permettent pas de reconnaître la faute grave sur ce grief ; que l'employeur lui reproche son absence à compter du 1er Juillet et déclare qu'il n'a été informé de l'arrêt de travail de la salariée que le 4 Juillet, alors que la salariée prouve qu'elle l'a envoyé le 2juillet, soit dans le délai de 48h qui est la règle ; que, de plus, l'attestation de Madame Anne Marie Y... précise que le 1er Juillet 2013, Madame X... s'est présentée à son travail et que son employeur, après l'avoir reçue dans son bureau lui a ordonné de partir ; qu'en conséquence le Conseil dira que si les faits reprochés à Madame X... par son employeur justifient un licenciement* pour cause réelle et sérieuse, ils ne peuvent répondre à la définition jurisprudentielle de la faute grave ; que Madame X... réclame le versement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 839,76€, représentant deux semaines de salaire ; que l'article L 1234-1, alinéa 1, du Code du Travail stipule que « lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit, s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois,-à-un-préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention collective ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession » ; qu'aucun élément prévu dans l'article ne peut servir de référence pour fixer la durée du préavis, et que les parties sont taisantes ; que, néanmoins, Madame X... a droit au règlement d'une indemnité compensatrice de préavis ; qu'en conséquence, le conseil retiendra une durée de deux semaines qu'il estime raisonnable ;

ALORS QUE, premièrement, les dispositions du titre III du livre II du code du travail relatif à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables pendant la période d'essai de sorte que pendant cette période, l'employeur peut rompre le contrat de travail sans avoir à justifier de ses motifs et sans être tenu de verser des indemnités de rupture, quel que soit le motif de la rupture et que s'il invoque une faute grave du salarié à l'essai, il s'oblige à respecter la procédure disciplinaire mais non à justifier de l'existence d'une faute, qu'elle soit simple ou grave ; de sorte qu'en allouant, en l'espèce, un indemnité compensatrice de préavis de rupture à Mme X... au motif erroné que l'employeur n'aurait pas prouvé l'existence d'une faute grave, tout en constatant que la rupture était intervenue pendant la période d'essai, le conseil de prud'hommes a violé les dispositions des articles L. 1231-1, L. 1242-10 et L. 1332-2 du Code du travail ;

ALORS QUE, deuxièmement, seule la rupture abusive de la période d'essai est susceptible d'être à l'origine d'un préjudice qu'il appartient à l'employeur d'indemniser ; de sorte qu'en allouant, en l'espèce, un indemnité compensatrice de préavis à Mme X..., au titre de la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai, sans constater aucun abus de la part de la société INFO PAYE CONSEIL, le conseil de prud'hommes n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1231-1 et L. 1242-10 du Code du travail;

ALORS QUE, troisièmement, le caractère fautif d'un ensemble d'erreurs et de négligences de nature, compte tenu de leur multiplicité, à perturber le fonctionnement du service auquel appartient le salarié qui en est l'auteur, s'apprécie en fonction des responsabilités qui lui sont confiées ; de sorte qu'en décidant, en l'espèce, que les erreurs multiples commises par Mme X... ne caractérisaient pas la faute grave de nature à justifier la rupture immédiate de la période d'essai sans s'interroger sur les responsabilités confiées à Mme X... ni sur les conséquences que cet ensemble d'erreurs et de négligences avait pu avoir sur le fonctionnement du service auquel elle appartenait, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1 et L. 1242-10 du Code du travail ;

ALORS QUE, quatrièmement, la lettre de notification de la rupture de la période d'essai ne fixe pas les termes du litige, l'employeur étant admis à démontrer qu'abstraction faite du caractère fautif des faits reprochés, ceux-ci étaient de nature à révéler l'existence d'une insuffisance professionnelle ; de sorte qu'en s'abstenant, en l'espèce, de rechercher si les multiples erreurs de la salariée n'étaient pas, indépendamment de leur caractère fautif, de nature à révéler une insuffisance professionnelle, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1242-10 et L. 1332-2 du Code du travail ;

ALORS QUE, cinquièmement, le juge doit préciser le fondement juridique de chaque condamnation prononcée et mettre, par les motifs de sa décision, la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ; de sorte qu'en fixant, en l'espèce, le montant de l'indemnité compensatrice de préavis au regard d'une durée de préavis qu'il a « estimé raisonnable » en ne précisant pas le fondement juridique sur lequel il s'est appuyé pour fixer cette durée, en mettant ainsi la Cour de cassation dans l'impossibilité d'exercer son contrôle, le conseil de prud'hommes a violé les dispositions des articles 12 et 455 du Code de procédure civile.

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00789
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