Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 7 avril 2016, 15-13.108, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 2
- N° de pourvoi : 15-13.108
- ECLI:FR:CCASS:2016:C200523
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Mme Flise
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 2 décembre 2014), que M. X... a fait assigner, le 13 août 2005, devant un tribunal de commerce la SCI Aquitaine (la SCI), propriétaire de locaux à usage commercial qui lui avaient été donnés à bail, afin de restitution d'une certaine somme au titre d'une augmentation illégale des loyers et d'un excédent de charges ; que le 14 juin 2006, il a fait délivrer à la SCI une demande de renouvellement du bail ; que le 13 septembre 2006, la SCI a signifié à M. X... un refus de renouvellement du bail commercial ; que le 2 janvier 2007, celui-ci a saisi le juge de la mise en état d'une demande d'expertise pour vérifier les demandes successives de révision des loyers, vérifier les charges communes de l'immeuble et les appels de charges ponctuels adressés par la SCI et procéder à l'apurement des comptes ; que par une ordonnance du 3 mai 2007, le juge de la mise en état a nommé un expert pour procéder à une mesure d'expertise comptable ; que le 31 octobre 2007, M. X... a assigné la SCI, sur le fondement de l'article L. 145-17- I 1° du code de commerce en contestation du refus de renouvellement du bail sans indemnité d'éviction ; que par une ordonnance du 10 janvier 2008, le juge de la mise en état a ordonné, avant dire droit, une autre mesure d'expertise pour procéder au calcul de l'indemnité d'occupation et, éventuellement, de l'indemnité d'éviction ; que l'expert a déposé son rapport le 22 juin 2009 ; que par une ordonnance du 8 avril 2010, le juge de la mise en état a ordonné la radiation de la procédure ; que le rapport d'expertise comptable a été déposé le 18 mai 2010 ; que par acte extra-judiciaire du 31 mai 2011, M. X... a notifié à la SCI sa volonté de quitter les lieux avec restitution des clés le 30 septembre 2011 ; que le 30 juin 2011, la SCI lui a fait notifier un acte dit « de repentir », sur le fondement de l'article L. 145-58 du code de commerce ; que le 3 mai 2012, M. X... a, par voie de conclusions, demandé la condamnation de la SCI au paiement d'une certaine somme au titre de l'indemnité d'éviction ; que la SCI, par conclusions d'incident, a soulevé la péremption de l'instance ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état ayant rejeté le moyen tiré de la péremption de l'instance, alors, selon le moyen :
1°/ que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'a accompli de diligences pendant deux ans ; qu'un acte ne constitue une " diligence " au sens de ce texte qu'autant qu'il exprime la volonté de poursuivre l'instance et de faire avancer ainsi le litige ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'acte par lequel, le 30 juin 2011, le bailleur avait signifié au preneur qu'il exerçait son droit de repentir constituait une « diligence » interruptive, la cour d'appel a retenu qu'ayant pour effet de soustraire le bailleur au paiement de l'indemnité d'éviction réclamée par le preneur, il se trouvait ainsi « en rapport avec la procédure » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à justifier que la signification par le bailleur de l'exercice de son droit de repentir constituait une « diligence » interruptive du délai de péremption, de nature à donner une impulsion processuelle à l'affaire, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile ;
2°/ que l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'a accompli de diligences pendant deux ans ; qu'un acte ne constitue une « diligence » au sens de ce texte qu'autant qu'il exprime la volonté de poursuivre l'instance et de faire avancer ainsi le litige ; que pour justifier que l'acte du 30 juin 2011, par lequel la SCI a exercé son droit de repentir en sa qualité de bailleur, constituait une « diligence » interruptive du délai de péremption, la cour d'appel a retenu, par motifs adoptés, que l'indemnité d'éviction à laquelle le bailleur se soustrayait ainsi était « l'objet principal du litige » ; qu'en se déterminant ainsi, sans justifier en quoi la signification de l'acte visé traduisait une volonté de poursuivre l'instance ou de faire avancer le litige, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile ;
3°/ que, comme l'avait souligné la SCI, bailleur, dans ses écritures, l'acte par lequel, le 30 juin 2011, elle avait signifié au preneur son droit de repentir et offert le renouvellement du bail ne pouvait être analysé comme une « diligence » permettant d'éviter la péremption et de faire avancer la procédure puisqu'il mettait un terme de la manière la plus absolue au litige portant sur l'indemnité d'éviction ; qu'en jugeant au contraire que cet acte de repentir constituait une « diligence » permettant au preneur de poursuivre la procédure, dont « l'objet principal » était le paiement de cette indemnité, quand cet acte de repentir, rendant cette indemnité sans cause, faisait au contraire disparaître tout litige sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, d'une part énoncé que l'exercice du droit de repentir par le bailleur a pour effet de le soustraire au paiement de l'indemnité d'éviction réclamée par le preneur autant que celui-ci est encore dans les lieux et, d'autre part, relevé qu'il résultait de la chronologie des faits et de la procédure que la SCI avait signifié l'acte de repentir à M. X... alors que celui-ci avait déjà notifié son intention de libérer les lieux, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que ledit acte avait interrompu le délai de péremption de l'instance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les quatrième et cinquième branches du moyen unique annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Aquitaine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Aquitaine, la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour la SCI Aquitaine.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 14 mai 2013 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bordeaux ayant rejeté le moyen tiré par la SCI AQUITAINE de la péremption de l'instance ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est à juste titre que le juge de la mise en état a considéré que la signification le 30 juin 2011 de l'acte de repentir du preneur constituait un acte interruptif du délai de péremption, dès lors qu'en offrant le renouvellement du bail, cet acte a pour effet de soustraire le bailleur au paiement de l'indemnité d'éviction réclamée par le locataire, et se trouve ainsi en rapport avec la procédure ; que cet acte, n'ayant pas été déclaré nul, la société Aquitaine ne saurait invoquer sa prétendue nullité pour en déduire qu'il n'a pu interrompre le délai de péremption ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le délai de péremption d'instance de l'article 386 du code de procédure civile a commencé à courir à compter de l'ordonnance du 10 janvier 2008 ordonnant une expertise confiée à M. Y..., avec interruption de ce délai le 22 juillet 2009, causé par un dire adressé à l'expert par l'avocat constitué de M. X..., à l'origine d'un nouveau délai de deux ans à compter de cette date, lui-même interrompu le 10 février 2010 par la notification par le même avocat à son confrère d'un bordereau de pièces, avec un nouveau délai de deux ans à compter de cette date, à nouveau interrompu le 30 juin 2011 par la signification de l'acte de repentir du preneur (sic), lequel caractérise une diligence interruptive au sens du texte susvisé dès lors que l'exercice par le bailleur de son droit de repentir a pour effet, dans les conditions de l'article L. 145-58 du code de commerce, de se soustraire au paiement de l'indemnité d'éviction, réclamée par le preneur et objet principal du litige, en consentant au renouvellement du bail autant que le locataire est encore dans les lieux ; que, par voie de conséquence, M. X... soutient à bon droit que l'instance n'est pas périmée au motif que ses conclusions ont été régulièrement signifiées le 3 mai 2012, dans le délai de deux ans ayant commencé à courir du 30 juin 2011, et valant rétablissement de l'affaire au sens de l'article 383 du code de procédure civile à la suite du prononcé de la radiation par le juge de la mise en état le 8 avril 2010, de sorte qu'il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la péremption d'instance ;
1° ALORS QUE l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'a accompli de diligences pendant deux ans ; qu'un acte ne constitue une " diligence " au sens de ce texte qu'autant qu'il exprime la volonté de poursuivre l'instance et de faire avancer ainsi le litige ; qu'en l'espèce, pour considérer que l'acte par lequel, le 30 juin 2011, le bailleur avait signifié au preneur qu'il exerçait son droit de repentir constituait une " diligence " interruptive, la cour a retenu qu'ayant pour effet de soustraire le bailleur au paiement de l'indemnité d'éviction réclamée par le preneur, il se trouvait ainsi « en rapport avec la procédure » ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à justifier que la signification par le bailleur de l'exercice de son droit de repentir constituait une " diligence " interruptive du délai de péremption, de nature à donner une impulsion processuelle à l'affaire, la cour a violé l'article 386 du code de procédure civile ;
2° ALORS QUE l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'a accompli de diligences pendant deux ans ; qu'un acte ne constitue une " diligence " au sens de ce texte qu'autant qu'il exprime la volonté de poursuivre l'instance et de faire avancer ainsi le litige ; que pour justifier que l'acte du 30 juin 2011, par lequel la SCI AQUITAINE a exercé son droit de repentir en sa qualité de bailleur, constituait une " diligence " interruptive du délai de péremption, la cour a retenu, par motifs adoptés, que l'indemnité d'éviction à laquelle le bailleur se soustrayait ainsi était « l'objet principal du litige » ; qu'en se déterminant ainsi, sans justifier en quoi la signification de l'acte visé traduisait une volonté de poursuivre l'instance ou de faire avancer le litige, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile ;
3° ALORS QUE, comme l'avait souligné la SCI AQUITAINE, bailleur, dans ses écritures, l'acte par lequel, le 30 juin 2011, elle avait signifié au preneur son droit de repentir et offert le renouvellement du bail ne pouvait être analysé comme une " diligence " permettant d'éviter la péremption et de faire avancer la procédure puisqu'il mettait un terme de la manière la plus absolue au litige portant sur l'indemnité d'éviction ; qu'en jugeant au contraire que cet acte de repentir constituait une " diligence " permettant au preneur de poursuivre la procédure, dont « l'objet principal » (ordo. p. 3, in fine) était le paiement de cette indemnité, quand cet acte de repentir, rendant cette indemnité sans cause, faisait au contraire disparaître tout litige sur ce point, la cour a violé l'article 386 du code de procédure civile ;
4° ALORS QUE la SCI AQUITAINE avait soutenu dans ses écritures que M. X..., au mépris du principe selon lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui », tantôt se prévalait de la nullité de l'acte de repentir qui lui avait été signifié le 30 juin 2011 et dont il niait tout effet, tantôt se prévalait des effets de cet acte pour le qualifier de " diligence " au sens de l'article 386 du code de procédure civile ; que, pour confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état et rejeter le moyen tiré de la péremption d'instance, la cour a retenu que l'acte de repentir « n'ayant pas été déclaré nul, la société Aquitaine ne saurait invoquer sa prétendue nullité pour en déduire qu'il n'a pu interrompre le délai de péremption » ; qu'en se déterminant ainsi, quand la société AQUITAINE, auteur de l'acte de repentir, n'a jamais invoqué sa nullité pour en tirer une telle déduction, la cour a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
5° ALORS QUE nul peut se contredire au détriment d'autrui ; que la SCI AQUITAINE avait soutenu que tel était pourtant le cas de M. X... qui, selon les besoins de son argumentation, soutenait tantôt que l'acte de l'acte de repentir qui lui a été signifié et qui privait de cause toute indemnité d'éviction était nul et privé de tout effet, tantôt qu'il s'agissait d'une diligence interruptive du délai de péremption ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, pour confirmer le rejet du moyen tiré de la péremption d'instance, sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si l'argumentation de M. X... n'était pas entachée de la contradiction dénoncée, la cour a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, violant par là l'article 455 du code de procédure civile.