Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 31 mars 2016, 14-26.052, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 septembre 2014), que M. X... a été engagé à compter du 23 février 1999 par la société Espace expansion en qualité de responsable de communication ; qu'il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur régional ayant en charge l'animation des directeurs des centres commerciaux de sa région ; que par lettre du 28 octobre 2010, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail puis a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu qu'ayant retenu que le passage de 12 à 28 centres à suivre sur l'ensemble du territoire national et la charge de travail qui en résultait sans allocation de moyens supplémentaires alors que le salarié s'était vu privé de véhicule de services et qu'il sollicitait en vain une augmentation de sa rémunération depuis cinq ans, ce dont elle a déduit que le contrat de travail n'était pas exécuté de bonne foi, la cour d'appel, qui a fait ressortir que ce manquement était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail, a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Espace expansion aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Espace expansion à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Espace expansion.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de rupture de Monsieur X... produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société ESPACE EXPANSION à verser à Monsieur Christian X... 19.935 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1.993 euros bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis, 19.796 euros nets de CSG et CRDS à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR ordonné la remise d'un certificat de travail, d'une attestation pôle emploi, de bulletins de paie conformes à la décision, d'AVOIR condamné l'employeur aux entiers dépens ainsi qu'à verser au salarié la somme 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur la rupture du contrat de travail de Monsieur Christian X...
La lettre de prise d'acte du 28 janvier 2010 adressée par Monsieur Christian X... à la société ESPACE EXPANSION est rédigée comme suit :
« Je constate définitivement qu'il ne sera fait aucun cas de mes diverses demandes répétées.
Au contraire, lors du Comité Réseau de lundi 25 octobre 2010, Christophe Y... m'a confirmé, une nouvelle fois, que j'avais en charge le suivi de l'intégralité des 25 Centres en France, comprenant ceux qui étaient auparavant gérés par le second Directeur Régional.
En l'état de l'organigramme 2011, valable au 1er octobre 2010, qui m'est finalement adressé par mail le 25 octobre 2010, force est de constater que vous n'entendez nullement renoncer à la réorganisation du réseau annoncée, bien au contraire puisque même les jumbos me sont attribués.
Compte tenu du maintien de l'intégralité de mes autres missions et attributions, cette modification de mon contrat de travail est inacceptable dès lors :
- Que sans augmentation de ma rémunération, elle conduirait à creuser encore l'inégalité de traitement que je n'ai de cesse de dénoncer depuis des mois,
- Que les instructions qui me sont données dans ce contexte d'avoir à intervenir seul sur l'ensemble du territoire national, sans même un véhicule de fonction, ni aucun moyen matériel ou humain supplémentaire, apparaissent pour le moins abusives,
- Que l'entreprise me dénie tout droit à être informé précisément des contours et modalités de mes nouvelles attributions, et de sa répartition avec celles du Directeur de Réseau, et que depuis des mois je ne parviens pas, en dépit de tous mes efforts et de toutes mes demandes à obtenir que celle-ci soit formalisée.
Au regard de l'ensemble des missions incombant aux directeurs régionaux du réseau, aujourd'hui inchangées voire même augmentées, je suis dans l'impossibilité matérielle de faire face, sans me mettre en faute, engager ma responsabilité ou mettre en risque les directeurs de centres, voire le groupe, à la mission que vous tentez de m'imposer.
Pour seul exemple, comment pourrais-je faire les évaluations des 25 directeurs de Centres commerciaux avant le 15 novembre 2010, y compris de ceux dont je ne connais pas le travail et d'accueillir et de former tous les nouveaux entrant au poste de directeurs de centres dans le même temps.
En conséquence, et faute de moyens mis à ma disposition pour mener à bien mes missions, je ne peux que de plus fort réitérer mon refus et prendre donc, par la présente, acte de la rupture de mon contrat de travail à vos seuls torts et griefs.
Mes demandes légitimes demeurant lettre morte depuis plusieurs mois, et cette mission étant littéralement impossible, je vous précise que je considère que mon contrat de travail prendra fin à réception par vos soins de la présente. »
Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.
En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.
Monsieur Christian X... invoque 4 griefs principaux à l'appui de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, qui seront examinés successivement :
- la modification de son contrat de travail - des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité
- l'absence de mise à disposition des moyens matériels et humains lui permettant de mener à bien ses missions, avec notamment le retrait de la voiture de fonction
- une inégalité de traitement en matière de rémunération.
Sur la modification de son contrat de travail
La société ESPACE EXPANSION gère 37 centres commerciaux, répartis sur l'ensemble du territoire. Se trouvent en charge de cette gestion deux directeurs régionaux (dont l'appelant) et un directeur de réseau. En septembre 2010, à la suite du départ du second directeur régional, les centres commerciaux qu'elle gérait sont transférés à Monsieur Christian X..., qui soutient que ses attributions professionnelles ont ainsi été modifiées sans son accord.
Il gérait auparavant 12 sites, il en gère désormais 28, accomplissant le travail de 2 directeurs régionaux, sans attribution ni de moyens ni de rémunération supplémentaires.
Par différents courriers, mails et entretiens avec la Direction générale, Monsieur Christian X... attirait l'attention de son employeur sur la dégradation de ses conditions de travail, mais ce dernier refusait d'y donner suite, pensant que le salarié souhaitait obtenir une rupture conventionnelle, rappelant que la gestion des plus importants centres commerciaux, appelés « jumbos » ne lui était pas confiée afin de ne pas alourdir sa tâche à l'excès.
La classification des cadres de la convention collective de l'Immobilier, classifiés C2 comme Monsieur Christian X... prévoit la définition de fonctions suivante : « gère l'ensemble d'un service ou d'un département ainsi que le personnel, représente la direction auprès des mandants et prestataires de service, réalise des études ayant pour objectif de faciliter les prises de décision, organise et contrôle le suivi et la gestion de dossiers importants. Propose des plans d'action et négocie les conditions de vente auprès des clients clés. Gère un programme de construction jusqu'à sa livraison dans les délais et les coûts. Assure la gestion opérationnelle d'un actif immobilier ou mobilier dans sa globalité »
Monsieur Christian X... ne conteste pas avoir cessé de relever de cette définition de fonctions, et ne verse aucune pièce démontrant que la nouvelle organisation des périmètres d'intervention des directeurs régionaux entraîne une modification de son contrat de travail.
Cependant le passage de 12 à 28 centres à suivre sur l'ensemble du territoire national et la charge de travail qui en découle sans allocation de moyens supplémentaires et alors que l'intéressé s'était vu privé de véhicule de service, caractérise à tout le moins une absence de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail.
Cette absence de bonne foi est aggravée par le fait que depuis 5 ans, soit son évaluation de 2005, Monsieur Christian X... sollicitait en vain une augmentation de sa rémunération.
L'exercice du pouvoir de direction de l'employeur ne l'autorise pas à imposer une telle évolution des responsabilités d'un Directeur régional, sans réellement accepter d'en discuter.
Ce premier grief suffit à lui seul à justifier la prise d'acte de rupture, rupture qui entraîne les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
(...)
Sur l'absence de mise à disposition des moyens matériels et humains lui permettant de mener à bien ses missions, avec notamment le retrait de la voiture de fonction
Monsieur Christian X... demande explicitement à bénéficier d'un véhicule de service, voire récupérer celui qui lui a été repris, afin de pouvoir se rendre aisément sur les sites qu'il gère.
Il rappelle que lorsqu'il occupait les fonctions de directeur du Centre Commercial CARRE SENART, un véhicule avait été mis à sa disposition.
Par erreur, cette mise à disposition a été traitée comme un avantage en nature, faisant l'objet de mentions et prélèvements sociaux légaux. En janvier 2009, la régularisation est intervenue, le véhicule en question devenant véhicule de service, un rappel de 4 664,10 euros étant versé au salarié.
La société ESPACE EXPANSION soutient que si Monsieur Christian X... avait vraiment besoin de se déplacer sur site, il pouvait demander l'aide des directeurs de centre commerciaux qui eux avaient un besoin quotidien de véhicule de service.
Une situation apparaît toutefois ingérable et inappropriée pour un responsable des ventes des 28 centres sur l'ensemble du territoire national. Ce grief est donc fondé.
Sur une inégalité de traitement en matière de rémunération Monsieur Christian X... considère se trouver en décalage salarial depuis plusieurs années avec des catégories de salariés équivalentes ou inférieures.
Il expose qu'en 2009 avec son ancienneté de 10 années, son salaire annuel s'est élevé à 76 129 euros, alors que 7 directeurs de centre étaient mieux rémunérés :
Mme Z..., son salaire annuel s'est élevé à 80 203 euros pour 10 ans et 4 mois d'ancienneté,
Mr A..., son salaire annuel s'est élevé à 98 785 euros pour 5 ans d'ancienneté,
Mr B..., son salaire annuel s'est élevé à 80 968 euros pour 4 ans et demi d'ancienneté,
Mme C..., son salaire annuel s'est élevé à 80 360 euros pour 2 ans et 3 mois d'ancienneté,
Mr D..., son salaire annuel s'est élevé à 77 395 euros pour 2 ans et 3 mois d'ancienneté,
Mme E..., son salaire annuel s'est élevé à 87 181 euros pour 1 an et 7 mois d'ancienneté,
Mr F..., son salaire annuel s'est élevé à 77 615 euros pour 1 an et 6 mois d'ancienneté.
Il résulte de l'examen des pièces versées en procédure et des débats, que l'ancienneté de Monsieur Christian X... en tant que directeur de centre est de 7 ans et non de 10 ans, qu'il s'agissait pour lui d'une première expérience en ce domaine, que les centres commerciaux étant très différenciés en fonction de leur superficie, de leur budget, de leur fréquentation, le nombre d'employés, les différents directeurs de centre ont des rémunérations proportionnellement différenciées.
La société ESPACE EXPANSION soutient que les 7 directeurs de centre cités par Monsieur Christian X... justifient d'expériences professionnelles antérieures plus importantes que les siennes, précisant que le directeur régional que celui-ci a remplacé percevait un salaire nettement inférieur au sien.
Il sera enfin relevé que le salaire de Monsieur Christian X... s'élevait à 40 238 en 2002, pour atteindre 80 000 euros en 2010, ce qui correspond à une évolution de carrière pour le moins financièrement réussie.
Ce quatrième grief ne sera pas non plus retenu à l'encontre de l'employeur.
Monsieur Christian X... au vu des deux griefs retenus justifie donc que sa prise d'acte de rupture s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La décision du conseil de prud'hommes sera donc infirmée et la cour allouera à ce titre pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse une indemnité de 100 000 euros.
Sur les indemnités de préavis avec congés payés et l'indemnité conventionnelle de licenciement
La cour fera droit aux sommes sollicitées par Monsieur Christian X..., justifiées et non contestées dans leur quantum par l'employeur.
(...)
Sur les dépens et la demande de dommages et intérêts au titre de l'article 700 du CPC
La société ESPACE EXPANSION qui succombe supportera la charge des dépens.
La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable de faire application de l'article 700 du CPC au bénéfice de Monsieur Christian X..., à qui il sera alloué 3 000 ¿ » ;

1°) ALORS QU'il appartient au salarié d'établir et aux juges du fond de caractériser la mauvaise foi ou l'abus de l'employeur dans la mise en oeuvre de son pouvoir de direction, a fortiori lorsqu'un tel manquement est retenu à l'appui d'une prise d'acte de rupture d'un contrat de travail ; qu'en l'espèce, la société ESPACE EXPANSION faisait valoir que la définition des périmètres d'action avait toujours été fluctuante (production n° 23 et 24), que l'augmentation du périmètre de Monsieur X... était transitoire (productions n° 19 à 21), la vente d'une douzaine de centre commerciaux étant à l'étude et le comité d'entreprise informé (productions n° 10 à 13), que cette augmentation n'entrainait pas une augmentation de sa charge de travail dans la mesure où les centres JUMBOS ne lui étaient pas attribués (productions n° 14 à 17) et qu'il lui avait été demandé de ses concentrer sur le suivi des nouveaux directeurs de centres (production n° 14) ; que de surcroit, l'employeur faisait valoir que des moyens avait été mis à la disposition du salarié durant cette période temporaire puisqu'il pouvait bénéficiait de l'expertise de 8 Directeurs de centre dits « dominants » pour l'aider dans l'accompagnement des nouveaux directeurs (production n° 18), de sorte qu'avant comme après la prétendue dégradation de ses conditions de travail la charge de travail n'avait pas été augmentée ; qu'après avoir relevé qu'aucune modification du contrat de travail de Monsieur X... n'était intervenue du fait de la nouvelle organisation des périmètres des directeurs régionaux, la Cour d'appel a néanmoins cru pouvoir dire que l'employeur avait manqué à son obligation de bonne foi justifiant la prise d'acte de la rupture du salarié aux motifs inopérants que le passage de 12 à 28 centre avait entrainé une charge de travail supplémentaire pour le salarié, que la société ESPACE EXPANSION n'avait pris la peine d'en discuter avec lui, qu'il n'avait bénéficié d'aucun moyens supplémentaires et s'était vu priver de véhicule de service ; qu'en statuant des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi de l'employeur, sans s'expliquer sur le caractère temporaire de l'augmentation du périmètre du salarié dont ce dernier avait nécessairement été informé via les représentants du personnel, sur le fait que les plus grands centres dits « Jumbos » ne lui étaient pas attribués, sur le fait qu'il lui avait été demandé de se concentrer sur l'accompagnement des nouveaux directeurs pour lequel il pouvait compter sur l'aide des directeurs « dominants », ce qui établissait que sa charge de travail n'avait en réalité pas été augmentée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail.

2°) ALORS QUE le changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur, ce dernier peut imposer un tel changement sans discussion avec le salarié ; que la Cour d'appel a expressément constaté qu'aucune modification du contrat de travail de Monsieur X... n'était intervenue ; qu'en retenant néanmoins, pour dire que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur ne l'autorisait pas à imposer une telle évolution de ses responsabilités, sans réellement accepter d'en discuter, lorsqu'un changement des conditions de travail peut, par nature, être imposé au salarié, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

3°) ALORS en outre QUE l'employeur faisait valoir et offrait de prouver que la rémunération de Monsieur X... avait considérablement évolué durant les cinq dernières années de la relation contractuelles ; qu'à ce titre la société ESPACE EXPANSION produisait de nombreux pièces desquelles il résultait que la rémunération de Monsieur X... avait nettement évoluait en passant de 47.450 euros en 2003 à 51.000 euros en 2004 puis euros en 2006, 58.000 euros en 2007, 62.000 euros en 2008, 66.000 euros en 2009 et 68.000 euros en 2010 sans compter les nombreuses primes variables individuelles qui lui étaient octroyées (productions n° 2 à 5) ; qu'il en résultait que Monsieur X... avait connu notamment les cinq dernières années de sa collaboration une augmentation de plus 13.000 euros ; que la Cour d'appel a elle-même constaté que le salarié avait connu une carrière pour le mois financièrement réussie en passant de 40.238 euros de rémunération en 2002 à 80.000 euros en 2010 ; qu'en retenant néanmoins que le manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail était aggravée par le fait que le salarié avait demandé en vain une augmentation de sa rémunération depuis 5 ans, sans s'expliquer sur les éléments versés aux débats par l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221, L. 1222-1, L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;

4°) ALORS en tout état de cause QUE la prise d'acte de la rupture du contrat de travail ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, il était constant que le prétendu manquement tiré de la non-augmentation de Monsieur X... remontait à son évaluation en 2005, que le retrait de son véhicule de service était intervenu en février 2009 et qu'il avait attendu le 28 octobre 2010, soit plus de cinq ans et un an, pour prendre acte de la rupture de son contrat de travail ; que la société ESPACE EXPANSION faisait par ailleurs valoir que l'augmentation du périmètre de Monsieur X... était temporaire (conclusions d'appel p. 21 et productions n° 19 à 21) ; qu'en jugeant néanmoins que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans constater ni caractériser que les manquements reprochés, à les supposer avérés, avaient empêché la poursuite du contrat de travail, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

5°) ALORS enfin QUE le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi ; que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les faits invoqués sont la véritable cause de son départ ; qu'en l'espèce, l'exposante soulignait que le salarié souhaitait quitter la société en vue de reprendre une agence immobilière et qu'il avait créé de fausses polémiques à l'encontre de son employeur en raison du refus de ce dernier d'accéder à sa demande de rupture conventionnelle (conclusions d'appel p. 6 à 8 + productions n° 6 à 9 et 22) ; que la Cour d'appel a expressément constaté que l'employeur relevait sans être démenti que suite à la rupture de son contrat de travail, le salarié avait entrepris de travailler dans une agence ORPI à caractère familial et qu'il caressait ce projet de longue date (arrêt p. 7 § 8) ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher si le départ du salarié n'était pas en réalité motivé par la volonté de ce dernier de reprendre une entreprise familiale et d'obtenir la rupture conventionnelle de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail.

ECLI:FR:CCASS:2016:SO00691
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