Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 31 mars 2016, 15-11.395, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 15-11.395
- ECLI:FR:CCASS:2016:SO00678
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
- Président
- M. Frouin (président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (Soc., 29 janvier 2014, pourvoi n° 12-22. 116) que M. X... a, le 1er septembre 2005, été engagé par la société Comptoir lyonnais d'électricité, aux droits de laquelle vient la société Sonepar Sud-Est, en qualité de directeur commercial ; que le contrat de travail comportait une clause de non-concurrence ; que les relations contractuelles ont été rompues suivant protocole d'accord du 30 juin 2007 afin que le salarié soit engagé le 1er juillet 2007 par la société Teissier appartenant au même groupe ; qu'une rupture conventionnelle homologuée par l'autorité administrative est intervenue début 2010 entre le salarié et la société Teissier ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande, formée à l'encontre de la société Sonepar Sud-Est, en paiement de la contrepartie financière au titre de la clause de non-concurrence ; que la cour d'appel s'est trouvée saisie de cette demande en conséquence de l'arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 29 janvier 2014, qui a jugé que les effets de la clause de non-concurrence avaient été reportés à compter de la rupture avec la société Teissier ; que la société Sonepar Sud-Est s'est opposée à la demande du salarié en soutenant devant la cour de renvoi que l'intéressé, engagé par un nouvel employeur après la rupture avec la société Teissier, ne respectait pas la clause ;
Attendu que pour condamner la société Sonepar Sud-Est à payer à M. X... des sommes au titre d'indemnité de non-concurrence et de congés payés afférents, l'arrêt retient d'abord, que cette société s'oppose au paiement de la contrepartie financière promise en reprochant à M. X... d'avoir violé son obligation en entrant au service de la société Rolesco, que selon les informations communiquées par la société Sonepar Sud-Est, la société Rolesco est « l'un des principaux acteurs du marché français de la distribution de matériel frigorifique et de climatisation », ensuite, que la société Sonepar Sud-Est justifie par la production des catalogues « Sélection Clim & EnR » et « Sélection Climatique » 2010-2011 qu'elle distribue des équipements et des accessoires électriques intégrés dans les systèmes de chauffage et de climatisation, enfin que ces éléments qui concernent les années 2010-2011 ne permettent pas de déterminer l'activité exacte développée par la société Sonepar Sud-Est entre le 20 juin 2005 et le 30 juin 2007 et de délimiter l'étendue de l'interdiction, et qu'en l'état des éléments soumis à la cour, cette société ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la violation par M. X... de la clause de non-concurrence ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle se référait aux écrits que les parties avaient soutenu oralement à l'audience et que la société Sonepar Sud-Est invoquait, sans être démentie sur la période à considérer, la comparaison avec son activité pendant les années 2010 et 2011, la cour d'appel, qui a relevé d'office le moyen tiré d'une appréciation à une autre période, sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour les sociétés Teissier et Sonepar Sud-Est
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement en ce qu'il avait débouté M. X... de sa demande au titre de la clause de non-concurrence et d'AVOIR condamné la société SONEPAR Sud-Est à payer à M. X... les sommes de 196 052, 04 € au titre de la contrepartie financière de l'obligation de non concurrence, 19 605, 20 € au titre des congés payés afférents et 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE le contrat de travail conclu avec la société Comptoir Lyonnais de l'Electricité contient une clause de non-concurrence ainsi rédigée : « En cas de rupture, pour quelque cause que ce soit, de votre contrat de travail, vous vous interdisez pendant une durée de deux ans à compter de la date de rupture effective (échéance du préavis exécuté ou non), de vous intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, sur le secteur géographique des départements de la région Sud-Est couverts par Sonepar et auprès des catégories de clients ou prescripteurs, ou à toute entreprise ou activité ayant trait tant aux études préalables, qu'à l'installation, la fourniture ou la vente des articles ou matériels se rapportant à votre activité pour le compte des sociétés de Sonepar Sud-Est. Cette interdiction ne jouera pas cependant, en cas de licenciement au cours des trois premiers mois d'emploi, ni en cas de démission pendant les 45 premiers jours. Pendant toute la durée de l'interdiction, il sera versé chaque mois à Monsieur X... une somme égale à 50 % de sa rémunération mensuelle moyenne des 12 derniers mois de présence dans l'entreprise. En cas de violation de la clause, Monsieur X... Thierry sera automatiquement redevable d'une somme fixée au 12 derniers mois de salaire brut perçu avant la rupture. La société sera pour sa part libérée de son engagement de versement de la contrepartie financière. Le paiement de cette somme n'est pas exclusif du droit que la société Comptoir Lyonnais de l'Electricité se réserve de poursuivre Monsieur X... Thierry en remboursement du préjudice effectivement subi et de faire ordonner sous astreinte la cessation de l'activité concurrentielle. La société se réserve toutefois la faculté de libérer à tout moment, et au plus tard dans les 15 jours qui suivent la première présentation de la notification de la rupture de son contrat de travail, Monsieur X... Thierry de l'interdiction de concurrence. Dans ce cas, la société Comptoir Lyonnais de l'Electricité s'engage à prévenir Monsieur X... Thierry par lettre recommandée » ; que la société Sonepar Sud-Est, qui est venue aux droits de la société Comptoir Lyonnais de l'Electricité, n'a jamais levé l'interdiction de concurrence souscrite par le salarié ; que la clause de non-concurrence ne s'est pas appliquée durant les deux années qui ont suivi la rupture de la relation contractuelle dès lors que les sociétés Sonepar Sud-Est et Teissier, qui appartenaient au même groupe économique, n'étaient pas en situation réelle de concurrence et que le passage de M. X... de l'une à l'autre était le résultat d'une entente entre le salarié et ses deux employeurs successifs ; qu'elle a repris ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec la société Teissier a été rompu ; que la société Sonepar Sud-Est n'est pas fondée à se retrancher derrière une prétendue impossibilité matérielle de libérer le salarié tenant à sa méconnaissance de l'évolution des relations contractuelles entre M. X... et son nouvel employeur dès lors qu'il lui appartenait de délier M. X... de son obligation de non-concurrence au plus tard dans les quinze jours qui ont suivi la signature du « protocole constatant la rupture d'un commun accord du contrat de travail » du 1er septembre 2005 ; que le report des effets de la clause de non-concurrence n'a pas eu pour conséquence d'assortir la clause d'une condition purement potestative qui aurait entraîné la nullité de l'engagement ; que la société Sonepar Sud-Est s'oppose au paiement de la contrepartie financière promise en reprochant à M. X... d'avoir violé son obligation en entrant au service de la société Rolesco ; que selon les informations communiquées par la société Sonepar Sud-Est, la société Rolesco est « l'un des principaux acteurs du marché français de la distribution de matériel frigorifique et de climatisation » ; que la société Sonepar Sud-Est justifie par la production des catalogues « Sélection Clim & EnR » et « Sélection Climatique » 2010-2011 que la société Sonepar Sud-Est distribue des équipements et des accessoires électriques intégrés dans les systèmes de chauffage et de climatisation ; que ces éléments qui concernent les années 2010-2011 ne permettent pas de déterminer l'activité exacte développée par la société Sonepar Sud-Est entre le 20 juin 2005 et le 30 juin 2007 et de délimiter l'étendue de l'interdiction ; qu'en l'état des éléments soumis à la cour, la société Sonepar Sud-Est ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de la violation par M. X... de la clause de non-concurrence ; que la contrepartie financière est due par l'ancien employeur ; que la société Sonepar Sud-Est ne conteste pas l'évaluation faite par M. X... de la contrepartie qui lui est due ; qu'en conséquence, elle sera condamnée à verser une somme de 196. 052, 04 € majorée d'une somme de 19. 605, 20 € au titre des congés payés auxquelles la contrepartie ouvre droit ;
1. ¿ ALORS QUE si la clause interdisant, avant l'expiration d'un certain délai, au salarié quittant une entreprise d'entrer dans une autre entreprise exerçant une activité similaire ne s'applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas en situation réelle de concurrence mais appartiennent au même groupe économique, et que le passage du salarié de l'une à l'autre est le résultat d'une entente entre lui et ses deux employeurs successifs, elle reprend ses effets normaux à partir du jour où le contrat de travail avec le second employeur a été rompu ; qu'en conséquence, l'interdiction de concurrence à laquelle est tenu le salarié reprenant ses effets à compter de la rupture du contrat conclu avec le deuxième employeur jusqu'au terme initialement convenu, la situation de concurrence entre l'employeur créancier de l'obligation de non-concurrence et l'employeur au service duquel le salarié est entré après la rupture du contrat ayant suspendu les effets de la clause de non-concurrence doit s'apprécier entre ces deux dates ; qu'en l'espèce, il était constant que M. X... avait initialement été embauché par la société Comptoir Lyonnais Electricité, devenue Sonepar, acceptant une clause de non-concurrence d'une durée de deux ans, que les relations contractuelles avaient cessé le 30 juin 2007, jour à compter duquel il avait été engagé par la société Teissier, ce second contrat ayant été rompu à effet du 31 janvier 2010, et, enfin, que M. X... était ensuite entré au service de la société Rolesco en juillet 2010 ; qu'il en résultait que l'obligation de non-concurrence du salarié ayant repris ses effets en janvier 2010, pour deux ans, la situation de concurrence entre les sociétés Sonepar et Rolesco devait être appréciée à compter de cette date ; que dès lors, en relevant que les éléments versés aux débats établissaient seulement que les sociétés Sonepar et Rolesco exerçaient leurs activités dans le même domaine au cours des années 2010-2011 et ne permettaient pas de déterminer l'activité de la société Sonepar entre le 20 juin 2005 et le 30 juin 2007, période non couverte par l'obligation de non-concurrence, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ;
2. ¿ ALORS en tout état de cause QUE le juge qui doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en cause d'appel, M. X... se bornait à soutenir que la société Sonepar Sud-Est n'établissait pas que l'activité de réfrigération, climatisation et pompe à chaleur exercée par la société Rolesco était directement concurrente de la sienne, ni qu'il avait commis des actes de concurrence ; que M. X... ne prétendait pas que l'activité de la société Sonepar Sud-Est aurait différé entre la période 2005-2007 et la période 2010-2011 ; qu'en se fondant sur le fait que les éléments produits aux débats pour la période 2010-2011 ne permettaient pas de déterminer si l'activité déployée par la société Sonepar Sud-Est entre 2005 et 2007 était la même, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen relevé d'office, la Cour d'appel a méconnu l'article 16 du code de procédure civile ;