Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mars 2016, 14-21.304, Inédit
Cour de cassation - Chambre sociale
- N° de pourvoi : 14-21.304
- ECLI:FR:CCASS:2016:SO00581
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 mai 2014), que Mme X..., épouse Y..., engagée par la société Semimo-B à compter du 22 février 1988 en qualité d'opératrice et dont le contrat de travail a été transféré le 18 décembre 1998 à la SAIEM Montreuilloise d'Habitation devenue l'Office public de l'habitat de Montreuil, a été déclarée inapte à tout poste administratif à temps plein dans l'entreprise par décision de l'inspecteur du travail du 22 mai 2007 statuant sur le recours formé par la salariée contre l'avis d'aptitude donné par le médecin du travail à l'issue du premier examen suivant un arrêt de travail pour maladie ; que convoquée à un second examen auquel elle ne s'est pas présentée, elle a été licenciée le 16 août 2007 pour faute grave ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en paiement de sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnités de rupture, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article L. 4624-1 du code du travail qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, saisi par l'une des parties, de se prononcer définitivement sur cette aptitude ; que Mme Y... faisait valoir que suite à son recours, l'inspecteur du travail avait, par décision du 22 mai 2007, infirmé l'avis d'aptitude partielle rendu par le médecin du travail le 14 novembre 2006, et l'avait « déclarée inapte à tout poste administratif à temps plein dans les locaux de l'entreprise » ; que la salariée soutenait que dès lors que cette décision n'avait jamais fait l'objet d'un recours par l'employeur, elle était définitive et mettait fin à la procédure, l'organisation par l'employeur d'une nouvelle visite le 17 juillet 2007 visant à apprécier son aptitude s'avérant dépourvue de tout objet et contradictoire avec la décision de l'inspecteur du travail ; que cependant, la cour d'appel a retenu que constituait une faute grave le fait pour Mme Y... de ne pas s'être rendue à cet examen médical, sans rechercher si l'inspecteur du travail ne s'était pas prononcé définitivement sur l'aptitude de la salariée, le refus de cette dernière de se rendre à la visite du 17 juillet 2007 s'avérant par suite non fautif, et le licenciement fondé sur ce seul motif dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 4624-1 du code du travail ;
2°/ qu'en retenant que « l'inspecteur du travail, en date du 24 mai 2007, a rendu une décision, laquelle indique que la salariée doit se rendre à une seconde visite dans " quinze jours " », quand il résulte de la simple lecture de cette décision que l'inspecteur du travail n'a jamais porté pareille mention, la cour d'appel, par motifs adoptés, a dénaturé la décision de l'inspecteur du travail en date du 22 mai 2007 et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que la décision d'inaptitude à tout poste administratif à temps plein dans les locaux de l'entreprise, prise par l'inspecteur du travail, sur recours formé par la salariée contre l'avis d'aptitude avec aménagement de poste donné par le médecin du travail, à l'issue du premier des examens médicaux prévus à l'article R. 4624-31 du code du travail, ne dispensait pas l'employeur d'organiser la seconde visite médicale exigée par ce texte ; qu'ayant retenu que la salariée, en refusant de se soumettre à cette visite, avait mis l'employeur dans l'impossibilité d'appliquer les règles relatives au licenciement pour inaptitude médicale et volontairement fait obstacle à la recherche d'un poste de reclassement, elle a, sans modifier l'objet du litige, pu en déduire l'existence d'une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Y... de sa demande tendant au prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, de l'AVOIR par suite déboutée de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité conventionnelle de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents, de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat, et d'une indemnité de procédure, ainsi qu'à la remise d'une attestation pour PÔLE-EMPLOI et de bulletins de salaire conformes, et de l'AVOIR condamnée aux dépens de première instance et d'appel ;
AUX MOTIFS QUE sur la résiliation judiciaire du contrat de travail, Madame Fadila X... a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail, faisant valoir la volonté de l'employeur de la marginaliser au sein de l'entreprise du fait de son engagement syndical, en lui attribuant des tâches ne correspondant pas à ses compétences professionnelles ; qu'elle verse à l'appui de sa requête 12 attestations ainsi qu'une pétition, dont l'examen révèle qu'elles sont insuffisamment circonstanciées, voire contradictoires, rapportant des rumeurs non datées, ou émanant de sympathisants ou de tiers à l'entreprise, qui n'ont pas été témoins de faits précis, ainsi les attestations de Messieurs Z..., C..., Madame A... ; que l'attestation émanant de M. B..., également représentant syndical, est également imprécise et ne datant pas les faits relatés ; que Madame Fadila X... n'apporte ainsi aucun élément sérieux de nature à établir qu'elle a fait l'objet de mesures particulières, moins favorables que celles dispensées auprès d'autres employés occupant des postes similaires ou comparables, permettant d'établir la " mise au placard " qu'elle allègue ; que l'OPHM démontre que c'est à la demande de la salariée qu'elle est passée d'agent informatique à agent de gérance en 1995, dont les fonctions allaient évoluer en comptable auxiliaire de gestion, qui faisait l'objet d'une proposition d'avenant au contrat de travail, refusée par la salariée, qui dès lors conservait ses tâches initiales ; que par ailleurs, les faits de discrimination syndicale reprochés à l'employeur ont fait l'objet d'une relaxe définitive selon arrêt de la Cour d'Appel de Paris en date du 17 novembre 2003, statuant en matière correctionnelle et ne sauraient être à nouveau examinés par la présente juridiction ; qu'en l'absence de preuve de faute commise par l'employeur, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sera rejetée ;
ET AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE sur la résolution judiciaire du contrat de travail, attendu la demande fondée sur une prétendue attitude discriminatoire, vu l'arrêt en date du 12 janvier 2002, le Conseil Constitutionnel (Cons. Const. 12 janvier 2002, n2001- 455D : journal officiel 18 janvier 2002), lequel estime qu'en matière de discrimination, les règles de preuve, favorables au demandeur, ne sauraient dispenser " d'établir la matérialité des éléments de faits précis et concordants " présentés au soutien de la prétendue attitude discriminatoire ; que les éléments développés pour affirmer cette attitude discriminatoire sont énoncés de façon générale, lesquels s'appuient sur la situation d'un autre salarié M. B..., débouté de toutes ses demandes fondées sur une prétendue discrimination ; qu'il y a lieu d'écarter ce motif allégué ; que sur les dommages et intérêts pour violation des obligations contractuelles du statut protecteur, attendu le jugement définitif de la Cour d'Appel de Paris en date du 17 novembre 2003 déboutant Mme Y... d'une quelconque discrimination ; qu'en conséquence, les attestations de Mme Y... datant de 2001, à l'appui de ses affirmations, ne peuvent trouver écho puisque la Cour d'Appel statuant en matière correctionnelle a relaxé l'employeur de ce chef ; attendu la saisine par Mme Y... du Tribunal correctionnel de Bobigny pour un prétendu délit d'entrave à l'exercice du droit syndical, à l'exercice régulier des fonctions de délégué syndical, au fonctionnement du comité d'entreprise, en l'occurrence la délégation unique du personnel et de discrimination syndicale, attendu le jugement intervenu en date du 15 février 2007, la 15ème chambre du Tribunal correctionnel de Bobigny prononçait la nullité de la citation directe délivrée à la demande de Mme Y... dont appel en cours, attendu la décision de la cour d'Appel de Paris du 19 novembre 2003 ainsi que du jugement du 15 février 2007, qu'il ressort de ces pièces que les reproches de Mme Y... sont infondés ; qu'attendu le motif évoqué portant sur les conditions de travail modifiées sans l'accord de la salariée, il résulte que les modifications sont antérieures au statut protecteur de l'époque et la salariée ne peut donc évoquer une quelconque violation dudit statut ; que par arrêt du 3 février 1997, le Conseil d'état a estimé dans le cas d'un salarié protégé que : " le refus d'accepter le simple changement des conditions de travail qui avait été décidé par son employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction a constitué une faute d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement " ; qu'en l'espèce, les points développés par Mme Y... pour asseoir sa demande sont infondés et ont fait l'objet de décision ayant l'autorité de la chose jugée ; qu'en conséquence, elle est déboutée de sa demande sur ce fondement ; que sur les dommages et intérêts pour violation des accords collectifs, attendu la résiliation judiciaire demandée sur ce motif en évoquant la non application d'un accord dénoncé en septembre 96 et qui aurait repris effet en septembre 97 ; qu'en l'espèce la demanderesse reconnaît que l'accord a été régulièrement dénoncé ; qu'elle soutient que cette dénonciation avait une condition " sous condition suspensive " sans aucune explication juridique ; attendu le transfert des contrats en 98 puis en 2006 conformément à l'article L 122-12 du code du travail vers une nouvelle entité juridique, vu l'article L 132-8 dernier alinéa du code du travail, il est stipulé que l'application d'une convention collective continue de produire ses effets pendant une durée de quinze mois et qu'à l'issue de cette période, seuls les avantages individuels acquis restent applicables, et en outre une nouvelle négociation doit s'engager ; qu'une fusion ou cession entraîne automatiquement la dénonciations des conventions collectives et accords d'entreprise (cour d'appel de Reims le 11 septembre 2001) ; qu'en conséquence, la salariée est déboutée de sa demande sur ce fondement et de la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux tords de l'employeur ;
ALORS QUE le harcèlement moral exercé à l'encontre d'un salarié constitue un manquement grave de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en cas de litige relatif à un tel harcèlement, les juges sont tenus d'appréhender les faits invoqués par le salarié dans leur ensemble, de vérifier leur matérialité, de rechercher s'ils permettent de présumer l'existence du harcèlement allégué, et, si tel est le cas, de déterminer si l'employeur démontre que les faits établis par le salarié sont étrangers à tout harcèlement moral ; qu'à l'appui de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire de son contrat, la salariée faisait valoir qu'elle avait fait l'objet d'un harcèlement moral de la part de son employeur, caractérisé par des humiliations et une mise à l'écart permanente, l'affectation à des tâches subalternes, de nombreuses retenues salariales indues sur ses heures de délégation syndicale et le fait qu'elle n'était régulièrement pas convoquée aux réunions de la délégation unique du personnel, l'ensemble de ces agissements ayant fortement dégradé ses conditions de travail et son état de santé, se trouvant placée en arrêt maladie durant de longues périodes et finalement déclarée « inapte à tout poste administratif à temps plein dans les locaux de l'entreprise » par l'inspecteur du travail ; qu'elle produisait en ce sens, outre 12 attestations et une pétition émanant de ses collègues, de nombreux courriers adressés par l'inspecteur du travail à l'employeur relatifs aux manquements de ce dernier, l'ordonnance de référé ayant condamné l'employeur à lui régler ses heures de délégation, des certificats médicaux faisant état de son état dépressif et de son invalidité, ainsi que ses avis d'inaptitude ; que, pour débouter la salariée de ses demandes à ce titre, la Cour d'appel s'est bornée à examiner les attestations et la pétition qu'elle versait, sans prendre en considération les faits par elle invoqués dans leur ensemble ; qu'en statuant de la sorte, la Cour d'appel a violé les articles 1152-1 et 1154-1 du code du travail ;
ALORS aussi QU'en déboutant la salariée de ses demandes, au motif qu'elle « n'apportait aucun élément sérieux » « permettant d'établir la " mise au placard " qu'elle alléguait », alors qu'il lui revenait seulement d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, la Cour d'appel a violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;
ALORS encore QU'aux termes de l'article L. 1134-1 du code du travail, en cas de litige relatif à une discrimination syndicale, il appartient seulement au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, l'employeur devant prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que les juges sont tenus de prendre en considération l'ensemble des éléments présentés par le salarié ; qu'au soutien de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire de son contrat, la salariée faisait valoir qu'elle avait également été victime de discrimination syndicale, caractérisé, comme le harcèlement, par des humiliations et une mise à l'écart permanente, l'affectation à des tâches subalternes, le fait qu'elle n'était régulièrement pas convoquée aux réunions de la délégation unique du personnel, et de nombreuses retenues de salaire indues sur ses heures de délégation syndicale, produisant en ce sens, outre 12 attestations et une pétition, les nombreux courriers adressés par l'inspecteur du travail à l'employeur relatifs aux manquements de ce dernier, ainsi que l'ordonnance de référé ayant condamné l'employeur au remboursement des retenues sur heures de délégation ; que néanmoins, pour débouter la salariée de ses demandes, la Cour d'appel s'est bornée à prendre en considération les 12 attestations et la pétition versées par cette dernière, retenant qu'elle « n'apportait ainsi aucun élément sérieux de nature à établir qu'elle avait fait l'objet de mesures particulières, moins favorables que celles dispensées auprès d'autres employés occupant des postes similaires ou comparables » ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'apprécier si l'ensemble des éléments invoqués par la salariée laissaient supposer l'existence d'une discrimination, la Cour d'appel a violé l'article 1134-1 du code du travail ;
ALORS enfin QUE les décisions de la justice pénale n'ont autorité au civil que relativement aux mêmes faits ; que cependant, pour débouter la salariée de ses demandes, la Cour d'appel a retenu in fine que « les faits de discrimination syndicale reprochés à l'employeur ont fait l'objet d'une relaxe définitive selon arrêt de la Cour d'Appel de Paris en date du 17 novembre 2003, statuant en matière correctionnelle et ne sauraient être à nouveau examinés par la présente juridiction » ; qu'en statuant de la sorte, alors que la salariée faisait valoir des faits postérieurs aux faits incriminés ayant fait l'objet de ladite relaxe, qu'il appartenait aux juges d'examiner, la Cour d'appel a violé le principe de l'autorité, au civil, de la chose jugée au pénal ;